Texte intégral
Monsieur le Président,
Madame la Présidente de la commission des affaires étrangères,
Madame la Rapporteure pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable,
Monsieur le Rapporteur de la commission des affaires étrangères,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je suis heureux de me retrouver avec vous ce matin pour échanger sur la nécessité de ratifier l'accord passé le 30 janvier 2012 entre le gouvernement français et le gouvernement italien concernant la réalisation et l'exploitation d'une nouvelle ligne à grande vitesse dite «Lyon-Turin».
Je suis heureux parce que la ratification de cet accord est un beau rendez-vous parlementaire. Il permet à votre assemblée de participer à la construction européenne, à travers une avancée importante, sur un projet de très grande envergure à l'échelle du continent européen. Il est en effet essentiel, ne nous y trompons pas, de considérer la pertinence de cette nouvelle ligne ferroviaire au-delà de son seul impact régional.
Certes, il est évident que pour les régions concernées en France et en Italie, une nouvelle infrastructure de cette qualité, reliant des pôles économiques stratégiques et améliorant la mobilité des citoyens européens, représente un formidable intérêt. Mais il s'agit d'un projet qui mérite de prendre un peu de distance et d'examiner ce qu'il représente au regard de la structuration des échanges à l'échelle du continent européen tout entier.
Observons la carte de l'Europe en considérant l'ensemble des réseaux européens qui se développent aujourd'hui, et au coeur de ces réseaux, la place que notre pays occupe.
Aujourd'hui, force est de constater qu'une part de l'avenir de l'Europe se joue dans le transfrontalier et le développement des échanges, à l'image du tunnel de Lôtchsberg entre la Suisse et l'Italie, ou encore de celui du Brenner qui sera mis en service en 2025 entre l'Italie et l'Autriche. Ces pays voisins investissent dans de grandes liaisons leur permettant de dessiner de nouveaux horizons pour leurs citoyens comme pour leurs entreprises en même temps qu'il renforce l'armature des échanges entre le nord et le sud.
Avec la liaison Lyon-Turin, il s'agit de relier non pas seulement la France à l'Italie mais aussi la péninsule ibérique au sud-est de l'Europe, aux Balkans, aux pays du partenariat oriental, ce qui veut dire, en pratique, replacer la France au centre de gravité de l'Europe.
Nous devons faire preuve d'ambition pour l'avenir de notre territoire, pour l'avenir de nos concitoyens, pour la compétitivité de nos entreprises, pour la durabilité de notre environnement naturel. Alors, ce que je souhaitais vous dire aujourd'hui, c'est qu'avec la ratification de cet accord, nous avons la possibilité de franchir une étape, de marquer un pas, pour l'avenir géographique, stratégique et économique de notre pays au coeur du projet européen.
Ce pas revêt une importance toute particulière alors que nous sommes, comme vous le savez, engagés depuis maintenant dix-huit mois avec le Président de la République dans une réorientation de l'action européenne. Alors, vous me demanderez : «quel est le rapport ?», et je vous répondrai que ce rapport est on ne peut plus clair, et ce au regard d'au moins trois des objectifs que nous nous sommes fixés pour mettre en oeuvre ce projet.
Le premier objectif, c'est celui de construire une France forte qui entretient de solides relations avec ses plus proches partenaires européens. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, notre objectif était clair : tout mettre en oeuvre pour que la France soit à l'impulsion de la réorientation de l'Europe, qui n'avait d'autre objectif que l'austérité à perte de vue vers une politique équilibrée, tournée vers la relance, la croissance et l'emploi.
Pour y parvenir, pour dessiner ce nouvel horizon, il fallait avant tout que la France retrouve sa place au coeur de la construction européenne, en lien naturellement avec l'Allemagne. Nous l'avons fait avec succès. Je l'ai rappelé à plusieurs reprises devant vous, en particulier cette semaine lors de mon audition devant la commission des affaires étrangères et lors des questions au Gouvernement de mardi.
Mais il fallait aussi redonner de la vigueur aux relations privilégiées qui nous unissent à d'autres partenaires européens. L'Italie occupe à cet égard une place singulière.
Ainsi est-elle redevenue depuis mai 2012, et plus encore depuis la nomination d'Enrico Letta, un partenaire prioritaire et privilégié de la France. Sur de très nombreux sujets européens comme internationaux - la réorientation en faveur de la croissance, le soutien aux initiatives accompagnant la jeunesse vers l'emploi, la construction d'une politique de voisinage Sud, la politique de sécurité et de défense -, nos deux pays ont des intérêts et des approches très similaires. Notre partenariat avec Rome s'est donc renforcé et constitue un moyen de mieux défendre nos intérêts communs au niveau européen.
Après une période durant laquelle la France et l'Italie ont connu des relations que je qualifierai de façon diplomatique de «mouvementées», elles se sont donc retrouvées. Les changements politiques dans nos deux pays y ont fortement contribué.
Ce rapprochement était une nécessité. Nous ne devons pas perdre de vue notre histoire commune. Il n'y a pas tant de pays au monde qui peuvent dire que leur amitié repose sur plus de deux millénaires d'échanges, d'apports mutuels, de destins communs et de croisements culturels aussi étroits et intenses que ceux qui existent entre nous. Ce rapprochement s'explique par notre convergence sur de nombreux dossiers européens, et par notre volonté de travailler ensemble. Il s'illustre au quotidien par les importants échanges commerciaux entre nos deux pays : l'Italie est, ne l'oublions pas, notre deuxième client et notre troisième fournisseur.
C'est donc dans ce contexte que va prendre place le prochain sommet bilatéral, le 20 novembre à Rome. Et le projet de liaison ferroviaire entre Lyon et Turin sera au coeur de ce rendez-vous. L'Italie a déjà bien engagé le processus de ratification de son côté. Je peux attester de la motivation de nos voisins transalpins qui, à chacune de nos rencontres, me font part de leur volonté d'aboutir rapidement. J'en ai eu encore la confirmation ce week-end à l'occasion d'un échange sur ce dossier avec le président du Conseil italien, M. Letta.
Nous devons nous aussi montrer à l'Italie que la France s'investit et croit en l'avenir commun de nos deux pays. Nos relations ont rarement été aussi étroites et productives - c'est même peut-être sans précédent -, et la ratification de cet accord dont vous allez décider constitue une pierre supplémentaire à l'édifice du partenariat franco-italien. Il traduit une même vision de l'avenir de l'Europe que nous partageons : celle d'une Europe ambitieuse, qui se projette vers l'avenir, et qui se bâtit au travers de grands projets d'envergure transfrontalière, à l'image du futur Lyon-Turin.
Le deuxième objectif dans lequel s'inscrit la ratification de cet accord, c'est notre investissement pour la croissance durable et pour l'emploi.
Cet accord pose un cadre : celui de la future construction de la liaison ferroviaire entre les agglomérations de Lyon et de Turin. Ce projet recèle un haut potentiel en matière de développement économique, de croissance et d'emploi. Ce potentiel repose sur les deux finalités de ce projet, qui méritent l'une comme l'autre notre soutien : améliorer la liaison pour les usagers de cette future ligne à grande vitesse, en termes de facilité d'accès comme de rapidité ; basculer de la route vers le fret le trafic de marchandises traversant les Alpes franco-italiennes.
Dans les deux cas, ce projet a un intérêt économique indéniable. Les régions Rhône-Alpes, Piémont et Lombardie représentent des pôles économiques importants, et la barrière des Alpes constitue un frein à leur développement, développement qui serait favorisé par cette liaison.
Déjà, le chantier lui-même représente un potentiel important en termes de créations d'emplois, sachant que plus de la moitié des emplois du futur promoteur seront créés en France. Par ailleurs, nous savons tous ici que la mobilité est une des clefs pour l'accès à l'emploi et à de nouveaux marchés. Ainsi, le temps de parcours entre Paris et Milan passera de sept à quatre heures. Nous savons tous aussi à quel point il est important pour les entreprises dans nos territoires de pouvoir acheminer leurs marchandises, ou d'être livrées rapidement. C'est également une donnée déterminante de la compétitivité de notre économie à laquelle répond la création de ce corridor à priorité fret ambitieux.
J'ajoute que ce projet aura également des impacts en termes de développement durable. La France et les États de l'arc alpin, se sont tous engagés et de manière concertée dans une politique volontariste de report modal, visant à réduire la part de fret routier longue distance et à favoriser les modes alternatifs. Sa réalisation permettra à terme d'augmenter sur ce corridor la part modale du transport ferroviaire de 20 à 55 % et de reporter près d'un million de poids lourds par an de la route vers le rail.
Combien d'entre nous ne se sont pas dit, en doublant des files entières de camions, qu'il suffirait finalement d'un train pour éviter ces embouteillages, ces risques et cette pollution créés ainsi inutilement ? Il faut en finir avec le mur de camions qui traverse les Alpes. C'est une dimension très importante du projet Lyon-Turin. Il permettra ainsi de réduire les nuisances et la production des gaz à effet de serre subis par les vallées alpines du fait de leur forte fréquentation par les poids lourds, et la pollution ne connaît pas de frontière. La multimodalité, c'est l'avenir de notre économie comme de notre planète.
Le troisième objectif, c'est celui d'une France ambitieuse, qui se saisit de l'espace européen pour bâtir son avenir et celui de ses concitoyens.
Investir les espaces transfrontaliers, c'est investir pour l'avenir. Ce n'est pas par hasard si, de François Mitterrand à François Hollande, en passant par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, tous les Présidents de la République qui se sont succédé étaient convaincus et se sont engagés sur ce projet, comme leurs gouvernements, comme les ministres des transports ou de l'écologie qui se sont succédé.
Bâtir l'avenir de nos concitoyens, c'est saisir toutes les opportunités pour faire avancer les politiques et les chantiers qui auront des bénéfices directs pour leur quotidien.
Bâtir leur avenir, c'est aussi leur proposer de nouveaux challenges, de nouvelles ambitions, de nouveaux projets, positifs, concrets, et dont ils pourront être fiers. C'est précisément ce que propose cet accord, en poursuivant notre investissement dans les espaces transfrontaliers, en redessinant les cartes, en pensant un aménagement du territoire qui offrira à la France comme à l'Europe de nouvelles perspectives d'avenir.
Il y a deux semaines, j'étais à Grenoble, Cher Michel Destot, où j'ai eu la chance de réunir des représentants de sept gouvernements européens, dont l'Italie, la Slovénie, l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse, le Liechtenstein pour le lancement de la stratégie macrorégionale alpine. Derrière ce nom se révèle un projet ambitieux qui sera porté par l'Union européenne pour créer un espace transfrontalier autour de toute la chaîne des Alpes, pour fédérer nos moyens financiers et nos idées au service des territoires concernés par le massif alpin. Alors, forcément, je me dis que la ratification de cet accord vient s'ajouter à cette dynamique transfrontalière que nous sommes en train de créer entre pays européens et dont la charte a été signée, il y a quinze jours, dans la capitale des Alpes.
Au-delà de la liaison entre la France et l'Italie, il permettra de relier l'Espagne à la Slovénie et à la Hongrie. Ce projet créera un arc qui rapprochera 350 millions de citoyens européens. Barcelone sera ainsi à cinq heures de Turin. Ce tunnel, à lui seul, devrait permettre la mise en réseau de 5 000 km de lignes existantes dans l'arc est-ouest. À l'image de ce que l'axe Rhin-Danube est aujourd'hui à l'Europe et à notre pays, nous créerions ainsi un «Lisbonne-Kiev».
Il faut aussi observer le sens de ce que nous faisons ensemble pour l'avenir de notre pays en Europe. Nous nous sommes battus, au cours du second semestre 2012 et au début de 2013 pour préserver les moyens budgétaires de ce que nous appelons la politique de cohésion, et pour que l'Europe relance ses investissements d'avenir, parmi lesquels les infrastructures de transport au coeur des territoires.
Dans le prochain cadre financier pluriannuel pour 2014-2020, ce sont ainsi plus de 13 milliards d'euros qui seront mis à disposition pour créer de nouvelles infrastructures de transport, via le mécanisme d'interconnexion européen. Il doit être approuvé par le Parlement européen le mois prochain et l'Europe, toute l'Europe nous envie ce projet dont nous parlons aujourd'hui. Il nous faut saisir cette opportunité. Ce projet est éligible aux 40 % de l'Union européenne. Cela a été confirmé le 17 octobre dernier à Tallinn par le commissaire Siim Kallas à mon collègue et ami Frédéric Cuvillier, très impliqué dans ce dossier Lyon-Turin. Il resterait donc 35 % à l'Italie et 25 % seulement à la France. La volonté de l'Italie dans ce dossier est on ne peut plus claire, et s'est déjà traduite par des engagements.
Il ne faut pas se tromper : la ratification de cet accord n'engage pas nos finances publiques - ce sera un autre débat et vous y participerez -, elle amorce un projet qui inscrit la France au coeur du XXIè siècle, une France qui sait se saisir des opportunités pour l'avenir de son pays et de ses concitoyens, une France intégrée et motrice aux côtés de ses partenaires.
Je ne peux conclure sans vous dire un dernier mot sur ce que représente réellement la ratification de cet accord à l'heure où l'euroscepticisme monte, où les Français doutent de notre capacité à répondre à leurs attentes et à leurs besoins et à relever de grands défis. La seule réponse, comme le dit le Président de la République, c'est la réponse par les actes. Ces actes sont autant de symboles manifestes de notre volonté de prendre la morosité ambiante à revers.
Renouer avec les grands projets européens est une réponse, un symbole sans faille. Ce sont eux qui, demain, rendront les Français fiers d'être des Européens. C'est avec tous ces éléments en tête, et notamment au regard de l'importance que revêt l'approfondissement de nos relations avec notre partenaire italien, que le gouvernement vous demande, de bien vouloir ratifier cet accord franco-italien.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 novembre 2013
Madame la Présidente de la commission des affaires étrangères,
Madame la Rapporteure pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable,
Monsieur le Rapporteur de la commission des affaires étrangères,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je suis heureux de me retrouver avec vous ce matin pour échanger sur la nécessité de ratifier l'accord passé le 30 janvier 2012 entre le gouvernement français et le gouvernement italien concernant la réalisation et l'exploitation d'une nouvelle ligne à grande vitesse dite «Lyon-Turin».
Je suis heureux parce que la ratification de cet accord est un beau rendez-vous parlementaire. Il permet à votre assemblée de participer à la construction européenne, à travers une avancée importante, sur un projet de très grande envergure à l'échelle du continent européen. Il est en effet essentiel, ne nous y trompons pas, de considérer la pertinence de cette nouvelle ligne ferroviaire au-delà de son seul impact régional.
Certes, il est évident que pour les régions concernées en France et en Italie, une nouvelle infrastructure de cette qualité, reliant des pôles économiques stratégiques et améliorant la mobilité des citoyens européens, représente un formidable intérêt. Mais il s'agit d'un projet qui mérite de prendre un peu de distance et d'examiner ce qu'il représente au regard de la structuration des échanges à l'échelle du continent européen tout entier.
Observons la carte de l'Europe en considérant l'ensemble des réseaux européens qui se développent aujourd'hui, et au coeur de ces réseaux, la place que notre pays occupe.
Aujourd'hui, force est de constater qu'une part de l'avenir de l'Europe se joue dans le transfrontalier et le développement des échanges, à l'image du tunnel de Lôtchsberg entre la Suisse et l'Italie, ou encore de celui du Brenner qui sera mis en service en 2025 entre l'Italie et l'Autriche. Ces pays voisins investissent dans de grandes liaisons leur permettant de dessiner de nouveaux horizons pour leurs citoyens comme pour leurs entreprises en même temps qu'il renforce l'armature des échanges entre le nord et le sud.
Avec la liaison Lyon-Turin, il s'agit de relier non pas seulement la France à l'Italie mais aussi la péninsule ibérique au sud-est de l'Europe, aux Balkans, aux pays du partenariat oriental, ce qui veut dire, en pratique, replacer la France au centre de gravité de l'Europe.
Nous devons faire preuve d'ambition pour l'avenir de notre territoire, pour l'avenir de nos concitoyens, pour la compétitivité de nos entreprises, pour la durabilité de notre environnement naturel. Alors, ce que je souhaitais vous dire aujourd'hui, c'est qu'avec la ratification de cet accord, nous avons la possibilité de franchir une étape, de marquer un pas, pour l'avenir géographique, stratégique et économique de notre pays au coeur du projet européen.
Ce pas revêt une importance toute particulière alors que nous sommes, comme vous le savez, engagés depuis maintenant dix-huit mois avec le Président de la République dans une réorientation de l'action européenne. Alors, vous me demanderez : «quel est le rapport ?», et je vous répondrai que ce rapport est on ne peut plus clair, et ce au regard d'au moins trois des objectifs que nous nous sommes fixés pour mettre en oeuvre ce projet.
Le premier objectif, c'est celui de construire une France forte qui entretient de solides relations avec ses plus proches partenaires européens. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, notre objectif était clair : tout mettre en oeuvre pour que la France soit à l'impulsion de la réorientation de l'Europe, qui n'avait d'autre objectif que l'austérité à perte de vue vers une politique équilibrée, tournée vers la relance, la croissance et l'emploi.
Pour y parvenir, pour dessiner ce nouvel horizon, il fallait avant tout que la France retrouve sa place au coeur de la construction européenne, en lien naturellement avec l'Allemagne. Nous l'avons fait avec succès. Je l'ai rappelé à plusieurs reprises devant vous, en particulier cette semaine lors de mon audition devant la commission des affaires étrangères et lors des questions au Gouvernement de mardi.
Mais il fallait aussi redonner de la vigueur aux relations privilégiées qui nous unissent à d'autres partenaires européens. L'Italie occupe à cet égard une place singulière.
Ainsi est-elle redevenue depuis mai 2012, et plus encore depuis la nomination d'Enrico Letta, un partenaire prioritaire et privilégié de la France. Sur de très nombreux sujets européens comme internationaux - la réorientation en faveur de la croissance, le soutien aux initiatives accompagnant la jeunesse vers l'emploi, la construction d'une politique de voisinage Sud, la politique de sécurité et de défense -, nos deux pays ont des intérêts et des approches très similaires. Notre partenariat avec Rome s'est donc renforcé et constitue un moyen de mieux défendre nos intérêts communs au niveau européen.
Après une période durant laquelle la France et l'Italie ont connu des relations que je qualifierai de façon diplomatique de «mouvementées», elles se sont donc retrouvées. Les changements politiques dans nos deux pays y ont fortement contribué.
Ce rapprochement était une nécessité. Nous ne devons pas perdre de vue notre histoire commune. Il n'y a pas tant de pays au monde qui peuvent dire que leur amitié repose sur plus de deux millénaires d'échanges, d'apports mutuels, de destins communs et de croisements culturels aussi étroits et intenses que ceux qui existent entre nous. Ce rapprochement s'explique par notre convergence sur de nombreux dossiers européens, et par notre volonté de travailler ensemble. Il s'illustre au quotidien par les importants échanges commerciaux entre nos deux pays : l'Italie est, ne l'oublions pas, notre deuxième client et notre troisième fournisseur.
C'est donc dans ce contexte que va prendre place le prochain sommet bilatéral, le 20 novembre à Rome. Et le projet de liaison ferroviaire entre Lyon et Turin sera au coeur de ce rendez-vous. L'Italie a déjà bien engagé le processus de ratification de son côté. Je peux attester de la motivation de nos voisins transalpins qui, à chacune de nos rencontres, me font part de leur volonté d'aboutir rapidement. J'en ai eu encore la confirmation ce week-end à l'occasion d'un échange sur ce dossier avec le président du Conseil italien, M. Letta.
Nous devons nous aussi montrer à l'Italie que la France s'investit et croit en l'avenir commun de nos deux pays. Nos relations ont rarement été aussi étroites et productives - c'est même peut-être sans précédent -, et la ratification de cet accord dont vous allez décider constitue une pierre supplémentaire à l'édifice du partenariat franco-italien. Il traduit une même vision de l'avenir de l'Europe que nous partageons : celle d'une Europe ambitieuse, qui se projette vers l'avenir, et qui se bâtit au travers de grands projets d'envergure transfrontalière, à l'image du futur Lyon-Turin.
Le deuxième objectif dans lequel s'inscrit la ratification de cet accord, c'est notre investissement pour la croissance durable et pour l'emploi.
Cet accord pose un cadre : celui de la future construction de la liaison ferroviaire entre les agglomérations de Lyon et de Turin. Ce projet recèle un haut potentiel en matière de développement économique, de croissance et d'emploi. Ce potentiel repose sur les deux finalités de ce projet, qui méritent l'une comme l'autre notre soutien : améliorer la liaison pour les usagers de cette future ligne à grande vitesse, en termes de facilité d'accès comme de rapidité ; basculer de la route vers le fret le trafic de marchandises traversant les Alpes franco-italiennes.
Dans les deux cas, ce projet a un intérêt économique indéniable. Les régions Rhône-Alpes, Piémont et Lombardie représentent des pôles économiques importants, et la barrière des Alpes constitue un frein à leur développement, développement qui serait favorisé par cette liaison.
Déjà, le chantier lui-même représente un potentiel important en termes de créations d'emplois, sachant que plus de la moitié des emplois du futur promoteur seront créés en France. Par ailleurs, nous savons tous ici que la mobilité est une des clefs pour l'accès à l'emploi et à de nouveaux marchés. Ainsi, le temps de parcours entre Paris et Milan passera de sept à quatre heures. Nous savons tous aussi à quel point il est important pour les entreprises dans nos territoires de pouvoir acheminer leurs marchandises, ou d'être livrées rapidement. C'est également une donnée déterminante de la compétitivité de notre économie à laquelle répond la création de ce corridor à priorité fret ambitieux.
J'ajoute que ce projet aura également des impacts en termes de développement durable. La France et les États de l'arc alpin, se sont tous engagés et de manière concertée dans une politique volontariste de report modal, visant à réduire la part de fret routier longue distance et à favoriser les modes alternatifs. Sa réalisation permettra à terme d'augmenter sur ce corridor la part modale du transport ferroviaire de 20 à 55 % et de reporter près d'un million de poids lourds par an de la route vers le rail.
Combien d'entre nous ne se sont pas dit, en doublant des files entières de camions, qu'il suffirait finalement d'un train pour éviter ces embouteillages, ces risques et cette pollution créés ainsi inutilement ? Il faut en finir avec le mur de camions qui traverse les Alpes. C'est une dimension très importante du projet Lyon-Turin. Il permettra ainsi de réduire les nuisances et la production des gaz à effet de serre subis par les vallées alpines du fait de leur forte fréquentation par les poids lourds, et la pollution ne connaît pas de frontière. La multimodalité, c'est l'avenir de notre économie comme de notre planète.
Le troisième objectif, c'est celui d'une France ambitieuse, qui se saisit de l'espace européen pour bâtir son avenir et celui de ses concitoyens.
Investir les espaces transfrontaliers, c'est investir pour l'avenir. Ce n'est pas par hasard si, de François Mitterrand à François Hollande, en passant par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, tous les Présidents de la République qui se sont succédé étaient convaincus et se sont engagés sur ce projet, comme leurs gouvernements, comme les ministres des transports ou de l'écologie qui se sont succédé.
Bâtir l'avenir de nos concitoyens, c'est saisir toutes les opportunités pour faire avancer les politiques et les chantiers qui auront des bénéfices directs pour leur quotidien.
Bâtir leur avenir, c'est aussi leur proposer de nouveaux challenges, de nouvelles ambitions, de nouveaux projets, positifs, concrets, et dont ils pourront être fiers. C'est précisément ce que propose cet accord, en poursuivant notre investissement dans les espaces transfrontaliers, en redessinant les cartes, en pensant un aménagement du territoire qui offrira à la France comme à l'Europe de nouvelles perspectives d'avenir.
Il y a deux semaines, j'étais à Grenoble, Cher Michel Destot, où j'ai eu la chance de réunir des représentants de sept gouvernements européens, dont l'Italie, la Slovénie, l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse, le Liechtenstein pour le lancement de la stratégie macrorégionale alpine. Derrière ce nom se révèle un projet ambitieux qui sera porté par l'Union européenne pour créer un espace transfrontalier autour de toute la chaîne des Alpes, pour fédérer nos moyens financiers et nos idées au service des territoires concernés par le massif alpin. Alors, forcément, je me dis que la ratification de cet accord vient s'ajouter à cette dynamique transfrontalière que nous sommes en train de créer entre pays européens et dont la charte a été signée, il y a quinze jours, dans la capitale des Alpes.
Au-delà de la liaison entre la France et l'Italie, il permettra de relier l'Espagne à la Slovénie et à la Hongrie. Ce projet créera un arc qui rapprochera 350 millions de citoyens européens. Barcelone sera ainsi à cinq heures de Turin. Ce tunnel, à lui seul, devrait permettre la mise en réseau de 5 000 km de lignes existantes dans l'arc est-ouest. À l'image de ce que l'axe Rhin-Danube est aujourd'hui à l'Europe et à notre pays, nous créerions ainsi un «Lisbonne-Kiev».
Il faut aussi observer le sens de ce que nous faisons ensemble pour l'avenir de notre pays en Europe. Nous nous sommes battus, au cours du second semestre 2012 et au début de 2013 pour préserver les moyens budgétaires de ce que nous appelons la politique de cohésion, et pour que l'Europe relance ses investissements d'avenir, parmi lesquels les infrastructures de transport au coeur des territoires.
Dans le prochain cadre financier pluriannuel pour 2014-2020, ce sont ainsi plus de 13 milliards d'euros qui seront mis à disposition pour créer de nouvelles infrastructures de transport, via le mécanisme d'interconnexion européen. Il doit être approuvé par le Parlement européen le mois prochain et l'Europe, toute l'Europe nous envie ce projet dont nous parlons aujourd'hui. Il nous faut saisir cette opportunité. Ce projet est éligible aux 40 % de l'Union européenne. Cela a été confirmé le 17 octobre dernier à Tallinn par le commissaire Siim Kallas à mon collègue et ami Frédéric Cuvillier, très impliqué dans ce dossier Lyon-Turin. Il resterait donc 35 % à l'Italie et 25 % seulement à la France. La volonté de l'Italie dans ce dossier est on ne peut plus claire, et s'est déjà traduite par des engagements.
Il ne faut pas se tromper : la ratification de cet accord n'engage pas nos finances publiques - ce sera un autre débat et vous y participerez -, elle amorce un projet qui inscrit la France au coeur du XXIè siècle, une France qui sait se saisir des opportunités pour l'avenir de son pays et de ses concitoyens, une France intégrée et motrice aux côtés de ses partenaires.
Je ne peux conclure sans vous dire un dernier mot sur ce que représente réellement la ratification de cet accord à l'heure où l'euroscepticisme monte, où les Français doutent de notre capacité à répondre à leurs attentes et à leurs besoins et à relever de grands défis. La seule réponse, comme le dit le Président de la République, c'est la réponse par les actes. Ces actes sont autant de symboles manifestes de notre volonté de prendre la morosité ambiante à revers.
Renouer avec les grands projets européens est une réponse, un symbole sans faille. Ce sont eux qui, demain, rendront les Français fiers d'être des Européens. C'est avec tous ces éléments en tête, et notamment au regard de l'importance que revêt l'approfondissement de nos relations avec notre partenaire italien, que le gouvernement vous demande, de bien vouloir ratifier cet accord franco-italien.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 novembre 2013