Interview de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, à "RFI" le 17 février 2014, sur les mesures d'encouragement à l'investissement industriel sur le territoire français.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

FREDERIC RIVIERE
Voilà donc notre invitée en studio, bonjour Nicole BRICQ.
NICOLE BRICQ
Bonjour.
FREDERIC RIVIERE
Ministre du Commerce extérieur, merci d'être avec nous. François HOLLANDE préside ce matin le Conseil stratégique de l'attractivité, plus de 30 patrons de grandes entreprises étrangères reçus à l'Elysée. Il faut leur montrer que la France est un pays dans lequel on peut avoir confiance, c'est ce que dit votre collègue Pierre MOSCOVICI. Aujourd'hui, les patrons étrangers n'ont pas confiance dans l'économie française !
NICOLE BRICQ
Ecoutez ! Ils sont très présents, nous avons 20.000 entreprises étrangères en France qui emploient plus de 2 millions de salariés. Et pour ce qui concerne leur part dans les exportations, elle est estimée à hauteur de 30 %. Donc nous avons intérêt à maintenir notre attractivité, c'est le sens de ce Conseil présidé par le président de la République.
FREDERIC RIVIERE
Ils sont très présents mais ils se plaignaient encore au mois de décembre, dans une tribune dans Les ECHOS, de bien des maux que touche la France.
NICOLE BRICQ
Mais écoutez ! Nous allons en discuter tout à l'heure. Déjà hier soir autour du Premier ministre, nous avons réuni une trentaine de ces grands patrons et patronnes, parce qu'il y a aussi des femmes, et c'était une atmosphère conviviale. Ils aiment la France souvent, très souvent, mais ils voudraient qu'elle soit encore meilleure, que les transactions y soient plus faciles, que le climat soit plus stable, ils nous l'ont dit, ils nous le diront sans doute ce matin et nous proposerons des mesures.
FREDERIC RIVIERE
Qu'est-ce que ça veut dire que le climat soit plus stable, c'est les syndicats par exemple qui posent problème ?
NICOLE BRICQ
Ils nous reprochent une absence de stabilité de notre système fiscal…
FREDERIC RIVIERE
Les impôts augmentent trop ?
NICOLE BRICQ
Ils n'aiment pas les mesures rétroactives, ils veulent surtout plus de simplification dans les procédures. Quelques fois c'est très compliqué, je le sais parce que je suis très attachée à ce que les Douanes, qui font les mesures import-export, aillent plus vite et soient plus près de leurs clients. Nous allons proposer aussi des mesures de paiement de la TVA qui leur faciliteront la vie à tous ces importateurs exportateurs. Et puis aussi une certaine stabilité juridique, ils nous la demandent, il faut pouvoir leur offrir, le meilleur cadre possible pour qu'ils aient envie d'y rester, parce que la bataille est rude.
FREDERIC RIVIERE
Justement par rapport à l'Allemagne, par rapport à la Grande Bretagne !
NICOLE BRICQ
Oui, très souvent ce sont les 3 pays avec lesquels nous sommes en concurrence. Mais je sais que nous étions aux Etats-Unis la semaine dernière avec le président de la République, les Etats-Unis sont notre premier investisseur étranger et ils emploient beaucoup de salariés et ils participent beaucoup à la croissance française.
FREDERIC RIVIERE
-77 % d'investissements étrangers en France, selon la CNUCED, comment vous l'expliquez ?
NICOLE BRICQ
Parce que la CNUCED totalise à la fois les investissements purement financiers et les investissements productifs. Moi, je regarde les investissements productifs, ceux qui créent de la croissance, de l'emploi, de l'activité et des exportations. Ce sont les 20.000 qui sont présents à l'heure actuelle et qui investissent dans nos sites industriels.
FREDERIC RIVIERE
Mais la courbe va dans quel sens concernant ces investissements productifs ?
NICOLE BRICQ
Nous allons avoir les chiffres proposés par l'Agence française des investissements internationaux, l'AFII tout à l'heure. Moi je les connais bien sûr depuis la fin de la semaine dernière, ce sont des chiffres stables par rapport aux décisions d'investissement dans des emplois productifs.
FREDERIC RIVIERE
Et vous visez toujours 1.000 décisions d'investissement en France…
NICOLE BRICQ
Absolument…
FREDERIC RIVIERE
D'ici 2017 ?
NICOLE BRICQ
Absolument, nous avons reçu… dans le pacte de compétitivité de novembre 2012, nous avons reçu à trois – Pierre MOSCOVICI, Arnaud MONTEBOURG et moi-même – nous avons reçu cette mission de faire en sorte de passer de 700 investissements annuels à 1.000 annuels, c'est un vrai challenge.
FREDERIC RIVIERE
Vous avez les moyens de le faire ?
NICOLE BRICQ
Oui, nous nous les donnons.
FREDERIC RIVIERE
Est-ce que ça passe par exemple par une simplification de la procédure de délivrance des visas ?
NICOLE BRICQ
Oui, absolument, ça fait partie des revendications. Nous avons regardé, il faut 8 semaines pour avoir un visa pour un investisseur chinois, 3 semaines pour un investisseur russe. Ça va trop lentement, il faut absolument qu'on ait ce passeport en 48 heures maximum.
FREDERIC RIVIERE
Mais pour tout le monde ou pour seulement pour les investisseurs chinois et russes ?
NICOLE BRICQ
Non, pour… pas uniquement bien sûr, pour tous, mais aussi pour les chercheurs, pour les étudiants, pour tous ceux qui contribuent à l'activité économique en France.
FREDERIC RIVIERE
Un visa de 4 ans justement pour les investisseurs qui viennent s'installer en France, visa qui pourrait toucher environ 10.000 personnes chaque année, vous confirmez ?
NICOLE BRICQ
Oui, absolument, ça fait partie des mesures qui ont été annoncées par le président de la République. Mais vous verrez, il y aura un beau corpus de mesures pour permettre que ces investisseurs se sentent bien chez nous. Quand ils sont là du reste, j'ai pu le constater en visitant une grosse entreprise américaine, MASSEY FERGUSON dans l'Oise qui a décidé de faire son centre mondial de formation dans l'Oise, j'ai pu constater que quand ils sont là ils veulent y rester, mais il faut que des nouveaux viennent.
FREDERIC RIVIERE
On peut prendre l'exemple aussi de TITAN qui est une entreprise américaine, on a vu avec la CGT GOODYEAR à Amiens que même quand ils étaient là, ça ne se passait pas toujours si bien !
NICOLE BRICQ
Non, parce qu'effectivement on nous réclame aussi de la flexibilité dans l'organisation du travail. Mais justement partout dans le monde, quand je me déplace, je vante l'accord national interprofessionnel qui donne plus de souplesse aux entreprises, tout en assurant la sécurité du parcours professionnel des travailleurs. Mais c'est vrai que nous avons des efforts à faire dans ce domaine et il faut vanter ce que l'on sait faire, parce qu'on a quand même la reconnaissance de 2 qualités. La première, c'est notre qualité d'innovation qui est très recherchée, vous savez qu'on a des dispositifs fiscaux très attractifs au travers du crédit impôt recherche ; et puis en ce qui concerne le coût du travail, nous avons fait des efforts au travers du CICE qui se déploie sur tout le territoire et qui va aux entreprises étrangères comme aux entreprises françaises. Et puis la qualité et la productivité de notre main d'oeuvre, elle est quand même reconnue dans le monde entier.
FREDERIC RIVIERE
Vous avez présenté il y a 10 jours les chiffres du commerce extérieur pour l'année 2013, -61 milliards d'euros pour la France, +188 milliards d'euros pour l'Allemagne. Comment on explique ce fossé entre Paris et Berlin ?
NICOLE BRICQ
Mais je crois que nous avons des efforts de compétitivité à faire puisque nous avons la même monnaie, donc là on ne peut pas… dans le challenge avec l'Allemagne on ne peut pas dire que c'est l'euro qui nous pénalise, mais il faut monter en gamme. C'est vrai que quand on est rentrés dans l'euro à la fin des années 90, on aurait dû certainement faire cet effort de compétitivité, monter en gamme dans la qualité de nos produits pour être en phase avec la demande mondiale. C'est ce que nous faisons depuis 2012.
FREDERIC RIVIERE
Qu'est-ce qu'on vend bien aujourd'hui, qu'est-ce que la France vend bien ?
NICOLE BRICQ
Oui, nous vendons bien tout ce qui est pharmacie, c'est un bon secteur, nous vendons bien bien sûr l'aéronautique, c'est un secteur vraiment très performant, c'est pour ça qu'on dit aux Allemands et nous leur dirons encore mercredi lors du sommet franco-allemand qu'il faudrait faire un AIRBUS de l'énergie par exemple, en prenant modèle de l'aéronautique européenne. Et puis nous avons bien sûr l'agroalimentaire qui nous donne 10 milliards d'excédents dans sa filière. Mais il ne faut pas s'endormir parce que si j'enlève les vins et les spiritueux, nous pourrions être déficitaires. Donc il faut…
FREDERIC RIVIERE
Des armes ?
NICOLE BRICQ
Il faut absolument armer notre commerce extérieur.
FREDERIC RIVIERE
On vend beaucoup de matériels militaires également !
NICOLE BRICQ
On est bons, il faut le dire.
FREDERIC RIVIERE
Un dernier mot de GOOGLE, vous étiez aux Etats-Unis – vous le disiez – avec François HOLLANDE, est-ce que vous avez pu aborder la question de la fiscalité ? On sait que GOOGLE est poursuivi…
NICOLE BRICQ
Ce n'était pas le sujet, ce n'était pas le sujet et nous avons rencontré tous les grands patrons du net comme on dit, nous avons même déjeuné ensemble, en face à face…
FREDERIC RIVIERE
Il n'a pas été question d'impôts ?
NICOLE BRICQ
Absolument pas parce que ce n'était pas leur sujet et ce n'était pas le nôtre non plus. Nous n'étions pas là-bas avec une casquette d'inspecteur des Impôts.
FREDERIC RIVIERE
Merci beaucoup Nicole BRICQ, ministre du Commerce extérieur, merci d'avoir été avec nous ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 février 2014