Interview de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, à "France 2" le 4 juin 2014, sur l'amende demandée à la banque BNP-Paribas par la justice américaine, sur la baisse des dépenses publiques.

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Média : France 2

Texte intégral

Roland SICARD
On apprend ce matin que la France pourrait avoir à rembourser 3,6 milliards d'euros pour des aides infondées à l'Agriculture, c'est Bruxelles qui l'exige. Est-ce que la France va payer ?
Michel SAPIN
Heureusement que vous utilisez un conditionnel, « pourrait », il y a des conditionnels de cette nature dans beaucoup de discussions, entre chaque pays et la commission européenne, qui, légitimement, vérifie, pays par pays, aide par aide, la régularité du versement de ces aides. On est exactement dans ce type de débat, donc ça ne vaut pas beaucoup plus qu'une seule question.
Roland SICARD
Autrement dit, pas d'inquiétude.
Michel SAPIN
Non, ça fait partie des choses habituelles, nécessaires, discutées, avec la commission. Voilà. Après, chacun a le droit de faire du sensationnalisme.
Roland SICARD
Autre amende, celle-là peut-être plus sérieuse, celle que les Américains veulent infliger à BNP Paribas, parce que la banque aurait fait des transactions en dollars, avec des pays comme le Soudan ou Cuba ; est-ce que ça, ça peut mettre en danger une banque comme Paribas ?
Michel SAPIN
C'est un sujet sérieux. D'abord parce que c'est la justice, la justice américaine, qui reproche à une banque, à une grande banque, une grande banque française, l'une des deux plus grandes banques européenne, des faits qui sont peut-être répréhensibles du point de vue de la loi américaine. Ça c'est la question de la justice et il n'est pas, pour nous, ni possible, ni acceptable, d'intervenir dans le cours de la justice.
Roland SICARD
Mais la somme, 11 milliards de dollars, c'est énorme.
Michel SAPIN
Donc il y a une chose qui concerne la banque et la justice américaine. La deuxième chose c'est que nous ne voulons pas, que, parce que ce serait une banque française ou parce que ce serait une banque européenne, la justice, les autorités américaines, se comportent de manière inéquitable. Il faut qu'elles se comportent de manière équitable.
Roland SICARD
Et ce serait le cas ?
Michel SAPIN
La somme, dont on a vu, dans la presse, l'éventualité, serait de notre point de vue, une somme inéquitable.
Roland SICARD
Est-ce qu'elle mettrait la banque en danger, et le système bancaire, en général, en danger.
Michel SAPIN
Ce n'est pas qu'elle met la banque en danger, mais à chaque fois qu'une amende de cette nature, si elle était disproportionnée par rapport aux faits, est prononcée, dans quelque monde que ce soit, ça a des conséquences sur le bilan de cette banque et donc ça a des conséquences sur sa capacité de prêter. Or, aujourd'hui, dans l'économie d'aujourd'hui, ce que je souhaite, ce que je veux, ce que le gouvernement veut, c'est que les banques soient en capacité de prêter aux entreprises, quand celles-ci en ont besoin. Je vois trop de petites et moyennes entreprises qui se plaignent de ne pas avoir accès au crédit dont elles ont besoin, pour accepter qu'une banque soit privée des possibilités d'accorder des crédits.
Roland SICARD
François HOLLANDE va en parler avec Barack OBAMA, s'il échoue, qu'este-ce qui se passe ?
Michel SAPIN
Ça fait certainement partie des sujets qui méritent d'être abordés par deux chefs d'Etat de deux grands pays amis.
Roland SICARD
Alors, la baisse des dépenses, c'est le gros dossier du gouvernement, il faut trouver 4 milliards en plus. Où est-ce que vous allez les trouver ?
Michel SAPIN
En 2014. Cela s'est fait, si je puis dire, le travail a été fait avec chaque ministre, il y aura des économies dans la Sécurité sociale, car il y a aujourd'hui une diminution des dépenses de l'assurance maladie, sans aucune conséquence négative pour les malades. On consomme moins de médicaments...
Roland SICARD
Ça, c'est combien ?
Michel SAPIN
Ça c'est aux alentours d'à peu près, au total, un milliard d'économies sur la santé, qui seront constatées pour 2014 et qui permettra d'ailleurs de continuer à faire des économies, et je le répète, sans déremboursement, sans diminution du remboursement, sans diminution de la qualité des soins, au contraire, avec une meilleure organisation des soins. Il y aura 1,6 milliard de crédit de l'Etat, de chacun des ministres, qui vont être annulés au début de l'été, au mois de... fin juin, début juillet, avec cette loi de finance rectificative. C'est la première fois d'ailleurs, depuis des années et des années, que nous allons agir ainsi, parce que c'est par des économies que nous pourrons aujourd'hui financer les baisses d'impôts et que nous pourrons continuer à diminuer le déficit de la France. Ça change, par rapport à ce que l'on a pu connaitre au cours de ces dernières années.
Roland SICARD
Le PS demande des aménagements, notamment que les aides aux entreprises soient conditionnées aux contreparties. Est-ce que là-dessus vous êtes d'accord ?
Michel SAPIN
Le PS a fait connaitre au Premier ministre, à moi-même aussi, un certain nombre de préoccupations, de souhaits, et il a raison. Il dit : il faut qu'il y ait une visibilité pour les entreprises, il faut qu'on sache ce que le gouvernement, ce que la majorité prévoit, en 2015, en 2016, en 2017. C'est nécessaire à l'économie. Mais en même temps, il dit : décidons dès maintenant, pour 2015, de manière à ce que la discussion puisse se poursuivre, particulièrement entre les organisations syndicales et patronales. Ce que vous appelez les contreparties, ce que l'on a appelé les contreparties, c'est quoi ? C'est nécessaire, c'est légitime, c'est pouvoir, branche par branche, ce n'est pas une histoire au niveau national, ce n'est pas un million d'emplois qui sont ainsi que un pin's...
Roland SICARD
C'est ce que met Pierre GATTAZ sur son veston.
Michel SAPIN
Voilà. Ça ne se décide pas au niveau de monsieur GATTAZ, ça se décide dans chaque branche, dans la métallurgie ce n'est pas tout à fait la même chose que dans l'agriculture, qui n'est pas tout à fait la même chose que dans la banque. Chacun le voit bien.
Roland SICARD
Donc, sur l'idée de conditions, vous êtes d'accord.
Michel SAPIN
Ce n'est pas une histoire de conditions, c'est une histoire d'engagement réciproque. L'Etat s'engage, il baisse les cotisations comme jamais, en faveur des entreprises. Il baisse les impôts des entreprises, il va baisser aussi les cotisations des salariés, donc il y a un engagement de l'Etat, il y a un engagement des entreprises, qui est de créer des emplois, de meilleurs emplois, de former, d'investir dans ces entreprises. Et il y a un engagement d'un certain nombre d'organisations syndicales d'être partie prenante de ce travail dans chacune des entreprises. C'est ces engagements réciproques qui doivent être respectés par tous.
Roland SICARD
La croissance, vous maintenez les objectifs, 1 % pour 2014...
Michel SAPIN
Oui...
Roland SICARD
1,7 pour 2015.
Michel SAPIN
Regardons les choses en face. La France, d'autres pays aussi, beaucoup d'autres pays en Europe, ont connu 5 ans en dessous de zéro, si je puis dire, à moins quelque chose, jamais on n'avait connu ça. Nous en sortons tout juste. L'Allemagne en est sortie depuis quelques temps, l'Espagne, l'Italie, l'Angleterre, n'en sont toujours pas sorties, elles sont toujours dans la zone négative, nous, nous en sortons tout juste, mais ce n'est pas suffisant. Il faut que ça aille plus vite. On fixe un objectif cette année de 1 %. 1 % ça parait beaucoup, puisqu'on n'a connu que des moins quelque chose, mais 1 % ce n'est pas suffisant pour pouvoir créer des emplois en quantité, qui nos permettent de faire reculer le chômage. C'est pour ça qu'il faut accélérer, accélérer, accélérer. Le pacte de responsabilité, c'est un pacte d'accélération.
Roland SICARD
Justement, l'emploi, on parlait d'inversion de la courbe du chômage, on n'en parle plus.
Michel SAPIN
Non, parce que ça a été fait...
Roland SICARD
Parce que ça a baissé.
Michel SAPIN
... donc le meilleur moyen c'est de ne plus en parler, c'est quand justement, pour le dire autrement, le chômage...
Roland SICARD
Quand est-ce que le chômage va baisser ?
Michel SAPIN
... le chômage a cessé d'augmenter massivement, il a, à la fin de l'année dernière, légèrement, mais beaucoup trop légèrement, diminué, et donc l'objectif que se fixe le gouvernement, que se fixe le ministre du Travail d'aujourd'hui, mon successeur, c'est non pas d'inverser, c'est fait, mais de faire diminuer. Ce n'est pas simple de faire diminuer le chômage, dans un pays qui depuis 5 ans, 6 ans, connait chaque mois ou presque des augmentations du chômage. C'est deux batailles, la bataille...
Roland SICARD
Mais il n'y a plus de date fixée.
Michel SAPIN
Faire baisser le chômage, il n'y a pas besoin de fixe une date pour faire baisser le chômage, donc c'est l'objectif, faire baisser le chômage, enfin, c'est compréhensible pour chacun d'entre nous. Vous ne pensez quand même pas que le gouvernement va être là en disant : mon objectif, c'est de voir augmenter le chômage, bon, donc il me semble que c'est une proposition de bon sens qui pourrait être partagée par tous. Mais pour arriver à cela, il ne suffit pas de le proclamer, il ne suffit pas de le demander, il faut agir, et agir comment ? C'est ce que nous avons décidé, avec le pacte de responsabilité, en diminuant les cotisations et les impôts des entreprises pour qu'elles investissent et qu'elles embauchent, en diminuant les cotisations des ménages les plus modestes, pour qu'ils puissent avoir de la consommation et pousser la croissance, parce que c'est par cette croissance-là, qu'on créera des emplois.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 juin 2014