Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur les grandes lignes et le calendrier de la future loi de programmation et d'orientation pour l’adaptation de la société au vieillissement, à Paris le 14 octobre 2013.

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Texte intégral

Mesdames les ministres,
Mesdames, messieurs,
Le Gouvernement a engagé des réformes profondes pour rénover notre système de protection sociale, pour lui permettre de faire face aux nouveaux défis de la société française. Mon objectif, celui de tout le Gouvernement est de mieux protéger les Français, et pour cela notre système de protection sociale doit s'adapter. Prendre en compte les nouveaux besoins, mais aussi la solidarité qui doit rester le fondement de notre système de protection sociale, c'est la base du modèle français, c'est la condition de son efficacité, et c'est le sens de la réforme des retraites que le Gouvernement a lancée qui est actuellement examinée par le Parlement. L'Assemblée nationale doit se prononcer demain en première lecture. Mais c'est aussi le sens du grand projet de société que le président de la République et le Gouvernement portons pour adapter notre protection sociale au vieillissement, et plus largement changer le regard de la société sur les personnes âgées. Il faut en effet lutter contre cette image négative qui ferait du vieillissement un synonyme de charge et d'isolement.
L'allongement de notre espérance de vie doit être vécu comme ce qu'il est vraiment, c'est-à-dire une chance. Une chance pour chacun, un progrès pour notre civilisation et une opportunité sociale et économique, à condition que nous sachions la saisir et nous y préparer pleinement.
Mais la France a accumulé du retard, beaucoup de promesses ont été faites ces cinq dernières années que nos prédécesseurs n'ont pas voulu tenir. Ils ont multiplié les annonces, ils ont multiplié les faux espoirs, et au final pour ne rien faire.
En lançant cette réforme aujourd'hui, je veux prolonger une œuvre qui a déjà été engagée par la gauche. C'est elle qui a toujours refusé que la vieillesse soit synonyme de misère et d'isolement. C'est la gauche, rappelons-le, qui a créé en 2001 l'APA, l'aide personnalisée pour l'autonomie des personnes âgées. Cette réforme nous voulons la prolonger. Ce projet de société sera organisé autour de 3 piliers : d'abord l'anticipation, puis l'adaptation et enfin l'accompagnement. Les 3 A.
L'anticipation parce qu'il permettra de mettre en place une véritable politique de prévention pour retarder la perte d'autonomie. L'adaptation parce qu'il s'agit de préparer notre société à tous les défis du vieillissement. C'est l'affaire de la société tout entière. Les quinquagénaires d'aujourd'hui auront 80 ans en 2040. Les mesures que nous prendrons devront leur permettre de vivre leur vieillesse dans un logement adapté, dans un cadre de vie sécurisé et accessible, entourés de technologies qui facilitent leur vie quotidienne et accompagnés par de vraies solidarités, locale et familiale. Et puis c'est aussi le développement d'une nouvelle filière économique, la silver économy, créatrice d'innovations et créatrice de nouveaux emplois.
Enfin, le troisième A, le troisième pilier c'est l'accompagnement pour améliorer la vie des personnes âgées et répondre à l'inquiétude des familles face à la dépendance. La perte d'autonomie est un moment difficile, qui peut mettre en grande difficulté la cohésion des familles et qui marque, nous le savons bien, le début d'un processus long fait de plusieurs étapes, qui peuvent être autant de moments de choix, d'incertitudes et d'angoisses. Ce projet doit répondre à toutes ces questions, à tous ces défis. Mais en même temps pour sa mise en œuvre - et c'est la responsabilité du Gouvernement - de veiller aux capacités de nos finances publiques. Faute de quoi notre projet ne serait pas crédible.
Nous avons, avec le Président de la République, la volonté d'avancer sur tout ce qui permet aux personnes âgées de vieillir dans de meilleures conditions. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de présenter un projet global au Parlement qui sera mis en œuvre en deux temps, deux étapes et sur la durée du quinquennat de François Hollande, afin de tenir compte de nos capacités de financement mais aussi du degré de maturité de certains sujets complexes.
Ce projet prendra la forme d'une loi d'orientation et de programmation sur l'adaptation de la société française au vieillissement. Elle permettra au Parlement de se prononcer de façon globale sur l'ensemble de nos mesures même si certaines d'entre elles ne seront mises en œuvre qu'ultérieurement, dans la deuxième partie du quinquennat. Michèle Delaunay, ministre déléguée aux Personnes âgées et à l'Autonomie, engagera au mois de novembre, en lien avec Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, une concertation sur le projet de loi d'orientation et de programmation, notamment avec les départements ainsi que les représentants du secteur des personnes âgées et les partenaires sociaux. Le Conseil économique et social et environnemental sera saisi au 1er trimestre 2014 d'un projet de loi pour un dépôt au Parlement au printemps et une adoption avant la fin de l'année 2014.
Dans la première étape, le Gouvernement souhaite engager la réforme de l'APA, l'APA à domicile, les mesures de prévention de la perte d'autonomie et d'adaptation de la société au vieillissement ainsi que des mesures d'aide aux aidants. Nous faisons aussi le choix de donner la priorité au maintien à domicile et à la prévention de la perte d'autonomie. C'est l'attente d'une immense majorité de Français qui veulent pouvoir rester vivre chez eux le plus longtemps possible et à qui nous devons offrir une prise en charge efficace et digne.
Ces premières mesures seront applicables dès le 1er janvier 2015 permettant ainsi une pleine affectation de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie, la Casa, à la réforme que nous engageons au profit des personnes âgées. La deuxième étape de la réforme sera mise en œuvre, je l'ai dit, dans la seconde partie du quinquennat. Elle portera sur l'accompagnement et la prise en charge en établissement. Elle intégrera des dispositions permettant de réduire ce qu'on appelle le "reste à charge" des résidents en EPAD. Je sais que c'est une préoccupation majeure des personnes concernées et de leur famille. Avec un reste à charge moyen en établissement supérieur au niveau moyen des retraites, l'entrée en établissement est une charge très lourde pour les familles. Certaines, nous le savons bien, y renoncent, trop souvent. Nous ne devons pas laisser les familles seules face à une telle responsabilité.
Pour élaborer ces dernières dispositions, nous avons besoin de temps et de travail. Le sujet, je l'ai dit, est complexe. Ce travail doit s'intégrer dans le cadre d'une réflexion plus globale sur la tarification des établissements recevant des personnes âgées dépendantes et sur les dispositifs d'aide sociale existants. Pour préparer ce deuxième volet de la réforme, nous mettrons en 2014 en place un groupe de travail avec les conseils généraux et les fédérations de directeurs et d'établissements. Vous le voyez, ce sont des mesures de grande portée pour la vie de chacun de nos compatriotes et de chaque famille que nous sommes en train de préparer.
C'est une vraie ambition de solidarité intergénérationnelle, de solidarité sociale, de conception aussi du vivre-ensemble, de la société où personne ne doit être laissé de côté et chacune doit pouvoir s'intégrer dans une démarche globale qui permettra de préparer notre pays aux défis du vieillissement qui, je le répète, si on sait s'y prendre, si on sait agir, doit être aussi une chance pour la France. En tout cas, c'est un enjeu fondamental pour chaque Française et chaque Français. Mais c'est aussi un enjeu pour la préservation de notre modèle économique et social. Le moment est venu où chaque génération doit prendre conscience du destin commun qui l'unit aux autres. Cela suppose de veiller à la place de chacun dans la société, une société adaptée et ouverte à tous. C'est un élément fondamental du nouveau modèle français que nous sommes en train de construire et qui est la base même de la confiance des Françaises et des Français dans le pacte républicain.
Merci de votre attention.
Source http://www.gouvernement.fr, le 15 octobre 2013