Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, en réponse à une question sur la politique d'immigration de l'Union européenne, au Sénat le 17 octobre 2013.

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Circonstance : Questions d'actualité au Sénat, le 17 octobre 2013

Texte intégral

Madame la Sénatrice,

Je pense que, sur tous les bancs, il y a la même indignation que vous avez exprimée devant ces morts qui font que la Méditerranée est devenue une espèce de cimetière à ciel ouvert, avec des scènes absolument épouvantables.
L'indignation est nécessaire, mais il faut passer à l'action. C'est ce à quoi vous invitez non seulement le gouvernement français mais l'ensemble de l'Europe, autour de deux ou trois éléments principaux que vous avez rappelés : il y a toute la partie développement et toute la partie protection.
Les migrants ne viennent pas en Europe par plaisir ; il faut déjà avoir cela à l'esprit. Ils y viennent poussés par la faim, par la misère, parfois par des régimes abjects - on pense à l'Érythrée. Il faut comprendre que, quelles que soient les mesures que l'on peut prendre, une maman, qui sait que si elle reste là où elle vit, où ses enfants n'ont aucun avenir, voudra toujours s'en aller.
Donc, la notion de développement que certains pays ont appliquée avec efficacité est quelque chose d'absolument fondamental ; je pense que personne dans cette enceinte ne le conteste. Je pense aux accords qui ont été passés entre l'Espagne et le Maroc et à d'autres encore et, en ce qui nous concerne, à certaines actions qui ont été menées par le passé ou par ce gouvernement.
Mais, en même temps, il faut des actions de protection et je suis moins sévère que vous sur un certain nombre de sigles que vous avez cités, même s'ils sont insuffisamment dotés. Nous avons besoin que FRONTEX puisse exercer son action pleinement ; ce qui n'est pas le cas à cause de restrictions budgétaires contre lesquelles, d'ailleurs, vous vous êtes élevée à juste titre. Nous avons besoin qu'EUROSUR fasse son travail. Nous avons besoin d'agir beaucoup plus efficacement contre les filières de passeurs, parce que, s'il y a des migrants, c'est aussi parce que les choses sont organisées, avec des tarifs effrayants ; on rançonne la misère humaine.
Le président de la République, en liaison avec le président du Conseil italien, a proposé de mettre ce sujet à l'ordre du jour du prochain sommet européen qui a lieu à la fin du mois d'octobre. Nous travaillons là-dessus, en liaison avec nos collègues bien sûr, notamment nos collègues de l'Europe du Sud. Un certain nombre de mesures ont déjà été esquissées, elles seront précisées au cours de cette réunion du 24 et du 25 octobre. Mais croyez que nous irons vraiment dans ce sens-là, en considérant, comme vous toutes et vous tous, Mesdames et Messieurs, que l'indignation est absolument nécessaire mais qu'elle ne remplace pas ce qui nous appartient à tous, c'est-à-dire l'action politique pour qu'enfin ce scandale puisse cesser.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 octobre 2013