Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, sur l'action de l'Etat en faveur des PME, Tunis le 22 avril 1999.

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Circonstance : Colloque "Réalités" sur l'Etat et les PME à Tunis le 22 avril 1999

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
C'est avec plaisir que j'ai accepté de participer à ce colloque qui me donne l'occasion d'approfondir la réflexion sur l'action en cours et de la confronter avec d'autres pratiques.
Responsable au sein du gouvernement de Lionel Jospin des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat, je connais les difficultés de ces entreprises mais aussi leurs richesses, leur capacité à entreprendre et à gagner de nouveaux défis.
Les PME sont un des atouts majeurs de nos économies, pour l'emploi et pour le développement de nos territoires :
Les PME, au sens de la définition française, (entreprises de moins de 500 salariés) représentent, en effet, dans l'économie française :
- plus de la moitié de la production totale,
- plus de 40 % des investissements productifs,
- près des deux tiers des salariés du secteur productif, soit environ 8 600 000 actifs sur un total de 13 millions.
Si l'on se reporte à une définition plus restrictive, (moins de 50 salariés), le chiffre de l'emploi reste toujours très significatif, 50 % de l'emploi marchand.
Bien entendu, c'est dans le secteur du commerce, du bâtiment, des services aux entreprises et aux particuliers que leur présence est majeure, l'industrie, le secteur de l'énergie, les services financiers étant le fait de plus grandes structures.
Les PME jouent un rôle essentiel dans la création d'emplois : depuis plus de 10 années, ce sont elles qui créent l'emploi, même si cette présentation a quelque chose d'un peu caricatural, car souvent les nouvelles PME sont des filiales de grands groupes.
De plus, la très grande majorité d'entre elles sont implantées dans les communes petites et moyennes. De ce fait, les PME constituent un levier essentiel du développement de nos territoires.
Pour ces raisons, il est vital qu'elles puissent se créer, se transmettre, se développer dans de bonnes conditions et l'Etat ne peut, en conséquence, qu'y être très attentif.
Des politiques macro-économiques ou de régulation globale adaptées
Le premier choix du Gouvernement vise en conséquence à ce que les petites entreprises soient non seulement respectées dans les grands choix économiques, mais encore en tirent un bénéfice maximum.
Il en est ainsi du choix de l'Europe qui crée la plus grande zone de chalandise du monde et du choix de la monnaie unique européenne qui crée un cadre de référence stable pour les entreprises. Ce sont, pensons-nous, au-delà des autres aspects politiques, des atouts majeurs pour les PME françaises.
Il en est ainsi dans la mise en oeuvre de dispositifs de relance du marché intérieur. Au-delà du marché extérieur, la croissance des PME a en effet toutes les chances d'être tirée par le développement de la consommation des ménages.
De même, la fiscalité est-elle adaptée dans une perspective emploi qui profite d'abord aux PME. Nous avons ainsi engagé une reforme de taxes, en s'assurant que les bénéficiaires premiers sont les PME. Demain, c'est le financement de la protection sociale qui sera examiné avec le même regard.
Dans un tout autre domaine l'action de l'Etat porte sur l'amélioration des délais de paiement. Vous le savez comme moi, les entreprises sont les premières banques des entreprises. Les créances clients représentent plus de deux fois les crédits de trésorerie des banques. Certes, les délais de paiement n'échappent pas totalement aux rapports de force qui caractérisent la vie économique, mais des progrès sont possibles qu'il s'agisse d'empêcher les comportements abusifs d'autres entreprises, ou de l'Etat lui-même. Je suis pour ma part en effet, très attachée à l'exemplarité de l'Etat dans ce domaine comme dans d'autres.
Mais aussi des politiques à caractère micro-économique ciblées
En effet, il n'existe pas de mesure unique qui améliore la situation de toutes les PME. A chacune des grandes étapes de leur vie, création, développement international, innovation forte ou transmission, les PME et TPE rencontrent des difficultés particulières.
Aussi pour faciliter le financement, pour des très petites entreprises pendant des années et notamment lorsque les taux d'intérêt étaient élevés, les pouvoirs publics ont mis en oeuvre des prêts bonifiés. Aujourd'hui la politique publique consiste davantage dans la mise en oeuvre des fonds de garantie qui accompagnent les phases sensibles de la vie de l'entreprise. Des dispositifs de cofinancement viennent compléter cette intervention.
L'accès aux marchés publics des PME fait aussi l'objet d'une attention particulière. C'est une question encore mal réglée chez nous, qu'il s'agisse de fractionner les appels d'offres en lots accessibles à des PME, ou de ne pas accepter la grande entreprise qui est capable d'être moins-disante ici, pour se rattraper ultérieurement. Un projet de loi est en préparation à cet effet.
De même, pour l'exportation un effort constant est conduit. Vous êtes ici, en Tunisie, tout à fait en capacité de mesurer l'importance et le sens de cette action au travers des deux dispositifs d'intervention du FASEP et de l'AFD qui sont inscrits dans l'accord cadre de coopération franco-tunisien de partenariat économique et financier.
Avec le FASEP, il s'agit soit de faciliter la modernisation et l'investissement de sociétés tunisiennes avec des biens et services français, soit de soutenir l'investissement de PME françaises dans votre pays comme dans les pays émergents. Nous sommes conscients qu'à travers de telles aides nous sommes susceptibles de faire non pas à la place de, mais d'emporter la décision des PME, ce qui est bien sûr beaucoup moins vrai pour les grandes entreprises. Le résultat est significatif puisque les PME-PMI françaises représentent 40 % des implantations étrangères en Tunisie.
Enfin, s'agissant de politique ciblée, je ne serai pas complète si je n'évoquais la politique en faveur de la création d'entreprise. La création d'entreprise est une de nos préoccupations puisque maintenant depuis 10 ans le taux de création est en baisse.
C'est sans aucun doute lié à la conjoncture qui n'a pas toujours été excellente, mais c'est aussi une affaire de conditions objectives, et mon action vise à en lever les différents obstacles qu'ils soient administratifs, financiers ou de réduction du risque entrepreneurial. C'est ainsi que nous avons pris des dispositions pour que les entreprises puissent être créées en 1 jour, et qu'elles bénéficient de capitaux dans des conditions attractives (capital risque ou renforcement des capitaux propres). Nous nous efforcerons de donner au créateur un filet de sécurité qu'il soit salarié démissionnaire ou demandeur d'emploi et de simplifier, alléger la première année les cotisations sociales qu'il doit régler.
Accompagner les entreprises dans les changements techniques et économiques
C'est le 3ème volet de l'action que je voudrais développer devant vous et qui s'apparente je crois à ce que vous appelez programme de mise à niveau des entreprises.
Concrètement, le Gouvernement encourage l'appropriation des nouvelles technologies par les PME qui est très inégale à ce jour.
(39 % des taux de connexions à l'Internet pour des PME de 20 à 50 salariés et 71 % pour des PME de 200 à 500 salariés).
Certes, le commerce électronique se révèle à l'origine de mutations sociales majeures. Il impose de revoir la formation, il détruit des emplois ou en transforme d'autres, mais l'objectif est que les petites entreprises ne laissent pas passer cette opportunité qui est l'une des garanties de pérennisation des entreprises. Aussi nous multiplions l'information sur ce sujet, assurons la diffusion de ces techniques dans les services publics.
L'Etat fait aussi un effort considérable dans le domaine de la formation professionnelle. Formation initiale d'abord avec le développement de la formation par alternance sous toutes ses formes, formation des demandeurs d'emploi ensuite et formation continue enfin. Ce n'est pas que les entreprises ne s'y intéressent pas ou qu'il ne faut pas les y intéresser, mais il y a tout lieu de les y inciter, car souvent dans un premier temps, la formation commence par coûter.
L'Etat, enfin, est attentif aux conditions qui permettent aux PME de bénéficier de l'accès à l'intelligence économique c'est-à-dire de l'information organisée du conseil et à l'innovation.
C'est à la fois le rôle des partenaires comme les chambres consulaires mais aussi de centres de ressources professionnels ou régionaux et de fonds ciblés comme celui qui a été mis en place pour le passage de la durée légale à 35H et qui porte sur l'organisation du travail.
L'Etat indispensable
A travers ces quelques exemples, vous l'aurez compris, je suis convaincue de l'importance et du rôle de l'Etat dans une économie de marché ouverte.
Dans un contexte de mutations économiques rapides de mondialisation, l'Etat doit accompagner les changements et la dynamique économique nouvelle, parfois la susciter. Il doit aussi garantir la sécurité et la stabilité de la société. Il n'existe pas en effet d'autorégulation de l'économie. C'est à l'Etat, qui incarne en démocratie la volonté politique de la société d'organiser cette régulation nécessaire.
Le marché a besoin de règles
L'activité économique suppose un environnement institutionnel et d'infrastructure en l'absence desquels elle s'effondre.
La croissance économique doit fonder un système social sinon elle perd tout intérêt aux yeux des hommes qui en sont le moteur.
C'est pourquoi nous croyons à un certain volontarisme, nous prenons des engagements, nous donnons une impulsion sans nous substituer aux autres acteurs de la société.
L'Etat partenaire
C'est ma deuxième ligne de conduite. Les entreprises, la société ont profondément changé. Là où quelques entreprises pouvaient assurer de la croissance, c'est la myriade de micro-décisions des PME qui l'assure aujourd'hui. Là où les savoirs diffusaient lentement et étaient l'apanage d'une élite limitée, nous sommes dans l'ère de l'intelligence partagée. L'Etat ne peut que changer.
Il lui faut d'abord faire simple plus facile à dire, qu'à faire ou quand c'est compliqué simplifier. C'est une tâche de longue haleine pas toujours très gratifiante, tant la simplification s'apparente plus souvent aux petits pas qu'aux grandes réformes. Mais c'est un exercice nécessaire et nous développons à cet effet des nouvelles méthodes avec la mise en place de plans d'action par ministère, le développement d'études d'impact systématiques lors des projets législatifs.
Il lui faut d'autre part favoriser les dynamiques territoriales concertées. Il s'agit de ne plus soutenir une entreprise mais sa coopération avec d'autres entreprises ou réseaux. La logique d'affrontement concurrentiel s'accompagne également pour des stratégies gagnantes d'entreprises, de nouvelles formes de coopération. Il s'agit de développer avec les collectivités territoriales, avec les organisations professionnelles, les initiatives dont les entreprises ont besoin, et de mettre en place un service public adapté, moins régalien parfois, plus à l'écoute et au total plus modeste.
Ce n'est pas un des moindres chantiers de l'Etat, car là comme ailleurs, et même plus qu'ailleurs, car la pression du client est moins présente, les habitudes triomphent, les adaptations peuvent être remises au lendemain.
L'Etat garant du pacte social
Enfin, et c'est la troisième orientation, l'Etat est le garant de l'équilibre social sans lequel tout développement économique est compromis ou manque de sens.
On le sait, toute l'économie productive est soumise aux normes de la sphère globale financière. Au bout de la chaîne des contraintes, c'est souvent le travailleur qui subit toute la violence des tensions du modèle. Le rôle de l'Etat est que le contrat qui lie le travailleur et l'entreprise s'organise autour d'un rapport de force plus équilibré, que la démocratie trouve aussi l'occasion de s'exprimer dans l'entreprise.
Les PME françaises vous diront que la réglementation qui en découle est lourde.
Elle est surtout parfois inadaptée car, et ce sera ma conclusion, malheureusement en France comme en nombre de pays, la réglementation n'est pas faite en pensant aux petites et moyennes entreprises d'abord. L'Etat, mais aussi les partenaires sociaux, syndicats de salariés par exemple, sont largement imprégnés d'une culture de grande organisation.
De même, le travail indépendant, qui constitue une part très importante des PME, est traité comme une matière d'exception par rapport au salariat qui est le modèle dominant.
Je ne vous parlerai donc pas de modèle français pour ce qui concerne l'Etat et les PME, mais bien d'expérience française comme le titrait votre programme, avec ses forces et ses faiblesses.
(Source http://www.pme-commerce-artisanat.gouv.fr, le 03 mai 1999)