Texte intégral
F. Laborde La représentation nationale va donner son opinion aujourd'hui. Les députés sont en effet invités à entendre et à poser des questions à H. Védrine et A. Richard en commission spéciale. C'est bien cela ?
- "C'est bien cela, c'est ce matin. Les commissions de la Défense et des Affaires étrangères se réunissent ensemble et procéderont à l'audition des deux ministres, mais ce n'est pas la première fois que nous le faisons. Cela a commencé le 14 septembre dernier, trois jours après les événements de New York et de Washington. Cela s'est poursuivi par une information du Parlement, donnée par le Premier ministre le 3 octobre, et nous avons parallèlement mis en place une mission d'information au sein de la commission de la Défense, pour permettre en continue l'information de l'Assemblée nationale."
Il y a un petit début de polémique sur la saisine ou pas de l'Assemblée nationale. Plusieurs groupes parlementaires et formations politiques ont demandé qu'il y ait un débat à l'Assemblée nationale, cette demande venant aussi bien de l'opposition que de la majorité plurielle. De là à penser que c'est peut-être pour éviter des déchirements à l'intérieur de la majorité que vous préférez faire cela à huis-clos, plutôt qu'avec tout le faste et la publicité d'un débat public à l'Assemblée, il n'y a qu'un pas ?
- "Vous voulez que je vous donne ma préférence ? Je préfère une assemblée sérieuse qu'une assemblée qui "blablatte" sur des sujets, un peu en l'air, sans qu'il n'y ait de résultats concrets à attendre. L'Assemblée, depuis le départ, a été associée, parce que telle était la volonté du Gouvernement et du Premier ministre, L. Jospin. J'étais évidemment en relation en permanence avec lui. Et nous avons ensemble mis au point la manière dont il convenait que nous soyons informés des décisions que pouvait être amené à prendre le Gouvernement, dans le cadre notamment d'un engagement militaire de la France aux côtés des Etats-Unis d'Amérique. Pour l'instant, par rapport au 3 octobre où nous avons eu un débat public, où tous les groupes politiques ont pu s'exprimer, il n'y a pas de données nouvelles."
Il y a une chose qui s'est passée par rapport au 3 octobre: ce sont les frappes américaines en Afghanistan. Ce n'est pas rien.
- "Cela, les télévisions, les journaux en ont parlé. Tout le monde est informé. Nous n'avons pas d'intervention particulière des forces françaises aux côtés des Etats-Unis. Il n'y a pas de présence militaire dans les événements qui se sont produits depuis deux jours en Afghanistan, et par conséquent, je ne vois pas ce qui aurait justifié qu'aujourd'hui, nous réunissions le Parlement pour donner une information qui, je le répète, a déjà été donnée le 3 octobre dernier."
Pourquoi ne pas dire tout simplement qu'il y a une stratégie militaire, qui n'est pas forcément publique, qu'il y a des secrets-défense, qu'on n'a pas envie d'en parler publiquement, et donc qu'on décide de faire quelque chose à huis-clos. Cela aura au moins le mérite de la franchise ?
- "Il y a deux choses : il y a en réalité sans doute des interventions des services discrets - services secrets, notamment DGSE - ce qu'a dit A. Richard, hier matin, sur les antennes. La présence de quelques hommes sur le terrain en Afghanistan date sans doute depuis assez longtemps, bien avant sans doute que les frappes n'interviennent, et sans doute bien avant les événements du 11 septembre. Traditionnellement, la France était présente dans cette partie du monde. De là à faire un parallèle avec un engagement militaire, c'est-à-dire sans doute des centaines, voire des milliers d'hommes qui interviendraient sur le terrain soit en Afghanistan, soit ailleurs, il y a évidemment une différence de nature. Ce que je souhaite, c'est qu'à partir du moment où la France déciderait d'être aux côtés des Etats-Unis, militairement parlant, pour mener un certain nombre d'opérations, il doit y avoir à ce moment-là une information du Parlement."
Cela veut dire qu'avant un engagement plus conséquent de la France, il y aura un débat de la représentation nationale ? Avec vote ou pas ?
- "Le Premier ministre s'y est engagé. Il est évident que nous aurons cette information donnée au Parlement. Quant au vote, il appartiendra à la conférence de présidents d'en décider. J'ai, ce matin, à 10 heures, une conférence des présidents qui va sans doute débattre de cette question. Cet après-midi, le Gouvernement sera sans doute interrogé dans le cadre des Questions d'actualité et je vous rappelle que demain, après-midi, le Sénat - la deuxième chambre du Parlement - sera informé par le Gouvernement de la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui. C'est le voeu qu'avait exprimé L. Jospin il y a déjà de cela plusieurs jours. L'Assemblée était informée le 3, le Sénat demain. Par conséquent, je ne vois pas ce que l'on veut de plus."
Vous avez eu à plusieurs reprises le Premier ministre. Est-il dans cette démarche-là ? On a le sentiment, vu de l'extérieur, que tout de même, on est un petit peu inquiet des tiraillements à l'intérieur de la majorité plurielle ?
- "Non, très franchement, chacun a son opinion évidemment."
Mais les communistes disent qu'il faudra débattre, quand les Verts disent...
- "Ce qui me paraît beaucoup plus important que ce débat d'aujourd'hui, c'est la solidarité qui a été exprimée au lendemain des événements du 11 septembre. Cela n'est pas discutable. Tout le monde a exprimé sa solidarité à l'égard du peuple américain. Qu'il y ait quelques différences en ce qui concerne la coopération entre la France et les Etats-Unis, entre le reste du monde et les Etats-Unis, c'est tout à fait naturel, chacun a son opinion sur ce point. Mais ce qui me paraît quand même important, c'est ce qu'ont annoncé à la fois le président de la République et le Premier ministre : la France s'engagera aux côtés des Etats-Unis pour lutter contre le terrorisme international, non seulement d'ailleurs sur le plan militaire, mais dans d'autres domaines, sur le plan judiciaire, sur le plan du renseignement. Et je me réjouis que cette coopération conduise, par exemple, la Grande-Bretagne à extrader Raddad. Il arrivera en France dans quelques jours. C'est une demande qui date d'il y a deux ans. Elle est aujourd'hui satisfaite parce qu'on se rend compte que lutter contre le terrorisme, ce n'est pas simplement l'affaire des Etats à l'intérieur de leurs frontières, c'est évidemment la nécessité d'une coopération internationale. Il est beaucoup plus intéressant que nous évoquions cela, plutôt que de parler de la présence de quelques membres de la DGSE sur le terrain en Afghanistan. Cela n'a qu'une importance relative et si on veut conserver l'efficacité à cette présence, il faut peut-être éviter d'en parler de la tribune de l'Assemblée nationale ou à la télévision, comme je le fais ce matin."
Les Américains pourraient demander un soutien supplémentaire à la France. Quelle forme cela pourrait prendre ?
- "Je ne suis pas stratège, je ne suis pas militaire, je ne fais pas partie de l'Etat-major."
Mais vous êtes informé : les ministres vous en parlent ?
- "Bien entendu. Pour l'instant, il y a deux frégates qui sont au large de l'Afghanistan, du côté de la mer d'Oman. Il est tout à fait évident que c'est à partir de bases qui sont situées à l'Est de l'Afrique - je pense à Djibouti - que les forces militaires françaises pourraient être appelées à intervenir aux côtés des Etats-Unis. Cette présence logistique est une présence non pas symbolique, mais qui accompagne la démarche. Demain, il peut y avoir un engagement des hommes et des femmes des troupes françaises. Et, dans ce cas-là, on passe évidemment à un autre niveau, parce que tout simplement la vie de ces gens-là sera en cause - ou peut être en cause - et il me paraît donc évident que c'est à partir de ce moment-là que l'information devra être donnée."
Il n'y a pas de divergence entre Matignon et l'Elysée sur la gestion de cette crise ?
- "Je ne vois pas de divergence. Je constate que les déclarations du président de la République coïncident avec la mise en oeuvre de la politique telle que la décide L. Jospin au niveau gouvernemental. Je ne souhaite pas qu'il y ait divergence, parce que dans un moment pareil, toute divergence serait, à mon sens, pour la France elle-même et pour l'image que l'on donne à l'extérieur, assez catastrophique. Cela suppose que chacun assume les responsabilités qui sont les siennes : le président de la République a un rôle, le Premier ministre a une mission à accomplir, une tâche à remplir. Je crois que chacun, à la place où il est, le fait dans des conditions qui ne sont pas critiquables."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 10 octobre 2001)
- "C'est bien cela, c'est ce matin. Les commissions de la Défense et des Affaires étrangères se réunissent ensemble et procéderont à l'audition des deux ministres, mais ce n'est pas la première fois que nous le faisons. Cela a commencé le 14 septembre dernier, trois jours après les événements de New York et de Washington. Cela s'est poursuivi par une information du Parlement, donnée par le Premier ministre le 3 octobre, et nous avons parallèlement mis en place une mission d'information au sein de la commission de la Défense, pour permettre en continue l'information de l'Assemblée nationale."
Il y a un petit début de polémique sur la saisine ou pas de l'Assemblée nationale. Plusieurs groupes parlementaires et formations politiques ont demandé qu'il y ait un débat à l'Assemblée nationale, cette demande venant aussi bien de l'opposition que de la majorité plurielle. De là à penser que c'est peut-être pour éviter des déchirements à l'intérieur de la majorité que vous préférez faire cela à huis-clos, plutôt qu'avec tout le faste et la publicité d'un débat public à l'Assemblée, il n'y a qu'un pas ?
- "Vous voulez que je vous donne ma préférence ? Je préfère une assemblée sérieuse qu'une assemblée qui "blablatte" sur des sujets, un peu en l'air, sans qu'il n'y ait de résultats concrets à attendre. L'Assemblée, depuis le départ, a été associée, parce que telle était la volonté du Gouvernement et du Premier ministre, L. Jospin. J'étais évidemment en relation en permanence avec lui. Et nous avons ensemble mis au point la manière dont il convenait que nous soyons informés des décisions que pouvait être amené à prendre le Gouvernement, dans le cadre notamment d'un engagement militaire de la France aux côtés des Etats-Unis d'Amérique. Pour l'instant, par rapport au 3 octobre où nous avons eu un débat public, où tous les groupes politiques ont pu s'exprimer, il n'y a pas de données nouvelles."
Il y a une chose qui s'est passée par rapport au 3 octobre: ce sont les frappes américaines en Afghanistan. Ce n'est pas rien.
- "Cela, les télévisions, les journaux en ont parlé. Tout le monde est informé. Nous n'avons pas d'intervention particulière des forces françaises aux côtés des Etats-Unis. Il n'y a pas de présence militaire dans les événements qui se sont produits depuis deux jours en Afghanistan, et par conséquent, je ne vois pas ce qui aurait justifié qu'aujourd'hui, nous réunissions le Parlement pour donner une information qui, je le répète, a déjà été donnée le 3 octobre dernier."
Pourquoi ne pas dire tout simplement qu'il y a une stratégie militaire, qui n'est pas forcément publique, qu'il y a des secrets-défense, qu'on n'a pas envie d'en parler publiquement, et donc qu'on décide de faire quelque chose à huis-clos. Cela aura au moins le mérite de la franchise ?
- "Il y a deux choses : il y a en réalité sans doute des interventions des services discrets - services secrets, notamment DGSE - ce qu'a dit A. Richard, hier matin, sur les antennes. La présence de quelques hommes sur le terrain en Afghanistan date sans doute depuis assez longtemps, bien avant sans doute que les frappes n'interviennent, et sans doute bien avant les événements du 11 septembre. Traditionnellement, la France était présente dans cette partie du monde. De là à faire un parallèle avec un engagement militaire, c'est-à-dire sans doute des centaines, voire des milliers d'hommes qui interviendraient sur le terrain soit en Afghanistan, soit ailleurs, il y a évidemment une différence de nature. Ce que je souhaite, c'est qu'à partir du moment où la France déciderait d'être aux côtés des Etats-Unis, militairement parlant, pour mener un certain nombre d'opérations, il doit y avoir à ce moment-là une information du Parlement."
Cela veut dire qu'avant un engagement plus conséquent de la France, il y aura un débat de la représentation nationale ? Avec vote ou pas ?
- "Le Premier ministre s'y est engagé. Il est évident que nous aurons cette information donnée au Parlement. Quant au vote, il appartiendra à la conférence de présidents d'en décider. J'ai, ce matin, à 10 heures, une conférence des présidents qui va sans doute débattre de cette question. Cet après-midi, le Gouvernement sera sans doute interrogé dans le cadre des Questions d'actualité et je vous rappelle que demain, après-midi, le Sénat - la deuxième chambre du Parlement - sera informé par le Gouvernement de la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui. C'est le voeu qu'avait exprimé L. Jospin il y a déjà de cela plusieurs jours. L'Assemblée était informée le 3, le Sénat demain. Par conséquent, je ne vois pas ce que l'on veut de plus."
Vous avez eu à plusieurs reprises le Premier ministre. Est-il dans cette démarche-là ? On a le sentiment, vu de l'extérieur, que tout de même, on est un petit peu inquiet des tiraillements à l'intérieur de la majorité plurielle ?
- "Non, très franchement, chacun a son opinion évidemment."
Mais les communistes disent qu'il faudra débattre, quand les Verts disent...
- "Ce qui me paraît beaucoup plus important que ce débat d'aujourd'hui, c'est la solidarité qui a été exprimée au lendemain des événements du 11 septembre. Cela n'est pas discutable. Tout le monde a exprimé sa solidarité à l'égard du peuple américain. Qu'il y ait quelques différences en ce qui concerne la coopération entre la France et les Etats-Unis, entre le reste du monde et les Etats-Unis, c'est tout à fait naturel, chacun a son opinion sur ce point. Mais ce qui me paraît quand même important, c'est ce qu'ont annoncé à la fois le président de la République et le Premier ministre : la France s'engagera aux côtés des Etats-Unis pour lutter contre le terrorisme international, non seulement d'ailleurs sur le plan militaire, mais dans d'autres domaines, sur le plan judiciaire, sur le plan du renseignement. Et je me réjouis que cette coopération conduise, par exemple, la Grande-Bretagne à extrader Raddad. Il arrivera en France dans quelques jours. C'est une demande qui date d'il y a deux ans. Elle est aujourd'hui satisfaite parce qu'on se rend compte que lutter contre le terrorisme, ce n'est pas simplement l'affaire des Etats à l'intérieur de leurs frontières, c'est évidemment la nécessité d'une coopération internationale. Il est beaucoup plus intéressant que nous évoquions cela, plutôt que de parler de la présence de quelques membres de la DGSE sur le terrain en Afghanistan. Cela n'a qu'une importance relative et si on veut conserver l'efficacité à cette présence, il faut peut-être éviter d'en parler de la tribune de l'Assemblée nationale ou à la télévision, comme je le fais ce matin."
Les Américains pourraient demander un soutien supplémentaire à la France. Quelle forme cela pourrait prendre ?
- "Je ne suis pas stratège, je ne suis pas militaire, je ne fais pas partie de l'Etat-major."
Mais vous êtes informé : les ministres vous en parlent ?
- "Bien entendu. Pour l'instant, il y a deux frégates qui sont au large de l'Afghanistan, du côté de la mer d'Oman. Il est tout à fait évident que c'est à partir de bases qui sont situées à l'Est de l'Afrique - je pense à Djibouti - que les forces militaires françaises pourraient être appelées à intervenir aux côtés des Etats-Unis. Cette présence logistique est une présence non pas symbolique, mais qui accompagne la démarche. Demain, il peut y avoir un engagement des hommes et des femmes des troupes françaises. Et, dans ce cas-là, on passe évidemment à un autre niveau, parce que tout simplement la vie de ces gens-là sera en cause - ou peut être en cause - et il me paraît donc évident que c'est à partir de ce moment-là que l'information devra être donnée."
Il n'y a pas de divergence entre Matignon et l'Elysée sur la gestion de cette crise ?
- "Je ne vois pas de divergence. Je constate que les déclarations du président de la République coïncident avec la mise en oeuvre de la politique telle que la décide L. Jospin au niveau gouvernemental. Je ne souhaite pas qu'il y ait divergence, parce que dans un moment pareil, toute divergence serait, à mon sens, pour la France elle-même et pour l'image que l'on donne à l'extérieur, assez catastrophique. Cela suppose que chacun assume les responsabilités qui sont les siennes : le président de la République a un rôle, le Premier ministre a une mission à accomplir, une tâche à remplir. Je crois que chacun, à la place où il est, le fait dans des conditions qui ne sont pas critiquables."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 10 octobre 2001)