Interview de M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, à France Inter le 17 juin 2014, sur les relations entre le gouvernement et sa majorité à la veille du débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 et la poursuite de la grève à la SNCF.

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Média : France Inter

Texte intégral

CLARA DUPONT-MONOD
Bonjour, Jean-Marie LE GUEN.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour.
CLARA DUPONT-MONOD
C'est aujourd'hui que s'ouvre les discussions consacrées au texte budgétaire, les frondeurs du PS montrent les dents. Est-ce que pour vous, ces parlementaires ont encore leur place dans la majorité ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, en tout cas, moi, je discute avec tous les parlementaires du groupe socialiste évidemment, de la majorité. Qu'est-ce que c'est que d'appartenir à la majorité d'une façon classique ? C'est voter un budget, nous allons voir ! Si effectivement un certain nombre de députés, soi-disant socialistes ne votaient pas pour le budget, il y aurait indiscutablement un problème nouveau.
CLARA DUPONT-MONOD
Nombre d'entre eux n'ont pas voté la confiance, n'ont pas voté le programme de stabilité…
JEAN-MARIE LE GUEN
Un certain nombre n'ont pas voté la confiance, ce qui est un problème, objectivement très, très brave. Il n'est pas purgé ce problème-là. On était dans des circonstances très particulières, le Parlement reprenait brutalement après des élections qui ont été un vrai traumatisme, donc tout ça marquait peut-être une période d'hésitation, d'égarement, de perte de repère. Maintenant là, on est sur des choses beaucoup plus sereines, nous sommes en train d'avancer. J'entendais l'éditorial de Thomas LEGRAND, en fait, cette majorité avance, elle réforme, ici ou là, il y a des protestations bien sûr, mais nous avançons et maintenant…
CLARA DUPONT-MONOD
Donc il s'agit plus de dissonance que de dissidence ? Plus dissonance que dissidence ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, c'est à eux de choisir, le gouvernement a fait des propositions, il y a eu une discussion, et il continue à y avoir une discussion riche avec les groupes de la majorité. Moi, je pense que le travail se fait normalement. Si les gens veulent se mettre en dehors du chemin et ne pas voter le budget, à partir de là, évidemment il faudra qu'ils assument leurs responsabilités.
CLARA DUPONT-MONOD
C'est ça la riposte qu'il va y avoir ? C'est amadouer ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ce n'est pas amadouer, c'est avancer dans le dialogue, avec sérénité, nous avons des objectifs, il faut que nous fassions 50 milliards de réduction des déficits, de la dépense publique, nous faisons un pacte de compétitivité, pour l'emploi, pacte de responsabilité, parce que nous devons alléger les charges qui existent aujourd'hui sur les entreprises, tout en facilitant le pouvoir d'achat des familles. Je rappelle que nous allons voter sur ce projet de budget, des éléments très importants, 3 millions de familles vont recevoir un avoir fiscal en quelque sorte, un crédit fiscal qui va faire en sorte que leur pouvoir d'achat progresse de 350 euros par individu, 700 euros pour un couple payés au SMIC. Donc il y a…
CLARA DUPONT-MONOD
Alors les frondeurs du Parti socialiste veulent un peu plus ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Il y a des gestes qui sont faits très largement sur le pouvoir d'achat comme sur la compétitivité. Une politique équilibrée, il faudra bien qu'elle soit assumée.
CLARA DUPONT-MONOD
Alors les frondeurs ont annoncé qu'ils déposeraient directement des amendements devant l'hémicycle, sans passer par le groupe ?
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est un peu bizarre, moi, je ne suis pas responsable du groupe, mais je veux dire que c'est un peu déloyal vis-à-vis de leurs amis avec qui ils travaillent dans le groupe. Pourquoi certains ne passent pas devant la collectivité ?
CLARA DUPONT-MONOD
Est-ce que c'est une stratégie d'évitement ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Nous sommes socialistes, nous sommes plutôt, nous avons une tradition de travail collectif, de respect mutuel, je pense qu'il faut savoir se respecter.
CLARA DUPONT-MONOD
Est-ce que c'est une stratégie d'évitement pour vous ?
JEAN-MARIE LE GUEN
J'ai peu l'impression effectivement qu'ils ont peur de montrer qu'ils sont très minoritaires dans le groupe. Parce que la réalité, les médias en parlent beaucoup, je le comprends, je ne vais pas mettre en cause, mais enfin, aujourd'hui il y a, soi-disant une quarantaine de collègues parlementaires qui contestent cette ligne, mais nous sommes 290 dans le groupe. La réalité, elle est là et les textes, les orientations ont été faites, elles ont été adoptées très sereinement à l'Assemblée nationale qu'il s'agisse de la confiance accordée au gouvernement de Manuel VALLS, qu'il s'agisse du programme de stabilité…
CLARA DUPONT-MONOD
Il y a eu des remouds quand même !
JEAN-MARIE LE GUEN
Des remouds certes ! Mais une majorité, une majorité tranquille, forte, qui fait que la politique menée avance.
CLARA DUPONT-MONOD
Donc il ne pourra pas y avoir de majorité alternative, pour vous, sur certains amendements ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non ! J'ai vu par exemple, on a vu sur un amendement de la réforme pénale, tout d'un coup, on a vu arriver 15 députés qui n'avaient pas suivi le texte et puis se sont mis à voter un amendement un petit peu plus critique ou un petit peu plus marginal. Si c'est ça, mais ce n'est pas le travail parlementaire ça ! Ce n'est pas la démocratie ! Donc on est là tout simplement pour avancer de façon sereine, pas avec des petites manoeuvres ça n'a pas d'intérêt.
CLARA DUPONT-MONOD
Oui, vous êtes très sereine. Est-ce que vous serez clément ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Moi, je suis rigoureux, c'est-à-dire que j'avance dans la logique. On vote un budget, on ne vote pas un budget. Voilà, ça c'est des critères vous savez assez simple qui existent de tous temps. Voilà ! Pour le reste nous voulons discuter avec tous les parlementaires de façon à ce que les choses avancent et nous avançons aussi bien sur la réforme ferroviaire, aussi bien sur la question du budget…
CLARA DUPONT-MONOD
Alors la réforme ferroviaire pour l'instant, ça n'avance qu'à moitié, mais tout le monde, Jean-Marie LE GUEN…
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, non, non, ça avance ! Ce n'est pas parce qu'il y a tout d'un coup une petite minorité de gens qui d'ailleurs ont des problèmes entre eux, parce qu'en fait le conflit, il n'est pas entre le gouvernement…
CLARA DUPONT-MONOD
Enfin qui bloque la majorité ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, mais j'entends bien que ce soit très gênant pour les usagers qui nous entendent ce matin. Mais enfin c'est un conflit qui n'a pas lieu fondamentalement entre le gouvernement et des organisations syndicales. C'est un conflit, qui pour l'essentiel a lieu à l'intérieur d'organisations syndicales, avec une radicalisation d'une petite minorité qui prend, certes en otages la vie quotidienne de nos concitoyens, mais j'allais dire, c'est un phénomène marginal ! Tout à fait gênant, mais il va bien falloir se rendre compte que certains sont totalement isolés, dans leur déni de la réalité. Car ce projet de loi est une avancée, y compris dans le chemin qu'il voudrait prendre. Et malgré tout, ils ne sont jamais contents ! Il n'y en a jamais assez ! Eh bien, non ! Ce n'est pas comme ça que ça va se faire et ils vont le comprendre.
CLARA DUPONT-MONOD
Alors en même temps, Jean-Marie LE GUEN tout le monde se sent trahi par la gauche, les intermittents, les classes moyennes, une partie du PS, les Verts…Puisque c'est dur, puisqu'il fallait réformer, pourquoi ne pas avoir fait ce discours de sang et des larmes dont parlait tout à l'heure Thomas LEGRAND, à la tonalité un peu Churchillienne, dès le départ ? On ne se sent pas trahi, si on est prévenu ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais François HOLLANDE a dit dans sa campagne par exemple, très nettement qu'il fallait respecter l'équilibre des comptes publics. Ça a été dit ! Alors qu'après, nous ayons voulu avancer de façon progressive et pas brutale, qu'il faille aussi passer le cap, j'allais dire de l'anti-sarkozysme qui avait un petit peu pris la tête de tout le monde, bon très bien ! Mais maintenant on avance et les choses sont dites, elles ont été dites au mois de novembre 2012, au moment du rapport Gallois où on a montré l'affaiblissement considérable de notre industrie. Tout ça est logique, vient en son temps ! Est-ce qu'il fallait aller plus vite ? On peut toujours avoir des regrets, mais en attendant nous avançons. Ce pays avance, il a besoin de réforme, il y a toujours des oppositions, on s'était rappelé en France, nous sommes un pays où l'esprit critique existe très fortement. Mais aujourd'hui, sérénité, on avance et ça progresse.
CLARA DUPONT-MONOD
Merci, Jean-Marie LE GUEN. Bonne journée !
JEAN-MARIE LE GUEN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 juin 2014