Déclaration de Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, sur les grands axes de la stratégie nationale de lutte contre les perturbateurs endocriniens, à Paris le 29 avril 2014.

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Circonstance : Réunion du Conseil national de la transition écologique (CNTE) sur la stratégie nationale contre les perturbateurs endocriniens, à Paris le 29 avril 2014\

Texte intégral

Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les élus, représentant les associations de collectivités locales,
Mesdames et messieurs les présidents, directeurs ou représentants des organisations non gouvernementales, syndicales, d'employeurs, membres du Conseil national de la transition écologique,
Bienvenue à toutes et à tous dans ce Ministère qui est aussi le vôtre.
Vous êtes la structure éminente de concertation et de dialogue.
Je suis heureuse d'y accueillir et d'y présider ce Conseil national de la transition écologique qui est le lieu éminent d'un dialogue environnemental que je souhaite franc, constructif et à la mesure des ambitions d'excellence que tous, je le crois, nous partageons pour la France.
Toutes les forces vives du pays sont ici représentées dans leur diversité.
Tous les points de vue y ont légitimement droit de cité.
C'est, à mes yeux et comme la loi l'a voulu, un gage de richesse pour vos échanges et de pertinence pour vos avis qui apportent leur concours à l'élaboration et à l'évaluation des politiques publiques dans les domaines dont nous avons collectivement la charge.
Ce Conseil consultatif est une instance extrêmement précieuse où se construisent des convergences positives pour réussir cette mutation écologique d'intérêt général pour le présent et le futur, qui est, de nos jours, le grand défi à relever au bénéfice de tous les Français.
J'entends faire pleinement respecter votre rôle et la responsabilité qui vous incombe d'émettre des avis sur les projets de loi relatifs à l'environnement et à l'énergie ainsi que sur toutes les grandes stratégies nationales du développement durable.
Vous avez récemment rendu un avis solidement, charpenté, argumenté sur le projet de loi Biodiversité qui vous a été soumis et que je défendrai fin juin devant le Parlement.
Ce texte contient des avancées majeures et attendues, notamment la reconnaissance des interactions et interdépendances entre activités humaines et éco-systèmes, le principe de solidarité écologique, celui aussi du juste partage des ressources de la biodiversité.
Il porte sur un sujet magnifique aux dimensions à la fois éthiques, scientifiques, culturelles, sanitaires, environnementales et humaines.
Lors d'un séminaire de réflexion que j'organisais hier sur ces sujets vitaux, l'un des spécialistes que j'avais conviés a eu, pour résumer les pratiques prédatrices avec lesquelles nous devons rompre, cette phrase qui m'a frappée : « chaque jour, nous brûlons 10 siècles » de ressources de ce que la terre a mis des millions d'années à créer et que nous dilapidons.
Services rendus par les éco-systèmes, énorme potentiel scientifique du biomimétisme, importance du génie écologique, relations étroites entre santé et biodiversité, et bien d'autres choses encore sont autant de raisons majeures de nous engager très activement dans la protection et la reconquête de la biodiversité.
Le texte que vous avez examiné nous donne pour ce faire de nouveaux outils : en particulier l'Agence française pour la biodiversité ainsi que des instances scientifique et de concertation qui nous permettront d'agir juste et d'intensifier les initiatives positives déjà prises dans les territoires grâce à l'implication des associations et des élus locaux, tout particulièrement en milieu rural.
Vous aurez bientôt à rendre un Avis sur le Code minier que nous devons mettre en conformité avec la Charte de l'Environnement. Je compte sur vous.
Un important travail de concertation a été mené avec les associations environnementales.
C'est un sujet sensible qu'il faut maintenant finaliser pour moderniser notre modèle minier et assurer la participation des citoyens, la sécurité des travailleurs, la sécurité publique et la protection de l'environnement.
Vous aurez à rendre, dans quelques semaines, un avis sur le projet de Stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable pour la période 2014-2020 qui sera un document important pour mobiliser tous les acteurs en fixant des priorités claires.
Et, ce matin, sujet très important à l'ordre du jour : le projet de Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens.
Rendre des avis sur ce qui deviendra la loi de la République, sur des stratégies qui engagent toute la communauté nationale, c'est la mission de vos réunions plénières et de vos travaux en commissions qui jouent un rôle essentiel pour éclairer le Gouvernement et le Parlement dans l'exercice de leurs responsabilités respectives.
Je remercie au passage le sénateur Alain Richard qui pilote le travail que vous effectuez sur la modernisation du droit de l'environnement.
C'est une simplification nécessaire pour libérer les initiatives et faciliter les démarches tout en restant très vigilants sur les exigences environnementales et en améliorant le droit à l'information des citoyens car l'environnement est aussi un enjeu démocratique et la transparence toujours un progrès collectif.
Je souhaite aussi et j'attends de vous un avis sur les Conférences environnementales annuelles car vous devez être le lieu de leur préparation, de leur ambition et du suivi de leur mise en oeuvre.
Je serai avec vous toute la matinée mais, requise ensuite à l'Assemblée nationale, je ne pourrai malheureusement pas être des vôtres cet après-midi où le Commissaire général au développement durable présidera votre session. Je veux voir un maximum de sujets ce matin.
Je tiens à vous informer que le Ministre de l'Agriculture, M. Stéphane Le Foll, m'a donné son accord pour venir présenter devant vous la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, compte tenu de ses conséquences potentielles pour les sujets que nous traitons.
Je tiens aussi à vous dire comment je conçois la Conférence bancaire et financière, annoncée par le Président de la République lors de la dernière Conférence environnementale.
Mon souhait est que nous puissions la tenir d'ici fin juin, comme prévu.
Les principaux enjeux de cette conférence sont les suivants :
Son champ : je sais que plusieurs d'entre vous souhaitaient une conférence élargie à l'ensemble de la transition écologique. Par souci d'efficacité et du fait du calendrier de la loi de programmation, il me semble judicieux de rester concentrés sur le champ énergétique, seulement étendu à l'économie circulaire, étant précisé que certaines préoccupations (les financements de BPI France pour les entreprises de la biodiversité, par exemple) pourront être traités directement.
Ses objectifs : je souhaite que cette conférence soit le lieu d'annonces rapidement mises en oeuvre, sans travaux complémentaires d'études qui ralentiraient le mouvement.
La nature des mesures retenues : je propose de concentrer nos efforts, dans le droit fil des propos du Président de la République, sur une approche mobilisant les outils existants et éprouvés, en les adaptant pour les rendre plus efficaces et avoir une approche industrielle (eu égard à l'attente des ONG relative à des labels nouveaux – du type investissements socialement responsables avec de bonnes pratiques environnementales, sociales et de gouvernance – un travail pourra être conduit sur ce thème, qui donnera ses effets à moyen terme).
La méthode : il y a déjà eu le Livre Blanc de la transition écologique de novembre 2013 (63 propositions), il y a eu le rapport de la Caisse des Dépôts sur le financement de la rénovation thermique (juin 2013) ; c'est pourquoi, avec l'objectif d'être prêts vers le 15 juin, je propose de réunir des groupes de travail légers, pas trop formalisés, associant le secteur financier, ONG et investisseurs.
Concernant le projet de loi sur la programmation sur la transition énergétique, Sujet crucial sur notre avenir et sur lequel vous aurez très prochainement à vous prononcer, je souhaite, après un travail intense mené sur ce sujet depuis ma prise de fonction, pouvoir proposer d'ici une dizaine de jours un projet qui permettra, après les arbitrages du Président de la République et du Premier Ministre, de lancer les études d'impact.
Le Premier Ministre a, vous le savez, confirmé dans sa déclaration de politique générale le passage en commissions de l'Assemblée en juillet. Nous serons prêts pour cette date.
Une fois le texte stabilisé, votre Conseil aura pour rôle de préparer son Avis, qui devra être disponible avant ceux du Conseil économique, social et environnemental et avant celui du Conseil d'Etat.
Il faudra donc que votre commission spécialisée travaille en ce sens en mai, autant dire très bientôt.
Je voudrais, pour aujourd'hui, vous dire un peu comment je conçois certains enjeux de cette transition énergétique et quel est, pour l'immédiat, mon plan d'action.
Le défi de la mutation écologique et énergétique est un grand dessein au bénéfice de tous les Français. Je sais que vous en partagez l'idéal et les valeurs.
C'est une chance que nous devons empoigner à pleines mains.
Ce n'est pas un fléau ou une contrainte.
C'est l'occasion historique de nous mettre tous en mouvement pour hâter l'avènement d'un nouveau modèle de développement économique et social, d'un nouveau modèle de progrès humain qui rééquilibre les relations entre les activités humaines et la biosphère que nous savons désormais étroitement solidaires.
Longtemps, nous n'avons pas su ou pas voulu savoir.
Aujourd'hui nous savons et nous pouvons en connaissance de cause tirer pleinement parti de nos atouts pour accomplir cette grande transformation qui répare le présent et prépare l'avenir.
Sobriété et efficacité énergétiques, énergies renouvelables, reconquête de la biodiversité, économie circulaire : tout se tient et tout est à portée de main, si nous en avons la volonté et la faisons partager, pour que notre pays devienne une puissance écologique, celle de l'excellence environnementale.
Pour qu'il fasse dans tous les domaines d'activité (dans ses manières de produire, de se déplacer, d'habiter, de consommer) le choix de l'excellence environnementale et de la croissance verte.
Mon objectif est de créer 100 000 emplois en 3 ans grâce à la transition énergétique et écologique ; 100 000 emplois non délocalisables.
C'est possible en mobilisant et en sécurisant les filières économiques et industrielles parties prenantes de la croissance verte (les grands groupes comme les plus petites entreprises et nos pôles d'excellence scientifique et technologique) pour qu'elles investissent et se donnent les moyens d'être performantes.
C'est possible en mobilisant les territoires et en particulier en faisant en sorte que les contrats de plan État-régions soient rapidement signés, dans les prochaines semaines, avec 2 volets à mes yeux essentiels :
- la mobilité avec les travaux sur les routes et le rail, les transports propres et l'électro-mobilité ;
- la transition énergétique et la biodiversité avec notamment la reconquête de la qualité de l'eau, les opérations Terre saine sans pesticides, la méthanisation et l'utilisation de la biomasse.
Un cadre stable et des partenariats solides, pour que les opérateurs économiques encouragés à anticiper, à investir, à embaucher, à former.
4 grands chantiers constituent dans cette perspective mon plan d'action immédiat.
Le premier, c'est le nouveau modèle énergétique et la préfiguration par l'action du projet de loi dont vous serez très prochainement saisis car il faut accélérer le mouvement pour accompagner cette loi de programmation dont le Président de la République a dit, lors de la Conférence environnementale, qu'elle serait un des textes majeurs du quinquennat.
La nation doit retrouver la maîtrise de sa politique énergétique et s'engager résolument dans la création d'un mix plus équilibré, plus diversifié ainsi que dans un effort massif d'économies d'énergies qui donnera du pouvoir d'achat à nos concitoyens.
Ce nouveau modèle énergétique, des territoires et des entreprises le mettent déjà en pratique.
Je veux qu'il devienne l'affaire de tous les Français, un objectif partagé et un changement désiré et attendu parce que compris par tous et porteur d'améliorations concrètes dans leur vie quotidienne mais aussi dans l'idéal de cette vie.
Développer les filières des énergies renouvelables (éolien off shore, solaire, biomasse, énergies marines), simplifier les procédures pour la géothermie, amplifier la rénovation énergétique des bâtiments et de l'habitat, il faut le faire dès maintenant pour atteindre l'objectif de 500 000 logements rénovés (je réunirai demain les filières du bâtiment) car ce sont des gains de confort et de pouvoir d'achat pour les habitants, des gains de travail et d'emplois dans la filière du bâtiment.
Cela suppose une ingénierie financière efficace et accessible à tous pour permettre aux ménages aux revenus modestes et moyens de financer les travaux d'isolation sans avoir à en débourser le coût immédiat car ils n'en ont guère les moyens malgré l'impact positif sur la baisse des charges.
Je souhaite également que nous puissions, sur un autre sujet, rapidement adopter les plans de protection de l'atmosphère car la reconquête de la qualité de l'air constitue un enjeu sanitaire majeur (42.000 décès prématurés/an dus aux particules fines) et justifie une mobilisation de tous les acteurs concernés.
Deuxième chantier : la biodiversité. Je l'ai déjà évoqué. Je n'y reviens pas.
Troisième chantier : l'articulation santé-environnement avec la prévention des risques.
Protéger davantage la santé des Français et mieux anticiper les risques, c'est le but de cette stratégie nationale.
La Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens a été travaillée avec toutes les parties prenantes et a fait l'objet d'une consultation du public.
Elle est inscrite aujourd'hui à notre ordre du jour.
Elle va nous permettre de mobiliser la recherche, d'expertiser des substances, de remplacer celles qui sont nocives, de former des professionnels, d'informer les citoyens.
Nous en rendrons compte avec Marisol Touraine, ma collègue ministre de la santé.
Je me bornerai ici à souligner que cette stratégie est aussi un moteur pour l'innovation et que l'industrie a un rôle décisif à jouer dans la recherche et la mise en oeuvre de produits de substitution non toxiques.
D'ailleurs, il y a 5 substances sur lesquelles je veux travailler et dont je vous donnerai les noms.
L'Etat accompagnera les efforts nécessaires en étudiant la faisabilité d'une plate-fome publique-privée d'évaluation et de validation des méthodes, des tests et des substances.
Je souhaite, je vous l'ai dit, que le projet de loi sur la transition énergétique intègre un volet consacré à l'économie circulaire.
Tel est également le souhait de nombreux parlementaires et l'Institut de l'économie circulaire présidé par l'un d'eux, François-Michel Lambert.
L'économie circulaire, cela commence par une conception des produits qui intègre leur cycle de vie.
C'est le choix du recyclage contre le gaspillage.
C'est une gestion efficace des déchets qui deviennent matières premières.
C'est aussi lutter contre la pollution de l'eau par les épandages et des économies d'énergie car on fabrique du gaz avec des déchets agricoles.
La même démarche inspire le développement auquel je suis très attachées des micro-unités de méthanisation.
Là aussi, l'Etat va donner son impulsion tout en laissant aux acteurs de terrain la liberté de choisir les méthodes et les dimensions les plus adaptées.
Je souhaite également accélérer l'élaboration et la mise en place du Plan Déchets 2020 car il en va, là encore, de la prévention des risques, du lien santé-environnement, de la construction d'une société sobre et d'une activité – le recyclage et le traitement des déchets – porteuse de valeur ajoutée pour les entreprises et l'emploi.
Quatrième chantier : les transports propres, avec les véhicules électriques, les bornes de recharge, l'avion électrique, le TGV du futur, les navires écologiques, le transport des marchandises par rail et par mer et globalement la sobriété dans la consommation de carburant.
Tous ces chantiers dont je n'ai évoqué que quelques uns devant vous sont des piliers de ce que j'appelle la croissance verte.
Toutes les filières économiques qui concourent à la transition énergétique sont des filières d'avenir qui ont toute leur place dans les 34 plans industriels décidés par le gouvernement : je les réunirai l'une après l'autre pour qu'elles s‘intègrent activement à la mobilisation générale.
Sur tous ces sujets, je suis décidée à hâter le mouvement et à dépasser les antagonismes qui paralysent l'action.
Les différences de points de vue sont parfaitement légitimes mais j'estime que ma tâche est de construire des convergences et d'assumer des choix qui procèdent de l'intérêt bien compris de chacun.
La croissance verte, c'est aussi cela : le pari raisonné que, dans le respect mutuel et si différents que l'on soit, on peut agir ensemble quand l'intérêt supérieur du pays l'attend
Je vous le dis comme je le pense : la croissance verte permettra de sortir de la crise
La croissance prédatrice à l'ancienne, cela ne marche plus, c'est même contre-productif.
La croissance verte est le nouveau gisement d'innovation, de compétitivité et d'emplois durables.
La transition écologique n'est donc pas un problème entravant et bridant le pays mais une partie essentielle de la solution pour aller de nouveau de l'avant en libérant les talents dont nous sommes riches, en mobilisant les savoirs de nos chercheurs, les savoir-faire des entrepreneurs, des innovateurs et des salariés, le potentiel des métiers verts, les capacités d'expertise, d'alerte et d'action des ONG et des associations, les compétences des territoires et des élus locaux et toute l'énergie de citoyens de plus en plus conscients des enjeux mais qui se sentent parfois marginalisés et auxquels nous devons communiquer un nouveau désir d'agir.
Ce mouvement est déjà en marche.
Dans tout le pays, des réalisations remarquables se déploient sur le territoire, préfigurent les changements nécessaires à plus vaste échelle, montrent qu'ils sont possibles et témoignent de ce qu'ils apportent ici et maintenant et pour demain.
Je sais d'expérience, pour l'avoir mis en pratique dans ma région avec tous les partenaires concernés, combien on peut changer les choses en stimulant et en accompagnent efficacement les initiatives des acteurs de terrain, qu'ils soient publics ou privés.
A condition que les objectifs soient clairs, lisibles par tous, et la stratégie cohérente.
C'est parce que j'ai confiance dans votre capacité à chacun à se réinventer avec courage et créativité que ma priorité est d'accélérer, d'approfondir et d'amplifier le mouvement dans lequel beaucoup sont déjà engagés et d'obtenir sans tarder des résultats concrets car telle est, à mes yeux, la morale de l'action publique.Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 5 mai 2014