Interview de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, à "RMC" le 5 novembre 2013, sur la suspension de l'écotaxe, sur le climat social en France et la réforme fiscale annoncée.

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Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une question directe à vous poser pour commencer, est-ce que vous allez supprimer, je dis bien supprimer, l'écotaxe ?
PIERRE MOSCOVICI
La réponse a été donnée à votre question par le Premier ministre, elle est suspendue, et suspendue, suspendre, ce n'est pas supprimer, comme il l'a expliqué lui-même.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc elle ne sera pas supprimée ?
PIERRE MOSCOVICI
C'est la raison pour laquelle… parce que, si vous voulez, c'est un principe, comme l'a dit le président de la République, qui est pertinent, il s'agit encore une fois d'orienter un certain nombre de financements vers des consommations plus écologiques, et aussi de financer des infrastructures. Néanmoins, s'agissant de cette suspension, que les choses soient très claires, il y avait déjà eu des aménagements pour la Bretagne, auparavant, pour certains produits, pour certains types de camions, et quand est montée une protestation forte, le gouvernement l'a entendue, et cette suspension, elle est faite, elle est importante, elle est soumise à des concertations qui vont commencer maintenant, dans les prochains temps…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Suspension nationale ?
PIERRE MOSCOVICI
Bien sûr, suspension nationale. Et donc si vous voulez, il n'y a aucune ambigüité sur la question.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jusqu'à quand ?
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien, jusqu'à ce qu'on soit – pardonnez-moi, je vais faire une Lapalissade – en mesure de mettre en oeuvre cette écotaxe, c'est-à-dire qu'il y ait là-dessus un consensus et des mesures prises qui soient acceptées par tous…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce qui veut dire que l'écotaxe sera mise en oeuvre ?
PIERRE MOSCOVICI
Ce qui veut dire que l'écotaxe est suspendue.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et elle sera mise en oeuvre.
PIERRE MOSCOVICI
Elle est suspendue jusqu'à ce qu'on soit capable de parvenir à un consensus qui permette de la mettre en oeuvre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et donc un jour, elle sera mise en oeuvre ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, elle a vocation à l'être.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle a vocation à l'être. Elle le sera…
PIERRE MOSCOVICI
Je viens de vous dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pas de suppression, suspension…
PIERRE MOSCOVICI
Non, non…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais non, mais c'est clair…
PIERRE MOSCOVICI
Il y a une suspension…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il faut, Pierre MOSCOVICI…
PIERRE MOSCOVICI
Mais attendez, je ne vous ai…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez bien que les Français veulent qu'on dise les choses clairement…
PIERRE MOSCOVICI
Mais je veux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites : il va y avoir une concertation…
PIERRE MOSCOVICI
Non, non, parce que vous essayez toujours de me faire dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne fais rien dire, moi…
PIERRE MOSCOVICI
Si, si, si…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Rien…
PIERRE MOSCOVICI
Elle est suspendue, elle est suspendue, elle n'est pas suspendue pour dix jours, elle n'est pas suspendue pour quinze jours, elle est suspendue jusqu'à ce qu'on soit en mesure de la mettre en oeuvre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Des portiques ont été détruits, qui va payer ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, là-dessus, parlons peut-être du coût d'ensemble de cette affaire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, eh bien, parlons du coût !
PIERRE MOSCOVICI
Parce que ça, c'est important…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais je vais… attendez, répondez-moi, et puis après, on parlera du coût.
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien, s'agissant des portiques, ça va être assumé par la puissance publique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Etat.
PIERRE MOSCOVICI
L'Etat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous et moi.
PIERRE MOSCOVICI
Vous et moi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les téléspectateurs et les auditeurs…
PIERRE MOSCOVICI
Mais, mais, il y a aussi, si vous voulez, là-dedans, besoin de revoir toute la logique du contrat qui a été passé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parlons de ce contrat passé entre l'Etat et une entreprise privée, qui s'appelle ECOMOUV', qui est possédée à plus de 70% par un étranger, puisqu'il s'agit des Italiens, c'est AUTOSTRADE, c'est ça ?
PIERRE MOSCOVICI
Oui, on a pu et on peut s'étonner du fait qu'on ait délégué la collecte d'une taxe, qui est une taxe nationale…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, via l'impôt…
PIERRE MOSCOVICI
A un fournisseur, qui est un fournisseur d'origine étrangère. Mais ce que je veux dire, c'est plusieurs choses, premièrement, s'agissant du coût, je ferai tout, et l'Etat fera tout pour que le coût soit réduit au minimum. On dit : vous devez un loyer à ECOMOUV'.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien ?
PIERRE MOSCOVICI
C'est de l'ordre de 55 millions d'euros par trimestre. Mais dans le même temps…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça fait dix-huit millions d'euros par mois à peu près…
PIERRE MOSCOVICI
Dans le même temps, cette société aujourd'hui ne s'est pas acquittée de ses responsabilités, et nous serions – je l'ai dit hier à l'Assemblée nationale – fondés à la mettre en cause compte tenu de la non-exécution d'un certain nombre d'obligations. Par ailleurs, ce que je souhaite savoir et ce que le gouvernement souhaite savoir, c'est les conditions précises, les conditions d'attribution, les conditions de discussion, conditions de tarifications, dans lesquelles ce contrat a été passé, et ce que je note…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors comment allez-vous faire…
PIERRE MOSCOVICI
Ce que je note, c'est qu'il y a un certain nombre de dirigeants de l'ancienne majorité, un peu gonflés tout de même, parce que c'est eux qui l'ont passé, c'est bien eux, ce contrat, il a été définitivement avalisé le 6 mai 2012, et je voudrais rappeler que le 6 mai 2012, c'est le jour de l'élection présidentielle, mais quand j'entends…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exact. Le décret d'application a été signé le 6 mai 2012…
PIERRE MOSCOVICI
Quand j'entends madame DATI, ou quand j'entends monsieur BERTRAND ou aujourd'hui monsieur COPE expliquer que le coût est trop élevé ou que ce contrat…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-François COPE – je vous coupe – juge aberrant le coût de collecte de l'écotaxe prévue par le contrat passé entre l'Etat et la société ECOMOUV'.
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien, je vous dis deux choses, je vous dis la première chose : nous voulons savoir dans quelles conditions précises a été négocié, passé ce contrat, et à quoi correspondent les obligations financières…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, alors, comment allez-vous savoir…
PIERRE MOSCOVICI
Et la deuxième…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Attendez, arrêtons-nous !
PIERRE MOSCOVICI
Mais attendez, attendez, et la deuxième chose, c'est que ce que je souhaite, c'est que nous puissions mener avec cette société ECOMOUV', qui, pour l'instant, n'est pas à jour de la totalité de ses prestations, une négociation très serrée, car je veux absolument que le coût de cette opération, vous m'interrogiez tout à l'heure sur le contribuable, soit minimal pour le contribuable français. Voilà ce que je veux dire. Nous avons hérité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça a déjà coûté plusieurs dizaines de millions d'euros, mais bon…
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, compte tenu du fait que nous, nous avons aussi des choses à demander à ECOMOUV', compte tenu de la capacité que nous avons à connaître ce qui s'est passé, cette négociation, je peux vous le garantir, elle sera serrée, et elle aura l'objectif, 1°) : de connaître les choses précisément, et 2°) : de limiter au minimum, je dis bien au minimum, minimum, le coût pour le contribuable, parce que, encore une fois, dans cette affaire-là, il y a beaucoup de choses qui doivent être éclaircies ou éclairées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Vous allez chercher à savoir combien ECOMOUV' a investi aussi dans cette opération, ce qui est intéressant…
PIERRE MOSCOVICI
Je vais regarder, nous allons regarder à la fois les conditions et l'économie de ce contrat…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors Pierre MOSCOVICI, comment allez-vous, puisque vous allez regarder ça de près, est-ce que vous demandez, je ne sais pas, moi, l'ouverture d'une enquête parlementaire, comment allez-vous faire, par quels moyens, par quels moyens ?
PIERRE MOSCOVICI
Alors, s'agissant des commissions d'enquête parlementaire, je crois qu'il y en a eu une, qui est déjà demandée par le groupe socialiste du Sénat par François REBSAMEN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous l'appuyez ?
PIERRE MOSCOVICI
On va examiner ça. Mais et par ailleurs, nous avons, nous-mêmes, la possibilité de regarder ce contrat, voire de regarder avec un juge. Nous verrons tout ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec un juge, vous pourriez déposer plainte ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, ce n'est pas ça, si vous voulez, ce sont des contrats administratifs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec un juge administratif ?
PIERRE MOSCOVICI
Pour le coup nous allons regarder tout ça sereinement mais de manière très résolue.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la justice qui pourrait trancher ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, non, je crois qu'il y a déjà en fait la saisie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui.
PIERRE MOSCOVICI
… des contrôles administratifs, nous allons reprendre cette affaire posément parce qu'encore une fois, il ne faut pas, et c'est très important, qu'elle pèse sur le contribuable. Et il est important aussi que nous établissions toute la transparence sur ce qui s'est produit, c'est tout à fait majeur parce que je le répète, c'est un contrat qui a été passé par l'ancienne majorité, à une date bien particulière, en tout cas dont le décret d'application a été pris à une date bien particulière, donc je note que des responsables de la dite majorité aujourd'hui s'étonnent, ou qu'ils le critiquent, eh bien nous voulons savoir et les Français ont le droit de savoir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais évidemment qu'ils sont le droit de savoir, évidement. Pierre MOSCOVICI, plus le contrat, la suspension va durer, plus ça va coûter cher à l'Etat quand même.
PIERRE MOSCOVICI
Encore une fois je vous répète que mon objectif, c'est le coût minimal et que nous allons négocier tout ça, renégocier tout ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il ne faut pas que ça dure trop longtemps cette suspension de l'écotaxe…
PIERRE MOSCOVICI
Je demande aussi à voir ce qui se passe avec ECOMOUV'.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, est-ce que vous condamnez toutes les violences qui ont eu lieu en Bretagne et encore la nuit dernière cette grille de la sous-préfecture de Morlaix, qui a été – ou hier soir – qui a été détruite, défoncée par un tractopelle ?
PIERRE MOSCOVICI
Je ne pense jamais que la violence soit une bonne issue, je ne suis pas pour une société violente…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous condamnez cette violence ?
PIERRE MOSCOVICI
Je ne suis pas pour une société violente. En même temps, ce qui se passe, c'est que quand il y a des colères, quand il y a des inquiétudes, quand il y a ce sentiment qu'il faut engager un dialogue avec les pouvoirs publics, les pouvoirs publics sont à l'écoute, et puisque vous parliez de cette entreprise de poulets, vous savez que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
TILLY-SABCO…
PIERRE MOSCOVICI
Stéphane LE FOLL s'est engagé à aller à Bruxelles, pour se battre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Défendre les aides européennes…
PIERRE MOSCOVICI
Pour défendre les aides européennes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et rétablir, parce qu'elles ont été suspendues…
PIERRE MOSCOVICI
Oui, ce sont des restitutions. Et pour faire valoir les intérêts de la filière agricole et agroalimentaire bretonne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire qu'on défonce le portail d'une sous-préfecture, et hop, on répond à l'inquiétude ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, ce n'est pas ça, ce n'est pas ça, ce n'est pas parce qu'il y a… vous parliez tout à l'heure des portiques, ce n'est pas parce qu'il y a là des actes qui ont été commis ou ce n'est pas parce qu'il y a une colère qui s'exprime contre une sous-préfecture que le gouvernement négocie, c'est parce que le gouvernement estime qu'il y a là une inquiétude qu'il faut entendre que le gouvernement avance. Ce n'est pas du tout la même démarche, parce que pour le reste, évidemment, le gouvernement est responsable de l'ordre public. Mais l'ordre public, il est aussi garanti quand il y a une société qui est une société plus en paix avec elle-même. Et vous savez, cette société apaisée et réformée, c'est aussi celle-là que nous voulons mettre en…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'avez pas réussi pour l'instant, non ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais vous savez, revenons un petit peu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchement, la société n'est pas apaisée, c'est le moins qu'on puisse dire ! Non ?
PIERRE MOSCOVICI
Moi, ce que je sais, c'est que les Français sont inquiets, et là, pour beaucoup d'entre eux, d'une crise qui dure depuis cinq ans…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils ont raison, est-ce qu'ils ont raison d'être inquiets, là ?
PIERRE MOSCOVICI
Ils ont constaté que cette crise…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'ils ont raison ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais, attendez, écoutez, franchement, laissez-moi un petit peu développer ce que je veux dire. Les Français ont constaté que cette crise durait, et qu'elle s'était traduite par un taux de chômage très élevé, qui est supérieur à 10%, par des difficultés dans beaucoup d'entreprises. Et par rapport à l'action publique, ils expriment des attentes, des inquiétudes que nous entendons. Mais quand je parle de société réformée et apaisée, c'est ça la volonté du président de la République, et c'est ça la volonté du gouvernement, c'est-à-dire, faire en sorte qu'on soit capable de remettre cette économie française en marche, de la rendre plus compétitive, de faire en sorte que les entreprises puissent investir, qu'elles puissent embaucher, et en fait, ce que les Français attendent, ils ont fait des efforts, ils attendent les résultats, et je veux leur dire que les résultats sont là et qu'ils arrivent. Permettez-moi de prendre un ou deux exemples…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors vite…
PIERRE MOSCOVICI
Un ou deux exemples, d'abord, l'inversion de la courbe du chômage…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y, allez-y !
PIERRE MOSCOVICI
Je redis qu'elle sera au rendez-vous d'ici à la fin de cette année, et sachez que depuis...
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'ici la fin 2013 ?
PIERRE MOSCOVICI
D'ici à la fin 2013. et sachez que depuis déjà trois mois, et peut-être même quatre, il y a l'inversion de la courbe du chômage des jeunes, et puis, la croissance, elle revient…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien de croissance à la fin de l'année…
PIERRE MOSCOVICI
Alors, tout à l'heure, la Commission européenne publiera ses propres prévisions, je ne peux pas les dévoiler…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais non…
PIERRE MOSCOVICI
Mais ce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ? Vous pouvez dévoiler, comment vous ne pouvez pas dévoiler ! Mais vous, vous avez vos propres prévisions de croissance !
PIERRE MOSCOVICI
Oui, mais je veux dire, ça compte aussi qu'elles soient validées…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On sera à combien à la fin de l'année ?
PIERRE MOSCOVICI
D'après l'INSEE…
JEAN-JACQUES BOURDIN
0,2, 0,3 ?
PIERRE MOSCOVICI
D'après l'INSEE, nous devrions être à 0,2 point de croissance d'ici la fin de l'année. Ce qui signifie, ça, je veux l'expliquer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous pensez que ça sera 0,2 ?
PIERRE MOSCOVICI
Je veux l'expliquer. Je crois que ce sera 0,2, et je pense que, aujourd'hui, le consensus international est que ce sera 0,2. 0,2, c'est peu. Mais pardonnez-moi de vous dire deux choses, la première, c'est que c'est 0,5 de plus que ce qui était prévu avant l'été, et deuxièmement, que ça signifie, si on sort le premier trimestre, qui a été un trimestre de croissance négative, nous sommes déjà sur un rythme à 1%. Donc 0,2 pour cette année…
JEAN-JACQUES BOURDIN
2014…
PIERRE MOSCOVICI
2014, le chiffre qui est sur la table, c'est 0,9. Ce chiffre, je le dis, il est crédible et même prudent. Et j'ai la conviction que nous pouvons faire significativement plus, et c'est la raison pour laquelle, on est aujourd'hui le 5 novembre, c'est-à-dire un an après le rapport GALLOIS, nous mettons le paquet sur la compétitivité de l'économie française…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va en parler…
PIERRE MOSCOVICI
Nous mettons le paquet sur l'investissement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais j'ai encore quand même…
PIERRE MOSCOVICI
Nous mettons le paquet sur l'innovation, et, pardonnez-moi, je vais un peu plus loin, j'ai dit : 0,2 pour cette année, j'ai dit 1% en rythme annuel, c'est-à-dire que nous allons, à la fin de l'année 2013, je sais que c'est long, retrouver les niveaux de production de 2008, avant la crise, nous sommes le seul pays, à part l'Allemagne en Europe, à le faire, par exemple, vous avez vu que les ventes autos avaient commencé à redémarrer, donc l'économie française, elle est sur la bonne voie, et j'ajoute qu'après 2014, nous allons retrouver, et la Commission, je crois, le dira, un rythme de croissance beaucoup plus conséquent. Donc l'entreprise de redressement, l'entreprise de redémarrage de la croissance, cette entreprise qui fait que la France est en train de se redresser est une reprise crédible, eh bien, elle est en train d'aboutir. Je veux le dire aux Français, parce que les efforts, qui peuvent créer des inquiétudes, ils paient. Et ce gouvernement, c'est ça qu'il veut faire, réformer en profondeur et apaiser.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, Pierre MOSCOVICI, est-ce que le président de la République va changer de politique ?
PIERRE MOSCOVICI
Si vous voulez, il y a un cap…
JEAN-JACQUES BOURDIN
91% des Français veulent un changement de politique, vous avez vu cela, est-ce qu'il va changer de politique ?
PIERRE MOSCOVICI
François HOLLANDE est un homme qui a une immense expérience politique, c'est un homme qui a été élu président de la République, ça n'arrive pas à tout le monde, et il a une connaissance de la société, des rouages de l'économie aussi qui est très importante. Il fera ce qu'il croit devoir faire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça, il fera ce qu'il croit devoir faire, oui, non, mais ça…
PIERRE MOSCOVICI
Ce que je veux dire par-là, c'est qu'il…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il va changer de politique ?
PIERRE MOSCOVICI
C'est un homme qui n'est jamais sourd ni aveugle et qui réfléchit profondément au sens de son action, mais il y a un cap et il y a un capitaine, et moi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
S'il y a un cap, il ne changera pas de politique ?
PIERRE MOSCOVICI
Ce que je veux dire, ici, c'est que dès lors que les résultats arrivent, dès lors que les efforts ont été faits, et qu'il y a des réformes qui portent leurs fruits, il faut poursuivre, il faut…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on ne change pas de politique ?
PIERRE MOSCOVICI
Il faut poursuivre, Jean-Jacques BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très bien, eh bien, c'est clair, eh bien, dites-moi, on ne changera pas de politique parce que les efforts commencent à payer !
PIERRE MOSCOVICI
Mais est-ce que vous avez remarqué que je n'étais pas, moi, le président de la République…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, d'accord…
PIERRE MOSCOVICI
Donc François HOLLANDE…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes son ministre de l'Economie et des finances, ce n'est pas rien quand même, Pierre MOSCOVICI…
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien, je veux dire simplement une chose, je veux dire que la politique qui a été définie par ce président lorsqu'il est arrivé aux responsabilités est une politique courageuse, parce qu'il fallait faire les réformes que les autres n'avaient pas faites. Qu'est-ce qui est plus courageux, de faire comme François FILLON a fait, 600 milliards d'euros de dettes en plus ou bien de résorber la dette, de réduire les déficits, de faire des réformes pour la compétitivité, le pacte compétitivité, de faire en sorte que les entreprises puissent investir dans ce pays ? Et donc oui, ça porte ses fruits. Et aujourd'hui, nous avons en effet une industrie qui se redresse, des parts de marché qui cessent de reculer, nous avons une croissance qui repart, l'inversion de la courbe du chômage, elle approche, elle est déjà là pour les jeunes, il faut se mobiliser, et il faut, oui, poursuivre, accentuer les efforts, les expliquer mieux, sans doute…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous n'aviez pas raison de parler de ras-le-bol fiscal, franchement, maintenant, avec le recul ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, je sais que ce terme a été controversé, mais moi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous n'aviez pas raison ? Je vous pose la question franchement entre nous, vous n'aviez pas raison d'en parler ?
PIERRE MOSCOVICI
On est tous les deux, là, seulement, il n'y a pas d'auditeurs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, on est tous les deux, tous les deux, non, on est tous les deux…
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, ce que je sais et ce que j'ai voulu dire, ce n'est pas le thermomètre qui crée la fièvre, ce que je sais, c'est que les Français sont extrêmement sensibles à ces questions, et on l'a vu, et il faut écouter leurs inquiétudes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous aviez raison, peut-être avant tout le monde…
PIERRE MOSCOVICI
J'assume toujours mes propos…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ? Vous aviez senti ?
PIERRE MOSCOVICI
Je peux sentir ce que pensent les Français, et vous savez, ce qu'ils attendaient de nous, c'est ce que nous faisons en vérité, c'est-à-dire que nous…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Enfin, le ras-le-bol fiscal existe quand même, Pierre MOSCOVICI…
PIERRE MOSCOVICI
Mais, bien sûr, parce que, encore une fois, c'est lié à ces inquiétudes, mais qu'avons-nous fait cette année ? Qu'avons-nous fait cette année ? Alors que nous disions, il y a encore un an, nous allons faire 0,3 point de PIB de prélèvements, c'est-à-dire six milliards, nous avons quasi-stabilisé les prélèvements obligatoires dans ce pays, nous avons fait des efforts considérables…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Enfin, ils augmentent encore.
PIERRE MOSCOVICI
Oui, ils augmentent pour cette année de 0,05%, un milliard en global. Et donc si vous voulez, et chaque fois que ce gouvernement a senti qu'il y avait une mesure qui, soit, n'était pas encore mûre, soit provoquait des réactions qui pouvaient être compréhensibles, eh bien, ce gouvernement a entendu cela, et être à l'écoute, être à l'écoute des Français, être près d'eux, être sensible à ce que sont leurs préoccupations, eh bien, je trouve que c'est aussi à l'honneur d'un gouvernement, tout ça, ça fait partie du courage, parce que le courage, encore une fois, ce n'est pas d'être droit dans ses bottes et en même temps de faire le contraire de ce qu'on dit, le courage, c'est d'avancer, c'est d'avoir un cap, c'est de réformer la société, c'est de chercher à apaiser la France, et c'est ce que fait François HOLLANDE.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Collectif budgétaire, le 13 novembre, vous allez présenter une réforme de l'assurance-vie.
PIERRE MOSCOVICI
Absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire, quelle réforme, en gros, pour résumer ?
PIERRE MOSCOVICI
Pour résumer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
1.400 milliards, c'est l'épargne à peu près des Français, 1.400 milliards d'euros…
PIERRE MOSCOVICI
Non, 1.400 milliards, c'est l'assurance-vie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'assurance-vie…
PIERRE MOSCOVICI
Qui représente elle-même…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est de l'épargne en assurance-vie des Français…
PIERRE MOSCOVICI
Voilà, et qui représente 40% de l'épargne totale…
JEAN-JACQUES BOURDIN
40% de l'épargne totale. Alors ?
PIERRE MOSCOVICI
Et quel est le problème, c'est qu'aujourd'hui, cette assurance-vie, elle est essentiellement placée dans des fonds qu'on appelle les fonds euros, qui sont des fonds garantis, mais avec des rendements qui commencent à baisser dès lors que nous avons des taux très bas. Qu'est-ce que nous voulons faire ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui n'aident pas l'économie réelle ?
PIERRE MOSCOVICI
Et c'est là qu'est le problème, si vous voulez, c'est-çà-dire que ça ne va pas assez vers l'investissement, vers les entreprises.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, qu'allez-vous proposer à l'épargnant ?
PIERRE MOSCOVICI
Car, je le répète, toute la démarche que nous menons – encore une fois, aujourd'hui c'est le premier anniversaire du pacte de compétitivité – c'est une démarche pour l'investissement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, qu'allez-vous proposer à l'épargnant ?
PIERRE MOSCOVICI
Nous avons lancé la Banque Publique d'Investissement. Hier, j'étais jusque tard dans la nuit à l'Assemblée nationale avec Louis GALLOIS, où nous présentions le Plan d'Investissement d'Avenir, c'est 12 milliards d'euros. Des mesures ont été prises pour orienter l'épargne vers les petites et moyennes entreprises, un PEA PME a été créé, je l'avais annoncé chez vous, et ce que nous voulons faire sur l'assurance-vie c'est faire en sorte de créer un nouveau produit, qu'on appellerait un produit dit « Euro-croissance », qui serait placé de manière plus dynamique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Soyons concrets. Je suis épargnant, que va m'apporter ce nouveau produit ?
PIERRE MOSCOVICI
Vous avez aujourd'hui deux produits, pour l'essentiel, c'est-à-dire les fonds euro garanti et puis les fonds multi-supports, eh bien vous aurez un fonds, ou un produit, qui est un produit Euro-croissance, qui sera placé dans de l'épargne en actions, ou vers des fonds communs de placement tournés vers l'investissement, ou vers la recherche, ou vers l'économie sociale et solidaire, ou vers le logement, vous aurez la même garantie de rendement, et en même temps ces fonds, eux, seront fléchés vers des usages plus dynamiques pour l'économie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez chercher l'épargne des Français, un peu plus d'épargne des Français, pour dynamiser les entreprises françaises.
PIERRE MOSCOVICI
Mais oui, et je pense que c'est mutuellement gagnant, parce que, encore une fois, l'assuré, lui, il est totalement garanti, le rendement peut être plus élevé, et le placement, lui, il est plus orienté sur l'économie, c'est ce que nous voulons, une économie plus musclée, parce que c'est comme ça que la croissance reprend, l'investissement, et l'emploi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai deux dernières questions à vous poser. La première c'est, François HOLLANDE avait parlé d'une grande réforme fiscale, vous en aviez parlé, elle n'est toujours pas là, est-ce qu'elle va venir, un jour ou l'autre, avant la fin du quinquennat, sincèrement ?
PIERRE MOSCOVICI
Honnêtement, nous avons fait beaucoup, beaucoup, beaucoup de réformes fiscales.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais surtout créé beaucoup d'impôts.
PIERRE MOSCOVICI
Pas seulement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou renforcé…
PIERRE MOSCOVICI
Non, non…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pierre MOSCOVICI, vous ne pouvez pas dire le contraire.
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, pardonnez-moi de vous dire que quand…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même si la situation peut-être l'imposait.
PIERRE MOSCOVICI
Quand on a aligné les revenus, la fiscalité du capital sur le travail, ou créé une tranche à 45%, ou bien la taxe à 75% qui a été maintenue et…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'une grande réforme fiscale est en préparation ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, il n'y a pas, aujourd'hui, si vous voulez, de volonté de bouleverser le système parce que, encore une fois, nous sommes dans ce moment où les Français ont cette sensibilité, et je pense que c'est une fois que la croissance aura repris, que peut-être nous pourrons passer à des réformes plus importantes. Aujourd'hui ce que nous voulons surtout c'est stabiliser. Le mot d'ordre que j'entends sur la fiscalité c'est stabilité, c'est prévisibilité, c'est lisibilité, et c'est ça que le gouvernement veut faire en matière fiscale, ce qui n'empêche pas de mettre en oeuvre des réformes de progrès, nous l'avons fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous pensez franchement que Bernard CAZENEUVE a confiance en vous ?
PIERRE MOSCOVICI
En tout cas, moi, je sais que j'ai confiance en lui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez vu cet article du MONDE, là ?
PIERRE MOSCOVICI
Oui, moi je ne m'arrête pas à ces articles…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il paraît que vos dissensions pénalisent le gouvernement et l'action du président de la République.
PIERRE MOSCOVICI
Je lis des choses comme ça et j'y apporte l'importance que ça mérite, parce qu'en vérité il n'y a là-dedans aucune information, il doit y avoir deux personnes, que je peux identifier, qui parlent, il n'y a pas de quoi en faire une page. Ce que je peux vous dire c'est que, à Bercy, avec Bernard CAZENEUVE et moi, il y a un cap, c'est celui du progrès et de la réforme, que nous mettons en oeuvre la politique du président de la République, et voyez-vous, nous échangeons constamment, nous nous entendons bien, et j'ai toute confiance lui, et je sais que lui aussi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour que la France s'en sorte, c'est ça ?
PIERRE MOSCOVICI
Pour que la France s'en sorte, c'est notre tâche.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le titre de votre livre.
PIERRE MOSCOVICI
« Combats. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
« Combats », oui…
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien vous voyez que je me bats, mon cher Jean-Jacques BOURDIN, et je me bats pour les Français.Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 novembre 2013