Texte intégral
Madame la Députée, je vous remercie d'attirer l'attention de l'Assemblée sur cette question très importante. L'Europe est un espace de libre circulation, c'est un de ses principes fondamentaux, mais ce ne doit pas être un espace de libre exploitation des salariés. L'Europe est un espace de libre concurrence, cela fait en effet aussi partie des principes fondamentaux de ce que nous avons voulu construire, mais ce ne doit pas être un espace de concurrence déloyale qui s'appuie sur le dumping social. Voilà la question qui était posée à l'ensemble des Européens.
Nous connaissons tous des exemples de dumping social sur le territoire français, mais c'est la même chose en Belgique, en Hollande, au Danemark, au Luxembourg, et également en Allemagne.
Il y a dans tous ces pays des situations inadmissibles, intolérables, où des salariés sont exploités dans des conditions non conformes aux grands principes des droits de l'homme. Nous ne pouvons pas non plus accepter qu'à cause du dumping social, des salariés se voient privés de leur emploi en France parce que leur entreprise a perdu un marché face à un concurrent qui a proposé un prix plus faible au donneur d'ordre, un prix trop faible.
C'est donc pour lutter efficacement contre les fraudes qu'il y avait besoin d'un accord européen, afin que dans chaque pays d'Europe, on lutte avec les mêmes armes et avec la même détermination contre des dispositifs parfois extrêmement sophistiqués qui permettent de faire écran entre le vrai responsable, l'entreprise donneuse d'ordre, et les sous-traitants qui sont à ses ordres. C'est ce qui a été décidé. Il y aura des contrôles supplémentaires, avec des moyens accrus, dans les jours qui viennent, pour l'inspection du travail et toutes les autres inspections nécessaires à la mise en oeuvre du dispositif, ainsi que des capacités nouvelles de mise en cause du donneur d'ordre, et aussi bien entendu une nouvelle législation en France qui vous sera proposée pour transférer ces règles très rapidement.
Monsieur le Député Jean-Pierre Dufau, comme vous l'avez souligné, nous débattions la semaine dernière dans cet hémicycle du problème des travailleurs détachés, trop souvent exploités dans des conditions inadmissibles et contraires au droit du travail français, et j'exposais la position de la France.
C'est cette position, d'ailleurs soutenue très largement sur l'ensemble de ces bancs, qui a rassemblé une majorité de pays en Europe. Elle a même abouti à ce que des pays dont sont issus certains de ces travailleurs se placent sur des bases de régulation et de protection. En effet, les gouvernements bulgare et roumain, et aussi désormais le gouvernement polonais, trouvent inadmissible que leurs citoyens soient exploités dans des conditions contraires aux droits humains, qu'ils se sont par ailleurs engagés à faire respecter sur leur territoire.
C'est ainsi que nous avons pu progresser et que nous constatons le retour de l'Europe sociale. Oui, ceci marque aussi le retour de l'Europe sociale et doit nous encourager, les uns et les autres, à aller plus loin encore : par exemple à faire en sorte qu'il y ait un SMIC en Europe, qu'il n'y ait pas des trous blancs sur le territoire européen, parce que cela nourrit aussi le dumping social.
Nous voyons en Allemagne se manifester une volonté commune du CDU et des sociaux-démocrates de mettre en place un SMIC, et cela nous encourage à continuer dans cette voie. Il faut un socle commun de droits minimaux en Europe.
L'Europe est un espace économique, une force économique. Mais l'Europe défend aussi des valeurs : la liberté, la démocratie, la protection des salariés contre l'exploitation. L'Europe sociale est de retour. Nous devons aller plus loin. Dès le mois de janvier, avec les propositions de loi du groupe socialiste, nous pourrons transcrire les dispositions européennes dans la loi nationale. Et c'est tant mieux !
Monsieur le Député, vous posez une question évidemment justifiée, qui correspond aux difficultés rencontrées à la fois par un territoire et par des salariés d'entreprise ou des salariés qui auraient légitimement souhaité travailler sur un grand chantier comme celui de Dunkerque.
Mettant en cause la directive dite «Détachement», vous n'avez pas manqué de rappeler la date de son adoption : 1996. Il ne vous aura pas échappé non plus que, depuis des années, la question de l'encadrement de cette directive et celle de la mise en place des moyens de lutter contre les fraudes, étaient sur la table. Sans la moindre avancée, année après année ! Le gouvernement que vous souteniez à l'époque a été d'échec en échec.
Ne venez donc pas traiter d'écran de fumée ce qui est une vraie réussite, que les plus clairvoyants sur vos bancs ont heureusement saluée ! Car on peut aussi considérer que, quand elle réussit, la France est plus forte - plus forte pour tous.
Il faut maintenant passer des principes, adoptés lundi, à la réalité. Des dispositions législatives seront prises pour nous permettre de lutter contre les fraudes et le dumping social. J'attends de vous retrouver ce jour-là : nous verrons si vous voterez les dispositions proposées, en particulier par le groupe socialiste.
Je peux vous dire que tous les moyens, ceux de l'inspection du travail, de l'URSSAF, de l'inspection fiscale, de la police et de la gendarmerie, seront mobilisés pour lutter contre ces fraudes, car, oui, les salariés français ont droit au respect et, oui, il faut lutter contre le dumping social. Vous ne l'avez jamais fait : nous le faisons !
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2013