Interview de M. François Cuvillier, secrétaire d'Etat aux transports, à la mer et à la pêche, à France Inter le 7 juillet 2014, sur les conclusions des experts à propos de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge (Essonne) et la situation de la SNCM au 14e jour de grève.

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Média : France Inter

Texte intégral

ILANA MORYOUSSEF
Frédéric CUVILLIER, bonjour.
MONSIEUR LE SECRETAIRE D'ETAT FREDERIC CUVILLIER
Bonjour.
ILANA MORYOUSSEF
Il y a un an, le déraillement du train Paris-Limoges faisait sept morts et trente deux blessés. Dans le rapport qui va être rendu public aujourd'hui, les experts judiciaires pointent un état de délabrement jamais vu et ils signalent d'autres cas tout aussi alarmants en Ile-de-France. Comment réagissez-vous aux conclusions de ce rapport ?
FREDERIC CUVILLIER
C'est un rapport qui est une des pièces très nombreuses versées à l'instruction, qui semble aller dans le sens des conclusions du Bureau d'Enquêtes Accidents que j'avais diligenté et qui a rendu des pré-conclusions le 10 janvier dernier. Le procureur de la République va s'exprimer dans quelques heures, donc il faut à la fois être prudent mais ne pas méconnaître la réalité qui a été assumé par RFF et SNCF dès les premières heures après ce dramatique accident. Depuis, un certain nombre d'actions ont été menées et même avant puisque j'avais lancé un grand plan de modernisation du réseau, compte tenu du retard accumulé dans l'investissement depuis des années, notamment un plan après l'accident de Brétigny, Vigirail, qui a amené à vérifier l'ensemble du réseau, cinq mille aiguillages, cent mille éclisses. Ce plan Vigirail amène à ce que l'ensemble du réseau qui est concerné ait été vérifié, inspecté. Je n'ai donc pas d'autres informations complémentaires et supplémentaires.
ILANA MORYOUSSEF
Mais en tant que responsable politique, ça ne vous inquiète pas plus que ça ?
FREDERIC CUVILLIER
Je vous ai indiqué que non seulement la situation était extrêmement dégradée. Nous avons lancé avec RFF et SNCF le grand plan de modernisation de deux milliards cinq pour remettre à niveau. Vous savez, le réseau ferré a été aussi victime de choix qui ont été ceux d'une période où le tout-TGV l'emportait et où le réseau classique a été mis de côté et a insuffisamment fait l'objet de modernisation et d'entretien. Aujourd'hui, la SNCF et RFF auront à répondre, et ils assument toute responsabilité, à répondre à une procédure qui est engagée et une instruction qui est en cours.
ILANA MORYOUSSEF
Le temps judiciaire est long, on le sait. Ni le président de la SNCF ni celui de Réseau Ferré de France n'ont été entendus par la justice jusqu'à présent. Est-ce qu'avec de telles défaillances ils peuvent rester à leur poste ? ou est-ce que vous continuez de les soutenir ?
FREDERIC CUVILLIER
La question ne se pose pas ainsi. Vous-même dans votre question soulignez le fait qu'ils n'ont pas été entendus, donc laissons le temps de la justice et laissons la procédure se tenir à son rythme, mais avec une certitude : c'est que ce que nous n'oublions pas, c'est la solidarité que nous devons aux victimes et à leurs familles, et c'est pour moi le plus important à quelques jours de ce triste anniversaire.
ILANA MORYOUSSEF
Frédéric CUVILLIER, la SNCM en est à son quatorzième jour de grève. Lorsque vous évoquez un redressement judiciaire, le représentant CGT des marins ne mâche pas ses mots. Il vous traite de menteur, de liquidateur, il vous compare à Jérôme CAHUZAC et il dit qu'il ne veut plus avoir affaire à vous. Est-ce que c'est un langage acceptable ?
FREDERIC CUVILLIER
Ecoutez, je crois qu'aucune invective ne peut faire disparaître la réalité, qu'elle soit économique, juridique ou humaine de cette société. Dire la vérité, ce n'est pas tromper les milliers de personnes qui travaillent à la SNCM sur la situation de la SNCM. Le langage de vérité, c'est celui qui dit tout simplement ce qu'est la situation de la SNCM et quels sont les moyens pour l'en sortir. C'est une société qui perd de l'argent, c'est une société qui est endetté, c'est une société qui est sous le coup de condamnations très lourdes de la part de la Commission européenne, de la période 2007 de la privatisation par le gouvernement Villepin - près de quatre cent quarante millions d'euros peuvent être réclamés à la société - sans compter l'interminable blocage entre l'actionnaire et la direction qui a été extrêmement préjudiciable à la société. Comment sauver la société ?
ILANA MORYOUSSEF
Oui mais alors, vous saviez déjà en janvier qu'il y avait quatre cent quarante millions d'euros de subventions indûment versées à rembourser et à cette époque, vous étiez d'accord avec l'idée de racheter de nouveaux bateaux, et cætera. Maintenant, vous expliquez que ça n'est pas possible. Entre temps, les élections municipales sont passées, Marseille est restée à droite. Est-ce qu'il n'y a pas une forme de fourberie du gouvernement vis-à-vis des syndicats ?
FREDERIC CUVILLIER
Le renouvellement de la flotte est indispensable, je le confirme et le réaffirme. Simplement, comment voulez-vous payer des bateaux et faire payer à une société qui n'en a pas les moyens des bateaux ?
ILANA MORYOUSSEF
Mais vous le saviez à l'époque.
FREDERIC CUVILLIER
Précisément, j'avais pris l'engagement qui a été tenu d'expertiser toutes les pistes de financement du renouvellement de flotte qui est indispensable et nous avions demandé à la Caisse des dépôts et à la BPI une expertise de toutes les voies permettant le renouvellement et le financement de la flotte. Cette étude a été rendue et aujourd'hui, ce que nous proposons, c'est de mettre en place des sociétés : une société d'investissement qui pourrait être le portage de renouvellement de flotte. Mais une fois encore, dire que la SNCM qui est exsangue pourrait financer sa flotte est un mensonge ? Je ne serai pas dans cette attitude qui serait finalement méconnaître la réalité. Il faut qu'il y ait une stratégie industrielle et il faut sauver l'emploi, il faut sauver le pavillon français mais pour ça, il faut avoir le sens de responsabilité. Et ce sens de responsabilité, le gouvernement l'a, l'assume. Le gouvernement est actionnaire à vingt cinq pourcents, actionnaire minoritaire dans cette société. Je vois simplement qu'il est pris pour cible par un certain nombre. Nous assurerons nos responsabilités mais nous souhaitons que soit reconnu tout ce qui est engagé pour sauver cette société.
ILANA MORYOUSSEF
Merci Frédéric CUVILLIER. Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 juillet 2014