Texte intégral
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Nous sommes réunis pour débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui, à l'évidence, constitue un enjeu majeur pour notre pays : enjeu financier, bien sûr, compte tenu des sommes engagées, mais aussi au regard de nos valeurs et de la volonté que nous avons de garantir à l'ensemble de nos concitoyens une protection sociale de qualité.
Je voudrais d'abord vous demander de jeter un coup d'oeil en arrière. Que de chemin parcouru en quelques mois ! Il n'est pas mauvais d'avoir de la mémoire : en l'occurrence, souvenons-nous de la situation que nous avons trouvée, en regard des leçons que parfois nous entendons.
Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, nous étions confrontés à un déficit de la sécurité sociale régime général et Fonds de solidarité vieillesse de l'ordre de 21 milliards d'euros.
Ce déficit, grâce à des mesures que nous avons immédiatement prises, a été ramené en 2012 à 17,5 milliards d'euros environ, puis, malgré une conjoncture économique difficile qui a réduit les rentrées en début d'année 2013, à un peu plus de 16 milliards, poursuivant ainsi la décroissance affirmée, rigoureuse, volontariste, du déficit des comptes sociaux.
Le projet de loi que nous vous présentons doit nous permettre de faire descendre ce déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse sous les 13 milliards d'euros 12,8 milliards exactement l'année prochaine. C'est un effort sans précédent que nous faisons, une volonté sans faille que nous affirmons, pour le redressement de nos comptes sociaux.
Mais ce redressement, à quoi correspond-il ? Au fond, on peut jongler avec les chiffres et mettre en avant la volonté financière qui est la nôtre. Mais cette volonté, nous la mettons au service d'un projet social, d'une exigence sociale, qui est celle que nous partageons. Il s'agit pour nous de réaffirmer les principes de ce que doit être notre politique et de ce que doit être la protection sociale dans notre pays, à un moment où les attaques auxquelles elle est exposée deviennent de plus en plus intenses.
Pour cela, je voudrais mettre en avant trois principes auxquels nous ne pouvons pas déroger, et qui guident notre politique.
Le premier de ces principes semble aller de soi, en tout cas sur une partie des bancs de cet hémicycle : il est la réaffirmation absolue, intangible, que c'est par le biais de la solidarité, d'une protection sociale partagée, que nous irons de l'avant. Des voix s'élèvent régulièrement pour proposer d'autres perspectives, celles de la privatisation, qu'il s'agisse de fonds de pension pour nos retraites ou d'un rôle accru des assurances complémentaires en matière d'assurance-maladie.
Ces perspectives-là, nous les refusons et les récusons. Nous devons le réaffirmer, et c'est précisément parce que nous croyons à la solidarité collective, à une protection sociale partagée, que nous devons faire en sorte que les comptes sociaux nous permettent d'atteindre cet objectif.
Le deuxième principe que nous devons rappeler, c'est que la sécurité sociale, la protection sociale, ne sont pas des politiques destinées ou réservées aux plus pauvres de nos concitoyens. Ce sont véritablement des politiques de cohésion sociale, garantissant chacun contre les risques qu'il peut rencontrer : risque de la maladie, risque de l'affaiblissement à travers la perte d'autonomie, risque d'un handicap de naissance ou acquis Nous ne pouvons pas réduire, comme le recommandent certains, nos politiques de protection sociale à des politiques de soutien aux plus démunis.
Et le troisième principe que je veux mettre ici en avant, c'est que, face à la dégradation de la situation économique qui a entraîné une dégradation des comptes, face aux exigences sociales renforcées par le vieillissement de la population, nous devons affirmer hautement la nécessité de ne pas faire payer fortement l'adaptation de notre modèle social aux assurés et d'engager des réformes de fond, des réformes de structure
Dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous tirons précisément les conséquences de politiques et de réformes de structure que nous avons engagées
Je veux simplement rappeler, s'agissant des retraites, que le présent projet tire les conséquences de la réforme dont nous avons débattu il y a quelques jours dans cet hémicycle et dont le Parlement va poursuivre l'examen dans les jours qui viennent.
Cette politique relative aux retraites est évidemment une politique structurelle, visant à garantir l'équilibre de l'ensemble de nos régimes de retraite à l'horizon 2020, puis 2035.
C'est la politique que nous avons engagée par nos choix, choix majeurs qui consistent à tenir compte de la réalité des parcours professionnels et des parcours de vie dans le calcul des conditions de départ à la retraite, car il n'est pas juste que tous partent dans les mêmes conditions alors que les parcours professionnels et personnels sont profondément différents.
Réforme de structure, donc, qui se traduit dans ce PLFSS pour 2014 par l'amélioration globale de 1,6 milliard du solde de la branche vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse.
Notre politique familiale, sur laquelle Mme Bertinotti s'exprimera plus longuement, s'inscrit également dans une restructuration et une réorganisation de fond, car nous choisissons de l'adapter à l'évolution de notre société. Nous considérons qu'elle ne peut se réduire à une politique de versement de prestations financières, même si celles-ci sont tout à fait nécessaires.
Nous réaffirmons trois principes : l'ensemble des familles doit pouvoir compter sur la solidarité nationale ; les familles les plus modestes doivent être davantage aidées, ce qui se traduira évidemment par des mesures précises par exemple, l'augmentation de 50 %, à terme, du complément familial, lequel leur profitera directement ; enfin, la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale est au coeur des enjeux de notre société.
Cela se traduit par la mise en place d'un plan de 275 000 places pour les enfants de moins de trois ans. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je comprends, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, que vous fassiez du bruit. Étant donné le bilan que vous avez laissé en matière de protection sociale, je ne crois pas que nous ayons beaucoup de leçons à recevoir de votre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous n'avons pas de leçons non plus à recevoir en matière de déficit puisque, année après année, alors même que la croissance était au rendez-vous, vous avez accru le déficit de la sécurité sociale alors même que vous pouviez vous appuyer sur le levier de la croissance pour engager des réformes de fond. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Et vous qui ne savez rien faire d'autre que sauter sur votre banc comme ces cabris dont parlait le général de Gaulle, en réclamant des réformes de structure, des réformes de structure et encore des réformes de structure, vous avez passé dix ans au pouvoir à aligner des mesures comptables qui n'ont pas permis d'adapter notre protection sociale aux nouveaux enjeux de la société.
Michèle Delaunay insistera davantage, dans un instant, sur les mesures fortes que nous prenons en direction des personnes âgées ou vieillissantes avant même que la loi annoncée par le Premier ministre visant à adapter la société au vieillissement de la population ne soit discutée et votée l'année prochaine : médicalisation des EHPAD avec un plan de 130 millions d'euros et mise en place, comme cela avait été annoncé, du plan Alzheimer. Nous prenons également des mesures fortes dans le cadre du plan autisme et pour permettre l'accueil des personnes en situation de handicap.
Réformes de structure, encore, en matière de santé, qui est un enjeu tout à fait majeur pour les années à venir.
Je le dis solennellement, nous voulons renforcer et consolider l'assurance maladie afin de garantir à nos concitoyens que c'est bien elle, la Sécurité sociale, comme ils disent comme si cette dernière était tout entière dédiée à la prise en charge de la maladie , qui doit être le socle de leur accompagnement en matière de santé.
Nous ne pouvons pas laisser se dégrader, s'effriter, se défaire progressivement la prise en charge par l'assurance maladie obligatoire au profit des assurances complémentaires, car la lutte contre les inégalités en matière de santé, la garantie d'accès de tous à notre système de santé sur l'ensemble du territoire, passent par la consolidation de notre assurance maladie.
C'est donc une priorité pour nous, ce PLFSS mettant en place des éléments forts d'une réorientation de notre système de santé.
Je veux souligner que l'ONDAM sera de 2,4 % en 2014, ce qui témoigne d'un esprit de responsabilité et d'exigence, auquel nous devons répondre si nous voulons pouvoir continuer à faire face aux besoins de l'ensemble de nos concitoyens.
Tous les secteurs concernés sont appelés à contribuer à cet effort, puisque nous allons mettre en place une plus forte régulation de la dépense en matière de médicaments, ainsi que sur le plan hospitalier. Nous renforçons également la maîtrise médicalisée en médecine de ville et faisons en sorte que, par des réformes de structure, ces évolutions répondent mieux aux attentes des Français.
Ces évolutions visent d'abord à renforcer la place du médecin de proximité. J'ai annoncé, lors de la présentation de la stratégie nationale de santé, que nous devions restructurer notre système autour du principe de proximité, dont le médecin traitant est évidemment le pivot.
C'est ainsi que nous engageons la rémunération de nouvelles équipes pluridisciplinaires implantées dans les territoires et que nous allons permettre aux agences régionales de santé d'adapter leur financement pour qu'il y ait davantage de fluidité entre la médecine de ville, le secteur hospitalier et le secteur médico-social. Cette « fongibilité », pour reprendre le terme technique habituel, était attendue depuis longtemps. Nous la mettons en oeuvre.
Parallèlement, nous engageons la réorganisation ou la réforme du financement de l'hôpital public à travers l'évolution de la tarification à l'activité, dont on a vu qu'elle était inflationniste et ne permettait pas de tenir compte de la spécificité des parcours de soins.
Des mesures dont la mise en oeuvre a vocation à être ensuite discutée avec l'ensemble des partenaires seront prises, qu'il s'agisse de l'adaptation du financement des établissements isolés, de la dégressivité du financement en fonction du volume d'actes ou d'une meilleure prise en charge des parcours de soins autour de l'hôpital à partir d'un meilleur financement des actes de radiothérapie en cas de cancer du sein ou d'insuffisance rénale chronique.
Nous avons donc fait des choix structurels et de proximité, avec le renforcement de la médecine et de la chirurgie ambulatoires ainsi que de la coordination entre les différents professionnels.
Le deuxième axe de ce PLFSS en matière de santé, c'est la garantie d'accès à des soins de qualité, en permettant à l'ensemble de nos concitoyens, conformément à l'engagement du Président de la République, de s'appuyer sur des complémentaires de bonne qualité.
C'est ainsi que ce PLFSS comporte des mesures en direction des étudiants, en particulier des étudiants isolés à qui l'on oppose les ressources de leur famille alors même qu'ils sont parfois en rupture avec elle. Nous allons leur permettre d'accéder dans des conditions plus simples et mieux garanties à la CMU. Nous lançons également le processus qui doit permettre d'identifier les bons contrats pour les bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé.
Enfin, et cela représente une avancée tout à fait importante, nous allons inscrire dans la loi des critères plus rigoureux pour déterminer ce que doit être un contrat responsable et solidaire pour reprendre la formulation consacrée car il n'est pas normal que nos concitoyens se trouvent confrontés à des contrats qui ne leur apportent pas de garanties suffisantes ou qui viennent solvabiliser des pratiques que nous ne pouvons pas cautionner, qu'il s'agisse de dépassements d'honoraires excessifs ou de tarifs qui, dans l'optique par exemple, sont également très élevés.
La troisième priorité de ce projet de loi, c'est la réaffirmation d'objectifs en matière de santé publique. Je ne serai pas longue car nous allons en débattre. Deux priorités, toutefois, sont plus particulièrement réaffirmées : la lutte contre le tabagisme, avec la mise en place d'une aide renforcée au sevrage des jeunes de 20 à 25 ans puisque c'est l'âge où ils expriment le souhait et la volonté de pouvoir arrêter de fumer ; la garantie de l'accès de l'ensemble des femmes et des plus jeunes d'entre elles à la contraception. L'année dernière, ici même, vous avez voté la gratuité et la confidentialité de la contraception pour les mineures de 15 à 18 ans. Nous proposons de mettre en place cette année le tiers payant pour les consultations et les actes associés, par exemple les actes de biologie, pour les mineures qui veulent accéder à une contraception de qualité.
Enfin, le quatrième axe de ce projet en matière de santé est la régulation de la consommation de médicaments, à travers plusieurs mesures. Nous aurons en particulier l'occasion d'évoquer la nécessité d'aller plus loin dans la voie des médicaments génériques et la mise en place, pour les médicaments issus des biotechnologies, d'un répertoire des médicaments biosimilaires. Nous proposons l'expérimentation de la dispensation à l'unité car la France est l'un des pays dans lesquels on consomme le plus de médicaments, situation qui ne peut pas perdurer.
Nous vous proposons un projet de loi ambitieux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), volontariste et responsable, tant sur le plan des comptes sociaux que sur celui des protections que nous voulons apporter à l'ensemble de nos concitoyens.
Ce projet de loi consacre les réformes de structure déjà engagées en matière de retraites et de politique familiale et il marque le chemin que nous voulons emprunter pour une réorganisation de fond de notre système de santé autour des principes de la stratégie nationale de santé.
Mesdames et messieurs les députés, parce qu'il en va de l'avenir d'un système social solidaire, je ne doute pas que les débats seront à la fois responsables, engagés et protecteurs pour l'ensemble de nos concitoyens dans les jours à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
source http://www.marisoltouraine.fr, le 19 novembre 2013