Déclaration de Mme Annick Girardin, secrétaire d'Etat au développement et à la francophonie, sur le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, au Sénat le 26 mai 2014.

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Circonstance : Examen en séance publique du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, au Sénat le 26 mai 2014

Texte intégral


Monsieur le Président,
Messieurs les Présidents de Commission,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
C'est un honneur d'être devant vous aujourd'hui pour vous présenter le projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.
C'est la première fois depuis le début de la Vème République qu'une loi sur le développement est présentée au Parlement. La première fois que le Parlement débat, non pas sur les seuls documents budgétaires, mais sur l'ensemble des orientations de notre politique de solidarité internationale.
Il était grand temps ! Car il est indispensable que la représentation nationale puisse enfin s'exprimer sur une politique qui contribue grandement au rayonnement de notre pays dans le monde. Il est essentiel que la France se dote d'un cadre d'action cohérent, transparent, partagé, et qui obtienne l'assentiment des parlementaires.
Ce projet de loi, initialement porté par Pascal Canfin, dont je tiens à saluer l'action, est donc des plus utiles. Même au lendemain d'une élection qui a secoué notre pays. Même si l'activité législative est très dense. Même si la crise économique peut amener certains à penser que la solidarité internationale ne serait qu'une politique superflue.
Lors de sa prise de fonction en 2012, le président de la République a souhaité conduire cette rénovation de notre politique d'aide au développement. Pour adapter cette politique aux enjeux du 21ème siècle ; pour qu'elle promeuve un développement durable et solidaire ; pour qu'elle contribue à bâtir un monde plus humain.
D'ailleurs, vous ne m'avez pas attendue pour considérer l'utilité de cette loi. Depuis plusieurs années et à de nombreuses reprises, vous avez souhaité disposer d'un tel cadre politique. La qualité du travail réalisé en commission - et je remercie l'ensemble des Commissaires qui y ont pris part - prouve de cet intérêt.
Dans son rapport sur la politique de coopération au développement publié en 2012, la Cour des comptes vous donnait raison et recommandait l'adoption d'une telle loi. Comme la Cour, vous regrettiez que le Parlement ne soit consulté à ce sujet que lors des seules lois de finance. Celles-ci sont bien évidemment indispensables mais leur présentation est fragmentée et leur examen peu identifié... lorsque celui-ci peut effectivement avoir lieu...
Bref, les projets de loi de finances ne permettent pas d'avoir une vision d'ensemble. Surtout, ils ne rendent pas compte des évolutions majeures qui amènent l'aide au développement à évoluer constamment. Le monde a changé, il change rapidement et nous n'intervenons plus à l'étranger comme nous le faisions auparavant. C'est à la lumière de ces évolutions que je tiens à vous présenter ce projet de loi. Je veux montrer en quoi il répond aux défis majeurs qui se posent. Je veux vous montrer pourquoi il est utile et pourquoi il sera efficace.
Ce qui caractérise le développement ces dernières années, c'est la montée en puissance d'un très grand nombre d'acteurs non étatiques. Leur rôle a considérablement augmenté, tant dans les pays développés que dans les pays en développement.
La multiplication des acteurs est une chance. Elle apporte une grande diversité de savoirs, d'expertise, une manière de faire innovante. Elle permet d'utiliser les meilleures compétences tout au long d'un projet de développement. Et elle permet de mettre en commun des financements, ce qui en accroit la force de frappe.
Mais pour que ces avantages puissent être effectifs, ces acteurs doivent échanger sur leurs visions, discuter de leurs pratiques. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi a été réalisé dans la plus grande concertation. Les Assises du développement et de la solidarité internationale ont été organisées entre les mois de novembre 2012 et mars 2013. Elles ont rassemblé, au fil de 15 tables rondes, l'ensemble des acteurs du développement et de la solidarité internationale : des ONG, du Nord comme du Sud, des entreprises privées, des syndicats, des parlementaires, des élus locaux et des universitaires.
Mais si la concertation est effectivement une méthode encouragée par le président de la République, le Parlement est bien évidemment la dernière instance à se prononcer et à trancher. Pour avoir siégé à l'Assemblée nationale, je sais que l'indispensable concertation n'enlève rien aux décisions de la représentation nationale. Au contraire, elle les éclaire, elle les renforce.
Cette concertation était nécessaire pour aboutir à un cadre d'action partagé. Elle doit désormais s'institutionnaliser. Et c'est ce qui est proposé à travers la création du Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI). Rassemblant les acteurs du développement dans leur diversité, il offre une concertation régulière entre les différents acteurs sur les objectifs et les orientations de la politique française de développement.
Les actions menées par ces acteurs ne seront pleinement efficaces que s'ils se connaissent, s'ils travaillent de manière cohérente et coordonnée. Sa 1ère réunion s'est tenue jeudi dernier, et les échanges furent fructueux, sur ce projet de loi comme sur la notion de cohérence. Nous sommes d'ailleurs favorables à ce que le CNDSI soit composé à parité d'hommes et de femmes comme cela est l'usage.
Mais pour que les acteurs puissent se coordonner, encore faut-il que leur rôle soit reconnu. C'est ce que permet la loi. Et je salue l'initiative des co-rapporteurs, MM. Cambon et Peyronnet, qui ont proposé en commission de rendre plus explicite la reconnaissance du rôle des acteurs non étatiques dans la politique de développement.
Je voudrais ici souligner le rôle des collectivités car le Sénat assure - et c'est un principe constitutionnel - «la représentation des collectivités territoriales de la République». Le projet de loi propose de reconnaître l'action extérieure des collectivités territoriales, un terme qui est volontairement plus large que celui de «coopération décentralisée».
Les collectivités auront la possibilité explicite de mener des actions de coopération et d'aide au développement, et une Commission nationale de la coopération décentralisée sera créée. L'amendement adopté en commission, permettant de dédier 1 % de la taxe ordures ménagères à ces actions, renforcera les moyens à disposition. Ces avancées considérables, que le gouvernement a fortement soutenues, sécuriseront les actions des collectivités et leur donneront plus de libertés.
Mais je veux ici être très claire : on ne peut pas d'un côté renforcer le rôle des collectivités, et dans le même temps outrepasser leurs prérogatives ou ignorer leurs intérêts. Je pense ici aux collectivités ultra-marines, qui à l'heure actuelle ne sont pas toujours consultées ni même informées, lorsque des projets sont menés dans leur environnement régional. Dans certains cas, ceci amène la situation paradoxale où la France soutient des projets dans des territoires étrangers ayant des effets négatifs sur l'économie de territoires nationaux.
Les collectivités d'outre-mer sont les têtes de pont de notre République et de l'Europe aux quatre coins du globe. Notre politique de développement doit pouvoir s'appuyer leur savoir-faire, leurs réseaux et leur environnement régional, qu'ils ont participé à construire. Plusieurs amendements vont en ce sens et j'y suis tout à fait favorable.
Au-delà de la politique de développement, de nombreuses autres politiques publiques ont un impact sur les pays en développement : l'agriculture, le commerce extérieur, l'environnement, l'énergie, la santé, l'outre-mer. L'efficacité de notre politique dépend donc fortement de la cohérence de l'ensemble des politiques nationales et européennes.
Cette cohérence doit être au coeur de notre action, et c'est tout l'objet des articles 3, 3bis et 3ter du projet de loi. Car il ne sert à rien de verser des millions à des agriculteurs en Afrique si d'un autre côté la politique agricole européenne freine leurs exportations. Le CICID, qui rassemble sous la présidence du Premier ministre tous les ministères concernés par la politique de développement est chargé de veiller à cette cohérence. La France y veillera également au sein de l'Union européenne.
De même, cette loi permet de rationaliser les dispositifs existants, de rapprocher, voire de fusionner des enceintes. Vous l'avez notamment demandé Mesdames et Messieurs les Sénateurs, en Commission, pour le dispositif d'expertise technique international.
Le gouvernement partage votre ambition : nous devons rationaliser le pilotage de cette politique, rassembler des opérateurs aujourd'hui fragmentés, pour plus d'efficacité et un moindre coût. Les modalités de cette réforme, attendue depuis de nombreuses années, seront certainement à préciser, son calendrier à définir, le dialogue devra se poursuivre. Mais nous avons là une réforme d'envergure, pour la promotion de notre savoir-faire et de notre image à l'international.
L'autre évolution majeure dans la politique de développement, c'est la demande et la nécessité d'une plus grande transparence. La transparence n'est pas seulement un moyen de redevabilité, c'est aussi un outil puissant au service d'une plus grande efficacité. Or, la redevabilité et l'efficacité sont des impératifs au vu du contexte budgétaire. Nos concitoyens sont doivent savoir comment l'argent public - leur argent ! - est utilisé.
La transparence est au coeur du projet de loi. Tout d'abord par sa nature même : issues d'une large concertation, les orientations de la politique de développement sont soumises à l'examen du Parlement. Mais le contrôle du Parlement ne s'arrêtera pas à cette seule loi. Vous serez informés par des rapports plus nombreux.
Ainsi, le projet de loi intègre la première grille d'indicateurs de résultats de l'action bilatérale et multilatérale financée par la France. Trente indicateurs décriront annuellement les résultats emblématiques de l'action de la France dans ses secteurs prioritaires. Ces indicateurs sont certainement perfectibles. Laissons-nous le temps de la tester, et voir quels sont les aménagements éventuels à y apporter par la suite.
Le projet prévoit également les modalités d'une évaluation plus indépendante de notre politique de développement. La Commission des affaires étrangères du Sénat a introduit une disposition audacieuse en ce sens. Le gouvernement souscrit à l'objectif, mais souhaite poursuivre avec la représentation nationale un dialogue nourri pour approfondir cette question.
L'autre levier d'une transparence accrue, c'est l'information du grand public, en France comme à l'étranger. Le lancement en septembre dernier d'un site Internet pilote présentant l'ensemble des projets d'aide au développement de la France au Mali est un exemple de ce qui doit être généralisé. Interactif, donnant des informations concrètes sur les projets mis en oeuvre, à travers un service de géolocalisation, ce site offre aux citoyens, français et maliens le moyen d'exprimer leur avis sur ces réalisations.
Il renforce l'efficacité de nos actions et leur appropriation par les Maliennes et les Maliens et le suivi, par la société civile dans son ensemble, des projets sur le terrain. Ce site constitue une nouveauté pour la France et un modèle pour nos partenaires européens, comme me l'ont indiqué mes homologues européens lundi dernier, lors d'un conseil des ministres du développement.
D'ici quelques mois, nous mettrons à la disposition du public des informations détaillées et actualisées concernant nos projets d'aide au développement dans les 16 pays pauvres prioritaires.
Dans le domaine des industries extractives, le gouvernement a décidé d'engager le processus formel d'adhésion à l'initiative sur la transparence dans les industries extractives (ITIE), conformément à l'annonce du président de la République lors du sommet du G8 de Lough Erne. Nous avons pour objectif d'adhérer à l'ITIE à l'occasion de sa prochaine conférence internationale.
Une autre évolution majeure, c'est l'approche même du développement. Les bouleversements entraînés par la mondialisation ont amené la France à promouvoir une approche globale. L'article 1er le réaffirme clairement, l'objectif de notre politique de développement est de promouvoir un développement durable. En effet, l'élimination de la pauvreté et la garantie pour tous d'une vie décente semblent impossibles sans une transition vers des modèles de consommation et de production plus durables, sans un renforcement de la gouvernance globale, sans le respect des droits.
Dans cette optique, il est proposé que quatre domaines fassent l'objet de la priorité de la politique française de développement :
- la promotion de la paix, des droits de l'Homme et des libertés individuelles ;
- la justice sociale et le développement humain ;
- un développement économique durable et riche en emplois ;
- la préservation de l'environnement et des biens publics mondiaux.
Le projet de loi expose grandement les enjeux de chacun de ces domaines. Je ne vais donc pas y revenir dans le détail mais au sein de chacun d'eux, je tiens à souligner un thème particulier qui me semble essentiel.
La responsabilité sociale et environnementale des entreprises est l'un d'eux. Alors que les entreprises sont les moteurs du développement économique, elles ne contribuent pas nécessairement au progrès social : de récents exemples, comme celui dramatique du Rana Plaza au Bangladesh, nous l'ont tristement rappelé. La RSE doit être au coeur de notre politique de développement car elle permet l'amélioration des conditions de travail, l'instauration d'un état de droit, la mobilisation en faveur du développement durable.
La reconnaissance du rôle des entreprises dans le développement amène une plus grande reconnaissance de leurs responsabilités. Ces responsabilités doivent être définies par l'autorité publique pour prévenir toute défaillance du marché.
C'est tout l'enjeu des normes internationales et le projet de loi encourage les sociétés françaises à l'étranger à mettre en oeuvre les principes directeurs de l'OCDE. Il rappelle entre autres l'engagement de l'Agence française de développement d'intégrer la responsabilité sociale, environnementale et fiscale dans son système de gouvernance et dans ses actions.
Mais au-delà de ces normes, on observe une mobilisation toujours plus grande des entreprises en faveur des politiques de développement. C'est une très bonne chose.
Dans un contexte de ressources publiques limitées, il faut les encourager à s'engager dans des politiques ambitieuses de RSE. Nous devons soutenir les initiatives des entreprises ou de coalitions d'acteurs dans les pays en développement, qui ont une mission explicite de générer un impact social ou environnemental tout en assurant leur pérennité économique. Ces initiatives sont probablement vouées à se multiplier dans les années à venir, parce qu'elles sont rentables dans la durée et parce qu'elles donnent le surcroit de sens que les salariés réclament.
Un autre sujet essentiel, c'est la préservation de l'environnement et des biens publics mondiaux. Il est de notre responsabilité de s'assurer que nous ne laisserons pas aux générations futures un monde dans lequel les dérèglements climatiques obèrent la qualité de vie et les perspectives de croissance. Préserver le climat, éviter un réchauffement de la planète supérieur à deux degrés, c'est agir en faveur du développement. Le dérèglement climatique est l'une des plus grandes menaces pour le développement des pays les plus vulnérables. Nous devons les aider à choisir un mode de développement écologiquement soutenable et à s'adapter aux impacts du changement climatique.
La France accueillera en 2015 la 21ème Conférence des Nations unies sur le changement climatique. Comme Laurent Fabius et l'ensemble du gouvernement, je serai mobilisée pour que cette conférence aboutisse à un accord ambitieux. À cet effet, je serai particulièrement vigilante envers les territoires les plus vulnérables, et notamment les territoires insulaires.
La promotion des Droits de l'homme et des libertés individuelles sont et resteront une priorité de la France. La politique de développement contribue à promouvoir les valeurs de la démocratie et de l'État de droit ainsi que l'égalité entre les femmes et les hommes. Notre pays favorise une approche par les droits qui conditionne l'épanouissement des libertés. La France soutient ainsi dans le cadre des discussions actuelles sur le futur agenda du développement la définition de socles universels à même de garantir le respect effectif des droits de l'Homme comme un accès égal de tous aux biens publics mondiaux et aux opportunités économiques, sociales et environnementales.
L'autre domaine d'intervention qui me semble essentiel, c'est celui de la jeunesse. À travers l'éducation notamment. L'éducation est au fondement même de notre modèle républicain. L'éducation est le ciment de notre République. Et c'est ce qu'a réaffirmé le président de la République en faisant de la jeunesse et de l'éducation la grande priorité de son mandat.
Or, que constatons-nous ? Que lorsqu'il s'agit du développement des autres, nous y sommes de plus en plus absents. À force de répondre à la nouveauté, à force de courir après ce qui est populaire, ce qui donne des résultats à court terme, peut-être avons-nous oublié les fondamentaux.
Quand je parle de jeunesse et d'éducation, je ne pense pas uniquement à l'éducation de base - même s'il reste encore beaucoup à faire, notamment dans la formation des maîtres ; et c'est d'ailleurs tout l'enjeu du fonds de solidarité prioritaire «100.000 professeurs pour l'Afrique» dont je veillerai à la pleine mise en oeuvre.
Je pense aussi à la formation professionnelle, qui fait tant défaut dans de nombreux pays, alors même que c'est une absolue priorité au vu de la démographie et de ces millions de jeunes qui rentrent chaque année sur le marché du travail. Quand je parle de jeunesse et d'éducation, je pense aussi à la formation à la citoyenneté, à la sensibilisation aux droits des femmes, aux problématiques environnementales ou encore à l'hygiène.
On ne pourra pas résoudre les plus grands maux de notre temps si nous ne combattons pas leurs racines, à savoir l'ignorance. Ce n'est pas l'ancienne conseillère d'éducation populaire et de jeunesse qui parle, c'est la Républicaine que je suis.
Au travers de l'éducation, ce sont des valeurs qui sont inculquées. Des valeurs qui sont d'autant mieux transmises qu'elles le sont en français. C'est l'un des points de convergence majeur de mes deux périmètres d'action, la francophonie et le développement.
Sachez-le, les Anglo-saxons ne s'y sont pas trompés ; ils investissement massivement dans l'éducation. Ce qui peut paraître paradoxal quand on sait que le boom démographique annoncé concerne avant tout l'Afrique francophone. D'ores et déjà, 60 % de la population francophone a moins de 30 ans. Les projections annoncent 800 millions de locuteurs francophones en 2050, dont plus de 80 % en Afrique. C'est un véritable enjeu pour notre langue, pour nos valeurs, pour notre pays.
L'autre évolution majeure du monde qui affecte l'aide au développement, c'est la sortie de la pauvreté de millions de femmes et d'hommes. Cette tendance s'est accélérée depuis les années 1980, notamment grâce à l'émergence de pays comme la Chine ou l'Inde.
Cependant, les progrès enregistrés au niveau global ne doivent pas masquer des disparités toujours existantes voire croissantes. D'une part, entre les pays, avec la persistance d'un groupe de pays nettement moins avancés. D'autre part, au sein de certains pays, y compris des pays à revenus intermédiaires, où persistent des inégalités criantes.
Ainsi, 1,2 milliard d'hommes et de femmes continuent de vivre dans l'extrême pauvreté et une personne sur huit dans le monde est toujours chroniquement sous-alimentée.
Par conséquent, la concentration de l'aide constitue l'un des principes directeurs de notre politique de développement, et c'est ce que rappelle l'article 4 du projet de loi. 85 % de l'effort financier sera ainsi consacré à l'Afrique sub-saharienne et aux pays de la rive sud et est de la Méditerranée. Au moins 50 % des subventions de l'État et les 2/3 de celles de l'AFD viendront soutenir les secteurs sociaux des 16 pays pauvres prioritaires.
Toujours dans un souci de concentration de moyens, la France établit des partenariats différenciés. Pour éviter le saupoudrage, nous n'interviendrons bien évidemment pas dans tous les secteurs de l'aide au développement dans un pays donné. Nous interviendrons dans un nombre limité de secteurs, définis conjointement avec le pays partenaire en fonction de ses besoins.
Nous intervenons également dans les pays en crise. Nos interventions au Mali et en RCA l'ont montré : la France veut être aux côtés de ces pays, non seulement lorsque cela est nécessaire, dans les phases d'action militaire, mais aussi dans les phases de prévention, d'aide humanitaire et de reconstruction, pour que son action s'inscrive pleinement dans la logique du continuum urgence-reconstruction-développement.
Mais la France ne peut pas tout faire toute seule. Notre action vise à montrer la voie, pour mobiliser d'autres bailleurs sur des sujets primordiaux, pour créer un effet de levier. C'est tout le sens de la disposition de cette loi qui permet à l'AFD de porter des fonds multi-bailleurs.
L'intervention dans les pays à revenu intermédiaire se concentrera avant tout sur la préservation des biens publics mondiaux, en promouvant dans ces pays une croissance verte et solidaire, via des prêts peu ou pas concessionnels, tout en veillant à un meilleur partage des richesses et à la lutte contre la corruption.
Les inquiétudes sur l'utilisation de ressources publiques pour financer des projets dans des pays tels que ceux d'Asie du Sud-Est sont légitimes. C'est pourquoi l'intervention dans les très grands émergents, elle, se fera à coût nul pour l'État, au sein de partenariats. N'oublions pas que ces pays constituent des alliés potentiels dans l'action collective mondiale, ainsi que des marchés importants pour nos entreprises. Nous devons y promouvoir l'expertise technique française.
Bien entendu, toutes ces évolutions - qu'elles soient thématiques, géographiques ou qu'elles concernent la multiplication des acteurs - ne sont pas sans incidence sur le financement de l'aide au développement. Comment pourrait-on imaginer le contraire ? Et c'est pourquoi j'invite à la plus grande prudence lorsque l'on ne prend pour référence qu'un seul indicateur, soumis à des biais méthodologiques, comme celui de l'OCDE. Nous n'avons pas à rougir ! L'aide au développement est multiple ; son financement ne saurait être uniforme.
Sur la question budgétaire, nombreux sont ceux à regretter l'absence de programmation budgétaire dans ce projet de loi. Comme vous le savez, il relève de la catégorie des «lois de programmation déterminant les objectifs de l'action de l'État» prévue par les dispositions du vingtième alinéa de l'article 34 de la Constitution. L'assemblée générale du conseil d'État a rappelé, en décembre dernier, que, malgré leur intitulé, les lois d'orientation et de programmation ne sont pas soumises à l'obligation de comporter des éléments de programmation budgétaires. Par souci de cohérence avec le triennum budgétaire, il est apparu plus judicieux que les orientations et lignes programmatiques présentées dans le projet de loi s'appuient, chaque année, sur les moyens inscrits dans les lois de finances.
Les financements publics demeurent une source financière conséquente. Le projet de loi réaffirme la nécessité de maintenir des financements publics élevés. L'objectif international de 0,7 % du RNB dédié à l'aide publique au développement y est mentionné. Comme l'a rappelé le chef de l'État en clôture des Assises, la France reprendra une trajectoire ascendante vers ses engagements internationaux dès que la situation économique le permettra.
Mais nous devons aussi encourager d'autres sources de financements. Les investissements privés bien entendu et c'est tout l'enjeu de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Je l'ai déjà évoqué : faire participer les entreprises à l'amélioration des conditions de vie est un enjeu majeur.
Il y a aussi les transferts d'argent des diasporas, qui constituent une manne financière conséquente. L'examen du texte en commission a permis d'enrichir le texte en encadrant et en facilitant ces transferts, ce qui est une vraie avancée. Je remercie l'initiative des rapporteurs, messieurs Peyronnet et Cambon.
Néanmoins, il faut le reconnaître, le financement doit venir aussi et surtout des pays partenaires eux-mêmes.
La mobilisation des ressources nationales est un enjeu fondamental et la France aide au renforcement effectif des capacités administratives des pays à faibles revenus. On estime que les flux illicites de capitaux qui sortent de ces pays sont 10 fois supérieurs à l'aide reçue par l'ensemble des bailleurs internationaux. Fort de ce constat, l'article 4 du projet de loi précise que la France soutient la lutte contre l'opacité financière et les flux illicites de capitaux pour favoriser la mobilisation par les pays en développement de leurs ressources.
Mais au-delà des instruments de financement traditionnels, publics ou privés, la France contribue à la recherche de nouvelles ressources pour le développement, telle que la taxe sur les billets d'avion, la taxe sur les transactions financières ou encore la facilité internationale de financement pour la vaccination. Notre pays cherche constamment à innover pour offrir une aide substantielle auprès des pays les plus vulnérables.
Car ne l'oublions pas, au-delà des mots, au-delà des concepts et des chiffres, ce qui importe, c'est d'offrir un soutien aux populations qui ont besoin de notre aide. Malgré toutes les évolutions que je viens de vous présenter, une chose n'a pas changé : c'est la détermination de la France à lutter contre la pauvreté, à favoriser un développement économique plus durable, un développement humain plus harmonieux. Le principe de solidarité a forgé, depuis plus d'un siècle, notre modèle de société. Or, comme le disait si justement Léon Bourgeois, «la loi de solidarité est universelle». «La dette de l'homme envers les autres hommes» n'a pas de frontière.
La crise économique est difficile et il est indispensable de réaliser des économies. Mais ce n'est pas une raison pour céder aux sirènes populistes, qui prônent un repli sur soi. Quelles que soient les difficultés, notre République doit continuer et continuera à soutenir ses efforts en faveur du développement. C'est le message de Manuel Valls, comme c'était celui de Jean-Marc Ayrault.
Et quel plus beau symbole, au lendemain d'une victoire des populismes, en France et en Europe, que ce projet de loi, ouvert et humaniste ? Les Français ne s'y trompent pas. Ils restent très majoritairement favorables à une poursuite déterminée de notre politique en faveur du développement.
Mais pour que ce soutien demeure, pour que leurs espoirs ne soient pas vains, notre action doit être irréprochable. Elle doit être efficace, cohérente et transparente. C'est l'ambition de ce projet de loi. C'est l'ambition du gouvernement. C'est mon ambition.
Cette loi constitue une première étape de la refondation de notre politique de solidarité internationale. C'est une loi pour les Français. C'est une loi pour ce qui a contribué et continuera de faire la grandeur de la République.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 mai 2014