Allocution de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur le rôle des Français en Libye, les inégalités dans les relations Nord-Sud, la culture et la civilisation lybiennes et les relations entre la France et la Libye, Tripoli, Libye le 22 octobre 2001.

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Circonstance : Rencontre de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, avec la communauté française en Libye, lors de son voyage, à Tripoli, le 22 octobre 2001

Texte intégral

Chers compatriotes, chers amis qui participez à un titre ou à un autre à la représentation de la France en Libye, une excellente tradition veut que les ministres de la République, chaque fois que possible, rencontrent la communauté française, ou une partie de celle-ci, lorsqu'ils effectuent une visite officielle dans un pays étranger.
Je suis, aujourd'hui, dans votre pays de résidence pour uvrer avec les autorités libyennes au resserrement des liens entre la France et la Libye, dans tous les domaines. Ces relations ont traversé, vous le savez, une période délicate ; la parenthèse est aujourd'hui refermée : il y a de part et d'autre une volonté commune d'ouvrir une nouvelle page, marquée tout autant par le dialogue politique, l'intensification des relations économiques, la coopération sous toutes ses formes.
Vous êtes mieux placés que quiconque pour en mesurer l'importance et les implications, dans un pays où traditionnellement la communauté française n'est pas très nombreuse, vous êtes un peu plus de 300, répartis entre des secteurs économiques essentiels pour la production de richesses et la réalisation d'infrastructures et, évidemment les services de l'ambassade de France et l'école de la communauté française. C'est dire combien vous êtes concernés par la relance des relations franco-libyennes que nous appelons de tous nos vux, à la fois sur un plan bilatéral et dans un cadre euro-méditerranéen.
Je crois que c'est un facteur important de stabilité pour la région depuis les attentats qui ont frappé les Etats-Unis le 11 septembre, alors que le monde traverse une période délicate : il ne s'agit pas seulement de pourchasser les auteurs de cette horreur indicible. La communauté internationale est confrontée au défi plus large d'extirper de manière durable le fléau du terrorisme, qui, sous différentes formes, frappe une partie de ses membres. Mais je dois dire sans vouloir dramatiser que nous sommes tous des victimes potentielles de ce terrorisme international comme nous l'avons déjà été, c'est le cas malheureusement pour la France et je dois le dire dans ce pays. Il y a entre les Libyens et nous une résonance possible autour de cette lutte qu'il s'agit de livrer et de gagner. Cela veut dire une plus grande vigilance, une meilleure coopération internationale, chacun voit bien que ce n'est pas seulement les actions militaires qui vont permettre comme, selon une expression assez heureuse, de désherber le monde de cette mauvaise herbe qu'est le terrorisme international. Il y a aussi une lutte déterminée contre les injustices de toute nature qui produisent le refus des explications simplistes. Sans vouloir trouver des excuses, même pas des circonstances atténuantes, les faits incriminés sont tout à fait, je le disais, horribles, dans toute l'acception du terme.
Alors il est vrai aussi que les inégalités du monde fabriquent de l'humiliation, de la haine, favorisent en tout cas le terreau sur lequel les doctrines les plus extrêmes peuvent se nourrir et prospérer. Avant même les événements que nous savons, nous pressentions cette montée d'une nouvelle fracture Nord-Sud et je crois que l'accélération que la mondialisation a donnée à certaines inégalités parce que la mondialisation répond à un temps court parce qu'elle procède d'abord du progrès de la technique médiatique, alors que la mutation du monde dans ses substrats socioculturels surtout, c'est le temps long. Ce décalage du rythme entre une mondialisation qui va à toute allure et le changement du monde qui lui va lentement portait en lui cette fracture et ce risque d'explosion. Donc, il faut que nous procédions tous à une réflexion sérieuse sur ces questions.
Il faut aussi une meilleure compréhension entre les cultures et à cet égard la relation avec la Libye peut être exemplaire : son patrimoine, des gravures rupestres protohistoriques aux réalisations de la civilisation musulmane, en passant par les témoignages si riches de l'antiquité gréco-romaine. Tout cela démontre assez la richesse d'une relation culturelle avec la Libye et je crois que c'est cette relation culturelle qui peut produire cette résonance qui peut avoir d'heureux effets, y compris dans le domaine économique.
Je voudrais souligner le rôle que l'archéologie française - représentée ici par le Pr André Laronde que j'ai eu le plaisir à saluer il y a quelques instants - a conduite avec beaucoup de succès dans la connaissance de la Libye antique. Je sais aussi que la grande exposition préparée en liaison avec l'Institut du monde arabe qui, j'espère, pourrait avoir lieu à l'automne 2002, dès lors que quelques considérations auront pu trouver réponse, - nous en avons parlé aujourd'hui -, participera d'une meilleure information des Français sur ce qu'est aussi la Libye dans cette dimension historique. Et c'est sans doute de nature à lui faire mieux connaître ce qu'elle est aujourd'hui.
La culture, c'est aussi l'enseignement des langues, l'accueil des étudiants, la formation des élites. Nous y attachons une importance particulière, nos amis libyens aussi. Tout en restant encore trop modestes, les moyens mis à la disposition de notre coopération en Libye contrastent avec la relative stagnation des crédits du ministère. Je voulais vous dire quand même - je le dis comme une bonne nouvelle -, c'est toujours un mauvais budget, mais c'est le moins mauvais depuis dix ans, puisque nous avons commencé à le remonter. J'espère bien que cela va se poursuivre. En tout cas, s'agissant des crédits consacrés à la Libye, j'aimerais que ce soit souvent le cas, mais nous partirons de loin, je suis prêt à en convenir, ils auront triplé en trois ans ; c'est une performance qui méritait évidemment d'être soulignée. Il va falloir poursuivre, mais il n'y a pas que les budgets, la part de l'imagination, la volonté commune sont des facteurs déterminants, je suis sûr que vous en étiez convaincus bien avant ma visite, convaincus.
En tout cas, si la culture fournit l'esprit de la relation bilatérale à faire vivre, c'est bien l'économie qui en constitue la chair et, sans l'une et l'autre, il n'y a que du discours. Et c'est pourquoi je me réjouis du succès du voyage qu'ont effectué la semaine dernière à Tripoli une cinquantaine d'entreprises françaises, accueillies par les chambres de commerce libyennes, par les services de l'ambassade - et je remercie celles et ceux qui ont participé à cet accueil - et par les conseillers du Commerce extérieur dont je salue ici l'action inlassable. Je le dis en particulier au conseiller du Commerce extérieur que j'avais plaisir à saluer tout à l'heure. Merci d'être évidemment parmi nous.
Et puis, et je sais que vous y êtes sensibles, il y a l'image que nous donnons de nous dans ce pays, beaucoup d'entre vous estimaient que les locaux de notre ambassade en Libye ne sont ni à la hauteur de notre ambition, ni conformes à l'image que nous aimons donner de notre pays à l'étranger. Ils ont raison, pour avoir visité les lieux en question, je le confirme. C'est pourquoi, il a été demandé à notre nouvel ambassadeur de faire des propositions pour que, dans un avenir le moins éloigné possible, l'ambassade de France, votre maison, soit installée de manière plus convenable que ce n'est aujourd'hui le cas.
C'est à une perspective de renouveau, chers amis, à laquelle vous participerez nécessairement, à la fois renouveau dans la nature de notre présence, renouveau aussi et surtout dans la nature de notre relation avec la Libye, que je souhaitais vous inviter à lever nos verres.
Je vous remercie pour le plaisir de vous avoir rencontrés ce soir et vive donc la relation d'amitié entre la France et la Libye.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 octobre 2001)