Déclaration de Mme Fleur Pellerin, ministre des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, sur l'inclusion dans la société numérique, Paris le 26 novembre 2013.

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Circonstance : Colloque TRIP (Territoires et réseaux d'initiatives publiques) 2013 de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (AVICCA), à Paris le 26 novembre 2013

Texte intégral

Monsieur le Président de l'AVICCA, cher Yves ROME,
Monsieur le Président du Conseil National du Numérique, cher Benoît THIEULIN,
Madame la Vice-présidente du Conseil National du Numérique,
chère Valérie PEUGEOT,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureuse d'être parmi vous – comme tous les ans maintenant, c'est une tradition –, car vous me donnez l'opportunité de partager avec vous un certain nombre de convictions sur le numérique. Pas toutes, parce que cela serait trop long, mais certaines en tout cas. Le numérique, c'est un vrai sujet au coeur de l'évolution de notre économie et de notre société, c'est-à-dire aussi de notre démocratie. Comme la République, le numérique, c'est partout et pour tout le monde, et cela doit être ainsi ! Alors, je vous le promets : nous y sommes presque ! Encore un petit effort, et ce sera bon !
A cet égard, l'édition 2013 – la 9ème déjà ! – du colloque Territoires et Réseaux d'Initiative Publique organisé par l'AVICCA restera, je crois, une date importante. Comme l'année dernière, c'est d'ailleurs un grand succès, le nombre de participants en est la preuve éclatante ! Ce colloque 2013 est donc une nouvelle étape, qui nous invite à continuer sur notre lancée ! Après le lancement de la mission France THD, il y a presque un an, voici venu le temps d'un premier bilan. Mais d'un bilan qui nous projette immédiatement dans l'avenir, dans ce qui sera l'étape suivante de notre politique en la matière, à savoir l'application d'une approche nouvelle de l'inclusion numérique – l'inclusion dans la société numérique –, orientée vers les usages et vers l'éducation, au sens large du terme, au numérique.
Comme vous le savez maintenant, le Conseil National du Numérique vient de rendre un rapport très complet sur l'inclusion numérique et je vous invite tous à en lire la version qui sera bientôt téléchargeable. Benoît THIEULIN et Valérie PEUGEOT viennent de nous le présenter, et je les en remercie et, au-delà bien entendu, l'ensemble des membres du Conseil National du Numérique qui, depuis plusieurs mois, mènent, je tiens vraiment à le souligner, un travail remarquable, intense, dense, sur des sujets extrêmement diversifiés mais extrêmement importants, j'y reviendrai tout à l'heure. Ce rapport pose les bases et dessine les contours d'une politique d'inclusion très novatrice. A nous maintenant, collectivement, de concrétiser cette ambition, dans la continuité de ce que nous avons accompli depuis plus d'un an.
Tout d'abord j'aimerais revenir brièvement sur le déploiement du Très haut débit. Je crois que le temps où Internet était réservé aux initiés, est fini ! C'est un peu le sens de ce que vous dites dans le rapport. Désormais, tous ici nous le savons bien, sinon nous ne serions pas présents, c'est un service de première nécessité, c'est un levier décisif pour renforcer notre compétitivité mais aussi notre inclusion sociale. Voilà pourquoi le Gouvernement s'est engagé, dès son arrivée au pouvoir, en faveur d'un chantier d'infrastructures d'ampleur, le Plan France Très haut débit, chantier qui est d'une ampleur sans précédent puisque l'ensemble du pays devra être couvert par le Très haut débit d'ici 10 ans.
Alors, aujourd'hui, je peux dire que nous progressons à pas de géant ! Déjà plus d'une cinquantaine de départements se sont engagés à couvrir l'intégralité de leur territoire, après que leur dossier technique a été validé ! Dans ces cinquante départements, c'est plus de 5 milliards d'euros d'investissements qui vont avoir lieu dans les 5 prochaines années, avec des conséquences très concrètes sur l'emploi pour les entreprises locales en matière de travaux publics et d'installation de la fibre dans les immeubles... C'est donc une bonne nouvelle à la fois pour nos concitoyens mais aussi pour l'emploi dans les territoires.
Par ailleurs – et c'est une nouveauté, par rapport au Gouvernement précédent – l'État assume son rôle, via les conventions-types aux côtés des collectivités locales et des opérateurs, pour que l'accès soit garanti à tous les territoires. Notre objectif est clair : la solidarité entre les territoires ! Cette préoccupation est bien au coeur du Plan France Très haut débit. Autrement dit, nous voulons en finir avec cette France du numérique à deux vitesses, tant sur le plan social que territorial !
Mais, je le sais, nous devons aller plus loin. Souvenez-vous : l'année dernière, je vous avais dit que je rêvais du moment où nous n'aurions plus à parler de Très haut débit à l'AVICCA… un an après, nous n'y sommes pas encore car l'implémentation, la mise en oeuvre, est encore pour beaucoup devant nous. Mais nous voici prêts à mettre un deuxième étage à la fusée, celui de la révolution des usages et de la transformation numérique de toute la société !
Je crois qu'il est important d'avancer sur ces deux chantiers en même temps, parce qu'il ne s'agit pas seulement de connecter les Français, même si c'est la condition nécessaire, il faut aussi leur donner les clés pour bénéficier de tout le potentiel de la société numérique.
J'en viens au rapport. Je tiens vraiment à remercier les rédacteurs du rapport du Conseil National du Numérique, et à saluer – avec beaucoup de chaleur et d'enthousiasme – le travail impressionnant qu'ils ont réalisé. Quand le Conseil National du Numérique a été reformé, au début de l'année, trois saisines lui ont été adressées : sur la neutralité du net, sur la fiscalité du numérique et sur ce chantier très complexe de l'inclusion numérique. Vous le voyez, de petits sujets pas du tout complexes ni compliqués à traiter ! (C'est du second degré, je le précise !).
Le résultat, c'est ce texte très ambitieux, riche et précis, qui renouvelle vraiment profondément la vision de nos politiques d'inclusion, en proposant de les mettre à l'heure du numérique. Je crois qu'il était vraiment urgent qu'on s'attèle à cette tâche. Nous avons passé le temps de l'angélisme béat devant les nouvelles technologies. C'est un vrai choix politique que nous avons : ou bien le numérique creusera davantage les inégalités sociales, en constituant un facteur aggravant de l'exclusion, ou bien au contraire nous saurons en faire un outil qui contribuera à les réduire, car il pourra apporter à tous de nouveaux outils. Les technologies sont neutres, nous le répétons souvent, c'est à nous de décider ce que nous voulons en faire, c'est à nous de les mettre au service de notre projet de société ! Alors il faut que nous soyons cohérents : si, pour nous, le numérique est un outil d'inclusion et de rapprochement, il faut faire en sorte qu'il le soit vraiment et pleinement !
Pour réduire les inégalités sociales et territoriales, la politique du déploiement du Très haut débit est évidemment nécessaire, mais elle n'est pas suffisante. Nous devons donc maintenant mettre l'accent sur les usages du numérique. Récemment, j'ai eu l'occasion de m'exprimer sur plusieurs initiatives qui me paraissent bien illustrer cette évolution des usages, dans des domaines d'ailleurs très différents les uns des autres, qui correspondent exactement à ce que nous souhaitons encourager.
Je pense à la plate-forme Agrilocal qui, grâce au numérique, permet de mettre en relation des agriculteurs et des acheteurs publics, des cantines scolaires, des restaurants… et que j'ai eu l'occasion d'inaugurer aux côtés de Stéphane LE FOLL et de Cécile DUFLOT la semaine dernière. Je pense aussi à la dynamique de l'économie collaborative, je crois que c'est un sujet d'investigation ou de développement qui devra retenir toute notre attention dans les mois et les années à venir, avec par exemple un projet entrepreneurial que je trouve extrêmement séduisant : l'alliance entre une structure d'aide aux personnes défavorisées, la Mie de Pain, qui opère à Paris, et une start-up numérique, Eqosphere, que Benoît HAMON et moi avons visitées il y a peu de temps. L'idée est d'utiliser une plateforme Internet pour mettre en relation des entreprises – traiteurs ou grandes surfaces – qui ont des surplus alimentaires, avec des ONG qui peuvent utiliser ces surplus, dans la limite évidemment des dates de consommation, pour les livrer à des banques alimentaires ou aux Restos du Coeur, etc. Grâce au numérique, ce qui est une activité de mise en relation physique devient plus efficace, trouve un modèle économique, parce que les entreprises qui mettent de la nourriture au rebut doivent payer pour la détruire. Voilà donc une activité économique collaborative avec un but d'intérêt social qui peut se développer grâce à l'existence d'un logiciel et d'une plateforme numérique.
Le soutien à la transformation numérique est au coeur de l'ambition de ce Gouvernement et nous avons déjà lancé plusieurs actions dans ce sens. Récemment, j'ai lancé un appel à projets « FabLabs 2013 », pour que les ateliers de fabrication numérique, ouverts à tous, puissent se multiplier, d'ici 3 ans, sur tout le territoire, pour que tout le monde – entreprises, bricoleurs du dimanche – puisse en profiter. C'est un bel exemple d'inclusion numérique ! Cet appel à projets s'est clos en septembre, et – je peux vous le dire – il a été lui aussi une grande réussite, puisque plus de 150 dossiers ont été déposés, en provenance de 23 régions ! La dynamique est donc réellement nationale et ce n'est pas du tout une préoccupation centralisée ou réservée à l'Ile-de-France !
Nous sommes aussi en train de travailler au recrutement de « 2000 emplois d'avenir » dans les Espaces publics numériques (EPN). Nous avons parlé tout à l'heure des lieux où pourra s'organiser la médiation, où l'on pourra acquérir la littératie numérique. Je crois que les Espaces publics numériques ont un rôle à jouer en la matière. Ces espaces, où les gens viennent se familiariser et se former aux usages du numérique, pourront ainsi se renouveler et s'adapter aux nouveaux besoins d'une population plus connectée. C'est un autre exemple d'action en faveur de l'inclusion numérique !
Pensons enfin, et je crois que c'est un aspect extrêmement important, à la refondation de l'école engagée par Vincent PEILLON, qui comprend, on n'en parle peut-être pas assez souvent en ce moment, un important programme pour faire passer l'école à l'ère du numérique. Car c'est d'abord et avant tout par l'école que nous construirons cette « littératie » dont il est question dans le rapport, cette littératie pour tous que nous appelons de nos voeux.
Toutes ces actions ne résolvent pas tout, mais elles sont la preuve, par les actes, que nous avons enclenché une dynamique pour l'inclusion numérique. Nous avons tenu en février dernier, avec mes collègues du Gouvernement, un séminaire numérique qui a acté toutes ces initiatives. Je rappelle que c'était la première fois que l'ensemble du Gouvernement était mobilisé autour du numérique, ce qui a permis d'adopter une feuille de route cohérente et ambitieuse. Eh bien sachez que nous allons continuer cette dynamique ! Nous avons commencé à préparer le prochain séminaire numérique. Je souhaite que l'inclusion numérique soit évidemment pleinement prise en compte et qu'elle puisse enrichir notre feuille de route. Nous ferons également un premier bilan en 2014 de cette feuille de route car il s'agissait de mesures très concrètes dont nous pouvons suivre l'évolution.
Mais, pour conclure, je souhaite vous le dire franchement et avec force : l'État et le Gouvernement ne peuvent rien faire seuls sur ce sujet des usages, pas plus que sur celui du Très haut débit ! Ce sont les collectivités locales qui jouent un rôle décisif pour que l'inclusion numérique soit une réalité sur tous les territoires de la République ! Qui peut en effet mieux répondre aux attentes et aux exigences des citoyens en ce qui concerne les usages du numérique ? Qui connaît mieux les besoins sur son territoire, ici les personnes âgées, ici les plus jeunes, ici les demandeurs d'emploi ? D'abord, les collectivités territoriales, et avant tout les collectivités territoriales – et, dans une certaine mesure, uniquement les collectivités territoriales ! Ce n'est pas que je veux me défausser des responsabilités gouvernementales, mais je crois que le rôle moteur et de remontée d'informations sur les usages des collectivités territoriales est extrêmement important.
Plusieurs préconisations du rapport sont avant tout destinées aux territoires et aux élus, c'est le message que Valérie PEUGEOT a essayé de faire passer : quand ce rapport parle de la médiation numérique par exemple, c'est une question quotidienne dans les collectivités. Quand il invite à valoriser le « pouvoir d'agir » des citoyens, « l'encapacitation », c'est pour qu'ils s'impliquent dans leur vie locale, dans les décisions locales.
Parler aujourd'hui, aux rencontres de l'AVICCA, d'inclusion numérique, c'est la meilleure preuve que les choses avancent sur le Très haut débit, que la mobilisation de l'État et des élus locaux – ensemble – est une réussite ! Je veux créer le même cercle vertueux en ce qui concerne les usages du numérique.
Pour mettre en musique cette ambition, nous proposons de créer un dialogue local dans le cadre des Contrats de plan État-Région, à travers l'équivalent d'un schéma directeur d'aménagement numérique mais pour les usages. Notre intention n'est évidemment pas de dicter une méthode d'en haut ni d'imposer tel ou tel échelon dans le nécessaire dialogue territorial. C'est pourquoi j'ai demandé à Akim OURAL de me proposer une gouvernance adaptée pour créer une dynamique et la cohérence nécessaire dans le respect de chacun. Akim OURAL est un élu de terrain, qui à travers son implication dans la Communauté Urbaine de Lille, en particulier dans le cluster Euratechnologies, a montré son sens du dialogue et son intérêt pour l'innovation sociale. Il est un représentant de l'AVICCA et siège au comité des territoires du Conseil National du Numérique. Je le remercie d'avoir accepté de me rendre un rapport sur ce sujet d'ici fin janvier.
Et je compte sur chacun et chacune d'entre vous, pour faire en sorte que la révolution numérique ne laisse personne sur le bord du chemin !
Merci à tous.
Source http://www.avicca.org, le 5 décembre 2013