Interview de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, à RMC le 10 décembre 2013, sur la sécurité et le développement en Afrique, l'avenir de la filière nucléaire et la transition énergétique, l'écotaxe et le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).

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Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invitée, Cécile DUFLOT, bonjour.
CECILE DUFLOT
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ministre du Logement et de l'Egalité du territoire. Je vais vous poser une question directe, nous sommes en plein hommage rendu à Nelson MANDELA, est-ce que ces hommages unanimes des politiciens français ne cachent pas une sorte d'hypocrisie, franchement ?
CECILE DUFLOT
D'abord, est-ce que l'hommage est justifié, est-ce qu'il est justifié qu'il soit unanime ? Ma réponse est évidemment oui. Nelson MANDELA c'est l'essence même de la politique. Il a démontré à la fois une force de conviction énorme, une capacité au compromis et surtout il a réussi ce que personne n'imaginait possible, deux choses, la paix, la construction d'une Nation, arc-en-ciel, durable, et aussi de se retirer lui-même de l'exercice du pouvoir, c'est-à-dire qu'il a réussi tout ce qu'on pouvait imaginer d'impossible. Ensuite…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, question corolaire…
CECILE DUFLOT
Ensuite, est-ce qu'à l'époque de l'apartheid tous les politiques français qui s'expriment aujourd'hui étaient aussi clairs sur leur soutien à Nelson MANDELA, sur la nécessité de la fin de l'apartheid, je ne crois pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pensez à qui ?
CECILE DUFLOT
A personne en particulier, mais on sait bien qu'il y a eu des soutiens à la politique sud-africaine d'apartheid, en tout cas une timidité sur la mobilisation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pensez bien à quelques responsables politiques français.
CECILE DUFLOT
Ce que je sais c'est qu'on a autorisé l'ANC à ouvrir un bureau en France qu'à partir de l'élection de François MITTERRAND en 1981, voilà, ça c'est un fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors question corolaire, est-ce que les dirigeants politiques français s'inspirent vraiment de l'action de Nelson MANDELA aujourd'hui ?
CECILE DUFLOT
Ça c'est une question qui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est une bonne question.
CECILE DUFLOT
Oui, parce qu'une des grandes forces de Nelson MANDELA, mais dans une situation autrement plus tendue, c'était cette capacité aux compromis historiques avec des gens qui avaient été des ennemis très violents, avec aussi, et il y a participé, des gens qui avaient utilisé la lutte armée, pour défendre d'ailleurs une cause qui était une cause d'une violence extrême, parce que l'apartheid c'était la négation même de l'égalité entre les hommes et les femmes, donc c'était quelque chose d'absolument terrible. Mais c'est vrai que la force des convictions, et la capacité au compromis, c'est-à-dire les deux choses en même temps, je crois que c'est la leçon principale de la vie et de l'action politique de Nelson MANDELA.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que Nelson MANDELA aurait encouragé, par exemple, le vote des étrangers aux élections locales ?
CECILE DUFLOT
Ça, vous savez, moi je ne crois pas qu'il faut transporter les gens de leur histoire à une autre histoire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, il ne s'agit pas de transporter, c'est une question d'état d'esprit.
CECILE DUFLOT
Il faut le double état d'esprit, l'immense force de ses convictions, c'est quelqu'un qui a accepté de rester plusieurs années supplémentaires en prison, alors qu'il aurait pu obtenir une libération, pour négocier la paix, pour travailler politiquement à l'avenir de son pays, donc c'est une force d'âme, une force de conviction, on ne peut pas ni l'instrumentaliser…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas d'esprit de revanche et le pardon.
CECILE DUFLOT
Oui, et l'avenir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que ça existe dans la vie politique française ?
CECILE DUFLOT
Ça peut exister, en tout cas peut-être que la seule chose qui peut nous être utile c'est justement de regarder ce que d'autres ont fait, ce que quelqu'un comme Nelson MANDELA a fait, et d'y repenser dans des moments où sans doute on est tenté par des mauvaises réactions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est une ouverture démocratique le vote des étrangers aux élections locales, à votre avis, c'est indispensable.
CECILE DUFLOT
Oui, je pense que c'est une très bonne chose, d'ailleurs c'est prévu que ce soit à l'ordre du jour des travaux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant la fin du quinquennat ?
CECILE DUFLOT
Oui, après les élections municipales, c'est ce qui a été dit par le président de la République lui-même…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y tenez ?
CECILE DUFLOT
Comme les élections municipales sont en mars ; c'est plus que j'y tiens, c'est que je crois que c'est une promesse qui a été faite il y a 30 ans, et c'est aussi le moyen de faire en sorte que tout le monde se sente partie prenante de l'avenir de son territoire, et je pense que c'est une bonne chose. D'ailleurs, une grande partie des étrangers vont déjà voter aux élections municipales, tous les citoyens européens ont le droit de vote aux prochaines élections municipales, et d'ailleurs j'invite tous ceux qui ne sont pas encore inscrits à le faire avant le 31 décembre, puisqu'on peut encore s'inscrire sur les listes électorales.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Cécile DUFLOT on va parler de logement dans quelques instants, quelques mots sur l'actualité. Deux soldats tués en République centrafricaine, deux soldats français, je crois que c'était hier. La France est engagée militairement, c'est la guerre, qu'est-ce que vous dites ? Je crois que le président de la République d'ailleurs ce soir sera en République centrafricaine.
CECILE DUFLOT
Oui, je dis trois choses. La première c'est que la situation en Centrafrique était celle d'un véritable chaos et d'un risque humanitaire majeur, et qu'il fallait donc intervenir, mais que c'est toujours à regret, même si c'est sous mandat de l'ONU que c'est la France qui soit en situation d'intervenir, et d'ailleurs c'était un des éléments du sommet de l'Elysée, un élément décisif, que les pays africains puissent avoir eux-mêmes une force d'intervention rapide, c'est ce qui est prévu, c'est ce qui sera sur pied, ce sera le meilleur moyen justement que ce continent puisse intervenir lui-même dans les situations de péril comme celle que vivent les habitants de ce pays. Et enfin, un sujet très important, un sujet avec beaucoup de pays d'Afrique, qui est la question du développement, on ne peut pas imaginer de parler de sécurité en Afrique sans parler de développement, et on y oeuvre beaucoup, vous savez qu'une loi sur le développement qui va vraiment changer la politique française est portée par mon collègue Pascal CANFIN, mais on ne peut pas non plus travailler sur le développement sans sécurité, donc c'est bien ces deux éléments qu'il faut avoir à l'esprit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le nucléaire, vous avez vu les déclarations, vous l'avez vu, je suis persuadé, vous êtes perspicace, vous regardez bien tout ce qui se passe, les déclarations d'Arnaud MONTEBOURG en Chine, « le nucléaire filière d'avenir. » Vous êtes d'accord ?
CECILE DUFLOT
C'est des déclarations classiques d'hommes politiques français depuis 1974, donc il n'y a rien de très original dans ces déclarations.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que rien ne change, si j'ai bien compris.
CECILE DUFLOT
Simplement, le vrai sujet…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Rien ne change ?
CECILE DUFLOT
Le vrai sujet c'est qu'est-ce que c'est que l'avenir aujourd'hui, qu'est-ce que c'est que la modernité ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Attendez.
CECILE DUFLOT
L'avenir et la modernité, si vous me permettez de finir, l'avenir et la modernité c'est la transition énergétique, c'est dire, et c'est ce que fait d'ailleurs la Chine, parce que la Chine devient un des pays les plus innovants, qui investit le plus, sur les énergies renouvelables. Economiser l'énergie et développer l'énergie renouvelable, c'est ça l'avenir, c'est vraiment ça l'avenir et tout le monde le sait, on le sait à l'échelle de la planète. Si on regarde en Europe, la Belgique, l'Allemagne, l'Italie, sortent du nucléaire, personne aujourd'hui considère que ce n'est pas ce chantier-là qui est le chantier décisif et c'est ce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Cécile DUFLOT, vous dites que le nucléaire est une filière d'avenir…
CECILE DUFLOT
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pas la seule filière d'avenir.
CECILE DUFLOT
Je ne dis pas ça, je dis que le…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ! Le nucléaire n'est pas une filière d'avenir alors ?
CECILE DUFLOT
Je dis qu'une grande partie des politiques français disent ça depuis 1974.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous dites non, vous ?
CECILE DUFLOT
Je dis que l'avenir c'est la transition énergétique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ce n'est pas le nucléaire ?
CECILE DUFLOT
La modernité c'est les économies d'énergie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ce n'est pas le nucléaire, Cécile DUFLOT ?
CECILE DUFLOT
Je vous dis ce qu'est l'avenir, par voie de conséquence je pense que d'autres ne le sont pas. Et pourquoi ? Parce que d'ailleurs c'est ce vers quoi se dirigent beaucoup de pays, les pays du Golfe également, qui ont vécu de la rente pétrolière et qui sont en train de mettre en place les premières centrales solaires par concentration. Le vrai sujet, Monsieur BOURDIN, c'est de savoir, aujourd'hui, vers où on va. On est en 2013, la nouvelle frontière, aujourd'hui, je crois profondément, c'est l'écologie, c'est-à-dire ce n'est pas de conquérir une nouvelle planète, ce n'est pas de reproduire les modèles du 20ème siècle, c'est de sauver la planète que nous avons, et la planète que nous avons elle nécessite justement qu'on économise ses ressources, qu'on considère qu'il y a des ressources qui sont épuisables et d'autres qui ne le sont pas, comme l'énergie solaire, comme la force des marées, comme le vent, et que c'est ces énergies-là qu'il faut être capable de capter pour pouvoir faire vivre nos civilisations, c'est ce que font d'ailleurs tous les pays du monde aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors j'insiste sur les déclarations d'Arnaud MONTEBOURG.
CECILE DUFLOT
Si ça vous fait plaisir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous, ça ne vous fait pas plaisir…
CECILE DUFLOT
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais moi ça me fait plaisir, « c'est moi le ministre de l'Ecologie, je le remplace » a-t-il dit, parce que l'avion de Philippe MARTIN avait du retard. Et vous savez pourquoi ? « Quand on a une équation énergétique où le nucléaire est fort, ça nous permet d'investir massivement dans les énergies renouvelables. » La part du nucléaire, 50% en 2025, « oh, ce ne sont pas les écolos qui fixent le « la » sur le nucléaire, c'est un gouvernement de coalition, le nucléaire représentera toujours la moitié, au minimum, de notre énergie. » C'est ce qu'a dit Arnaud MONTEBOURG.
CECILE DUFLOT
Mais vous savez ce qui m'intéresse, c'est ce qu'on va faire en France, et ce qu'on va faire en France c'est très clair, d'une part…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous lui dites quoi à MONTEBOURG ?
CECILE DUFLOT
Si je parle à Arnaud MONTEBOURG, je n'ai pas besoin de le faire devant votre micro, je vous dis ce qu'on va faire en France. En France on va faire deux choses. D'une, on va diminuer par deux la consommation d'énergie d'ici 2050, et de deux, on va faire passer la part du nucléaire de 75 à 50%. Voilà l'horizon de la politique française.
JEAN-JACQUES BOURDIN
« Au minimum » dit Arnaud MONTEBOURG.
CECILE DUFLOT
Vous savez, c'est le président de la République qui a dit ça à la conférence environnementale…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ce n'est pas Arnaud MONTEBOURG.
CECILE DUFLOT
Et le Premier ministre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai compris.
CECILE DUFLOT
Et donc, ce qui m'intéresse dans la vie politique, en règle générale, ce n'est pas de commenter les commentaires, c'est l'action. Ça vaut pour la politique du logement, qui est ce sur quoi je me concentre, ça vaut pour la transition énergétique, qui est un sujet absolument décisif.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Permettez-moi de souligner vos différences quand même !
CECILE DUFLOT
Permettez-moi de souligner que vous aimeriez bien créer une polémique entre Arnaud MONTEBOURG et moi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, je n'aimerai pas créer la polémique, elle est déjà claire.
CECILE DUFLOT
Je vais vous dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est même pas une polémique, c'est un immense fossé qui vous sépare, parce que ce matin…
CECILE DUFLOT
Ce qui est important…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce matin votre ami Jean-Vincent PLACE sur RTL a dit « contradiction », Jean-Marc AYRAULT qui assure la promotion du nucléaire en Chine, « contradiction, car c'est la proposition de François HOLLANDE pendant la primaire de réduire la part du nucléaire, MONTEBOURG a été caricatural, ça contribue à une illisibilité de la ligne gouvernementale, il est maintenant le VRP de tout ce qui échoue, on a nos grands groupes qui subsistent, on essaie de vendre le Minitel ou le Concorde, il est dans une situation du schtroumpf grognon, dans la provocation avec ses petites phrases. »
CECILE DUFLOT
Après avoir commenté Arnaud MONTEBOURG, il faut que je commente les propos de Jean-Vincent PLACE ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il ne s'agit pas de commenter, il s'agit de dire clairement ce que vous pensez, c'est ce qui m'intéresse.
CECILE DUFLOT
Ce que je pense c'est que je veux être une actrice de ce qui marche, et une actrice de ceux qui marche, c'est de ceux qui construisent l'avenir, et l'avenir c'est absolument…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas le nucléaire, j'ai compris.
CECILE DUFLOT
L'avenir c'est la transition énergétique. Et je vais vous donner un exemple très concret, parce que les gens qui nous écoutent, ils ont envie de savoir ce que font concrètement les hommes et les femmes politiques, eh bien je vais vous donner une réponse. Aujourd'hui, nous sommes en plein hiver et l'hiver est plutôt rigoureux, il y a des gens qui n'arriveront pas à remplir une deuxième fois la cuve à fuel du chauffage de leur logement, parce que le prix de l'énergie a beaucoup augmenté, donc le plan de rénovation thermique que nous avons lancé va permettre d'agir très efficacement pour faire baisser les consommations, mais du coup pour faire faire des économies. Aujourd'hui les charges contraintes, le prix du logement, et le prix du chauffage, pèsent très lourdement sur le budget des ménages, et donc agir pour faire diminuer cette consommation-là c'est agir pour le pouvoir d'achat immédiatement, c'est ça qui m'intéresse, jour après jour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dites-moi, augmenter la TVA de 7 à 10 sur les transports publics c'est augmenter le pouvoir d'achat ?
CECILE DUFLOT
La question de la TVA c'est une question globale et c'est une question qui est une question compliquée, et moi je vous dis très franchement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça c'est vrai, oui.
CECILE DUFLOT
Je pense qu'il faut faire en sorte que les transports publics soient le moins chers possibles, et j'avais été, en tant qu'élue régionale, très attentive, en Ile-de-France, à aller vers un passe unique pour l'ensemble des transports en Ile-de-France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
3% de plus en Ile-de-France, les transports publics.
CECILE DUFLOT
Vous savez, les transports publics ils sont financés par ceux qui les utilisent, et aussi par les impôts.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A cause de la TVA.
CECILE DUFLOT
Et aussi par les impôts, donc c'est intéressant de savoir comment on finance les transports publics. Et je vais vous donner un autre exemple, je vais faire le lien moi-même avec une question dont on ne parle plus alors qu'elle est absolument décisive, qui est la question de la taxe poids lourds. Aujourd'hui la question c'est de savoir comment on finance cette transition, parce que c'est bien beau d'avoir beaucoup d'objectifs, mais de savoir comment on fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais elle ne verra jamais le jour cette Ecotaxe, jamais le jour.
CECILE DUFLOT
Aujourd'hui il y a des poids lourds qui traversent l'Europe, sans aucun impact sur notre pays, d'ailleurs même qui favorisent les délocalisations, en emmenant des produits du Sud de l'Europe, voire du Nord de la Méditerranée, jusqu'au Nord de l'Europe, qui ne payent rien. Qui est-ce qui paye l'entretien des routes ? Vos impôts, mes impôts, nos impôts. Est-ce qu'il faut utiliser l'argent de ces camions qui utilisent et usent nos routes pour financer les transports et les transports en commun ? Pour moi la réponse est oui. Donc la question de savoir comment on finance, en particulier les transports en commun, c'est un vrai sujet et c'est une vision globale, c'est ça aussi la vision de l'avenir que portent les écologistes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors la vision globale elle est lointaine…
CECILE DUFLOT
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que l'Ecotaxe a disparu de la circulation…
CECILE DUFLOT
Non, elle est très concrète.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment non ?
CECILE DUFLOT
Au contraire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle est contenue dans la réforme fiscale, Jean-Marc AYRAULT a dit 10 ans pour cette réforme fiscale, donc dans 10 ans nous aurons peut-être l'Ecotaxe.
CECILE DUFLOT
Il y a des choses qui se font pas à pas… non, pour une raison simple, on a besoin de cet argent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ? Alors avant quand l'Ecotaxe ?
CECILE DUFLOT
Il y a tous les jours…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors dites, avant quand ?
CECILE DUFLOT
Attendez, attendez, il y a quelques jours j'ai pris le train pour aller dans l'Indre et je suis descendue à Châteauroux, j'ai parlé avec des gens dans le train, avec les personnels de la SNCF, cette ligne elle est très fatiguée, la ligne qui va jusqu'à Limoges notamment, il faut entretenir notre réseau ferré secondaire, donc il faut savoir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut de l'argent.
CECILE DUFLOT
D'où on prend l'argent, et je pense que pour que l'argent issu de tous ces transports internationaux, qui font qu'on élève des porcs en Bretagne et qu'on va les abattre dans des abattoirs en Allemagne, ce qui fait qu'on ferme des abattoirs en France, ça ce n'est pas normal.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais Cécile DUFLOT, le gouvernement, dans lequel vous êtes, augmente la TVA sur les transports publics, pardon, et ne met pas en place l'Ecotaxe qui permettrait d'améliorer les transports publics.
CECILE DUFLOT
Si, le Premier ministre l'a dit lui-même.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais quand, il a dit 10 ans la réforme fiscale.
CECILE DUFLOT
Non, il a dit que l'ensemble de la réforme fiscale prendrait 10 ans, parce qu'il y a beaucoup de sujets, il y a la question notamment de l'imposition à la source…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors l'Ecotaxe avant quand ?
CECILE DUFLOT
La mission parlementaire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous exigez, vous demandez.
CECILE DUFLOT
Mais je n'exige rien, je travaille. Vous savez, c'est facile d'exiger, c'est facile de donner des leçons, et c'est plus difficile de faire, en même temps c'est plus intéressant, et moi ce qui m'intéresse c'est faire. Et vous parlez de la TVA, nous avons fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors faites, faites.
CECILE DUFLOT
La TVA sur les travaux de rénovation thermique, elle passe au 1er janvier…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je vous parle de l'Ecotaxe, l'Ecotaxe quand ?
CECILE DUFLOT
Vous me parliez de la TVA, je vous parle de la TVA.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais moi je vous parle de l'Ecotaxe, quand ?
CECILE DUFLOT
Et donc, quand on va pouvoir faire en sorte que 500 000 familles de ce pays, chaque année, fassent des travaux, pour rénover leur logement, pour changer leur mode de chauffage…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est très bien, on est très heureux…
CECILE DUFLOT
Et pour faire des économies, non, on est plus qu'heureux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est très heureux, mais si je vais prendre les transports publics, je vais payer plus cher.
CECILE DUFLOT
Non…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment non ?
CECILE DUFLOT
Parce que justement la question c'est la question du financement global, c'est ça la réforme fiscale globale, ce n'est pas de dire comment on fait payer plus, c'est comment utilise…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors un dernier mot sur l'Ecotaxe, Cécile DUFLOT, quand…
CECILE DUFLOT
Comment on utilise…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand vous souhaitez ?
CECILE DUFLOT
Comment on utilise mieux les impôts. Je le souhaite le plus vite possible. Pourquoi ? Parce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça c'est comme, le plus possible ça ne veut rien dire, c'est avant quand ?
CECILE DUFLOT
Si, ça veut dire quelque chose.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très vite, avant la fin de l'année, 2014 ?
CECILE DUFLOT
Ça veut dire que quand il y a une situation de tensions politiques il faut la dénouer, mais ensuite il faut dire les choses…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant la fin 2014 ?
CECILE DUFLOT
Et il faut dire aux gens qui habitent dans notre pays que c'est leurs impôts qui servent à financer l'entretien des routes sur lesquelles roulent des camions qui du coup favorisent le fait qu'on délocalise les productions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors avant la fin 2014 ?
CECILE DUFLOT
Je pense que le plus tôt possible sera le mieux, voilà. Pourquoi ? Pour éviter que ce soit nos impôts qui financent à la place des camions qui roulent sur les routes de France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La loi DUFLOT sur le logement, seconde lecture à l'Assemblée nationale la semaine prochaine, mardi prochain, c'est bien ça ?
CECILE DUFLOT
Oui, en commission.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux sujets importants, l'encadrement des loyers et la garantie universelle, on est bien d'accord, avec aussi, c'est peut-être la raison pour laquelle vous n'êtes pas allée au congrès de la FNAIM, les agents immobiliers…
CECILE DUFLOT
L'encadrement des honoraires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un changement dans les frais payés par le locataire candidat à la location. Alors, qu'est-ce que vous recommandez ? Vous dites, tout ce qui est rédaction du bail, tout ce qui est constat, ça doit être partagé entre le propriétaire et le locataire, c'est bien ça ?
CECILE DUFLOT
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ça doit coûter à peu près quelques centimes d'euro alors qu'aujourd'hui on sait que quand on entre dans une agence immobilière…
CECILE DUFLOT
Pas quelques centimes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelques centaines d'euros, on sait que quand on entre dans une agence immobilière on paye 1 mois de loyer.
CECILE DUFLOT
C'est proportionnel au mois de loyer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
A peu près 1 mois de loyer.
CECILE DUFLOT
Ce qui n'a pas de sens. Très concrètement, si vous louez le même 2 pièces, de la même taille, à Paris ou à Roanne, vous pouvez payer de 1 à 4 fois pour le même travail, donc il y a quelque chose qui ne fonctionne pas bien, et tous les gens qui louent un logement savent, aujourd'hui, que, notamment dans les zones où il y a une forte demande de logements, que le loyer est cher, que les honoraires sont très chers, et qu'en plus on demande des garanties très élevées. Donc la loi ALUR, qui est la loi qui va bientôt être votée, elle va encadrer les loyers. C'était un engagement de la campagne électorale, engagement numéro 22 du président de la République, et c'est ce que j'avais dit l'année dernière, au même moment, au congrès de la FNAIM, c'est-à-dire ce que nous allions faire, et je tiens…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Où vous n'allez pas cette année.
CECILE DUFLOT
Et je tiens mes engagements. Et je tiens mes engagements. L'encadrement des loyers, la garantie universelle, qui vise à supprimer la caution et à organiser le fait qu'on puisse sécuriser les propriétaires, mais les locataires…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais revenir sur la garantie universelle, pour savoir qui va payer.
CECILE DUFLOT
Et c'est des réformes de fond, Monsieur BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout ce qui est, annonces, visites, dossiers, c'est le propriétaire qui paiera !
CECILE DUFLOT
Oui, on va limiter les zones horaires des agents immobiliers pour les locataires parce qu'ils ont explosé. Par ailleurs, je vais vous dire, monsieur BUET, le président de la FNAIM, avait dit lui-même que du fait de la crise du logement avait prospéré ce qu'il appelait des « braconniers de l'immobilier », et c'est vrai qu'il y a eu des abus. Il y a de très bons professionnels, et je vais vous dire de façon très franche, je pense que c'est mieux, quand un logement est loué, que celui-ci passe, que le propriétaire passe par un professionnel, je pense qu'il faut développer le recours aux professionnels, mais il faut aussi encadrer les pratiques, il faut limiter les abus, il y a eu des exagérations, ça vaut pour les agents immobiliers, ça veut aussi pour certains syndics, vous le savez, il y a eu des scandales, et donc il faut faire en sorte que tous ceux qui travaillent bien soient mis en valeur et que ceux qui ont abusé ne puissent plus le faire parce que ça repose toujours sur les mêmes, sur les copropriétaires et sur les locataires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors je loue, j'imagine, je loue, j'ai droit à une garantie universelle, imaginons que j'ai des difficultés pour payer le loyer…
CECILE DUFLOT
Vous êtes locataire ou propriétaire ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je suis locataire là.
CECILE DUFLOT
D'accord.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Garantie universelle, qui la paie cette garantie universelle ? 50/50, je crois, c'est ça ?
CECILE DUFLOT
Non, parce qu'on a trouvé un autre système, justement parce que c'est un projet sur lequel on travaille, on approfondie, pour ça les critiques sont utiles, parce qu'elles permettent de renforcer le dispositif…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'était 50/50 au départ.
CECILE DUFLOT
Exactement, l'idée maintenant c'est que ce soit, qu'il y ait une garantie de base qui soit financée différemment, c'est-à-dire qu'elle soit gratuite pour le propriétaire et pour le locataire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Financée par l'Etat ?
CECILE DUFLOT
Qui sera financée par l'ensemble des ressources de l'Etat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Financée par l'Etat.
CECILE DUFLOT
Vous savez, de façon globale, la politique du logement en France c'est 40 milliards d'euros.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Financée par l'Etat ?
CECILE DUFLOT
Oui, qui sera financée par l'ensemble des ressources de la politique du logement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais l'Etat va prendre l'argent où ?
CECILE DUFLOT
Je vous le dis, il y a 40 milliards d'euros sur la politique du logement, donc ce n'est pas difficile de faire des choix et de réaffecter une partie de cet argent pour cette garantie qui sera très très utile. Pourquoi ? Parce qu'elle facilitera l'accès au logement, elle évitera la concurrence des cautions. Vous connaissez, comme moi, des gens qui ont dû demander une garantie à leurs parents, à leurs grands-parents, pour pouvoir accès à un logement, la caution c'est devenu un cauchemar pour beaucoup de locataires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça représente 50 milliards d'euros…
CECILE DUFLOT
Ah non, pas du tout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah non ?
CECILE DUFLOT
Non, pas du tout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La garantie sur les locations ?
CECILE DUFLOT
Non, là maintenant on a une évaluation assez précise, on est entre 5 et 600 millions d'euros, de montant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est tout ?
CECILE DUFLOT
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si on accumule toutes les locations en France, ça ne représente que 5 à 600 millions ?
CECILE DUFLOT
Non, le coût de ce dispositif pour l'Etat. Et j'ai entendu d'ailleurs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que l'Etat est garant dans l'affaire, c'est l'Etat qui est garant, on est bien d'accord ?
CECILE DUFLOT
Oui, c'est un système à la fois public et privé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Etat doit garantir toutes les locations passées…
CECILE DUFLOT
Non, parce que forcément le dispositif il vise, à la fin, à ce que ce soit le locataire qui paye, quand il est de mauvaise foi le dispositif sera plus sévère que le propriétaire lui-même. Ce n'est pas de se substituer, c'est d'éviter les difficultés, et surtout d'éviter un sujet qui est un sujet absolument dramatique, qui est la question des expulsions. En France aujourd'hui, quand vous êtes locataire d'un propriétaire privé, par exemple imaginons, vous êtes propriétaire, vous avez une locataire, qui a deux enfants, son conjoint est parti, elle n'arrive plus à payer son loyer, on s'en rend compte aujourd'hui qu'au bout de 18 mois quand il y a une décision d'expulsion, là on s'en rendra compte dès le premier mois, on pourra mettre en place les dispositifs qui lui permettront d'être relogée dans le parc social, ou d'être relogée dans un autre logement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc l'Etat paiera cette garantie universelle, cautionnera.
CECILE DUFLOT
L'Etat cautionnera, exactement, mais la garantie sera délivrée par des organismes privés, de toute nature, qui auront une convention.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas de taxe supplémentaire imaginée par l'Etat…
CECILE DUFLOT
Non…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour trouver l'argent nécessaire pour la caution ?
CECILE DUFLOT
Non, je l'ai dit très clairement depuis longtemps, et d'ailleurs ce qui est intéressant c'est que j'ai entendu beaucoup de polémiques, autour de ce dispositif, on a expliqué que ça allait coûter 2 milliards, 3 milliards, les choses s'atténuent parce que chacun voit bien l'intérêt de tout le monde.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle sera obligatoire cette garantie ?
CECILE DUFLOT
Elle sera automatique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans le contrat.
CECILE DUFLOT
Elle sera automatique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question, parce que c'est une rumeur qui court, cette histoire de propriétaires. Est-ce que les revenus virtuels que constitue l'absence de loyer seront soumis à un impôt ?
CECILE DUFLOT
Ça a été une proposition du Conseil d'Analyse Economique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exactement.
CECILE DUFLOT
Je pense que j'ai démenti que ce soit dans les projets du gouvernement, environ 20 fois, donc je peux faire une 21ème fois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une 21ème fois, non mais il faut le faire.
CECILE DUFLOT
Ça ne fait pas du tout partie des projets du gouvernement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Absolument pas ?
CECILE DUFLOT
Absolument pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une dernière question…
CECILE DUFLOT
C'était la dernière, mais une dernière, dernière.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non non, j'en ai une dernière, allez une dernière vraiment Cécile DUFLOT.
CECILE DUFLOT
Mes enfants ils font ça aussi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi vous êtes impopulaire ? Parce que j'ai regardé, on ne vous aime pas, mais pourquoi ?
CECILE DUFLOT
C'est qui on ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne sais pas, 74% des Français…
CECILE DUFLOT
Pas vous ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais moi je n'ai pas à vous aimer ou pas, moi Cécile DUFLOT ce n'est pas mon problème…
CECILE DUFLOT
Non, mais parce que vous êtes français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
74%...
CECILE DUFLOT
Je suis rassurée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
74% des Français ne vous aiment pas, mais pourquoi ?
CECILE DUFLOT
Ecoutez, vous savez moi je n'ai jamais commenté les sondages, ça fait longtemps que vous m'invitez, ni quand ils sont bons, ni quand ils ne sont pas bons, je fais de la politique par convictions et par engagements. Même si mes convictions sont, et notamment en matière écologique, des convictions qui restent à construire, il faut que l'écologie soit un projet de transformation, il faut la sortir d'une époque et c'est vrai, elle a existé, qui était uniquement une époque marginale et de contestations, et donc moi c'est les convictions et l'action qui m'animent, et je continuerai.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Cécile DUFLOT d'être venue nous voir ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 décembre 2013