Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur la rentrée universitaire et les objectifs du gouvernement en matière d'enseignement supérieur, à Paris le 19 septembre 2013.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence des présidents d'universités et des présidents des organismes de recherche, à l'hôtel de Matignon le 19 septembre 2013

Texte intégral

Madame la ministre,
Mesdames et messieurs les présidents,
Mesdames et messieurs les directeurs,
Mesdames et messieurs,
Je suis très heureux de vous accueillir ici, à l'Hôtel de Matignon, en cette période de rentrée universitaire.
Vous recevoir ici, pour la première fois dans l'histoire de votre conférence, c'est vous exprimer la reconnaissance que j'estime être due aux missions qui sont les vôtres. C'est vous dire tout ce que le Gouvernement attend de vous, de votre engagement mais aussi du monde universitaire et de la recherche, dans toute la diversité que vous représentez si bien.
Ce message de confiance, je vous l'avais déjà exprimé le 26 novembre dernier en ouvrant les Assises nationales de l'enseignement supérieur et de la recherche, initiées et pilotées par Geneviève Fioraso. Je le refais aujourd'hui à l'issue de la loi du 22 juillet à laquelle vous-mêmes, vos établissements mais aussi un débat public et parlementaire exceptionnellement riche, ont tant apporté. Tout cela est maintenant derrière nous.
Il faut désormais passer aux actes et mettre en œuvre les ambitions de cette loi.
Je pense en premier lieu à la réussite de tous nos étudiants.
Elle va de pair avec l'objectif d'amener 50% d'une génération à un diplôme d'enseignement supérieur.
Nous avons certes déjà atteint les 40% pour le bac + 2 mais nous restons bien en-deçà pour la licence, seul vrai diplôme de référence à l'échelle européenne.
C'est dire le chemin qui reste à accomplir et à quel point nous avons besoin de solutions nouvelles. Car nous n'atteindrons pas nos objectifs en conservant des méthodes mises en place quand l'enseignement supérieur accueillait quelques pourcents d'une classe d'âge, c'est-à-dire pour l'essentiel les héritiers d'une élite culturelle, sinon sociale.
Le grand pari de la démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur a certes été largement tenu. Mais en avons-nous pour autant transformé ses méthodes, ses hiérarchies plus ou moins implicites ? Avons-nous su en faire le moteur du mouvement social, de la dynamique économique et sociale dont la France a besoin ? A bien des égards, surtout si l'on considère la partie la plus sélective de notre enseignement supérieur, on peut faire le constat que la reproduction sociale des élites en est plus que jamais le trait dominant.
C'est ce constat qui nous a amenés à ouvrir davantage l'enseignement supérieur aux bacheliers professionnels et technologiques dans les filières où leurs chances de réussite sont réelles. C'est en effet leur progression ces dernières années qui explique seule l'accroissement de la proportion d'une génération atteignant le niveau du baccalauréat et ils représentent aujourd'hui un bachelier sur deux. C'est également ce constat qui nous amène à vouloir recréer du lien entre enseignement scolaire et enseignement supérieur, à créer une coopération nouvelle entre filières sélectives et non sélectives, ou encore à concevoir la licence comme une spécialisation progressive.
Disons le nettement : vous êtes attendus sur votre capacité à prendre en charge ce défi nouveau de porter 50% d'une génération au niveau de la licence. Et donc sur votre capacité à innover dans cette perspective, en modifiant à la fois vos méthodes et outils pédagogiques, vos modes de fonctionnement et d'utilisation de vos moyens.
C'est aussi dans cet objectif d'assurer la réussite pour tous que la mission vous a d'ailleurs été confiée de ressusciter la formation des maîtres.
Elle est une marque de la confiance que nous faisons aux universités. Nous comptons sur elles pour concilier les exigences d'une formation de haut niveau et celles d'une professionnalisation effective des étudiants. Cela suppose que vous sachiez inventer une forme d'alternance adaptée aux étudiants. Cela suppose que vous puissiez réinventer de nouvelles relations avec l'univers professionnel des futurs enseignants, comme vous avez su le faire avec l'hôpital ou les entreprises pour la formation des médecins ou des ingénieurs. Vous réussirez si vous savez vous associer les compétences indispensables, celles issues de la pratique enseignante effective dans le primaire et le secondaire. Ce faisant vous contribuerez à recréer un lien essentiel et pourtant peu à peu disparu.
Là est la clé du succès des ESPE. Mais là aussi est la clé d'une autre réussite, encore plus essentielle, celle de la refondation de l'école.
Tous ces objectifs se rejoignent au service de la réussite pour tous.
Là encore, la loi du 22 juillet a eu le mérite de dire clairement que cette réussite passera par l'amélioration des conditions de vie et de travail de nos étudiants. En même temps que l'on préparait la nouvelle loi, le gouvernement s'est attaché à débloquer les opérations du plan Campus dans tous les sites, nombreux, où elles n'avaient guère avancé du fait de la complexité des procédures imposées.
De même a été réaffirmé l'objectif de 40.000 logements sociaux d'ici la fin du quinquennat avec des résultats tangibles dès la rentrée 2013 : plus de 8000 logements ont ainsi été réhabilités ou construits cette année.
Je pense également à l'expérimentation d'une caution locative solidaire pour faciliter l'accès au parc privé de logements. Mais je pense aussi à la réforme du système des bourses dans le sens d'une répartition plus équitable de l'aide publique.
La création d'un échelon supplémentaire va permettre à 55.000 étudiants ne bénéficiant jusqu'ici que de la dispense des droits d'inscription de percevoir une aide financière de 1000€/an. De même, la création d'un échelon supérieur porte l'aide financière à 5500€/an pour les plus démunis de nos étudiants. Au total, dès cette année, ce sont près de 100.000 étudiants qui verront leur situation s'améliorer.
Il était normal que les plus fragiles soient les premiers bénéficiaires de cette réforme dont les prolongements sont actuellement à l'étude et feront l'objet de décisions dans le courant de l'année.
C'est le choix d'une plus grande autonomie pour les étudiants comme le demandent leurs organisations les plus représentatives. C'est aussi le choix de la justice en même temps que celui de l'efficacité.
Car, dans ce domaine comme dans tant d'autres, la justice est une condition de l'efficacité.
C'est en démocratisant notre système universitaire que nous donnerons à la France les viviers de recrutement pour toutes les compétences dont elle a besoin. Il faut sortir du malthusianisme et ouvrir les portes de notre système universitaire.
Ouvrir notre enseignement supérieur, c'est aussi l'orienter vers le développement économique et social de la Nation. C'est notre deuxième ambition.
Vous le savez mieux que personne parce que vous le vivez : il n'y a aucune incompatibilité entre l'ambition scientifique la plus haute et le souci de contribuer au développement de sa région ou de son pays. La loi est de ce point de vue un acte de confiance.
Il ne s'agit pas, comme certaines critiques le laissent entendre, de rabaisser nos ambitions scientifiques pour n'en considérer que les applications productives. Il ne s'agit pas de « séculariser » la recherche. Bien au contraire, ce qu'il faut construire c'est ce pont encore trop fragile qui unit la recherche fondamentale et le processus qui conduit, à partir d'elle, jusqu'à la mise sur le marché de produits et services compétitifs parce qu'innovants.
Ne pas comprendre cela, c'est ne rien comprendre aux ressorts du développement aujourd'hui. Pire c'est priver la France de ses chances de retrouver le chemin de la croissance, de la prospérité et de son rayonnement international.
Mon gouvernement a pris ses responsabilités dans ce domaine, notamment en lançant le programme des investissements d'avenir.
Dans peu de temps je préciserai le nouveau programme d'investissement d'avenir annoncé avant l'été.
L'enseignement supérieur et la recherche y occuperont de nouveau une place de choix. Une deuxième génération d'initiatives ou d'équipements d'excellence sera lancée – les fameux Idex et Equipex. Nous mobiliserons également les investissements d'avenir au service du projet « France Université Numérique » porté par la ministre. Non seulement pour faire mieux rayonner la qualité de vos enseignements mais aussi pour y trouver de nouveaux ressorts de réussite pour vos étudiants.
Enfin, un soutien sera également offert aux plateformes technologiques, à l'innovation ou encore aux usages numériques dans l'enseignement. Il reviendra à vos établissements de savoir saisir ces opportunités.
Cela ne se fera pas sans innover. Dans les méthodes pédagogiques, bien sûr, mais aussi dans vos politiques de recherche. Je ne connais pas un pays aujourd'hui dont les succès économiques et sociaux ne sont pas appuyés sur une recherche fondamentale brillante, source constante d'innovation. C'est cette chaîne de l'innovation que nous devons apprendre à construire en France.
Dans peu de temps j'annoncerai le plan pour l'innovation élaboré conjointement par G. Fioraso et F. Pellerin. Mais je compte également sur vous pour jeter tous les ponts nécessaires non seulement entre enseignement et recherche, ce qui est votre culture, mais également entre recherche et développement au sens le plus large et le plus noble de ce terme !
Vous devez montrer que la notion de transfert de connaissances et de découvertes est au cœur du métier d'enseignant-chercheur, et que cela ne se limite pas aux seuls étudiants.
Hölderlin disait : « nous ne sommes rien, ce que nous cherchons est tout ». C'est à cette mission que chacun doit être fidèle. Elle nous engage vis-à-vis de la société et du territoire dans lequel nous œuvrons.
Et l'idée même que nos établissements puissent vivre à l'écart du monde et selon des objectifs qui animent notre société serait une erreur profonde et un contresens par rapport à votre mission de service public.
Lors d'un de vos récents colloques, vous avez parfaitement souligné la façon dont peu à peu vos établissements pouvaient trouver un équilibre dynamique, affirmant votre ancrage territorial sans rien céder de vos ambitions scientifiques.
Plusieurs occasions se présenteront bientôt de conforter cet ancrage territorial. J'ai lancé ici-même, la semaine dernière, les travaux préparatoires des nouveaux contrats de projet - Etat-Région.
Vous y aurez toute votre place puisque le gouvernement a retenu l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation comme l'une des cinq grandes priorités stratégiques qui leur sont assignées.
J'attends de cette nouvelle génération de CPER qu'ils traduisent concrètement cette nouvelle alliance au service de la qualité de notre enseignement supérieur et de notre recherche mais aussi au service des territoires.
C'est dans cet objectif aussi que les futures communautés d'universités et d'établissements que la loi vous demande de constituer prennent leur sens. La France doit s'appuyer sur un ensemble de pôles scientifiques territoriaux, à la fois mieux visibles et plus attractifs à l'échelle internationale car c'est à cette échelle que se joue désormais la compétitivité scientifique et technologique. Il ne s'agit pas là simplement d'un objectif de gouvernance académique, mais au moins tout autant d'un enjeu de recomposition de notre territoire.
En m'exprimant devant vous l'an dernier, je formulais des orientations pour la future loi et au-delà pour un nouvel agenda scientifique concernant à la fois l'enseignement supérieur et la recherche.
La loi du 22 juillet nous offre le cadre rénové au sein duquel déployer ce nouvel agenda. Sous l'autorité de la ministre, il faut maintenant le préciser et le mettre en œuvre. L'évolution de la gouvernance prévue par la loi vous y aidera.
Toutes les conditions sont ainsi réunies pour que la rentrée universitaire puisse s'effectuer dans des conditions au moins aussi bonnes que la rentrée scolaire qui vient d'avoir lieu. Des moyens importants sont mis en œuvre pour conforter vos missions. L'enseignement supérieur et la recherche resteront une priorité de notre Gouvernement, et le projet de loi de finances que je présenterai la semaine prochaine en Conseil des ministres l'illustrera clairement. Il confirmera notamment l'engagement de création de 1000 emplois par an au bénéfice de l'effort pédagogique indispensable en licence.
Je sais les préoccupations financières de certains d'entre vous. Je sais aussi, madame la ministre, le soin que vous prenez à ce que ces établissements soient accompagnés dans les phases les plus difficiles.
Mais là aussi, je fais le pari de la confiance. Confiance en les vertus de l'autonomie mais plus encore en votre capacité à vous en emparer intelligemment pour donner à l'enseignement supérieur et à la recherche, les traits que la France de ce siècle nouveau attend.
Alors l'université, dans la diversité de ses formes sera pleinement l'université de la République.
En cette période de rentrée, c'est le vœu que je formule chaleureusement pour l'année qui s'ouvre.
Excellente rentrée à tous !
Source http://www.gouvernement.fr, le 20 septembre 2013