Déclaration de M. Alain Madelin, président de Démocratie libérale, sur ses propositions pour une réforme du système de santé, Ramatuelle le 22 septembre 2001.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 7ème Université de la Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF) à Ramatuelle (Var) les 22 et 23 septembre 2001

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Chers amis.
Merci Monsieur le Président de votre invitation et de l'occasion qu'elle me donne de m'exprimer devant vous. Même si une actualité tragique sollicite ailleurs nos curs et nos pensées.
Les propos qui vont être les miens et que j'avais envie de vous tenir depuis longtemps ne sont pas guidé croyez le bien par la perspective des prochaines échéances. Ils sont portés par de solides convictions.
Notre système de santé est dans l'impasse et l'on ne peut pas continuer comme cela, ce constat c'est le votre, ce constat c'est aussi le mien depuis longtemps.
En 1995, on s'est trompé de direction. Beaucoup en conviennent aujourd'hui. A l'époque j'ai refusé de voter la réforme Juppé.
Parce que je pensais qu'elle ne pouvait conduire qu'à une étatisation déresponsabilisante.
Parce que j'avais proposé une réforme alternative et je peux même vous faire une confidence, dans les deux dits accords qui ont conduit à mon départ du gouvernement il y avait certes un désaccord sur la réforme fiscale que j'estimais nécessaire de mener, il y avait aussi le désaccord sur l'orientation choisie par le premier ministre sur la réforme de notre système de santé.
Dans le contrat qui liait la majorité parlementaires élus en 1993 il y avait l'engagement de construire un nouveau système de responsabilité contractuelle décentralisée. C'est un autre choix qui a été fait. Celui d'une étatisation rampante de notre système d'assurance maladie. Un projet sorti des tiroirs de la CFDT selon la CFDT elle-même.
En politique, comme l'a dit Winston Churchill, il faut savoir ce que l'on veut, quand on le sait il faut avoir le courage de le dire, quand on l'a dit, il faut avoir le courage de le faire.
J'aurais donc préféré qu'on applique alors le programme de la majorité plutôt que d'emprunter celui de la CFDT.
Résultat : On a demandé aux parlementaires de voter chaque année une loi dite d'équilibre de la sécurité sociale. Résultat : côté santé, 80 milliards de déficits accumulés.
On a rendu les médecins responsables de ces déficits, collectivement, au risque d'en faire des boucs émissaires aux yeux de l'opinion. Et on a voulu les faire payer dans un système de sanctions collectives aussi injustes qu'inapplicables.
Ces sanctions collectives ont toujours été pour moi impensables et inacceptables.
Et si vous demandez aux médecins de contribuer, au nom de je ne sais trop quelle responsabilité collective, à boucher les trous de la sécurité sociale, alors pourquoi ne pas demander à ceux qui gouvernent, aux parlementaires, aux fonctionnaires, de participer au comblement des déficits du budget de l'Etat ou contribuer à éponger la facture de tous les gaspillages de notre argent public.
Voilà pourquoi je n'ai pas voté le plan Juppé. Vous y avez vu à juste titre un rationnement bureaucratique, une maîtrise comptable aveugle et une étatisation déresponsabilisante. Vous aviez raison. Et ceci n'a fait que s'aggraver avec les gouvernements qui ont suivi.
Certes, on dira, notre système de soins, même s'il est en Europe celui qui dépense le plus et rembourse le moins, continue de dispenser une médecine de très grande qualité. C'est vrai. Mais si les malades sont encore préservés de tous les méfaits d'un système étatisé, c'est parce que tous les médecins et les professionnels de santé s'attachent à maintenir la qualité de nos soins. Parce que la facture de l'étatisation de l'assurance maladie, une étatisation qui dans d'autres pays est supportée par les malades et conduit au rationnement des soins, a été jusqu'à aujourd'hui assumée par la baisse du revenu des médecins. A tel point que si l'on se compare avec un des plus mauvais système européen, le système étatisé britannique, le revenu moyens des médecins anglais est de 35% supérieur au revenu des médecins français.
On ne peut pas continuer comme cela.
Dans un système d'ensemble sans aucune clarté et logique, on utilise l'argent de la sécurité sociale pour payer les 35 heures ou assurer le bouclage du budget de l'Etat.
L'Etat a mis la main sur tous les leviers de gestion de l'assurance maladie.
Toutes les décisions clés sont entre les mains de l'Etat. C'est lui qui décide des postes hospitaliers à créer ou à supprimer, qui a un droit de regard sur la nomination de tous les praticiens hospitaliers. De même c'est lui qui décide de la codification des actes, du nombre des infirmières, du nombre de lits, des matériels lourdsLà est le vice de construction.
Que d'erreurs. C'est la combinaison de millions de choix médicaux qui sont chacun des choix singuliers. Un acte médical est une décision complexe, une relation avec la souffrance d'un être humain, qui sollicite, certes, des contraintes économiques, mais aussi et sans doute de plus en plus des arbitrages éthiques qui font appel à la conscience du médecin qui doit avoir comme premier souci de servir d'abord les intérêts de celui qui vous confie sa santé et sa vie, dans un lien de confiance total.
Aucun système centralisé ne peut déterminer le juste prix ou le bon tarif. Seule la pratique de la liberté, de la responsabilité dans un processus d'essai et d'erreur permet de découvrir et le vrai coût de chaque pathologie et le type de relation contractuelle la plus efficace.
Voilà pourquoi il va falloir reconstruire, refonder notre système de santé. Vous savez tous mieux que moi qu'il existe des gains d'efficacité dans une meilleure gestion, de meilleures pratiques et qu'un maîtrise médicalisée est beaucoup plus efficace qu'une maîtrise bureaucratique et strictement comptable.
Il ne s'agit pas de faire des économies sur la santé des Français mais de bâtir une véritable économie de la santé, de faire en sorte que chaque francs dépensé par les Français pour leur santé soit gérée au mieux.
Le problème n'est pas de dépenser plus ni de dépenser moins mais de dépenser ce qu'il faut, comme il faut.
Il ne faut pas, comme l'a fait Martine Aubry renforcer le contrôle de l'Etat sur l'assurance maladie mais développer l'autonomie de notre système d'assurance par rapport à l'Etat.
Ceci passe par la refondation sociale, la rénovation de notre système paritaire, l'élection libre des représentant des assurés dans les conseil d'administration des caisses, toujours prévus sans cesse repoussés.
Ceci doit nous conduire à une vraie régionalisation des caisses régionales autonomes et responsables avec l'ouverture de possibilités de délégations de gestion à des assurances et des mutuelles dans le cadre d'une vraie politique contractuelle avec tous les professionnels de santé, médecins, hôpitaux, clinique. Ouvrir des espaces de liberté contractuelle pour permettre de couvrir de nouvelle pratiques, découvrir de nouvelles formes d'organisation, inventer la médecine de demain.
C'est une logique contractuelle de responsabilité organisée de bas en haut. Une logique qui permet d'intéresser les acteurs du système de santé aux économies réalisées ensembles.
Notre système de santé doit être un espace de liberté et de responsabilité. On a tous à y gagner : les malades, l'assurance maladie, les contribuables et bien sûr les médecins et tous les professionnels de santé.
Mais permettez moi de vous dire aussi que le combat pour une médecine plus libre et plus responsable n'est pas seulement un combat professionnel c'est avant tout un choix politique, un choix de société.
(Source http://www.demlib.com, le 15 octobre 2001)