Texte intégral
Ces journées nationales sont l'occasion pour moi de rencontrer l'ensemble de la communauté professionnelle de la politique de la ville et du renouvellement urbain. Je veux vous saluer et vous dire que c'est très concrètement autour de vos débats, de vos échanges d'expériences, de votre culture d'action commune que le gouvernement entend construire l'avenir de nos villes.
J'étais hier soir des élus de plusieurs sensibilités. J'ai reçu eu un échange avec Jean Louis Borloo hier. En relisant le discours qu'il a prononcé il y a 11 ans, à Valenciennes, lors de la préparation du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine qui a été le cadre de la rénovation urbaine, j'ai retrouvé cette phrase qui me semble plus que jamais d'actualité. « Quand l'essentiel est en jeu, la République réunit »
En ouverture de ces journées, je voudrais ici rendre hommage, au nom de cette idée si essentielle, à l'action de cet homme qui a créé le programme de rénovation urbaine et a permis à près de 600 quartiers de tourner une page de leur histoire. Tout n'est pas réglé dans ces quartiers, mais la République y est à nouveau chez elle et c'est quelque chose d'essentiel.
Le fait urbain a construit nos civilisations. Il connaît aujourd'hui une accélération sans précédent puisque près de 8 français sur 10 vivent dans les villes. Il concentre aujourd'hui les contradictions de notre société, les portant souvent à leur paroxysme : les villes polarisent les capacités d'innovation et de création de richesses, les forces créatives culturelles, sociales et éducatives ; elles concentrent aussi la pauvreté, l'exclusion, parfois la violence. C'est bien le modèle urbain de développement qui est aujourd'hui en crise pour nos concitoyens, et c'est l'enjeu non seulement passionnant, mais que je crois décisif pour l'avenir de notre pays, qui doit nous mobiliser.
C'est l'économiste Laurent Davezies qui résume bien le défi auquel nous devons faire face : « la spécialisation sociale des territoires n'est pas - ou plus - une dimension de la question sociale. C'est devenu sa forme dominante ». Être Ministre de la ville, c'est s'attaquer à ces fractures territoriales, qui décrochent de plus en plus les territoires les uns des autres, compriment les mobilités, enferment les territoires riches dans la tentation de l'entre-soi. Et qui laissent souvent dans la désespérance des territoires parfois conçus au départ comme des territoires de passage, mais dans lesquels la pauvreté et l'assignation résidentielle se sont développés.
Un Ministre de la ville a une partie des solutions, car il est celui qui peut faire évoluer les dynamiques urbaines, les corriger quand elles empêchent la mixité et les amplifier lorsqu'elles favorisent la cohésion sociale. Comme Ministre de la ville mais aussi comme élue locale, je sais qu'une ville peut se transformer en quelques années si on s'en donne les moyens : ayons de l'ambition pour nos villes parce que changer la ville c'est changer la vie de nos concitoyens.
En 2003, Jean-Louis Borloo citait le quartier des Minguettes à Venissieux : 6 ans plus tard, l'arrivée du tramway améliore incroyablement l'ouverture du quartier sur son environnement et son fonctionnement. Les logements en accession sociale déjà livrés sur le quartier sont une réussite. Ils ont permis à des locataires du parc HLM de Vénissieux d'accéder à la propriété : ce sont des ménages qui sont restés sur le quartier, des ménages qui l'auraient probablement quitté sinon. Nous poursuivrons ce travail avec l'implantation d'activités économiques dont nous ferons désormais notre priorité.
Lorsque j'ai pris mes fonctions, je me suis posé cette question : qu'est ce qui est déterminant pour être un bon Ministre de la ville ? Je crois qu'il faut deux qualités essentielles, que je m'appliquerai invariablement : la détermination et l'humilité. Détermination pour obtenir des résultats concrets qui changent la vie quotidienne des français et humilité face aux responsabilités qui sont aussi les vôtres.
L'histoire est là qui nous précède et nous oblige. Faire partager la ville et son potentiel de développement à tous, tel était l'enjeu de la politique de la ville il y a plus de 30 ans, lorsqu'Hubert Dubedout rédigea le rapport fondateur, « Ensemble, refaire la ville ». Force est aujourd'hui de reconnaître que le pari reste d'actualité.
La politique de la ville a joué à contre-courant contre les évolutions lourdes en question mais elle n'est pas parvenue pas à enrayer la logique de séparation sociale à l'oeuvre tant dans les zones urbaines sensibles que dans les quartiers favorisés. Bien sûr, pour les ZUS, la politique de la ville a permis d'éviter que des situations ne s'aggravent, bien sûr, elle a permis des réussites et constitué un bouclier pour des associations et des habitants. Mais elle n'a pas endigué la logique de stigmatisation. Et la complexité de ses zonages et dispositifs s'est souvent substituée aux moyens de droit commun des politiques sociales et éducatives, qui se retiraient à mesure que les crédits spécifiques de la politique de la ville intervenaient. Enfin, à coup de réformes successives pilotées d'en haut, elle a insuffisamment associé les habitants à ses objectifs et à ses réalisations, faisant naître des dispositifs « hors sol », qui ont nourri un ressentiment, parfois une colère ou pire, une indifférence, des citoyens à l'égard de politiques publiques qui leur sont justement destinées.
« Ensemble, refaire la ville » aujourd'hui, c'est pour nous à la fois penser la ville de demain et rénover la politique de la ville pour qu'elle réponde pleinement aux défis économiques, sociaux et démocratiques des territoires les plus fragiles. Nous avons tous conscience qu'une grande part de l'avenir de notre pays, de l'avenir de notre jeunesse, se joue là, dans notre capacité collective à redonner confiance et espoir aux habitants qui subissent le plus durement la crise actuelle.
C'est tout l'enjeu de la mise en oeuvre de la loi de programmation pour la ville du 21 février 2014, adoptée avec un très large consensus, qui consacre le choix d'une politique de la ville à la fois plus claire et plus déterminée. C'est à ces conditions que nous ferons de cette politique un véritable levier pour réduire les inégalités sociales et territoriales et redonner de l'espérance.
A cette refondation, je veux donner 3 directions essentielles.
La première direction est une unité de pilotage qui restaure la capacité d'action des pouvoirs publics.
La multiplication et l'hétérogénéité des zonages ont conduit à une complexité et à un saupoudrage qui ont rendu illisible et inefficace la politique conduite. Désormais, les ZUS, ZRU, CUCS, et autres zones prioritaires seront remplacés par une référence simple et unique : les « quartiers prioritaires de la politique de la ville », qui seront les territoires cible de cette politique. Je viens d'en dévoiler la liste dans le cadre de ces journées d'échanges. C'est aujourd'hui, avec vous, que l'on passe à l'action : un intense dialogue va maintenant s'établir entre les préfets et les élus pour fixer avec précision les contours de ces territoires-cibles et s'assurer que la réalité statistique recoupe le vécu des habitants. Je m'engage à ce que cette réforme essentielle et continuellement reportée depuis 10 ans entre en application au 1er janvier 2015.
Le choix de concentrer nos efforts vers les territoires qui en ont le plus besoin est clair et assumé. La nouvelle géographie compte environ 1300 territoires-cible en métropole, définis à partir d'un critère objectif, englobant et incontestable : le revenu des habitants. On saura en septembre pour les territoires concernés outre-mer, pour qui la réforme entrera bien en vigueur au 1er janvier prochain.
Ce nouveau cadre d'intervention unique est un vrai gage d'efficacité. Il nous permettra de nous attaquer dans la durée aux inégalités qui frappent nos territoires les plus défavorisés, qu'ils soient en centre-ville, en banlieue ou en bordure de nos grandes métropoles. De nouveaux territoires entrent en politique de la ville, comme ces communes du département de l'Oise où j'étais ce matin, parce qu'ils doivent pouvoir bénéficier comme les autres de la solidarité nationale. C'est une question d'égalité républicaine et c'est la meilleure façon de démontrer que la politique de la ville s'adresse à tous les territoires objectivement en difficulté.
Cette réforme est aussi faite pour lutter contre le déterminisme urbain, qui alimente la stigmatisation. La réforme de la géographie, c'est le rajeunissement de la politique de la ville. L'objectif d'une inscription en priorité de la politique de la ville pour un territoire c'est d'en sortir un jour ; la carte de la géographie prioritaire sera désormais actualisée régulièrement ; elle sera refondée tous les six ans avant le lancement de chaque cycle de contrat de ville.
Cette réforme est mise en oeuvre dans la concertation. J'ai notamment demandé aux Préfets de m'indiquer les territoires aujourd'hui ZUS ou CUCS qui ne correspondent pas à une concentration urbaine de pauvreté et où le niveau de difficulté est objectivement moindre mais connaissent cependant des fragilités. Dans ceux là, nous déploierons une « veille active » et veillerons à maintenir notre ingénierie, la solidarité des acteurs territoriaux, la mobilisation du droit commun. Ceux qui le souhaitent pourront ainsi mobiliser les leviers d'un contrat de ville.
La deuxième direction de cette nouvelle politique de la ville est l'application transversale d'un principe d'action nouveau : la clause du territoire le plus favorisé. Cette clause me tient particulièrement à coeur. Je l'ai conçue en ayant à l'esprit les trajectoires des personnes que je rencontre, les destins de ces jeunes qui avaient tout pour réussir mais qui ont passé leur jeune âge à remonter la rivière à contre-courant des opportunités que la société peut et doit proposer. Je le dis simplement : les territoires doivent cesser d'alimenter le ressentiment qui naît de l'expérience vécue d'un fossé béant entre les possibilités offertes à deux jeunes habitants à quelques kilomètres l'un de l'autre, qui expérimentent quotidiennement cet écart, pendant les études, dans la recherche du premier logement, dans les contacts pour réaliser un stage, dans la capacité à obtenir un prêt
Cette clause du territoire le plus favorisé implique de fixer un socle minimum pour tous les territoires cible. Au minimum, nous devons assurer le même niveau de présence des services publics et de mobilisation des outils de droit commun dans les territoires les plus pauvres. Mais nous devons faire plus que cela : si nous voulons casser la spécialisation sociale des territoires, si nous voulons rendre ces quartiers attrayants et y développer la mixité sociale enfin, nous devons faire plus que de rechercher à faire des territoires cible des « quartiers ordinaires ». Il faut en faire des quartiers d'excellence.
En pratique, cette clause du territoire le plus favorisé jouera de deux façons. Dans les contrats de ville, les acteurs du territoire les élus, les préfets, les services publics - seront appelés à comparer la situation des territoires cible avec les territoires les plus favorisés de la métropole ou de l'intercommunalité, à identifier les atouts de ces territoires les plus favorisés et à entreprendre une fertilisation croisée entre les deux territoires. Dans les opérations de renouvellement urbain, je demande à l'ANRU de rechercher l'excellence, en particulier dans trois domaines : la qualité environnementale des opérations ; la ville connectée et la stimulation de l'activité économique et de l'emploi. La mobilisation du programme d'investissement d'avenir permettra de constituer des territoires d'avant-garde et des transferts de technologie dont les territoires prioritaires devront pleinement bénéficier à l'avenir.
Ma troisième direction est de faire pleinement le pari des contrats de ville, comme un outil de mobilisation de tous les efforts publics en direction des habitants des quartiers.
Le contenu des contrats de ville a vocation à être défini par les acteurs. Il ne peut pas être imposé ni décidé depuis Paris mais je tiens à ce qu'un certain nombre de sujets qui touchent directement à la vie quotidienne des habitants des quartiers soient pris en compte.
Il s'agit de donner de véritables marges de manoeuvres aux acteurs locaux, avec un cadre permettant de passer d'une logique d'expérimentation à une logique de démultiplication. Combien de fois ai-je rencontré depuis ma prise de fonction tel projet associatif remarquable, inventif, construit avec les acteurs de terrain, mais qui reste ciblé sur un territoire. Mon rôle est aussi de constituer une administration apprenante qui capitalise les innovations lorsqu'elles émergent, donnent un appui pour les évaluer et permettre le transfert de technologie. Inventer oui. Mais pour dupliquer et démultiplier.
Cette démarche sera au coeur des contrats de villes, qui devront être conclus dans toute la mesure du possible au 1er janvier 2015 et dont nous lançons la préparation sans attendre. Ces contrats doivent concrétiser pour les 6 ans à venir les engagements mutuels, les objectifs et les moyens que mettront tous les partenaires pour faire de cette politique une réussite pour les habitants de nos quartiers.
Face aux multiples difficultés que rencontrent les habitants, l'action publique ne peut plus fonctionner en tuyaux d'orgues, au risque d'aggraver le cloisonnement des publics et le non recours aux droits et aux services, phénomènes qui favorisent la peur, le repli et la désespérance dans l'action publique.
J'en suis convaincue : ces nouveaux contrats, signés à l'échelle des métropoles et des agglomérations, sont une chance pour que l'engagement de chacun produise la réussite de tous. C'est pourquoi je suis particulièrement attachée à ce qu'ils soient non seulement des contrats entre les maires, les présidents d'intercommunalités et les préfets mais qu'ils associent plus largement toutes les collectivités concernées, au premier rang desquelles les Régions et les Départements dont les compétences en matière de développement économique, de déplacements ou d'action sociale sont indispensables à la réussite de notre ambition pour les quartiers, mais aussi les grands acteurs et partenaires de ces territoires, comme les organismes consulaires, la caisse des dépôts, Pole Emploi, les missions locales, les caisses de sécurité sociale et bien sûr les bailleurs sociaux.
J'ai confiance dans cette dynamique contractuelle, après voir rencontré les réseaux d'élus locaux qui sont particulièrement mobilisés, je tiens à les remercier. J'ai confiance quand je travaille avec l'Union Sociale de l'Habitat, qui élabore une charte essentielle pour le quotidien de nombreux habitants : les bailleurs sociaux s'engagent à améliorer le service rendu aux habitants partout, et porteront plus d'attention encore aux quartiers prioritaires, qu'il s'agisse de la qualité des relations locatives, de la tranquillité, de la salubrité, de l'insonorisation des bâtiments, de l'isolation thermique, jusqu'au dépannage des ascenseurs. Je tiens à ce que la gestion urbaine de proximité ne soit pas une coquille vide. Je veux du concret, des indicateurs de satisfaction, un suivi des réclamations et que chacun prenne ses responsabilités.
Pour réussir cette mobilisation collective, je donnerai un petit nombre de priorités aux Préfets. Et la première de toutes les priorités, c'est bien sûr l'emploi et notamment l'emploi des jeunes.
Ce sujet sera au coeur de la grande conférence sociale et j'ai bon espoir que nous puissions à cette occasion poser les fondements d'une négociation sur l'emploi des jeunes, qui dépasse les postures habituelles. Le patronat doit proposer mieux qu'un sous-statut pour les jeunes. Les syndicats doivent accepter que les lignes bougent notamment dans le partage de responsabilité entre l'Etat et les partenaires sociaux en matière de formation professionnelle. Et l'Etat ne doit plus considérer que la politique de contrats aidés est par elle même suffisante et doit ouvrir le chantier d'une meilleure adéquation de notre système éducatif avec les besoins de l'économie.
Notre objectif est simple. Tous les moments passés par un jeune à faire autre chose que de se former ou d'exercer une activité professionnelle, d'accumuler des expériences, sont des moments perdus dans la course contre la montre du système éducatif. Nous devons organiser une réponse publique qui fasse la chasse à ces périodes sacrifiées.
Nous devons tout faire pour convaincre les entreprises de l'intérêt d'embaucher les jeunes d'où qu'ils viennent et quel que soit leur code postal. J'ai en tête l'exemple des clauses d'insertion : ce sont près de 20 millions d'heures d'insertion qui ont été réalisées dans 375 projets de rénovation urbaine, depuis le lancement du PNRU. Pour beaucoup de projets, le nombre d'heures effectué est supérieur au nombre d'heures prévu dans les marchés lancés. Et je l'ai constaté ce matin encore dans l'Oise, les clauses d'insertion tendent aujourd'hui à se généraliser, même en dehors de la rénovation urbaine.
Le nouveau programme national de renouvellement urbain confié par la loi à l'ANRU devra être l'occasion d'amplifier ce mouvement et doit être un outil à part entière de la politique de l'emploi dans les quartiers, pour que les 322 000 emplois induits qu'il produira profitent d'abord aux habitants de ces territoires. Nous devrons donc faire plus mais également faire mieux et je pense notamment à la question de la féminisation de ces emplois quand à peine 6% des bénéficiaires actuelles des clauses d'insertion des chantiers financés par l'agence sont des femmes.
Avec la même volonté, le gouvernement souhaite faire reculer les discriminations au travail, en particulier à l'embauche. Il y a l'outil du CV anonyme, dont les évaluations ont montré qu'il était pertinent pour faire évoluer les pratiques de recrutement, mais sans constituer un bénéfice suffisant pour justifier une généralisation systématique. C'est pourquoi nous voulons aussi avancer dans trois directions : la mise en oeuvre des préconisations du rapport Pécault Rivolier pour développer l'action collective contre les discriminations au travail, le déploiement dans 10 nouvelles villes du cabinet « Mozaik RH », spécialisé dans le recrutement de jeunes diplômés issus des quartiers populaires et enfin la création d'un fond de promotion du testing dans le cadre des contrats de ville, qui permettra d'amplifier l'action des associations et de promouvoir les pratiques vertueuses des acteurs économiques locaux.
La lutte contre les discriminations fait partie intégrante de notre politique d'égalité républicaine et de mobilisation pour l'emploi, et nous ne ménagerons pas nos efforts, avec les associations, tant les attentes sont fortes et légitimes.
Je suis également convaincue que la première clé du développement économique des territoires de la politique de la ville est la création d'entreprises. BPI France sera mobilisée, ainsi que les crédits du programme d'investissements d'avenir pour développer les écoles de l'entrepreneuriat. Un mécanisme spécifique de soutien à l'entreprise dans les quartiers : prêts à la création d'entreprises doublés, garantie des emprunts bancaires rehaussée, investissement de 15 millions d'euros dans les PME des quartiers en fonds propres Tout ça avant la rentrée.
Je signerai demain la convention entre l'Etat et la Caisse des dépôts qui nous engage en faveur du développement économique des quartiers et qui mobilisera près de 400 millions d'euros de fonds publics pour renforcer les fonds propres des entreprises s'installant dans les territoires prioritaires et investir dans des projets immobiliers à fort effet levier.
Cette convention prévoit des solutions très concrètes pour :
- Renforcer en fonds propres les entreprises qui s'installent dans les territoires-cibles et faciliter leur accès au crédit en développant les prises de participation, les subventions, les fonds de garantie et les prêts Cela représentera 50 M euros investis sur la période des prochains contrats de ville.
- Débloquer des investissements pour assurer la restructuration ou la création de centres commerciaux, la construction d'équipements, la construction de locaux tertiaires et d'activités, etc Cela représentera un effort nouveau de 250 M euros ; Financer de l'ingénierie : cela représentera un soutien de 90 M euros ;
- Valoriser des jeunes entrepreneurs modèles : un réseau des lauréats sera créé permettant l'échange, la transmission et le partage d'information et d'expérience professionnelle.
- Accompagner les collectivités qui souhaitent déployer de futurs Réseaux d'Initiative Publique en Très Haut Débit.
C'est un investissement massif, qui sera complété, par la mobilisation des fonds d'épargne en faveur du développement économique des quartiers dans des conditions que nous sommes en train de définir en lien avec Michel Sapin.
L'EPARECA et la Caisse des dépôts s'engagent ensemble dans une foncière pour développer l'activité en accompagnant les collectivités locales dans la reconquête de leurs zones commerciales et artisanales de proximité, au sein des quartiers en difficulté, afin d'apporter du confort de vie et recréer durablement du lien social.
Tout sera mis en oeuvre par ce Gouvernement, avec ses partenaires, pour gagner la bataille de l'emploi dans les quartiers, parce que c'est celle de l'avenir d'une grande partie de notre jeunesse.
J'ai souhaité qu'un deuxième sujet central des contrats de ville concerne la prise en compte des habitants les plus fragiles. Je pense en premier lieu à la mobilité sociale et professionnelle des mères isolées. C'est un sujet qui me paraît essentiel.
Je connais ces femmes, qui subissent particulièrement l'enclavement des territoires et éduquent leurs enfants coincées entre toutes les contraintes : contraintes des fins de mois qui ne bouclent pas, des solutions éducatives qui se dérobent, des doubles journées de travail, dans le tiraillement entre la volonté, pour être une bonne mère, d'assurer un revenu décent au ménage et d'être présente dans l'éducation des enfants. Les mères isolées sont plus nombreuses dans les quartiers et elles y souffrent davantage de la pauvreté et de l'enfermement social. Elles peinent plus souvent à mettre bout à bout les miettes de travail qu'elles n'ont d'autre choix que d'accepter. Ces mères isolées doivent être au centre de toutes nos attentions, car elles sont le ferment de la cohésion sociale des quartiers, autant que le reflet de leurs fragilités. Elles doivent être une préoccupation transversale de l'organisation même de nos services publics : petite enfance, éducation, emploi, accompagnement social, santé, mobilité....
Je souhaite à cet égard que les territoires cibles de la politique de la ville reprennent la réflexion sur les bureaux des temps, tels qu'ils ont été développés dans plusieurs villes, pour permettre aux acteurs locaux de mettre à plat le rythme de vie de ces femmes et d'en tirer toutes les conséquences dans l'organisation des services publics.
Plus largement, cette priorité aux habitants les plus fragiles, devra inclure une stratégie de lutte contre le non recours aux droits et aux services, la question de la lutte contre toutes les formes de discrimination, l'égalité entre les femmes et les hommes, les rapports entre habitants et institutions, notamment la police et la justice.
La solidarité entre les générations doit être une priorité transversale des contrats de ville, dans le cadre de la mobilisation nationale contre l'isolement des personnes âgées. Je suis prête à mobiliser le service civique spécifiquement pour cela, en développant notamment les formules de cohabitation intergénérationnelle.
Enfin, mon dernier objectif, inséparable des premiers, est de construire l'action publique avec les habitants.
La ville est d'abord un endroit pour se rencontrer. C'est le premier service qu'elle doit rendre aux habitants. Pour cela, elle doit être dense et irriguée par un réseau performant de transports. Elle doit aujourd'hui être connectée aux réseaux informatiques les plus puissants. L'enclavement que nous combattons au travers du renouvellement urbain, c'est la négation de la ville.
Mais la ville doit aussi être un lieu d'épanouissement. Ce sont les usages, les besoins des habitants qui doivent guider le concepteur de la ville comme son gestionnaire quotidien. Par exemple, la densité n'est pas un problème en soi, la promiscuité, si. La résidentialisation que vous mettez en oeuvre dans les quartiers en renouvellement urbain n'a pas d'autre objectif que d'aider chaque habitant à se sentir vraiment « chez lui ».
C'est pour que chaque habitant ait pleinement sa place en ville, pour que toutes les générations, tous les milieux sociaux, toutes les origines puissent vivre ensemble que je veux permettre aux habitants d'être pleinement acteurs des projets de renouvellement urbain : c'est non seulement une condition de leur réussite, mais c'est aussi un impératif social et démocratique.
Depuis trop longtemps, l'intervention publique en direction des citoyens les plus fragiles s'est construite à partir de dispositifs pensés pour eux, non avec eux. Nelson Mandela le disait très bien : « ce qui se fait sans moi se fait contre moi ». J'en suis convaincue : seules des politiques publiques construites avec les citoyens auront l'efficacité requise, mais elles constituent aussi la meilleure voie pour recréer une dynamique de confiance entre les habitants, les corps intermédiaires des territoires et les institutions. Nous devons associer les habitants pour eux-mêmes, mais aussi pour porter l'exigence de services publics et d'associations qui soient au service des réalités vécues, non des besoins supposés.
L'objectif est bien de donner le choix aux habitants de nos quartiers, de donner envie de rester à ceux qui sont là, de donner envie à d'autres de venir, de donner confiance dans l'avenir et la possibilité à chacun d'aller de l'avant.
Demain, la mise en place de « conseils citoyens » dans l'ensemble des quartiers prioritaires permettra de garantir les conditions nécessaires de la mobilisation citoyenne, en favorisant l'expertise partagée, en garantissant la place des habitants dans toutes les instances de pilotage, en créant un espace de propositions et d'initiative à partir des besoins des habitants.
Demain, des maisons du projet dans chaque opération de renouvellement urbain permettront de faire vivre ces principes au quotidien, d'apporter l'expertise citoyenne dans l'élaboration, le pilotage et le suivi des projets urbains, de proposer un lieu permanent d'échange et de rencontre pour enrichir durablement un projet pleinement partagé entre habitants, associations et institutions.
Demain, la gestion urbaine de proximité sera développée avec les habitants parce qu'au-delà des projets, il y a le quotidien. La ville doit être gérée, régulée pour que cette notion qui nous est chère de « vivre ensemble » s'y exprime. Multiplier les initiatives participatives qui y concourent, c'est l'objectif de la bourse d'expérimentations que je lancerai dans les prochains jours avec le CGET.
Mesdames et Messieurs,
Vous l'avez compris, je suis venu pour vous présenter un véritable changement de perspective. Nous sommes aussi aujourd'hui aux JERU, pour dessiner le nouveau programme national de renouvellement urbain, qui doit être le symbole de cette évolution, plus qu'un symbole, la concrétisation d'une nouvelle exigence.
Ce sera un véritable défi collectif de réussir la parfaite inscription de ces projets au sein des contrats de ville. J'y serai particulièrement attentive et veillerai à ce que ces contrats décrivent de façon précise les objectifs des opérations de renouvellement urbain qu'ils prévoiront.
J'ai saisi aujourd'hui le Président du Conseil d'administration de l'ANRU pour lui demander de me proposer, parmi les 1300 quartiers prioritaires, la liste des quelque 200 quartiers coeur de cible de métropole et d'outre-mer qui souffrent des dysfonctionnements urbains les plus importants et qui concentreront l'essentiel de l'enveloppe des 5 milliards d'euros de subvention que l'ANRU pourra utiliser pour faire de ces territoires d'exception d'aujourd'hui les territoires exceptionnels de demain.
Le reste dont je souhaite qu'il représente un cinquième de l'enveloppe, c'est à dire près d'un milliard d'euros- sera déconcentré pour aider des projets d'intérêt local dans les autres quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui pourront être repérés dans le cadre des échanges avec les Régions, les Départements et les Agglomérations. Ces crédits ont vocation à être intégré dans le volet territorial des contrats de plan Etat-Régions.
En matière de renouvellement urbain, il faut construire des projets globaux alliant l'urbain et l'humain, qui devront non seulement contribuer à la requalification de l'habitat, à la restructuration urbaine, mais aussi au développement des fonctions sociales et économiques des quartiers en prenant en compte la mobilité des habitants, les parcours locatifs et les ambitions de la politique de transition écologique et énergétique.
C'est grâce au projet de renouvellement urbain que le Pôle Educatif Molière aux Mureaux pourra ouvrir en septembre prochain : situé aux coeur du quartier et en face d'un parc urbain, cet équipement à énergie positive regroupe une crèche une école maternelle et un groupe scolaire ; il prévoit également des espaces de sport et de loisir (ludothèque, restaurant, salle d'exposition), café des parents et centre de ressources, en faisant un espace d'accueil pour les habitants ouvert 7 jours sur 7.
Ce défi que nous devons relever, parce qu'il n'y a pas d'autre choix pour réussir, nous conduit aussi à une approche nouvelle de la ville au sens large.
Celle-ci doit intégrer pleinement l'impératif environnemental. C'est d'abord une question de santé et de bien être ; c'est aussi une question de transition énergétique, un enjeu de long terme. Il concerne chaque immeuble, chaque objet urbain, mais aussi toutes les interactions des différentes composantes : la ville est un système complexe, un organisme vivant au métabolisme délicat.
Ainsi, on cherche à construire des immeubles à forte performance énergétique. C'est important pour l'environnement, mais aussi pour la bourse des ménages. C'est bien sûr une question technologique qui nécessite de l'innovation.
Mais c'est bien plus. Tous ceux qui ont développé des immeubles à haute performance savent que le comportement des occupants est la clé de cette performance. Cela suppose des outils de suivi et de pilotage en temps réel, des systèmes informatiques très sophistiqués. Cela suppose surtout que les habitants se soient complètement approprié le projet de gestion de l'immeuble.
Nous savons que les regards d'experts sectoriels friands de solutions parfaites ne fonctionnent pas. La ville ne peut pas être une île d'Utopie, nous devons prendre le temps de faire émerger et d'adapter des modèles. C'est l'enjeu du programme d'investissement d'avenir dont l'ANRU est l'opérateur et doté de 85 millions d'euros. Ce programme ciblera des moyens significatifs sur une quinzaine de projets de développement intégrés et exemplaires en matière de transition écologique et énergétique. Nous en tirerons parallèlement tous les enseignements dans les opérations de renouvellement urbain.
L'autre enjeu pour l'avenir, c'est notre capacité à inventer, au travers du renouvellement urbain, une autre façon d'aborder la ville, de penser la ville de demain, une autre façon de la construire et de la faire vivre.
C'est partout pareil : tout part des habitants, de leurs besoins, de leur adhésion au projet.
Car la ville ce sont des projets, des histoires collectives à écrire.
Elles doivent prendre la forme de projets qui ne réussiront que si tous s'en emparent, à commencer par les habitants. Il faut de l'ambition !
La ville de demain, c'est une alchimie de savoir-faire multiples qui se sont trop souvent simplement côtoyés en s'ignorant et qui ont trop souvent oublié que tout doit partir des habitants.
Je refuse qu'il y ait d'un côté les acteurs de la politique de la ville et de l'autre les promoteurs de la ville durable. D'un côté les territoires qui vont mal et de l'autre les vitrines.
Le renouvellement urbain réalise justement cette synthèse, cette ambition n'est pas hors de portée : elle est d'abord une question de volonté politique, ensuite une question de moyens : j'ai les deux.
C'est une formidable occasion d'inventer un modèle qui va réussir. Il faut croiser des compétences de tous horizons, planifier un peu, agir beaucoup, innover sans cesse. Mon ambition pour le NPNRU est que nous en profitions pour montrer ce chemin.
Au moment de conclure, je vous redis ma conviction : un Ministre de la ville n'est pas seulement un Ministre des quartiers. Un bon ministre de la ville sera celui ou celle qui donnera l'impulsion à partir du renouvellement urbain des quartiers d'une nouvelle façon de faire la ville. Mon objectif est de permettre à toutes les parties du territoire national de disposer du même niveau de qualité urbaine que celui qui existe dans la ville la plus favorisée. Ne cherchons pas à ramener les zones les plus en difficulté à la moyenne. Dès lors que l'organisation de la ville est en jeu, nous devons viser l'excellence.
C'est très concrètement le cahier des charges que j'ai donné à l'agence nationale pour la Rénovation Urbaine pour le NPNRU. Celui-ci ne sera pas l'alibi que constitueraient des réhabilitations légères dont le résultat s'effacerait un an, deux ou trois ans plus tard. Ce ne sera pas non plus l' "urbanisme du pauvre" où l'on rénoverait superficiellement des cités sans considérer que tous les habitants ont droit à un cadre de vie de qualité. Ce ne sera pas non plus des opérations conçues comme des "remèdes miracles".
Ce qui se joue aujourd'hui, en faisant de la rénovation urbaine le levier d'une conception renouvelée de la ville, ce n'est rien moins que notre capacité à relever les défis auxquels le fait urbain est confronté, donc une large part de notre société. Nous devons désenclaver les quartiers. Mais nous devons aussi désenclaver les esprits, en faisant tomber une à une toutes les digues qui nous empêchent de voir certaines parties de notre territoire comme des éléments vivants de ce grand corps plein de vie, de projet et d'avenir, qu'est notre Nation.
Je sais pouvoir compter sur votre mobilisation. Vous pouvez compter sur la mienne.
Source http://i.ville.gouv.fr, le 25 juin 2014