Interview de M. Bernard Cazeneuve, ministre du budget, à "RMC" le 1er octobre 2013, sur le débat au sein du gouvernement sur la question des Roms, sur les orientations budgétaires pour 2014.

Prononcé le 1er octobre 2013

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

1er octobre 2013
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que c’est une rentrée gâchée pour le président de la République ?
BERNARD CAZENEUVE
Vous savez, ce qui compte lorsqu’on est en période de rentrée politique, ce sont les perspectives. Les perspectives, c’est l’inversion de la courbe du chômage ; c'est la volonté de faire en sorte que la croissance soit au rendez-vous et que les comptes publics se redressent. C’est ça, les objectifs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça ce sont les objectifs mais il y a aussi le quotidien, et le quotidien de celles et ceux qui nous écoutent, Bernard CAZENEUVE.
BERNARD CAZENEUVE
Oui. Mais ce qui compte lorsqu’on est en charge du gouvernement d’un pays dans une situation difficile - parce que nous avons des dettes, nous avons des déficits dont nous avons hérité, nous avons une croissance que nous voulons retrouver, nous avons un appareil productif à conforter, à redresser - c’est de ne jamais perdre de vue l’objectif et de ne pas se laisser impressionner par l’air du temps, sans jamais oublier d’écouter les Français, ce qu’ils disent, ce qu’ils ressentent, ce qu’ils éprouvent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors ça, ça me fait plaisir de vous entendre dire ça parce que les Français, on va les écouter – on les écoute tous les jours chez nous, Bernard CAZENEUVE, et je vais essayer de me faire l’interprète des Français. Bernard CAZENEUVE, vous étiez avec le président de la République hier.
BERNARD CAZENEUVE
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez dit, vous venez de dire il y a un instant : “Sans se laisser impressionner par la situation politique ou autre”. Ça veut dire que le président de la République ne se laisse impressionner par ce débat intergouvernemental entre Cécile DUFLOT et Manuel VALLS ? Vous en avez parlé avec lui ?
BERNARD CAZENEUVE
Si j’en avais parlé avec lui, Jean-Jacques BOURDIN, de toutes les façons je ne le dirai pas à l’antenne, parce que mes conversations avec le président de la République, je ne les rends jamais publiques.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il vous en a parlé ou pas ?
BERNARD CAZENEUVE
Je ne répondrai pas à cette question. Ce que je peux vous dire en revanche…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi est-ce que vous ne le dites pas ?
BERNARD CAZENEUVE
Je ne le dis pas parce que j’ai une règle, qui est une règle, un principe déontologique, c'est que jamais je n’évoque les conversations avec le président de la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sans connaître la teneur de la conversation, j’imagine que vous avez évoqué le sujet.
BERNARD CAZENEUVE
Je vous redis que je ne dirai rien sur ce point. En revanche, ce que je peux vous dire, c'est que le président de la République par construction sous la Vème République est au-dessus d’un certain nombre de contingences. Ce qui compte pour le président de la République, c'est que la ligne soit tenue, que la direction soit ferme, que dans la durée les résultats soient là. C'est ça qui compte. Et ce qui compte aussi, c’est que tout cela se fasse dans une relation avec les Français qui soit sans cesse confortée, et pour cela ça suppose que chaque ministre qui a une responsabilité s’efface devant la responsabilité qu’il exerce. Ce que nous sommes individuellement, nous les ministres, est moins important que la fonction qui nous a été confiée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que madame DUFLOT aurait dû s’effacer devant la responsabilité.
BERNARD CAZENEUVE
Mais pas madame DUFLOT : les ministres en général. Tout ce que nous faisons pour redresser le pays est plus important que ce que nous sommes. Nous devons nous concentrer sur l’objectif et oublier la dimension parfois narcissisante de la vie politique. Parce que quand un pays est en crise, on doit être entièrement à sa tâche, mobilisé, déterminé et encore une fois – je vous le redis – ce que nous sommes individuellement est moins important que ce pourquoi le président de la République nous a nommés. Et par ailleurs, juste un mot, le président de la République nous a nommés pour que nous l’aidions. Il ne nous a pas nommés pour que nous lui compliquions la tâche.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais qui lui complique la tâche ?
BERNARD CAZENEUVE
Les ministres doivent tous ensemble, collectivement, nous devons faire en sorte que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui lui a compliqué la tâche ? Je vais revenir sur la question, Bernard CAZENEUVE.
BERNARD CAZENEUVE
Jean-Jacques BOURDIN, j’émets un principe général qui est un principe de bonne gouvernance et ce principe de bonne gouvernance…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que certains lui ont compliqué la tâche.
BERNARD CAZENEUVE
J’émets un principe de bonne gouvernance qui doit nous rassembler tous. Ce qui fait la force d’un gouvernement, c’est la capacité de chaque ministre à s’effacer devant la fonction qu’il exerce.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d’accord.
BERNARD CAZENEUVE
Ça s’appelle le sens de l’État.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Justement, certains n’ont pas le sens de l’État. C'est ça que je comprends.
BERNARD CAZENEUVE
Ce n’est pas ce que je dis. Ce que je dis simplement, c’est que le sens de l’État dans un contexte de crise très profond qui nous oblige à prendre des décisions courageuses doit être notre boussole. Les Français d’ailleurs attendent cela. Ils attendent cette sobriété, cette modestie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Justement, le président de la République s’était adressé aux Français à travers une conférence de presse, c’était au printemps, Bernard CAZENEUVE. Voilà ce qu’il disait : “Plus aucun écart ministériel par rapport à la ligne gouvernementale ne sera toléré”.
BERNARD CAZENEUVE
Oui, mais quand vous prenez le débat dont on parle là, qui est le débat sur la question des Roms…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelle est la ligne gouvernementale ? c’est celle de Manuel VALLS ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais la ligne gouvernementale, c’est de la fermeté lorsqu’il y a des campements illicites et lorsqu’il y a des actes qui sont contraventionnels du droit, et de l’humanité parce que nous devons en France et en Europe aider à l’intégration des populations.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce la position de Manuel VALLS ?
BERNARD CAZENEUVE
C'est la position du gouvernement, c’est la position de Manuel VALLS, c'est la position aussi de Cécile DUFLOT.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ! Non puisqu’elle dit qu’il y a rupture du pacte républicain. Non, Bernard CAZENEUVE ! Vous ne pouvez pas dire que c’est la position de Cécile DUFLOT.
BERNARD CAZENEUVE
Lorsque Cécile DUFLOT, avec d’ailleurs ma modeste contribution, mobilise des moyens d’hébergement pour faire en sorte – et dans le budget 2014, nous créons cinq mille places d’hébergement supplémentaires, quatre mille cinq cents logements adaptés pour permettre ces processus d’intégration pour les populations françaises comme pour les populations étrangères – nous sommes dans la mise en oeuvre du pacte républicain. Lorsque Manuel VALLS dit : “Le droit doit passer” parce qu’il n’y a aucune raison que la République oublie ses dimensions d’intégration, il n’y a pas de raison que la République oublie de dire la fermeté lorsque le droit est remis en cause, tout cela c’est le pacte républicain. Parce que la République, c'est un espace de droits et de devoirs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi est-ce que Cécile DUFLOT dit que c'est une atteinte au pacte républicain ? Pourquoi n’est-elle pas chassée alors qu’elle dit que le ministre de l’Intérieur est antirépublicain ? Pardon, mais pardon ! Les Français ne comprennent pas, Bernard CAZENEUVE.
BERNARD CAZENEUVE
Jean-Jacques BOURDIN, ce sont des débats qui ne remettent pas en cause la ligne. La ligne du gouvernement, c'est ce que je vous ai indiqué : de la fermeté lorsque c'est nécessaire, de l’humanité parce que c’est important.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va parler de l’autorité puis on va passer à autre chose, au budget. Dernière question. Plusieurs associations, le Secours Catholique, la CIMADE, Emmaüs, Médecins du Monde, ATD Quart Monde, demandent à François HOLLANDE officiellement de sortir de son silence et de prendre position contre le discours de Manuel VALLS. Vous avez vu cela ?
BERNARD CAZENEUVE
Le président de la République par construction…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n’est pas son rôle ? ce n’est pas son rôle ?
BERNARD CAZENEUVE
Pour des raisons qui tiennent à l’équilibre des institutions doit faire en sorte que la ligne soit constamment affirmée, maintenue, renforcée. Et la ligne, c’est ce que je vous ai indiqué : c’est humanité, intégration. C’est le respect du droit lorsqu’il y a des comportements contraventionnels au droit, et c'est en même temps la main tendue en France et en Europe à des populations qui ont vocation à s’intégrer. Là où elles vivent, et nous nous sommes rendus d’ailleurs avec Manuel VALLS en Bulgarie et en Roumanie l’an dernier pour faire en sorte que la Roumanie et la Bulgarie puissent dans les meilleures conditions bénéficier du concours de l’Union européenne, et faire en sorte qu’en France nous puissions faire ce travail d’intégration avec notre système éducatif, avec notre politique du logement, et aussi faire en sorte, lorsqu’il y a des actes délictueux et il peut y en avoir, que le droit passe fermement. Le président de la République est comptable de cela, il est au-dessus de la…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n’a pas à le rappeler ? est-ce qu’il va le rappeler publiquement ?
BERNARD CAZENEUVE
Le président de la République le fera lorsqu’il le jugera opportun. La Vème République, ce ne sont pas les ministres qui, à l’occasion d’échanges sympathiques, disent au président de la République ce qu’il doit faire. Moi, je ne dis pas au président de la République ce qu’il doit faire : c’est le président de la République qui indique à ses ministres quelle est la direction et les ministres, loyalement, l’appliquent. En tous les cas, c’est la conception que j’ai de la Vème République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bernard CAZENEUVE, parlons du budget. À partir du 15 octobre, débat à l’Assemblée nationale. Les députés socialistes déposent ou vont déposer beaucoup d’amendements. Je vais en prendre quelques-uns, je ne vais pas entrer sur tout le budget. Par exemple, revalorisation de la prime pour l’emploi : pas question ?
BERNARD CAZENEUVE
Ce débat aura lieu. Nous avons déjà pris des mesures. Non mais, nous sommes dans un échange…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n’allez pas me dire à chaque fois : “Je n’ai pas de réponse à vous apporter”.
BERNARD CAZENEUVE
Non mais, j’ai des réponses à vous apporter sur le pouvoir d’achat. Nous avons déjà pris beaucoup de décisions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va en parler. Revalorisation de la prime pour l’emploi, c'est du pouvoir d’achat.
BERNARD CAZENEUVE
Mais nous avons déjà pris des positions sur le pouvoir d’achat, réindexation du barème de l’impôt…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous allez revaloriser ? Vous accepteriez un amendement ?
BERNARD CAZENEUVE
Moi, personnellement, je suis plutôt favorable à une augmentation du revenu fiscal de référence qui va permettre à des Français qui sont rentrés dans l’impôt parce que le précédent gouvernement avait décidé de ne pas réindexer le barème de l’impôt sur le revenu d’en sortir. Il y a des Français qui sont rentrés dans l’impôt qui n’avaient pas vocation à y rentrer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ça, vous dites oui.
BERNARD CAZENEUVE
Donc tout ce qui permet à des Français de ne pas rentrer dans l’impôt parce qu’ils sont modestes, parce que leurs revenus n’ont pas augmenté, doit être fait. C’est pour ça que nous avons procédé à la réindexation du barème, c'est pour ça que nous avons mis en place une décote l’an dernier – nous la renforçons cette année. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à l’augmentation du plafond du revenu fiscal de référence. Pourquoi ? Parce que ça va permettre à des petits retraités, à des travailleurs modestes qui sont rentrés dans l’impôt d’en sortir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous préférez cela à la revalorisation de la prime pour l’emploi.
BERNARD CAZENEUVE
Le débat aura lieu mais ma préférence, c'est ce que je viens de vous indiquer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La TVA, six milliards d’euros. Ça va coûter aux Français six milliards d’impôts, c'est un impôt la TVA, à partir de janvier prochain. Certains députés socialistes disent : “Ça ne sert à rien de baisser sur les produits de première nécessité la TVA de 5,5 à cinq”. Ça représente un centime d’euro sur un paquet de pâtes et c’est le commerçant qui va se mettre dans la poche ce centime d’euro. À quoi ça sert ? Ça coûte sept cent cinquante millions d’euros à l’État.
BERNARD CAZENEUVE
Vous savez, il y a beaucoup de débats sur l’impact de l’augmentation ou de la diminution de la TVA sur les consommateurs. Souvenez-vous que lorsque le précédent gouvernement avait proposé – et il l’a fait voter d’ailleurs à l’Assemblée nationale – de passer le taux de TVA de 19,6 à 21,2, une grande partie des leaders de la droite expliquait que ça n’aurait aucun impact sur les prix. Si notre stratégie est de faire des mesures concrètes pour le pouvoir d’achat, et celles que je viens de vous indiquer sont déjà dans le budget, et d’autres pourraient être prises par amendement, si notre stratégie est de faire en sorte qu’il y ait des taux réduits de TVA qui bénéficient directement à des secteurs économiques – je pense à la construction – et à des Français modestes – je pense au taux réduit de TVA sur la rénovation thermique qui doit permettre à des Français de voir le coût de l’énergie moins peser sur leur pouvoir d’achat. Si tout cela doit être financé et que nous décidons ensemble de le faire en ne baissant pas le taux de TVA de 5,5 à cinq parce que nous voulons financer toutes ces priorités, le débat aura lieu et le gouvernement essayera de définir avec le groupe socialiste une position de compromis. Parce que cela ne peut pas se faire si ce n’est pas en contrepartie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire qu’éventuellement, certains taux de TVA pourraient ne pas baisser à cinq et rester à 5,5 ?
BERNARD CAZENEUVE
Non. Ce que je suis en train de dire, c'est que cela n’est concevable que dès lors qu’en contrepartie, il y a un paquet pour la croissance, pour le pouvoir d’achat des Français, pour la diminution…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais là les sept cent cinquante millions d’euros que vous pourriez économiser, vous pourriez les distribuer en pouvoir d’achat.
BERNARD CAZENEUVE
C'est bien ce que je dis. Ça n’est envisageable que dès lors que c’est pour faire des mesures croissance - pouvoir d’achat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Que s’il y a compensation. J’ai compris. C’est envisageable.
BERNARD CAZENEUVE
À cette condition et à condition, Jean-Jacques BOURDIN, que cela se fasse dans un contexte de fort consensus entre les différentes composantes de la majorité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J’ai compris. Il y a un taux de TVA, je ne comprends pas pourquoi vous ne le baissez pas à cinq, ce sont les transports publics.
BERNARD CAZENEUVE
Parce que nous ne pouvons pas baisser tous les taux de TVA d’un coup. Vous voyez, par exemple la mesure…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On nous encourage à faire des économies d’énergie, on nous encourage…
BERNARD CAZENEUVE
Mais vous avez raison.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C’est du pouvoir d’achat en plus.
BERNARD CAZENEUVE
Vous avez raison, Jean-Jacques BOURDIN, mais je vais prendre des exemples très concrets. Vous voyez, par exemple la décision que nous avons prise de baisser le taux de TVA à la demande des artisans, des Français, des groupes politiques, de la majorité sur la rénovation thermique. C'est une décision très importante puisqu’elle va permettre de relancer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous me l’avez dit déjà.
BERNARD CAZENEUVE
Mais c'est une décision qui a un coût budgétaire. Ce coût budgétaire, il faut bien le gager si on ne veut pas que les décisions budgétaires que nous prenons dégradent notre solde budgétaire. Donc nous ne pouvons pas à la fois faire le taux réduit de TVA sur la rénovation thermique. Sur le transport, je rappelle que le CICE a diminué considérablement un certain nombre de coûts pour le secteur des transports et les secteurs du transport sont bénéficiaires du CICE. Même si nous devions augmenter la TVA, le secteur des transports resterait bénéficiaire pour 2014. Ce qu’il faut que nous arrivions à faire, c'est prendre des décisions dans la durée du quinquennat qui permettent de faire en sorte…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais il y a le secteur du transport où il y a le consommateur qui paye son ticket.
BERNARD CAZENEUVE
Oui, mais normalement si vous voulez, compte tenu des décisions…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c’est répercuté sur les consommateurs.
BERNARD CAZENEUVE
Voilà, exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Normalement.
BERNARD CAZENEUVE
Mais elles doivent le faire. Ce n’est pas parce que nous baisserons la TVA qu’ils le feront nécessairement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J’ai compris.
BERNARD CAZENEUVE
Le CICE, c’est considérable pour le secteur des transports.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous allez maintenir l’allocation pour enfant scolarisé ? C’est une niche fiscale.
BERNARD CAZENEUVE
Cette niche fiscale, nous en avons proposé dans la loi de finance la suppression pour une raison très simple.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous maintenez la suppression ?
BERNARD CAZENEUVE
Laissez-moi vous expliquer pourquoi nous l’avons fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais avant de m’expliquer pourquoi vous l’avez fait, vous la maintenez.
BERNARD CAZENEUVE
C’est dans le projet de loi de finance, donc ce n’est pas moi qui vais vous proposer qu’on…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n’y aura pas d’amendement, vous n’allez pas…
BERNARD CAZENEUVE
Je ne suis pas parlementaire, Jean-Jacques BOURDIN. J’ai cru comprendre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais s’il y a un amendement, il y en aura un…
BERNARD CAZENEUVE
Vous avez l’air d’être très informé de…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Alors, qu’est-ce que vous allez faire ?
BERNARD CAZENEUVE
Moi personnellement, je ne suis pas favorable à ce qu’on remette en cause cette niche, mais il y aura un débat. Il y aura un débat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas favorable à cette…
BERNARD CAZENEUVE
Mais je vais vous dire pourquoi je ne suis pas favorable à ça. Il y a une raison. Lorsque nous décidons d’ouvrir deux-cent-soixante-dix mille places de crèche au titre de la politique familiale, lorsque nous décidons d’augmenter l’allocation de soutien familial et le complément familial pour les familles les plus pauvres, lorsque nous décidons de financer cent mille bourses pour les Français moyens et pour les enfants des Français les plus défavorisés, il faut bien que tout cela nous le financions. Et je vous rappelle, Jean-Jacques BOURDIN, qu’il y a cinquante pourcents des Français qui payent l’impôt sur le revenu et cinquante pourcents des Français qui ne le payent pas. La véritable mesure de justice, et c'est pour ça d’ailleurs que les socialistes sont favorables à la remise en cause des niches fiscales, c’est d’éviter que des niches fiscales ne remettent en cause la progressivité de l’impôt sur le revenu, et que nous parvenions aussi à faire en sorte que tous ceux qui ne sont pas à l’impôt sur le revenu, sans préjudice pour ceux qui y sont, puissent bénéficier du soutien à la solidarité nationale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on n’y touche pas.
BERNARD CAZENEUVE
Par exemple, vous voyez, les bourses ça bénéficie aux enfants des Français moyens qui sont à l’impôt sur le revenu et à ceux qui n’y sont pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on ne revient pas là-dessus.
BERNARD CAZENEUVE
En tous les cas, on y reviendra peut-être au terme du débat parlementaire mais je vous donne ma position.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la position du gouvernement, puisque vous le représentez.
BERNARD CAZENEUVE
Absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon ! Les retraites, juste un mot. La retraite de base, j’y tiens beaucoup parce que j’entends beaucoup, beaucoup de petits retraités me faire la remarque. La retraite de base revalorisée le 1er octobre au lieu du 1er avril, il y a beaucoup de députés PS qui veulent que le report de cette revalorisation ne s’applique pas aux retraités vivant en dessous du seuil de pauvreté qui est de neuf cent soixante-quatre euros, je crois.
BERNARD CAZENEUVE
Oui mais Marisol TOURAINE s’est exprimée sur ce sujet en indiquant que les petites retraites qui relèvent notamment du fonds de solidarité vieillesse ne seraient pas concernées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sept cent quatre-vingt-sept euros. C'est-à-dire que si je gagne huit cent cinquante euros, je ne suis pas revalorisé au 1er avril mais revalorisé au 1er octobre. C'est-à-dire que je perds du pouvoir d’achat.
BERNARD CAZENEUVE
Nous sommes dans une situation aujourd'hui où il faut redresser les comptes des retraites parce que si nous ne le faisons pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les comptes des retraites, même celui qui gagne huit cent cinquante euros par mois ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais Jean-Jacques BOURDIN, nous devons absolument redresser les comptes des retraites. Si nous ne le faisons pas, nous ne pourrons plus assurer la pérennité du système des retraites par répartition. D’ailleurs, vous voyez que l’opposition propose que nous substitutions à la retraite par répartition un système de retraite par fonds de pension, c'est-à-dire une véritable privatisation du système de retraite. Nous avons fait une réforme juste dans laquelle nous ne remettons pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle est juste ?
BERNARD CAZENEUVE
Oui, parce que nous ne remettons pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelqu'un qui gagne huit cent cinquante euros par mois ?
BERNARD CAZENEUVE
Nous ne remettons pas en cause, contrairement à ce qui se passe dans un certain nombre de pays de l’Union européenne, l’indexation des retraites. Nous n’allons pas sous-indexer les retraites. Les retraites seront indexées et elles le seront durablement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elles sont indexées avec six mois de retard.
BERNARD CAZENEUVE
Oui, mais la réforme des retraites que nous proposons, ce n’est pas ce qui s’est passé dans un certain nombre de pays de l’Union européenne dirigés notamment par la droite, où l’on a diminué le montant des pensions, où l’on a sous-indexé les retraites.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais là, celui qui est à huit cent cinquante euros par mois ne s’intéresse pas beaucoup, et vous pouvez le comprendre, à ce qui se passe en Allemagne, aux Pays Bas ou en Grande Bretagne, Bernard CAZENEUVE.
BERNARD CAZENEUVE
Celui qui est à huit cent cinquante euros par mois verra sa retraite réindexée. L’effort que nous demandons simplement, c'est un différé de six mois de la réindexation des retraites sans remettre en cause le principe de la réindexation. Pourquoi ? Parce que cette réforme des retraites appelle un effort des salariés – l’augmentation des cotisations – un effort des retraités, un effort des entreprises et nous devons…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous ne toucherez pas à ça ?
BERNARD CAZENEUVE
Nous ne toucherons pas au principe de la réindexation des retraites. Nous différons pour faire en sorte que chacun soit appelé à l’effort, mais nous ne remettons pas en cause le principe de la réindexation des retraites contrairement à ce qui se passe dans beaucoup de pays européens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Abrogation du jour de carence dans la fonction publique, c'est maintenu ?
BERNARD CAZENEUVE
Nous avons décidé, sur ce sujet-là, de revenir sur la décision prise par le précédent gouvernement. J’ai entendu mon ami Thomas THÉVENOUD tout à l'heure. Nous le faisons précisément pour des raisons d’équité entre le secteur privé et le secteur public. Pourquoi ? Parce qu’un certain nombre de salariés du secteur privé dispose, pour des raisons de conventions collectives, d’accords de branches, de mutuelles qui prennent en charge le jour de carence.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un certain nombre.
BERNARD CAZENEUVE
Oui, un très grand nombre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un certain nombre. Et d’autres pas.
BERNARD CAZENEUVE
Oui, d’accord, d’autres pas mais ce que nous avons constaté…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire qu’eux sont de leur poche. Trois, quatre, cinq jours peut-être même.
BERNARD CAZENEUVE
Non, non, pas du tout. Un très grand nombre de salariés du secteur privé bénéficient de ces accords qui permettent à leur mutuelle de prendre en charge les choses. Deuxièmement, ce qui s’est passé avec la suppression du jour de carence, c'est qu’un certain nombre de collectivités territoriales ont mis en place des dispositifs comparables à ceux qui existent dans le privé et nous avons eu des distorsions, des inégalités considérables entre les territoires. Par ailleurs, nous avons constaté que le taux d’absentéisme dans le secteur public n’était pas très différent de celui du secteur privé et que la mesure qui avait été prise, parce que le taux d’absentéisme était faible, n’avait rien corrigé. Et le niveau d’économie attendu était de moitié de celui envisagé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne revient pas sur l’annonce de la ministre de la fonction publique.
BERNARD CAZENEUVE
C'est une mesure de justice.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Juste un mot : budget de la sécu. Le rapporteur du budget de la sécurité sociale à l’Assemblée nationale veut taxer les boissons énergisantes. Vous êtes d’accord avec lui ?
BERNARD CAZENEUVE
Moi, je ne suis pas favorable à ce qu’on ajoute des taxes aux taxes. J’ai déjà eu l’occasion avec Marisol TOURAINE de m’exprimer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne touche pas aux boissons énergisantes.
BERNARD CAZENEUVE
Les parlementaires peuvent toujours présenter des amendements, mais le gouvernement n’est pas favorable à cette espèce de frénésie de taxes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même chose, taxes sur le vin, les alcools, vous avez vu ça.
BERNARD CAZENEUVE
Il y a mille manières de contrôler la consommation de produits qui peuvent nuire à la santé, et je pense que nous n’avons pas besoin de multiplier les taxes pour atteindre l’objectif.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernière chose : les clubs de foot. Taxe à soixante-quinze pourcents sur les hauts revenus. Les clubs de foot concernés, mais le montant sera plafonné à cinq pourcents en fonction du chiffre d’affaires.
BERNARD CAZENEUVE
Ça vaut pour toutes les entreprises.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, toutes les entreprises et notamment pour les clubs de foot. Le seul problème, c’est que qui bénéficie de cela ? C'est les clubs de foot les plus riches !
BERNARD CAZENEUVE
Oui, vous avez vu ce raisonnement déployé, raisonnement faux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et alors, pourquoi ? Dites-moi.
BERNARD CAZENEUVE
Je vais vous dire pourquoi. Parce que le principe, c’est que la taxe à soixante-quinze pourcents s’applique à toutes les entreprises et plafonnée à cinq pourcents de leur chiffre d’affaires. Par conséquent, tous les clubs de foot verront la taxe à soixante-quinze pourcents plafonnée à cinq pourcents de leur chiffre d’affaires. Toutes. Toutes les entreprises et tous les clubs de foot. Donc dire que cette mesure bénéficie aux uns et pas aux autres est tout à fait faux compte tenu du contenu de la mesure elle-même. La mesure dit taxe à soixante-quinze pourcents, ensemble des revenus, et plafonnement de la mesure à cinq pourcents du chiffres d’affaires. Donc quel que soit le club de foot qui a des joueurs dont le salaire dépasse un million d’euros, il bénéficiera du plafonnement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais enfin celui qui en bénéficiera le plus, c’est le Paris Saint-Germain parce que c’est le Paris Saint-Germain qui a le plus de joueurs qui… Eh oui ! eh oui !
BERNARD CAZENEUVE
Je crois que si le Paris Saint-Germain était le club qui a le plus de joueurs dont le salaire dépasse, c’est celui qui paiera le plus de taxes. C'est plutôt comme ça qu’il faut présenter la chose.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, bon ! Quarante-quatre millions d’euros ça va coûter. Les clubs de foot peuvent supporter ça ?
BERNARD CAZENEUVE
Le chiffre que vous donnez...
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n’est pas moi qui le donne. C'est la Ligue de Football Professionnel.
BERNARD CAZENEUVE
Oui. Enfin, c'est un chiffre qui a vocation à diminuer dès lors que les salaires attribués aux joueurs deviennent plus raisonnables.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut les diminuer ?
BERNARD CAZENEUVE
Comment ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut les diminuer donc ?
BERNARD CAZENEUVE
Je pense que dans un contexte comme celui que nous connaissons, il n’est pas nécessaire de distribuer des salaires qui peuvent choquer et qui ne se justifient. Le talent, bien entendu, n’a jamais de prix mais peut avoir un coût.Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 octobre 2013