Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission des finances,
Monsieur le Rapporteur général,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le budget est un des moments les plus importants, les plus solennels, de notre vie politique et démocratique.
Le budget, cest le moment des choix, cest le moment des actes, cest le moment où nous disons nos priorités pour le pays.
Le budget, cest aussi ce qui fonde une majorité.
Lannée dernière, à cette même place, javais présenté le premier budget de la gauche au pouvoir depuis dix ans, avec une priorité : restaurer notre souveraineté. Lannée dernière et jemprunte cette phrase à Edouard Herriot qui la prononcée ici, en 1924 - nous avons dabord été, sans oublier bien sûr la justice sociale, « les gardiens vigilants du crédit de la France ».
Cette année, je suis fier de vous présenter un projet de loi de finances pour 2014 tout entier tourné vers laccompagnement de la croissance et vers lemploi.
Car notre politique économique commence à porter ses fruits. Nous avons connu un très bon 2ème trimestre, avec une croissance de +0,5 % qui a surpris les économistes. La hausse du chômage ralentit et le chômage commence dores et déjà à reculer : linversion de la courbe du chômage paraît désormais à portée de main. Les instituts de conjoncture, lInsee ou le FMI, ont revu à la hausse leurs perspectives pour léconomie française, et se montrent même plus optimistes que le gouvernement. Les enquêtes de conjoncture suggèrent que le climat des affaires continue de saméliorer, que le bon résultat du 2ème trimestre nest pas un « accident », mais constitue bien un point de retournement.
Oui, nous voyons les premiers résultats de notre action : nous sommes bien dans une phase de reprise, encore fragile, certes, mais réelle. Je ne veux pas apparaître comme un adepte de la méthode Coué, absurdement porté à lautosatisfaction. Je connais mieux que quiconque les problèmes économiques du pays, les difficultés dont nous avons héritées, pour tomber dans cette facilité. Mais je voudrais que tous ensemble, sans brider nos débats, sans occulter nos différences, nous sachions le reconnaître : léconomie française va mieux. Ce message-là, nos compatriotes ont besoin de lentendre, et de le croire, de la part des formations politiques républicaines qui ont lambition de rendre confiance à notre pays, sauf à nourrir les inquiétudes qui, nous le savons, profitent à dautres.
Oui, la reprise est là. Toute lambition du projet de loi de finances pour 2014 est de conforter et damplifier cette reprise, de stimuler la croissance qui se dessine, et à travers elle, lemploi et le pouvoir dachat. Car ne loublions jamais, le pouvoir dachat cest dabord et avant tout lemploi.
Pour donner un élan à lactivité, nous avons choisi délaborer un projet de budget résolument favorable à loffre productive, un budget de soutien déterminé à la compétitivité des entreprises et à linvestissement. Comme le disait Pierre Mendès-France en 1953, la priorité cest « daccroître la masse des biens à répartir ». Cest faire le choix de la création, de linvention : cest faire le choix de produire, préalable indispensable avant de redistribuer.
Cest un choix assumé: cest la voie qui mènera à un redressement durable de léconomie, de la croissance et de lemploi.
Certains peut-être, sinterrogent sur cette orientation, y compris sur ces bancs.
Soyons clairs. Le budget ne sert pas les intérêts de quelques uns, il est au service de tous les Français. Nous partageons tous le même objectif : lemploi. Mesdames et Messieurs les Députés, les créations demplois de demain, cest dans lentreprise, avec leurs salariés, quelles auront lieu. Cest grâce à la croissance que les entreprises les créeront et les développeront. Cest ce mouvement que nous voulons accélérer, avec le projet de loi de finances. Voilà ce qui fait la signature de ce budget, sa marque propre.
Certes, certaines réalités rendent notre tâche plus difficile. Notre pays ne dispose pas de marge de manoeuvre pour une relance keynésienne : cest aussi cela, le legs des précédents gouvernements. De même, nous ne pouvons nier les difficultés de notre appareil productif, ou de son retard de compétitivité, qui constituent aujourdhui une réelle menace. Mais ayons confiance. Ayons confiance dans la capacité de rebond de notre économie. Ayons confiance dans notre propre capacité à laider à se redresser.
Un mot dabord sur nos perspectives de croissance pour 2013 et 2014. Elles reflètent un choix de prudence, et un choix de confiance :
- Pour 2013, nous étions partis au printemps dernier sur une prévision de +0,1 %. Je la confirme, car notre économie dispose dune forte capacité de rebond, et relève dans le même temps que nos chiffres sont plus prudents que ceux de lINSEE et du FMI, qui sont à +0,2 %.
- Pour 2014, la prévision sur laquelle est bâti le projet de loi de finances est de +0,9 % de croissance du PIB. Avant lété, le consensus économique était que la croissance française pour 2014 ne dépasserait pas +0,6 % ; aujourdhui différents organismes, dont le FMI là encore, anticipent une croissance supérieure à notre hypothèse. Nous sommes donc là encore sur la voie médiane, entre confiance et prudence.
En tout état de cause, le Haut Conseil des Finances Publiques, dans son avis relatif au projet de loi de finances pour 2014, a jugé ce scénario macroéconomique « plausible », tant pour 2013 que pour 2014.
Certes, nous sommes loin des taux de croissance des 30 Glorieuses, loin même des taux que nous avons connus entre 1997 et 2002, loin aussi de notre potentiel de croissance, que nous pouvons et voulons rejoindre. Mais nous approchons des niveaux qui nous permettront de faire baisser durablement le chômage en France.
Pour stimuler cette reprise, je le disais, nous avons dabord décidé de poursuivre et damplifier le redressement de la compétitivité de nos entreprises, en soutenant tous les leviers de linvestissement productif.
Linvestissement privé, cest le moteur de la croissance qui reste aujourdhui le plus à la peine, même sil a un peu mieux résisté depuis un an que dans le reste de la zone euro. Cest pourquoi nous avons choisi de concentrer nos efforts dessus, avec une palette large de mesures en faveur de la compétitivité des entreprises.
Nous sommes déjà largement engagés sur cette voie. Lan dernier, lors de nos discussions sur le projet de loi de finances 2013, javais fait devant vous le diagnostic dun déficit de compétitivité de notre tissu productif. Le rapport Gallois était ensuite venu tracer des pistes pour le combler, que nous avions reprises dans le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et lemploi. Dautres initiatives majeures, que nous avons menées à bien avec le concours précieux et attentif de la majorité présidentielle, ont permis dapprofondir encore ce sillon. Je pense en particulier à la loi sur la sécurisation de lemploi, qui donne de nouveaux droits aux salariés, et plus de souplesse et de certitude juridique aux entreprises, ou encore à la profonde réorganisation du financement de léconomie.
Ce sillon, nous continuons à le tracer dans le projet de loi de finances 2014, et nous lapprofondissons, autour de trois grands axes :
Tout dabord, lannée 2014 sera lannée de la montée en charge du Crédit dImpôt Compétitivité Emploi. Alors que le coût du travail a augmenté de manière constante en France, le crédit dimpôt pour la compétitivité et lemploi a déjà permis de renverser la vapeur. Sa montée en puissance va contribuer à accélérer la convergence en cours avec lAllemagne. Elle est aussi un tremplin pour lemploi, puisque le CICE permettra de créer 300 000 emplois sur le quinquennat. Les premiers travaux du commissariat général à la stratégie et à la prospective, qui évaluera le CICE en continu dans les années à venir, pour la parfaite information du Parlement, donnent des signaux encourageants et confirment quune part importante du CICE bénéficie à lindustrie, part presque deux fois supérieure au poids de lindustrie dans la richesse nationale, et cela sans prendre en compte limpact indirect sur lindustrie via les services à lindustrie.
Ce choix de baisser le coût du travail au travers du CICE est un choix fort : nous devons veiller à ce quil soit aussi un choix cohérent et lisible. Cest la raison pour laquelle leffet favorable sur le coût du travail du CICE sera intégralement préservé en 2013 et en 2014.
Je le dis avec conviction : une politique économique exige de la constance, de la persistance, des efforts sur le temps long. Rappelons-nous que lAllemagne, hier présentée comme « lhomme malade de lEurope », aujourdhui lune des économies les plus puissantes, a mis une décennie à se redresser : donnons-nous à notre tour les moyens de la restauration durable de notre compétitivité. Nous devons choisir notre propre chemin, plus conforme à notre modèle social, mais nous devons opérer les changements nécessaires pour redresser notre économie.
Le deuxième volet sur lequel nous travaillons pour soutenir loffre productive, cest le soutien à la création dentreprises et à l'entrepreneuriat. Les créations dentreprises aujourdhui, ce sont les emplois de demain. Ce soutien passe, dans le projet de loi de finances pour 2014, par une réforme de limposition des plus-values mobilières. Nous rééquilibrons ce régime pour le rendre simple, lisible et pérenne, plus incitatif aussi. Cette réforme, exemplaire par sa méthode, fondée sur le dialogue et la concertation, avait été annoncée par le Président de la République, François Hollande, dans le cadre des Assises de l'entrepreneuriat organisées par Fleur Pellerin.
Le projet de loi de finances comporte enfin plusieurs mesures de soutien à linvestissement et à linnovation cest notre troisième volet. Il porte ainsi la création du PEA-PME, qui favorisera le financement en fonds propres de lentreprise et garantira aux PME et aux ETI un accès plus aisé à lépargne des particuliers.
Les PME innovantes seront dynamisées par la réforme du statut Jeunes Entreprises Innovantes (JEI). Concrètement, le budget prévoit une exonération complète des cotisations sociales patronales pendant huit ans, alors quauparavant, cette exonération était dégressive. De plus, le champ des dépenses éligibles aux exonérations de cotisations est étendu, et couvrira à lavenir le personnel affectés aux activités dinnovation.
Les mesures fiscales que jévoquais viennent compléter larsenal très complet de mesures que nous avons élaborées pour rétablir notre compétitivité. La compétitivité, cest aussi le « choc de simplification » voulu par le Président, par exemple, qui va créer un environnement plus favorable pour les entreprises. Notre approche est globale et cohérente, elle ne se limite pas à limpulsion fiscale.
Vous le savez, nous navons pas souhaité aller jusquau bout de la piste dune taxation de lexcédent brut dexploitation. La concertation a en effet montré que cette mesure, qui visait à une fiscalité plus intelligente des entreprises, moins pénalisante pour la production, ne faisait pas encore consensus. Nous avons donc privilégié la voie dune surtaxe exceptionnelle de limpôt sur les sociétés. Cela népuise pas la discussion : il nous faut poursuivre la réflexion sur la structure de limpôt sur les entreprises pour faire en sorte quil pèse moins sur linvestissement. Le Président de la République, François Hollande, a annoncé dans cette optique des Assises de la fiscalité des entreprises dans les prochains mois qui permettront de définir, dans la concertation, une fiscalité plus intelligente. Et nous continuerons, en parallèle, à réfléchir à lévolution du coût du travail.
Mais je le dis clairement : personne na cédé à personne. Personne ne nous empêchera de mettre en place une fiscalité sur les entreprises plus simple, plus lisible. Nous continuerons la discussion avec les organisations patronales et avec les organisations syndicales, sans renoncement, sans dogmatisme ni dun côté, ni de lautre, et sans cartons jaunes brandis à la face du gouvernement ou de la représentation nationale. Je refuse les postures, les sommations, les injonctions, les surenchères : ce nest pas ainsi quon bâtit une relation partenariale constructive, basée sur la confiance et les responsabilités mutuelles. La bonne foi et louverture ne sont pas des obligations à sens unique. Une négociation fructueuse suppose une volonté sincère de parvenir aux meilleurs compromis pour la collectivité. Nous lavons, elle doit être partagée.
Conforter notre dynamique de croissance implique de piloter de manière très fine notre effort dajustement des comptes publics. Exigence et équilibre : ce sont les deux termes qui me viennent à lesprit pour qualifier la trajectoire de redressement des comptes que nous suivrons en 2013 et 2014. Le sérieux budgétaire et le cap de léquilibre structurel sont des acquis que nous devons à tout prix préserver ; le redressement des comptes publics doit se poursuivre à un rythme soutenu, mais qui soit compatible avec la reprise. Cest la voie que nous traçons, pour 2013 et 2014.
Le déficit public devrait ainsi sétablir à 4,1 % du PIB, au-delà de la prévision initiale de 3,7 %. Il est important de comprendre que ce dépassement tient pour une très large part à limpact de lenvironnement économique et de la faible inflation sur les recettes fiscales, la TVA et limpôt sur les sociétés. La dépense qui est directement sous le contrôle du gouvernement, notamment la dépense de lEtat et de lassurance maladie, est maîtrisée. Leffort structurel est extrêmement important, de 1,7 point de PIB, après 1,3 point en 2012.
Pour 2014, notre objectif de déficit nominal sera de 3,6 %, en cohérence avec nos engagements européens. Et leffort structurel représentera 0,9 point de PIB, soit un rythme globalement inchangé par rapport à celui du programme de stabilité transmis à la Commission européenne au printemps, mais très légèrement ralenti par rapport à 2013, en ligne avec les recommandations de la Commission Européenne afin de préserver la croissance.
Une remarque importante ici sur lévolution des déficits : il ne vous aura pas échappé quelle va dans le bon sens. En 2011, il sétablissait à 5,3 % du produit intérieur brut ; en 2012, nous lavons ramené à 4,8 % ; en 2013, il sera à 4,1 % ; fin 2014, et sur la base de nos prévisions de croissance, il sera à 3,6 %. Alors, que si nous navions rien fait, si nous navions pris aucune mesure correctrice depuis mai 2012, notre déficit serait en 2014 de 6,6 % du PIB ! 6,6 % du PIB de déficits, voilà où nous en serions si nous avions continué à suivre la politique de la majorité précédente.
Exigence et équilibre : cest également la raison pour laquelle nous avons jugé quil était désormais nécessaire de tendre vers la stabilisation des prélèvements obligatoires, et de faire porter lessentiel de leffort sur les économies de dépenses publiques. Mettons linventivité fiscale si française au service de la transformation intelligente des services publics. Cette année, sur un effort de redressement budgétaire total de 18 milliards deuros, 2 milliards proviendront de la lutte contre la fraude et loptimisation fiscale et surtout, 15 milliards proviendront déconomies de dépenses publiques par rapport à leur évolution spontanée.
Une parenthèse, ici : il a beaucoup été question dimpôts, depuis quelques mois. Limpôt est-il condamnable en soi ? Certainement pas ! Limpôt nest pas le mal, au contraire : il est un outil, et dabord et avant tout un outil de redistribution et de transformation sociale, qui demeure lobjectif de toute politique progressiste. Ne loublions jamais face aux vrais poujadistes déguisés en économistes.
Nous avions fait le choix de concentrer la hausse des prélèvements obligatoires sur la période 2012-2013 : je lassume entièrement. Cétait à la fois la décision la plus juste et la plus efficace économiquement. Le FMI la encore rappelé lors de la réunion à laquelle jassistais la semaine dernière: lanalyse économique prouve quà court terme, et notamment dans un contexte de récession, une baisse des dépenses publiques pèse davantage sur la croissance quune hausse des prélèvements obligatoires.
Mais il faut aussi reconnaître que cette stratégie ne peut pas être conduite indéfiniment. A moyen terme, les hausses de prélèvements peuvent nuire au potentiel de croissance, à lattractivité du territoire. Dès lors que lactivité commence à se raffermir, que les tensions financières se détendent, que le rythme dajustement tout en restant exigeant - est désormais plus raisonné, toutes les conditions sont réunies pour mettre laccent sur la réduction des dépenses publiques.
Mesdames et Messieurs les Députés, le budget qui est soumis à votre examen prend le parti de faire du levier de linvestissement, de la compétitivité des entreprises, le moteur de la croissance de demain.
Ce nest pas exclusif dune démarche déterminée pour ramener à lemploi ceux qui en sont les plus éloignés, au contraire. Il est logique que notre politique structurelle saccompagne dun soutien conjoncturel, compte tenu du déficit de demande privée auquel la France fait face.
Je lai dit en de nombreuses occasions : nous navons pas lemploi aidé honteux. Cest conforme à nos principes dans une période économique qui reste difficile, et surtout cest un complément, pas un substitut, à la politique de renforcement notre tissu productif que je viens de détailler.
Le projet de loi de finances pour 2014 déploie donc avec vigueur nos politiques volontaristes en faveur de lemploi. Il finance la création dici fin 2014 de 150 000 emplois davenir, qui concernent les jeunes de 16 à 25 ans, la signature de 100 000 contrats de génération, la consolidation de 340 000 contrats aidés non marchands, et la création dun nouveau contingent de 2000 postes chez Pôle Emplois, après les 2000 de 2013.
Le redémarrage de lemploi est une condition essentielle, la principale, même, pour redresser le pouvoir dachat, car le pouvoir dachat, avant dêtre un chiffre sur une feuille dimposition, ce sont dabord les revenus dactivité, les salaires.
Dans ce projet de budget, de nombreuses mesures vont permettre de soutenir le pouvoir dachat des ménages en particulier des classes moyennes et des plus modestes. Leffort délibéré en faveur de loffre productive ne doit pas faire perdre ces mesures de vue, car dans le projet de budget que nous avons élaboré, cest près dun milliard deuros de pouvoir dachat qui sera rendu aux Français. Je veux prendre le temps ici de revenir sur certaines de ses mesures, avant que Bernard Cazeneuve ne complète mes propos.
Si je devais résumer notre action en faveur du pouvoir dachat des Français dans ce budget, je dirais quelle se joue sur quatre fronts à la fois. Jai déjà évoqué le front de lemploi, absolument capital. Les trois autres fronts, sur lesquels je vais revenir plus en détail, sont ceux de laction sur les dépenses contraintes, la maîtrise des prélèvements obligatoires, et la lutte contre les inégalités par la progressivité de limpôt :
- Nous agissons sur les dépenses contraintes, qui pèsent de plus en plus sur le pouvoir dachat des français, à commencer par le logement et lénergie. Je vous renvoie ici à nos mesures sur lencadrement des loyers dans les zones tendues, par exemple, ou sur le plafonnement des frais bancaires, ou encore sur les tarifs sociaux de lélectricité et du gaz, qui devraient bénéficier à 4 millions de foyers cest notre objectif - contre environ 1,3 million auparavant ;
- La maîtrise des prélèvements obligatoires, cest le refus dune hausse générale dimpôts, au-delà de la réforme des taux de TVA déjà votée, alors que la contrainte budgétaire reste forte.
- En parallèle, le barème de limpôt sur le revenu sera réindexé sur le coût de la vie, après deux années de gel décidées par le précédent gouvernement. Cette action va permettre de réduire limposition des Français dont les revenus nont pas augmenté et de préserver les plus modestes. Car ce qui est choquant nest pas que des contribuables qui gagnent plus voient leur impôt augmenter, mais que leur impôt augmente à revenu ou situation inchangée.
- Maîtriser les prélèvements passe aussi par « décote » renforcée, dont vont bénéficier les classes moyennes. Cette mesure permet de retarder et datténuer les effets de lentrée dans le barème progressif de limpôt sur le revenu. Elle bénéficiera à près de 7 millions de contribuables.
Avec ces mesures, cest près dun milliard deuro qui est rendu aux ménages, alors que la contrainte budgétaire reste très forte.
- Le pouvoir dachat passe enfin par une plus grande progressivité de limpôt. Les inégalités ont progressé aux deux extrémités des niveaux de vie en 2010. En 2011, la fracture s'est aggravée : les niveaux de vie ont augmenté pour la moitié la plus aisée de la population, et reculé pour la moitié la plus modeste. Il faut répondre à ce problème. Comme disait le philosophe Norberto Bobbio, « létoile polaire de légalité », cest le trait distinctif entre la droite et la gauche, le critère qui résiste à lusure du temps. En supprimant plusieurs niches fiscales, nous rendons limpôt plus juste, notre système plus redistributif.
Bernard Cazeneuve et moi-même sommes par ailleurs à votre écoute pour conforter ce volet « pouvoir dachat » du projet de loi de finances. Nous nous sommes dores et déjà prononcés en faveur dune majoration du plafond de revenu en-deçà duquel les contribuables bénéficient dexonérations. Ainsi, nous préserverons les plus modestes et évitons que les retraités ayant de petites pensions ne voient leurs impôts augmenter. Et je veux redire notre ouverture sur la question du maintien dune partie de la niche sur les frais de scolarité, dès lors que cette mesure est financée.
Un dernier point rapidement, Mesdames et Messieurs les Députés : le projet de loi de finances répond à lurgence stimuler la croissance, dynamiser lemploi mais il est aussi un outil pour préparer lavenir.
Cela se manifeste de plusieurs façons dans les textes financiers de lautomne :
- Le cap de léquilibre budgétaire structurel en fin de mandat est maintenu, car le désendettement est une nécessité pour notre souveraineté.
- La compétitivité, cest aussi construire un Etat plus agile, plus stratège, en soutien de la compétitivité de notre économie. Cest pour cela quil faut moderniser laction publique, et faire de cette modernisation un levier pour nos économies. « Ne disposant que de moyens limités, nous devons soigneusement veiller à les affecter aux objets essentiels, à éliminer ce qui est moins important au profit de ce qui l'est davantage. Dans tous les domaines, nous aurons à transférer l'effort de l'improductif au productif, du moins utile au plus utile. Ce sera la règle d'or de notre redressement, règle universelle valable pour les activités privées comme pour le secteur public » : Mendès-France, que jai déjà cité, nous offre là la voie dune réelle modernisation de laction publique.
- Préparer lavenir, cest aussi consolider notre modèle social, dont les déséquilibres financiers menacent la pérennité. Cest le sens de la réforme de la famille et de la réforme des retraites que les textes financiers de lautomne concrétiseront.
- Enfin, le projet de budget consacrera le lancement du nouveau programme dinvestissements davenir de 12 Md, annoncé en juillet par le Premier ministre. Plus de la moitié de ce programme sera consacré à des investissements directs ou indirects pour la transition écologique. Ces investissements seront soigneusement choisis, avec pour objectif de renforcer la croissance potentielle en France. Le rapport économique, social et financier qui accompagne le projet de loi de finances, et que nous avons piloté avec soin parce quil est un outil dinformation détaillée privilégié avec la représentation nationale, propose dailleurs une analyse stimulante de lévaluation des projets dinvestissements publics.
Voilà, Mesdames et Messieurs les Députés, les quelques remarques dont je souhaitais vous faire part. Nous avons conçu ce projet de loi de finances comme un levier pour le retour de la croissance en France, croissance qui passera par laffermissement de la dynamique de linvestissement et donc par une action déterminée en faveur de la compétitivité de nos entreprises. Elle passe aussi par lamélioration de la situation économique et sociale des Français. Ces deux objectifs, en réalité, se renforcent mutuellement. Nopposons pas ménages et entreprises, soutien à linvestissement et défense du pouvoir dachat. Une bonne politique économique, soucieuse du redressement productif et financier de la France, doit encourager loffre comme la demande, et restaurer la confiance de tous les acteurs économiques, dans la justice. Notre budget de lAn II est tout entier irrigué par cette ambition : conforter la croissance par la confiance, la confiance par la croissance, pour lutter contre le chômage.
Pour ma part, jai la conviction que la France est en train de sen sortir, que nous sommes sur la bonne voie. Je sais les atouts de notre économie. Je naccepte pas la représentation négative, pessimiste, que certains en donnent, nourrissant ainsi les inquiétudes réelles des Français. Notre tâche, la mienne, celle du ministre du budget, celle du gouvernement, cest de fortifier ces atouts, considérables. Cest le sens et lambition du projet de loi de finances que nous vous présentons. Merci.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 16 octobre 2013
Monsieur le Président de la commission des finances,
Monsieur le Rapporteur général,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le budget est un des moments les plus importants, les plus solennels, de notre vie politique et démocratique.
Le budget, cest le moment des choix, cest le moment des actes, cest le moment où nous disons nos priorités pour le pays.
Le budget, cest aussi ce qui fonde une majorité.
Lannée dernière, à cette même place, javais présenté le premier budget de la gauche au pouvoir depuis dix ans, avec une priorité : restaurer notre souveraineté. Lannée dernière et jemprunte cette phrase à Edouard Herriot qui la prononcée ici, en 1924 - nous avons dabord été, sans oublier bien sûr la justice sociale, « les gardiens vigilants du crédit de la France ».
Cette année, je suis fier de vous présenter un projet de loi de finances pour 2014 tout entier tourné vers laccompagnement de la croissance et vers lemploi.
Car notre politique économique commence à porter ses fruits. Nous avons connu un très bon 2ème trimestre, avec une croissance de +0,5 % qui a surpris les économistes. La hausse du chômage ralentit et le chômage commence dores et déjà à reculer : linversion de la courbe du chômage paraît désormais à portée de main. Les instituts de conjoncture, lInsee ou le FMI, ont revu à la hausse leurs perspectives pour léconomie française, et se montrent même plus optimistes que le gouvernement. Les enquêtes de conjoncture suggèrent que le climat des affaires continue de saméliorer, que le bon résultat du 2ème trimestre nest pas un « accident », mais constitue bien un point de retournement.
Oui, nous voyons les premiers résultats de notre action : nous sommes bien dans une phase de reprise, encore fragile, certes, mais réelle. Je ne veux pas apparaître comme un adepte de la méthode Coué, absurdement porté à lautosatisfaction. Je connais mieux que quiconque les problèmes économiques du pays, les difficultés dont nous avons héritées, pour tomber dans cette facilité. Mais je voudrais que tous ensemble, sans brider nos débats, sans occulter nos différences, nous sachions le reconnaître : léconomie française va mieux. Ce message-là, nos compatriotes ont besoin de lentendre, et de le croire, de la part des formations politiques républicaines qui ont lambition de rendre confiance à notre pays, sauf à nourrir les inquiétudes qui, nous le savons, profitent à dautres.
Oui, la reprise est là. Toute lambition du projet de loi de finances pour 2014 est de conforter et damplifier cette reprise, de stimuler la croissance qui se dessine, et à travers elle, lemploi et le pouvoir dachat. Car ne loublions jamais, le pouvoir dachat cest dabord et avant tout lemploi.
Pour donner un élan à lactivité, nous avons choisi délaborer un projet de budget résolument favorable à loffre productive, un budget de soutien déterminé à la compétitivité des entreprises et à linvestissement. Comme le disait Pierre Mendès-France en 1953, la priorité cest « daccroître la masse des biens à répartir ». Cest faire le choix de la création, de linvention : cest faire le choix de produire, préalable indispensable avant de redistribuer.
Cest un choix assumé: cest la voie qui mènera à un redressement durable de léconomie, de la croissance et de lemploi.
Certains peut-être, sinterrogent sur cette orientation, y compris sur ces bancs.
Soyons clairs. Le budget ne sert pas les intérêts de quelques uns, il est au service de tous les Français. Nous partageons tous le même objectif : lemploi. Mesdames et Messieurs les Députés, les créations demplois de demain, cest dans lentreprise, avec leurs salariés, quelles auront lieu. Cest grâce à la croissance que les entreprises les créeront et les développeront. Cest ce mouvement que nous voulons accélérer, avec le projet de loi de finances. Voilà ce qui fait la signature de ce budget, sa marque propre.
Certes, certaines réalités rendent notre tâche plus difficile. Notre pays ne dispose pas de marge de manoeuvre pour une relance keynésienne : cest aussi cela, le legs des précédents gouvernements. De même, nous ne pouvons nier les difficultés de notre appareil productif, ou de son retard de compétitivité, qui constituent aujourdhui une réelle menace. Mais ayons confiance. Ayons confiance dans la capacité de rebond de notre économie. Ayons confiance dans notre propre capacité à laider à se redresser.
Un mot dabord sur nos perspectives de croissance pour 2013 et 2014. Elles reflètent un choix de prudence, et un choix de confiance :
- Pour 2013, nous étions partis au printemps dernier sur une prévision de +0,1 %. Je la confirme, car notre économie dispose dune forte capacité de rebond, et relève dans le même temps que nos chiffres sont plus prudents que ceux de lINSEE et du FMI, qui sont à +0,2 %.
- Pour 2014, la prévision sur laquelle est bâti le projet de loi de finances est de +0,9 % de croissance du PIB. Avant lété, le consensus économique était que la croissance française pour 2014 ne dépasserait pas +0,6 % ; aujourdhui différents organismes, dont le FMI là encore, anticipent une croissance supérieure à notre hypothèse. Nous sommes donc là encore sur la voie médiane, entre confiance et prudence.
En tout état de cause, le Haut Conseil des Finances Publiques, dans son avis relatif au projet de loi de finances pour 2014, a jugé ce scénario macroéconomique « plausible », tant pour 2013 que pour 2014.
Certes, nous sommes loin des taux de croissance des 30 Glorieuses, loin même des taux que nous avons connus entre 1997 et 2002, loin aussi de notre potentiel de croissance, que nous pouvons et voulons rejoindre. Mais nous approchons des niveaux qui nous permettront de faire baisser durablement le chômage en France.
Pour stimuler cette reprise, je le disais, nous avons dabord décidé de poursuivre et damplifier le redressement de la compétitivité de nos entreprises, en soutenant tous les leviers de linvestissement productif.
Linvestissement privé, cest le moteur de la croissance qui reste aujourdhui le plus à la peine, même sil a un peu mieux résisté depuis un an que dans le reste de la zone euro. Cest pourquoi nous avons choisi de concentrer nos efforts dessus, avec une palette large de mesures en faveur de la compétitivité des entreprises.
Nous sommes déjà largement engagés sur cette voie. Lan dernier, lors de nos discussions sur le projet de loi de finances 2013, javais fait devant vous le diagnostic dun déficit de compétitivité de notre tissu productif. Le rapport Gallois était ensuite venu tracer des pistes pour le combler, que nous avions reprises dans le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et lemploi. Dautres initiatives majeures, que nous avons menées à bien avec le concours précieux et attentif de la majorité présidentielle, ont permis dapprofondir encore ce sillon. Je pense en particulier à la loi sur la sécurisation de lemploi, qui donne de nouveaux droits aux salariés, et plus de souplesse et de certitude juridique aux entreprises, ou encore à la profonde réorganisation du financement de léconomie.
Ce sillon, nous continuons à le tracer dans le projet de loi de finances 2014, et nous lapprofondissons, autour de trois grands axes :
Tout dabord, lannée 2014 sera lannée de la montée en charge du Crédit dImpôt Compétitivité Emploi. Alors que le coût du travail a augmenté de manière constante en France, le crédit dimpôt pour la compétitivité et lemploi a déjà permis de renverser la vapeur. Sa montée en puissance va contribuer à accélérer la convergence en cours avec lAllemagne. Elle est aussi un tremplin pour lemploi, puisque le CICE permettra de créer 300 000 emplois sur le quinquennat. Les premiers travaux du commissariat général à la stratégie et à la prospective, qui évaluera le CICE en continu dans les années à venir, pour la parfaite information du Parlement, donnent des signaux encourageants et confirment quune part importante du CICE bénéficie à lindustrie, part presque deux fois supérieure au poids de lindustrie dans la richesse nationale, et cela sans prendre en compte limpact indirect sur lindustrie via les services à lindustrie.
Ce choix de baisser le coût du travail au travers du CICE est un choix fort : nous devons veiller à ce quil soit aussi un choix cohérent et lisible. Cest la raison pour laquelle leffet favorable sur le coût du travail du CICE sera intégralement préservé en 2013 et en 2014.
Je le dis avec conviction : une politique économique exige de la constance, de la persistance, des efforts sur le temps long. Rappelons-nous que lAllemagne, hier présentée comme « lhomme malade de lEurope », aujourdhui lune des économies les plus puissantes, a mis une décennie à se redresser : donnons-nous à notre tour les moyens de la restauration durable de notre compétitivité. Nous devons choisir notre propre chemin, plus conforme à notre modèle social, mais nous devons opérer les changements nécessaires pour redresser notre économie.
Le deuxième volet sur lequel nous travaillons pour soutenir loffre productive, cest le soutien à la création dentreprises et à l'entrepreneuriat. Les créations dentreprises aujourdhui, ce sont les emplois de demain. Ce soutien passe, dans le projet de loi de finances pour 2014, par une réforme de limposition des plus-values mobilières. Nous rééquilibrons ce régime pour le rendre simple, lisible et pérenne, plus incitatif aussi. Cette réforme, exemplaire par sa méthode, fondée sur le dialogue et la concertation, avait été annoncée par le Président de la République, François Hollande, dans le cadre des Assises de l'entrepreneuriat organisées par Fleur Pellerin.
Le projet de loi de finances comporte enfin plusieurs mesures de soutien à linvestissement et à linnovation cest notre troisième volet. Il porte ainsi la création du PEA-PME, qui favorisera le financement en fonds propres de lentreprise et garantira aux PME et aux ETI un accès plus aisé à lépargne des particuliers.
Les PME innovantes seront dynamisées par la réforme du statut Jeunes Entreprises Innovantes (JEI). Concrètement, le budget prévoit une exonération complète des cotisations sociales patronales pendant huit ans, alors quauparavant, cette exonération était dégressive. De plus, le champ des dépenses éligibles aux exonérations de cotisations est étendu, et couvrira à lavenir le personnel affectés aux activités dinnovation.
Les mesures fiscales que jévoquais viennent compléter larsenal très complet de mesures que nous avons élaborées pour rétablir notre compétitivité. La compétitivité, cest aussi le « choc de simplification » voulu par le Président, par exemple, qui va créer un environnement plus favorable pour les entreprises. Notre approche est globale et cohérente, elle ne se limite pas à limpulsion fiscale.
Vous le savez, nous navons pas souhaité aller jusquau bout de la piste dune taxation de lexcédent brut dexploitation. La concertation a en effet montré que cette mesure, qui visait à une fiscalité plus intelligente des entreprises, moins pénalisante pour la production, ne faisait pas encore consensus. Nous avons donc privilégié la voie dune surtaxe exceptionnelle de limpôt sur les sociétés. Cela népuise pas la discussion : il nous faut poursuivre la réflexion sur la structure de limpôt sur les entreprises pour faire en sorte quil pèse moins sur linvestissement. Le Président de la République, François Hollande, a annoncé dans cette optique des Assises de la fiscalité des entreprises dans les prochains mois qui permettront de définir, dans la concertation, une fiscalité plus intelligente. Et nous continuerons, en parallèle, à réfléchir à lévolution du coût du travail.
Mais je le dis clairement : personne na cédé à personne. Personne ne nous empêchera de mettre en place une fiscalité sur les entreprises plus simple, plus lisible. Nous continuerons la discussion avec les organisations patronales et avec les organisations syndicales, sans renoncement, sans dogmatisme ni dun côté, ni de lautre, et sans cartons jaunes brandis à la face du gouvernement ou de la représentation nationale. Je refuse les postures, les sommations, les injonctions, les surenchères : ce nest pas ainsi quon bâtit une relation partenariale constructive, basée sur la confiance et les responsabilités mutuelles. La bonne foi et louverture ne sont pas des obligations à sens unique. Une négociation fructueuse suppose une volonté sincère de parvenir aux meilleurs compromis pour la collectivité. Nous lavons, elle doit être partagée.
Conforter notre dynamique de croissance implique de piloter de manière très fine notre effort dajustement des comptes publics. Exigence et équilibre : ce sont les deux termes qui me viennent à lesprit pour qualifier la trajectoire de redressement des comptes que nous suivrons en 2013 et 2014. Le sérieux budgétaire et le cap de léquilibre structurel sont des acquis que nous devons à tout prix préserver ; le redressement des comptes publics doit se poursuivre à un rythme soutenu, mais qui soit compatible avec la reprise. Cest la voie que nous traçons, pour 2013 et 2014.
Le déficit public devrait ainsi sétablir à 4,1 % du PIB, au-delà de la prévision initiale de 3,7 %. Il est important de comprendre que ce dépassement tient pour une très large part à limpact de lenvironnement économique et de la faible inflation sur les recettes fiscales, la TVA et limpôt sur les sociétés. La dépense qui est directement sous le contrôle du gouvernement, notamment la dépense de lEtat et de lassurance maladie, est maîtrisée. Leffort structurel est extrêmement important, de 1,7 point de PIB, après 1,3 point en 2012.
Pour 2014, notre objectif de déficit nominal sera de 3,6 %, en cohérence avec nos engagements européens. Et leffort structurel représentera 0,9 point de PIB, soit un rythme globalement inchangé par rapport à celui du programme de stabilité transmis à la Commission européenne au printemps, mais très légèrement ralenti par rapport à 2013, en ligne avec les recommandations de la Commission Européenne afin de préserver la croissance.
Une remarque importante ici sur lévolution des déficits : il ne vous aura pas échappé quelle va dans le bon sens. En 2011, il sétablissait à 5,3 % du produit intérieur brut ; en 2012, nous lavons ramené à 4,8 % ; en 2013, il sera à 4,1 % ; fin 2014, et sur la base de nos prévisions de croissance, il sera à 3,6 %. Alors, que si nous navions rien fait, si nous navions pris aucune mesure correctrice depuis mai 2012, notre déficit serait en 2014 de 6,6 % du PIB ! 6,6 % du PIB de déficits, voilà où nous en serions si nous avions continué à suivre la politique de la majorité précédente.
Exigence et équilibre : cest également la raison pour laquelle nous avons jugé quil était désormais nécessaire de tendre vers la stabilisation des prélèvements obligatoires, et de faire porter lessentiel de leffort sur les économies de dépenses publiques. Mettons linventivité fiscale si française au service de la transformation intelligente des services publics. Cette année, sur un effort de redressement budgétaire total de 18 milliards deuros, 2 milliards proviendront de la lutte contre la fraude et loptimisation fiscale et surtout, 15 milliards proviendront déconomies de dépenses publiques par rapport à leur évolution spontanée.
Une parenthèse, ici : il a beaucoup été question dimpôts, depuis quelques mois. Limpôt est-il condamnable en soi ? Certainement pas ! Limpôt nest pas le mal, au contraire : il est un outil, et dabord et avant tout un outil de redistribution et de transformation sociale, qui demeure lobjectif de toute politique progressiste. Ne loublions jamais face aux vrais poujadistes déguisés en économistes.
Nous avions fait le choix de concentrer la hausse des prélèvements obligatoires sur la période 2012-2013 : je lassume entièrement. Cétait à la fois la décision la plus juste et la plus efficace économiquement. Le FMI la encore rappelé lors de la réunion à laquelle jassistais la semaine dernière: lanalyse économique prouve quà court terme, et notamment dans un contexte de récession, une baisse des dépenses publiques pèse davantage sur la croissance quune hausse des prélèvements obligatoires.
Mais il faut aussi reconnaître que cette stratégie ne peut pas être conduite indéfiniment. A moyen terme, les hausses de prélèvements peuvent nuire au potentiel de croissance, à lattractivité du territoire. Dès lors que lactivité commence à se raffermir, que les tensions financières se détendent, que le rythme dajustement tout en restant exigeant - est désormais plus raisonné, toutes les conditions sont réunies pour mettre laccent sur la réduction des dépenses publiques.
Mesdames et Messieurs les Députés, le budget qui est soumis à votre examen prend le parti de faire du levier de linvestissement, de la compétitivité des entreprises, le moteur de la croissance de demain.
Ce nest pas exclusif dune démarche déterminée pour ramener à lemploi ceux qui en sont les plus éloignés, au contraire. Il est logique que notre politique structurelle saccompagne dun soutien conjoncturel, compte tenu du déficit de demande privée auquel la France fait face.
Je lai dit en de nombreuses occasions : nous navons pas lemploi aidé honteux. Cest conforme à nos principes dans une période économique qui reste difficile, et surtout cest un complément, pas un substitut, à la politique de renforcement notre tissu productif que je viens de détailler.
Le projet de loi de finances pour 2014 déploie donc avec vigueur nos politiques volontaristes en faveur de lemploi. Il finance la création dici fin 2014 de 150 000 emplois davenir, qui concernent les jeunes de 16 à 25 ans, la signature de 100 000 contrats de génération, la consolidation de 340 000 contrats aidés non marchands, et la création dun nouveau contingent de 2000 postes chez Pôle Emplois, après les 2000 de 2013.
Le redémarrage de lemploi est une condition essentielle, la principale, même, pour redresser le pouvoir dachat, car le pouvoir dachat, avant dêtre un chiffre sur une feuille dimposition, ce sont dabord les revenus dactivité, les salaires.
Dans ce projet de budget, de nombreuses mesures vont permettre de soutenir le pouvoir dachat des ménages en particulier des classes moyennes et des plus modestes. Leffort délibéré en faveur de loffre productive ne doit pas faire perdre ces mesures de vue, car dans le projet de budget que nous avons élaboré, cest près dun milliard deuros de pouvoir dachat qui sera rendu aux Français. Je veux prendre le temps ici de revenir sur certaines de ses mesures, avant que Bernard Cazeneuve ne complète mes propos.
Si je devais résumer notre action en faveur du pouvoir dachat des Français dans ce budget, je dirais quelle se joue sur quatre fronts à la fois. Jai déjà évoqué le front de lemploi, absolument capital. Les trois autres fronts, sur lesquels je vais revenir plus en détail, sont ceux de laction sur les dépenses contraintes, la maîtrise des prélèvements obligatoires, et la lutte contre les inégalités par la progressivité de limpôt :
- Nous agissons sur les dépenses contraintes, qui pèsent de plus en plus sur le pouvoir dachat des français, à commencer par le logement et lénergie. Je vous renvoie ici à nos mesures sur lencadrement des loyers dans les zones tendues, par exemple, ou sur le plafonnement des frais bancaires, ou encore sur les tarifs sociaux de lélectricité et du gaz, qui devraient bénéficier à 4 millions de foyers cest notre objectif - contre environ 1,3 million auparavant ;
- La maîtrise des prélèvements obligatoires, cest le refus dune hausse générale dimpôts, au-delà de la réforme des taux de TVA déjà votée, alors que la contrainte budgétaire reste forte.
- En parallèle, le barème de limpôt sur le revenu sera réindexé sur le coût de la vie, après deux années de gel décidées par le précédent gouvernement. Cette action va permettre de réduire limposition des Français dont les revenus nont pas augmenté et de préserver les plus modestes. Car ce qui est choquant nest pas que des contribuables qui gagnent plus voient leur impôt augmenter, mais que leur impôt augmente à revenu ou situation inchangée.
- Maîtriser les prélèvements passe aussi par « décote » renforcée, dont vont bénéficier les classes moyennes. Cette mesure permet de retarder et datténuer les effets de lentrée dans le barème progressif de limpôt sur le revenu. Elle bénéficiera à près de 7 millions de contribuables.
Avec ces mesures, cest près dun milliard deuro qui est rendu aux ménages, alors que la contrainte budgétaire reste très forte.
- Le pouvoir dachat passe enfin par une plus grande progressivité de limpôt. Les inégalités ont progressé aux deux extrémités des niveaux de vie en 2010. En 2011, la fracture s'est aggravée : les niveaux de vie ont augmenté pour la moitié la plus aisée de la population, et reculé pour la moitié la plus modeste. Il faut répondre à ce problème. Comme disait le philosophe Norberto Bobbio, « létoile polaire de légalité », cest le trait distinctif entre la droite et la gauche, le critère qui résiste à lusure du temps. En supprimant plusieurs niches fiscales, nous rendons limpôt plus juste, notre système plus redistributif.
Bernard Cazeneuve et moi-même sommes par ailleurs à votre écoute pour conforter ce volet « pouvoir dachat » du projet de loi de finances. Nous nous sommes dores et déjà prononcés en faveur dune majoration du plafond de revenu en-deçà duquel les contribuables bénéficient dexonérations. Ainsi, nous préserverons les plus modestes et évitons que les retraités ayant de petites pensions ne voient leurs impôts augmenter. Et je veux redire notre ouverture sur la question du maintien dune partie de la niche sur les frais de scolarité, dès lors que cette mesure est financée.
Un dernier point rapidement, Mesdames et Messieurs les Députés : le projet de loi de finances répond à lurgence stimuler la croissance, dynamiser lemploi mais il est aussi un outil pour préparer lavenir.
Cela se manifeste de plusieurs façons dans les textes financiers de lautomne :
- Le cap de léquilibre budgétaire structurel en fin de mandat est maintenu, car le désendettement est une nécessité pour notre souveraineté.
- La compétitivité, cest aussi construire un Etat plus agile, plus stratège, en soutien de la compétitivité de notre économie. Cest pour cela quil faut moderniser laction publique, et faire de cette modernisation un levier pour nos économies. « Ne disposant que de moyens limités, nous devons soigneusement veiller à les affecter aux objets essentiels, à éliminer ce qui est moins important au profit de ce qui l'est davantage. Dans tous les domaines, nous aurons à transférer l'effort de l'improductif au productif, du moins utile au plus utile. Ce sera la règle d'or de notre redressement, règle universelle valable pour les activités privées comme pour le secteur public » : Mendès-France, que jai déjà cité, nous offre là la voie dune réelle modernisation de laction publique.
- Préparer lavenir, cest aussi consolider notre modèle social, dont les déséquilibres financiers menacent la pérennité. Cest le sens de la réforme de la famille et de la réforme des retraites que les textes financiers de lautomne concrétiseront.
- Enfin, le projet de budget consacrera le lancement du nouveau programme dinvestissements davenir de 12 Md, annoncé en juillet par le Premier ministre. Plus de la moitié de ce programme sera consacré à des investissements directs ou indirects pour la transition écologique. Ces investissements seront soigneusement choisis, avec pour objectif de renforcer la croissance potentielle en France. Le rapport économique, social et financier qui accompagne le projet de loi de finances, et que nous avons piloté avec soin parce quil est un outil dinformation détaillée privilégié avec la représentation nationale, propose dailleurs une analyse stimulante de lévaluation des projets dinvestissements publics.
Voilà, Mesdames et Messieurs les Députés, les quelques remarques dont je souhaitais vous faire part. Nous avons conçu ce projet de loi de finances comme un levier pour le retour de la croissance en France, croissance qui passera par laffermissement de la dynamique de linvestissement et donc par une action déterminée en faveur de la compétitivité de nos entreprises. Elle passe aussi par lamélioration de la situation économique et sociale des Français. Ces deux objectifs, en réalité, se renforcent mutuellement. Nopposons pas ménages et entreprises, soutien à linvestissement et défense du pouvoir dachat. Une bonne politique économique, soucieuse du redressement productif et financier de la France, doit encourager loffre comme la demande, et restaurer la confiance de tous les acteurs économiques, dans la justice. Notre budget de lAn II est tout entier irrigué par cette ambition : conforter la croissance par la confiance, la confiance par la croissance, pour lutter contre le chômage.
Pour ma part, jai la conviction que la France est en train de sen sortir, que nous sommes sur la bonne voie. Je sais les atouts de notre économie. Je naccepte pas la représentation négative, pessimiste, que certains en donnent, nourrissant ainsi les inquiétudes réelles des Français. Notre tâche, la mienne, celle du ministre du budget, celle du gouvernement, cest de fortifier ces atouts, considérables. Cest le sens et lambition du projet de loi de finances que nous vous présentons. Merci.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 16 octobre 2013