Extraits de l'interview de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, au journal "Les Echos" du 14 mars 2014, sur la mise sous "surveillance renforcée" de la France par la Commission européenne à propos de ses déficits publics et la politique industrielle.

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Texte intégral

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Q - Bruxelles a mis la France sous surveillance « renforcée ». La date du retour au 3 % est-elle renégociable ?
R - Nous avons pris ces engagements. Nous les tiendrons. Nous saurons le 31 mars quel est le déficit exact en 2013. Pour 2014, nous avons déjà prévu une réserve de précaution de 7 milliards qui doit nous permettre de faire face à des aléas. Rappelez-vous que la France était à 7,5 % de déficit en 2009. Si nous n'avions rien fait, le déficit aurait dépassé largement les 5 %. Nous l'avons ramené à 4,8 % dès 2012, puis 4,1 %. Ce que nous avons fait est considérable.
Q - On ne voit rien venir sur les économies. Arriverez-vous à dégager 50 milliards ?
R - Les 50 milliards d'économies sont nécessaires pour réduire le déficit et la dette, tout en finançant nos priorités. Il faut des réformes structurelles pour rendre l'action publique plus efficace dans un souci d'effort partagé et de justice. C'est un objectif exigeant, sans précédent, et nous travaillons avec méthode. L'heure des décisions viendra vite mais nous sommes encore en phase d'inventaire, d'analyse de toutes les marges de manoeuvre possibles. Nous examinons tout.
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Q - Quel bilan tirez-vous de votre action contre la désindustrialisation ?
R - Le rapport Gallois avait dressé un constat clair et alarmant. La part de l'industrie dans la valeur ajoutée était passée de 18 % en 2000 à 11 % mi 2012. Notre part de marché en Europe avait chuté de 12,7 à 9,3 % et notre balance commerciale hors énergie s'était inversée. Pour contrer cette érosion, le gouvernement a mobilisé les filières industrielles. Près de 300 actions ont été lancées.
Nous commençons à en voir les résultats. La part de l'industrie dans le PIB est remontée fin 2013 pour passer à 11,5 %, le taux de marge s'est redressé à 23 % contre 19 % mi-2012 et l'investissement des entreprises non financières est reparti à la hausse.
L'enjeu, c'est d'amplifier le mouvement. Nous avons présenté à l'automne 34 plans de la « Nouvelle France industrielle », dont l'objectif est de fédérer les entreprises pour qu'elles réalisent ensemble un produit ou un service qui soit compétitif sur les marchés à venir. Nous lançons ce vendredi les cinq premiers, qui sont centrés sur la mobilité décarbonée. Il s'agit du véhicule à 2 litres aux 100 km, de la pile à combustible, du satellite à propulsion électrique avec un premier vol possible en 2017 et de l'avion électrique avec un premier vol courant 2014.
Q - Le niveau de l'euro pénalise-t-il l'appareil productif français ?
R - Un euro fort peut pénaliser certaines entreprises et en avantager d'autres. Pour autant, il est vrai que l'euro est un peu surévalué. Le FMI en convient d'ailleurs lui-même. Mais cela ne doit pas nous dissuader de faire des efforts pour regagner en compétitivité. Au sein de la zone euro, la compétitivité n'est qu'en partie liée aux taux de change. C'est pour cela que le gouvernement agit avec le Cice et le pacte de responsabilité.
Q - Mais l'Europe ne doit-elle pas changer de logiciel en matière de politique industrielle ?
R - C'est clairement une question clé. Il y a un commissaire à l'industrie dans le panel des commissaires européens mais il a peu de pouvoir. Il faut que l'Europe mette en oeuvre une vraie politique industrielle, qui ne se limite pas à une politique de la concurrence. Il faut qu'il y ait un relais sur le plan de l'investissement et de l'innovation. Je pense que la campagne pour les élections au Parlement européen va permettre de mettre sur la table toutes ces questions.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 mars 2014