Interview de M. Bernard Cazeneuve, ministre du budget, à "Europe 1" le 5 septembre 2013, sur la politique budgétaire du gouvernement.

Prononcé le

Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous, vous étiez pendant tout l’été, quel silence, tout l’été, quel silence !
BERNARD CAZENEUVE
Mais l’été, c’est un moment de travail pour le ministre du Budget. Ce n’est pas un moment de tohu-bohu médiatique. Il y a trois temps, dans le travail du ministre du Budget. Le temps de l’été, on prépare le budget méticuleusement avec ses collaborateurs, avec les chefs d’entreprises, avec le président de la République, le temps du mois de septembre où on prépare les arbitrages qui vont être rendus et puis dans quelques semaines, on va rentrer dans le débat parlementaire et là, vous serez peut-être saturé de ma parole.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais autrement, mieux vaut pendant l’été, éviter de bavarder pour ne pas avoir à démentir ses propos. Il y en a tellement qui le font. C’est la stratégie CAZENEUVE du silence créatif ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais vous ne manquez pas d’invité, le fait d’être dans le silence pendant l’été, ça évite d’avoir à parler tous les jours, en conduisant les auditeurs à oublier ce qu’on dit.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous préparez le budget 2014, Bernard CAZENEUVE, pour le boucler, on disait qu’il vous faudrait une hausse de 6 milliards d’euros. Est-ce que c’est plus ou moins que 6 milliards ?
BERNARD CAZENEUVE
C’est moins que 6 milliards.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Combien ?
BERNARD CAZENEUVE
C’est beaucoup moins que 6 milliards, je vais vous dire pourquoi ? Parce que l’objectif que nous, nous sommes fixés c’est…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non, mais dites combien d’abord ?
BERNARD CAZENEUVE
Ça sera rendu public à l’occasion de la loi de finance.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On dit dans LES ECHOS de ce matin, on dit 2 milliards, est-ce que c’est autour de ça ? C'est-à-dire le tiers des 6 c’est important.
BERNARD CAZENEUVE
Notre objectif, c’est d’aller vers la stabilisation de la pression fiscale avec un an d’avance. Donc si nous parvenons à documenter nos économies, ce que je ferais au moment de la présentation de la loi de finance avec pertinence et force, nous parviendrons à avoir la stabilisation de la pression fiscale, en 2014. C’est le but !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En l’occurrence, ce sera moins que les 6 milliards ?
BERNARD CAZENEUVE
Beaucoup moins !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Beaucoup moins, beaucoup moins, ça va jusqu’à, le tiers, ou la moitié ?
BERNARD CAZENEUVE
La loi de finance, c’est dans 10 jours.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Chacun a sa formule, vous n’employez pas « ras-le-bol fiscal » vous, mais est-ce que vous dites la saturation fiscale est atteinte, et même les hausses d’impôts ça suffit !
BERNARD CAZENEUVE
Non, ce que je dis, c’est que les économies doivent être l’instrument du bouclage du budget. Aussi longtemps que nous parviendrons à faire davantage d’économie et je souhaite que ce soit la doctrine, que ce soit le moyen, que ce soit l’instrument, nous n’aurons pas à faire d’impôt. Chaque économie supplémentaire ce sont des impôts en moins pour les Français et moi, je veux être le ministre des économies, pas le ministre des impôts.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le président HOLLANDE a lancé une pause fiscale, ça vient ? C’est pour quand ?
BERNARD CAZENEUVE
C’est 2014, je vais d’ailleurs dans quelques jours, rendre public les dispositions que nous prenons, par exemple, pour les entreprises, pour les ménages en montrant que pour les entreprises, comme pour les ménages, nous allons dans une direction simple, simplification de l’impôt, stabilisation de la pression et du paysage fiscal, et stimulation de la croissance. C’est ce que j’appelle les 3 S.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous garantissez, Bernard CAZENEUVE qu’en 2014, Bercy ne créera pas de nouveaux impôts pour les Français ?
BERNARD CAZENEUVE
Mon objectif, c’est plutôt de simplifier le paysage. Il y a non seulement trop de pressions fiscales, mais il y a aussi trop de taxes. Et nous devons créer les conditions pour qu’il y ait moins de taxes. Simplifier le paysage fiscal, de manière à ce que les entreprises comme les ménages aient une visibilité de l’avenir, qui les conduisent à prendre des risques, à investir, à faire le pari de la croissance.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La trajectoire fiscale pour 2015, c’est aussi la baisse, ou ce que vous appelez la stabilisation ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais par exemple, pour les entreprises, ce que je souhaite, c’est qu’il y ait moins d’impôts pour les entreprises, c'est-à-dire moins de taxe. Il y a aujourd’hui, par exemple, deux taxes sur le chiffre d’affaires, il y a l’impôt sur les sociétés, il y a la taxe sur les dividendes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et alors l’impôt sur les sociétés, il peut baisser aussi ?
BERNARD CAZENEUVE
Et ce que je souhaite, c’est que nous puissions, c’est que nous puissions faire en sorte, qu’à terme, le paysage fiscal soit simplifié, qu’on supprime des impôts qui sont des impôts économiquement absurdes, qu’on les remplace par des impôts qui ont une pertinence et que nous essayons avec une concertation étroite avec le monde de l’entreprise, à engager l’économie française, vers la croissance, par la diminution de la pression fiscale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On vous a vu au MEDEF et vous recevez les patrons, vous faites ami-ami avec les patrons, vous leur promettez…
BERNARD CAZENEUVE
Non, je ne fais pas ami-ami, je fais la transparence, on leur doit, de manière…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D’accord, vous leur promettez d’accompagner…
BERNARD CAZENEUVE
A ce qu’il y ait la croissance et l’emploi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D’accompagner les entreprises dans la compétitivité…
BERNARD CAZENEUVE
Mais il faut accompagner les entreprises dans la compétitivité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C’est urgent et quand on voit que le forum Davos a montré que la France recule, elle est 23ème, elle a perdu 5 places en deux ans.
BERNARD CAZENEUVE
Il y a eu un décrochage de l’économie française au cours du précédent quinquennat. Il y a un problème structurel de relation de ce pays à ces entreprises, il faut réconcilier les Français avec les entreprises et il faut créer un écosystème pour les entreprises qui garantissent le développement de la croissance et de l’emploi. C’est le travail auquel nous nous attelons avec Pierre MOSCOVICI et notre objectif, c’est de stabiliser le paysage fiscal.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bernard CAZENEUVE est-ce qu’il est imaginable, qu’un gouvernement socialiste baisse un jour les impôts ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais un gouvernement socialiste a déjà baissé les impôts par le passé, celui de François MITTERRAND, là où le septennat de Valéry GISCARD d’ESTAING avait été un septennat d’augmentation massive de la pression fiscale. Notre objectif c’est de faire en sorte que le redressement des comptes se fasse essentiellement, par les économies en dépense.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les économies, alors justement les dépenses publiques représentent 1200 milliards au budget de l’Etat, un peu plus de 380 etc. C'est-à-dire qu’il reste 800 milliards. Quel est le montant des économies pour les dépenses publiques préparé par Bernard CAZENEUVE ?
BERNARD CAZENEUVE
14 milliards en 2014. C’est la raison pour laquelle j’ai passé un été silencieux. Parce que cela ne se fait pas dans le tohu-bohu. Il faut parler avec les ministres, il faut les rencontrer les uns derrière les autres, il faut les convaincre, il faut parvenir à faire en sorte que l’administration se réforme.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bernard CAZENEUVE, « monsieur serre-la-vis » en douceur, tous vont y passer. Mais donner des exemples d’économie…
BERNARD CAZENEUVE
Mais tous y sont passés ! 14 milliards d’économie en dépense.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quels exemples par exemple ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais je vais vous donner des exemples extrêmement concrets. Nous ne parviendrions pas à faire 14 milliards d’économie en dépense, en 2014, si nous n’avions pas diminué de 2 %, les dépenses de fonctionnement de l’ensemble des ministères. Nous ne parviendrions pas, à faire 14 milliards d’économie, si nous n’avions pas décidé là où les dépenses des opérateurs de l’Etat avaient augmenté de 15 % au cours des dernières années et leurs frais de personnel de 6 %...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Exemple d’opérateur de l’Etat ?
BERNARD CAZENEUVE
Moins 4 %.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
L’exemple, exemple d’opérateur de l’Etat ?
BERNARD CAZENEUVE
Par exemple, l’ADEME est un opérateur de l’Etat, nous avons pris des dispositions pour que son budget soit maîtrisé, RFF est un opérateur de l’Etat…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D’accord ! L’Assurance maladie ? Il y aura des économies ?
BERNARD CAZENEUVE
Pour ce qui concerne l’Assurance maladie, nous avons exécuté le budget 2012, 1 milliard sous la norme que le précédent gouvernement s’était fixé. Nous aurons en 2014, des efforts de nouveaux sur l’Assurance maladie, parce qu’on peut très bien soigner les Français, en maîtrisant mieux la dépense maladie, et il y aura là aussi, des efforts très significatifs.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les collectivités territoriales qui multiplient les fonctionnaires, les doublons, ils font moins d’efforts que l’Etat ?
BERNARD CAZENEUVE
Les collectivités locales ont été appelées à un effort considérable, puisqu’il y aura 1,5 milliard d’économie sur les collectivités locales en 2014.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Deux questions très courtes et en même temps très directes. Selon LES ECHOS de ce matin, le gouvernement envisage de supprimer 2 réductions qui bénéficient aux familles ayant des enfants scolarisés dans le supérieur. Deux millions de familles seraient concernées, est-ce que vous confirmez ?
BERNARD CAZENEUVE
Ce que je confirme, c’est que nous allons nous attaquer aux niches fiscales, c’est 70 milliards, les niches fiscales. Il vaut mieux s’attaquer aux niches fiscales qu’augmenter les impôts. Et quoi qu’il arrive et quelles que soient les décisions qui seront prises en arbitrage, ce que je peux dire, ce matin sans prendre de risque, c’est que le gouvernement mobilisera des moyens pour accompagner de façon significative, les étudiants et notamment les étudiants qui sont les plus défavorisés, de manière ce qu’ils puissent suivre des études dans des bonnes conditions.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que si vous prenez ces mesures, vous prenez des mesures de compensations pour les étudiants ?
BERNARD CAZENEUVE
Il y aura des mesures qui seront destinées à faire en sorte que les parents qui n’ont pas les moyens d’accompagner leurs enfants dans leurs études soient aidés.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le G20 se réunit à Saint-Pétersbourg, en plus de la Syrie, il sera question de la bataille contre l’évasion fiscale. En France, depuis votre circulaire du mois de juin, combien vous avez ramené dans vos filets, Bernard CAZENEUVE, de fraudeurs fiscaux ?
BERNARD CAZENEUVE
La circulaire du mois de juin, c’est le droit commun. Le parlement a voté des lois, ces lois doivent s’appliquer à ceux qui ont oublié depuis trop longtemps de payer leurs impôts.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire ? C'est-à-dire ?
BERNARD CAZENEUVE
C'est-à-dire que ceux qui ont oublié depuis longtemps de payer leurs impôts viennent devant l’administration fiscale dans des conditions de droits communs, pas dans des cellules VIP…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D’accord ! Il y en a combien ?
BERNARD CAZENEUVE
1100. C'est-à-dire qu’en l’espace de deux mois, nous avons eu plus de personnes demandant leur régularisation qu’au cours des deux dernières années. Le dispositif qui a été mis en place et par conséquent un dispositif qui marche. C’est un succès.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et ça représente combien ? Ça représente combien d’argent 1100 ?
BERNARD CAZENEUVE
Nous le saurons bientôt, parce que ces dossiers sont en train d’être remplis…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais ça veut dire que c’est autant d’impôt en moins ? C’est ça ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais chaque fraudeur qui décide de payer des impôts c’est autant d’impôts en moins pour les Français qui les paient déjà.
THOMAS SOTTO
Merci, Bernard CAZENEUVE. Merci également Jean-Pierre ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci d’avoir rompu le silence avec nous, à EUROPE 1.
THOMAS SOTTO
L’été n’est pas le temps du tohu-bohu médiatique dit le ministre du Budget. Coucou Manuel VALLS, je pense qu’il aura apprécié vos propos. Merci Jean-Pierre ELKABBACH, à suivre sur EUROPE 1, « Le vrai/faux de l’info. » …
BERNARD CAZENEUVE
Ne me fâchez pas avec mes amis.
THOMAS SOTTO
Vous disiez…
BERNARD CAZENEUVE
Je disais que ce n’était pas destiné à Manuel VALLS qui est un très bon ministre, un excellent ministre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors à MOSCOVICI Pierre.
BERNARD CAZENEUVE
A personne. A personne parmi ceux du gouvernement qui travaillent bien.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 septembre 2013