Texte intégral
MARC FAUVELLE
Une heure de discours hier à Bercy pour présenter votre feuille de route pour le redressement économique, la promesse de redistribuer 6 milliards d'euros aux Français en vous attaquant au monopole des professions réglementées, mais aussi des coups de griffe, assez nets, à la politique d'austérité, et donc à la politique de François HOLLANDE. Qui parlait, hier à Bercy, le ministre, le futur candidat ou un porte-parole des frondeurs ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je ne peux pas accorder moins de crédit à ce que vous venez de dire. Nous sommes dans un gouvernement, nous menons une politique cohérente, les coups de griffe étaient pour l'Union européenne, et l'ensemble des dirigeants européens, puisque le problème ce sont les résultats catastrophiques en termes de croissance dans toute l'Europe : Pays-Bas -1,4, Finlande -0,4, Portugal -0,7, Italie -0,1, France 0, Belgique +0,3, Espagne +0,3, et même si l'Allemagne, qui est un des seuls pays à afficher à +0,8, dès le mois de mai on est retombé à -1,8 sur la production industrielle, donc on n'y arrive pas, ça ne marche pas, et je ne suis pas chargé de la dissimulation des mauvais résultats, je suis chargé de trouver des solutions pour remettre en marche l'économie, française.
MARC FAUVELLE
Donc frondeur anti-Bruxelles.
ARNAUD MONTEBOURG
D'abord je récuse le terme frondeur.
MARC FAUVELLE
Pourquoi ?
ARNAUD MONTEBOURG
Parce que, nous sommes dans une situation si difficile, que le débat doit s'ouvrir, d'ailleurs c'est la mission que j'ai reçue du Premier ministre, qui m'a dit « il faut ouvrir le débat avec l'Union européenne, avec les dirigeants européens », et avec nous-mêmes d'ailleurs, car nous sommes nous ne sommes pas dans une école avec des bons et des mauvais élèves. Je veux d'abord dire ça. Certainement pas l'école de l'Union européenne, parce que quand on regarde les performances depuis la crise qui a commencé il y a 6 ans après la chute de la banque LEHMAN BROTHERS, on peut quand même regarder, en 2009 les Etats-Unis et la zone euro avaient 10 % de chômeurs. Qu'est-ce qui s'est passé aux Etats-Unis depuis, 6 ans après ? 6 % de chômeurs. Qu'est-ce qui s'est passé en Europe, zone euro ? 11,7. Félicitations ! Donc, l'Union européenne a un bilan calamiteux, c'est la lanterne rouge mondiale de la croissance, et il faudrait qu'on dise « ah ben, il faut continuer comme avant. » Non. Il y a un problème.
MARC FAUVELLE
Sauf, sauf, Arnaud MONTEBOURG, que le discours que vous portez, les chiffres que vous portez, ne sont pas ceux du gouvernement. Quand vous demandez, par exemple, 18 milliards de baisses d'impôt pour les ménages, ce n'est pas le chiffre, aujourd'hui, de Bercy, ni de Matignon, ni de l'Elysée, c'est 5 milliards, et les frondeurs qui en demandaient plus
ARNAUD MONTEBOURG
D'abord, Monsieur FAUVELLE, je suis membre du gouvernement.
MARC FAUVELLE
Oui.
ARNAUD MONTEBOURG
Vous dites ce n'est pas le chiffre du gouvernement, je suis membre du gouvernement
MARC FAUVELLE
Donc c'est vous, le bon chiffre c'est 18 milliards ?
ARNAUD MONTEBOURG
Mais je ne suis pas en train d'abord je n'ai pas prononcé ces chiffres, donc je ne sais pas où vous les trouvez.
MARC FAUVELLE
Vous avez dit « il faut qu'un tiers des 50 milliards soit dans les baisses d'impôt des ménages, ça fait 18 milliards. »
ARNAUD MONTEBOURG
J'ai expliqué qu'il fallait amplifier une politique déjà menée par le Premier ministre.
MARC FAUVELLE
Avec l'accord de Manuel VALLS ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je vous dis qu'il est nécessaire, maintenant, de regarder la situation en face. Nous sommes dans une situation de quasi déflation, où nous sommes à 0,5 d'inflation, c'est-à-dire qu'en ce moment nous risquons le dérapage mortel dans toute la zone euro. Donc maintenant il faut se réveiller, et il faut un peu bouger tout le monde. Donc, il est normal que le ministre de l'Economie, qui est en charge, qui n'est pas le prince Potemkine, vous savez, c'était le conseiller de Catherine II de Russie, qui déployait des décors sur le passage de la tsarine, pour dissimuler la misère, ce n'est pas comme ça que ça marche.
MARC FAUVELLE
Donc c'est la ligne du gouvernement, ce n'est pas uniquement la ligne MONTEBOURG, c'est ce que vous me dites ce matin ?
ARNAUD MONTEBOURG
La ligne du gouvernement c'est, et c'est ce qu'a fait le Premier ministre dans le projet de loi de Finances rectificative, c'est d'octroyer du pouvoir d'achat aux ménages pour stimuler l'activité. Qu'est-ce qu'a annoncé le Premier ministre à la Conférence sociale ? « Il faut continuer. » Qu'est-ce que le ministre
MARC FAUVELLE
Mais pas avec les chiffres qui sont les vôtres, la proportion n'est pas du tout la même.
ARNAUD MONTEBOURG
D'accord, mais je n'ai pas prononcé de chiffre, j'ai dit qu'il y a un problème, et qu'il faut pousser
MARC FAUVELLE
Un tiers des 50 milliards d'euros d'économies doit aller aux baisses d'impôt, ça fait 18 milliards d'euros.
ARNAUD MONTEBOURG
D'accord, eh bien c'est très bien, c'est ce qu'il nous faut, c'est ma proposition, et nous menons un débat
MARC FAUVELLE
Et si elle n'est pas retenue, qu'est-ce qui se passe, Arnaud MONTEBOURG ?
ARNAUD MONTEBOURG
Un débat vis-à-vis des dirigeants européens.
MARC FAUVELLE
Si elle n'est pas retenue votre proposition, qu'est-ce qui se passera ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, d'abord nous ouvrons le débat parce que nous ne pouvons pas aujourd'hui nous contenter de peindre la vie en rose, premièrement. Deuxièmement, je crois que nous avons un problème de demande. Nous faisons un très gros travail sur l'offre des entreprises. J'ai célébré hier tout le travail sur la reconstruction de la compétitivité de nos entreprises, c'est d'ailleurs pour moi une forme de patriotisme économique, parce que, et les syndicats, et le patronat, d'ailleurs qui étaient présents tous les deux, y compris Force Ouvrière et Jean-Claude MAILLY
MARC FAUVELLE
Avec Jean-Claude MAILLY au premier rang, qui vient pourtant de boycotter la deuxième journée de la Conférence sociale. C'est vous qui l'aviez invité ?
ARNAUD MONTEBOURG
J'ai invité tout le monde, tous ceux qui étaient là, mais il y avait Serge DASSAULT aussi, et il y avait le MEDEF, d'ailleurs il y avait des députés qualifiés
MARC FAUVELLE
Vous, vous êtes capable de parler avec tout le monde.
ARNAUD MONTEBOURG
Il y avait des députés qualifiés de frondeurs, et il y avait les présidents des commissions qui ne le sont pas. Donc, notre travail est de rassembler les Français autour d'orientations politiques, de construire des projets qui nous permettent de bâtir un avenir et une meilleure prospérité aux Français, ça c'est mon boulot, si vous me passez l'expression.
MARC FAUVELLE
Si le projet que vous défendez aujourd'hui n'est pas suivi d'effet au gouvernement, s'il n'est pas repris, qu'est-ce que vous ferez Arnaud MONTEBOURG, vous resterez ou pas ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, d'abord, encore une fois, je ne me situe pas dans cette perspective, pour une raison simple c'est que, comme l'a écrit d'ailleurs le Premier ministre hier soir, en réaction à cette feuille de route exprimée par mes soins, il a dit « tout cela est dans la cohérence de la politique gouvernementale. » Nous allons donc
MARC FAUVELLE
Vous n'avez plus envie de quitter le gouvernement.
ARNAUD MONTEBOURG
Nous allons ouvrir, finalement, le choix politique, qui est devant vous, qui est le projet de loi de Finances pour 2015, mais on ne peut pas rester dans le statu quo. Voilà mon message. Et c'est un message qui est important parce qu'il est partagé par monsieur RENZI, président du Conseil italien, il est partagé par monsieur GABRIEL, le vice-chancelier, mon homologue et ami, ministre de l'Economie allemande, il est partagé par l'OCDE, par le FMI, par le président OBAMA. Le monde entier nous dit « que fait l'Europe ? », « vous êtes en train d'organiser en quelque sorte, vous êtes en train de rater la sortie de crise, nous on est déjà sorti » - est-ce que vous savez qu'aux Etats-Unis ils sont à 3 % de croissance, 6 % de chômeurs ? Pourtant la crise elle vient des Etats-Unis, elle n'est pas venue d'Europe.
MARC FAUVELLE
Donc la question de votre présence au gouvernement, Arnaud MONTEBOURG, ne se pose pas ou plus, ou votre départ du gouvernement, ne se pose plus ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je ne comprends pas vos questions, excusez-moi, qui sont un peu
MARC FAUVELLE
Il y a une ligne aujourd'hui, qui est la ligne Arnaud MONTEBOURG, il y a une autre ligne, en tout cas des chiffres qui sont différents, au gouvernement, si les deux feuilles ne se superposent pas, est-ce que vous restez ?
ARNAUD MONTEBOURG
Monsieur FAUVELLE, ça vous passionne, c'est votre truc, excusez-moi
MARC FAUVELLE
Il y a deux lignes, c'est de la politique, c'est intéressant, c'est de l'économie, il y a deux lignes.
ARNAUD MONTEBOURG
C'est totalement anecdotique votre histoire, excusez-moi.
MARC FAUVELLE
Savoir quelle va être la ligne économique de la France dans les années qui viennent ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien on la construit, ensemble, et on la débat. Et, d'ailleurs, vous cherchez toujours à nous opposer, vous vous épuisez là-dedans, d'ailleurs vous épuisez vos auditeurs, et les gens, moi je rassemble, je rassemble tout le monde, et j'apporte des propositions. On verra bien, il faut en discuter. D'ailleurs, je crois que la situation dans laquelle nous sommes, ne nous permet pas, j'allais dire de dégrader ce type de débat et de le ramener à des enjeux politiciens, il est plutôt un débat grave et solennel, que j'essaie de mener. D'ailleurs, si je propose que, avec d'ailleurs l'appui du gouvernement tout entier, du Premier ministre, qui m'a demandé de le faire, comme il m'a demandé d'ouvrir le débat, si je propose que nous nous attaquions aux professions réglementées, pourquoi ? C'est pour les Français qui, aujourd'hui, payent trop chers un certain nombre de services, donc se font prélever trop de pouvoir d'achat, et qui en ont besoin. Les classes moyennes, les classes populaires
MARC FAUVELLE
Et vous dites ça va faire économiser 6 milliards d'euros aux Français, d'où vient le chiffre, simplement ?
ARNAUD MONTEBOURG
C'est une évaluation des services du Trésor, de l'Inspection des finances, qui a fait
MARC FAUVELLE
Le fameux rapport qui n'est jamais sorti ?
ARNAUD MONTEBOURG
Oui
MARC FAUVELLE
Vous allez le publier ou pas ?
ARNAUD MONTEBOURG
Oui, nous allons le publier, pour que l'ensemble des choses soient sur la table. C'est une étude qui montre, par exemple sur les professions juridiques, les huissiers, les avocats, etc., tout un tas de professions, cela correspond à 1,8 milliard de pouvoir d'achat qu'il serait possible de restituer aux Français. Par exemple, prenons l'exemple de l'huissier de justice, c'est intéressant. Vous faites un procès, vous êtes obligé d'utiliser un huissier de justice, ça s'appelle un monopole, il n'y a pas de concurrent, c'est obligatoire, vous avez l'obligation de passer par le huissier, vous payez, pour signifier un jugement, 80 euros, c'est juste un acte de transmission à une personne, c'est comme une lettre recommandée, mais avec un employé, un clerc de huissier de justice, et quand vous déclenchez le procès vous faites la même chose, 40 euros. Dans d'autres pays européens ce sont des lettres recommandées à 5 euros. Donc, la différence c'est la facture que paye le justiciable, et il y a des millions de Français qui utilisent la justice, ils sont obligés, ce n'est pas toujours des bonnes nouvelles pour eux, et je dois vous dire que, quand l'addition est salée, quand vous accumulez les professionnels le monopole des avocats aussi. Quand vous avez un procès à Thionville, vous habitez Nantes, vous êtes obligé de prendre un avocat de Thionville, en plus de l'avocat de Nantes, la facture est double. Pourquoi ? Qu'est-ce qui le justifie ?
MARC FAUVELLE
Ça s'appelle comment, Arnaud MONTEBOURG, c'est de la déréglementation ?
ARNAUD MONTEBOURG
Non.
MARC FAUVELLE
C'est-à-dire exactement ce que nous demande des années Bruxelles, qui nous dit « il faut casser ces monopoles. »
ARNAUD MONTEBOURG
Ce n'est pas de la déréglementation.
MARC FAUVELLE
C'est ce que dit Bruxelles.
ARNAUD MONTEBOURG
Non
MARC FAUVELLE
Il faut casser les monopoles en France.
ARNAUD MONTEBOURG
Les monopoles, quand ils sont, finalement, une capture de pouvoir d'achat injustifiée, parce que qu'est-ce qui justifie qu'un service soit 20, 30 ou 40 fois plus cher ? Rien, donc il faut travailler sur le prix normal du service, et je crois que les professionnels sont capables d'entendre ça, d'ailleurs ils nous le disent, ils disent « on va discuter. » Donc, on va discuter avec les professionnels, il ne s'agit pas d'abord il s'agit de ne désigner personne, à la vindicte de je ne sais quelle revanche, non.
MARC FAUVELLE
Vous n'avez pas parlé des taxis, à ma connaissance, hier, par exemple
ARNAUD MONTEBOURG
Il y a une proposition de loi qui est en cours de discussion.
MARC FAUVELLE
Mais qui dit un peu le contraire de ce que vous dites, c'est-à-dire qu'elle conforte, par exemple, le fait que les taxis sont les seuls à pouvoir prendre des clients dans la rue, à la volée j'allais dire
ARNAUD MONTEBOURG
Ça démontre une chose, c'est que nous sommes pragmatiques, c'est-à-dire que nous allons discuter avec les professionnels, et nous allons travailler à des solutions qui améliorent le pouvoir d'achat des Français et qui permettent aux Français d'obtenir, pour des services qui sont finalement assez banals, un prix raisonnable. Donc c'est du pouvoir d'achat pour eux. Et, je dois vous dire qu'en ce moment, ils en manquent, ils en ont besoin. Et d'ailleurs c'est ce que nous disent aussi les chefs d'entreprise, qui nous disent « nous on a un problème de demande parce que, dans toute l'Europe, l'économie est à plat. »
MARC FAUVELLE
Les huissiers qu'on a pu entendre, par exemple depuis hier, disent « attention, si on nous enlève notre monopole, on va gagner moins d'argent et on va donc licencier. » Est-ce que c'est mauvais pour l'emploi, aussi, de casser certains monopoles ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, on va en discuter, je ne suis pas certain que ce soit là une menace forcément réaliste, donc nous pouvons en discuter. D'ailleurs, avec la garde des Sceaux, et avec l'ensemble de mes collègues du gouvernement, nous affrontons cette difficulté, parce qu'on ne peut pas faire comme si, il n'y avait pas de problème, et je crois que les professionnels eux-mêmes le savent, et je les remercie de leur participation à la discussion avec le gouvernement, que nous allons engager maintenant.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 juillet 2014
Une heure de discours hier à Bercy pour présenter votre feuille de route pour le redressement économique, la promesse de redistribuer 6 milliards d'euros aux Français en vous attaquant au monopole des professions réglementées, mais aussi des coups de griffe, assez nets, à la politique d'austérité, et donc à la politique de François HOLLANDE. Qui parlait, hier à Bercy, le ministre, le futur candidat ou un porte-parole des frondeurs ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je ne peux pas accorder moins de crédit à ce que vous venez de dire. Nous sommes dans un gouvernement, nous menons une politique cohérente, les coups de griffe étaient pour l'Union européenne, et l'ensemble des dirigeants européens, puisque le problème ce sont les résultats catastrophiques en termes de croissance dans toute l'Europe : Pays-Bas -1,4, Finlande -0,4, Portugal -0,7, Italie -0,1, France 0, Belgique +0,3, Espagne +0,3, et même si l'Allemagne, qui est un des seuls pays à afficher à +0,8, dès le mois de mai on est retombé à -1,8 sur la production industrielle, donc on n'y arrive pas, ça ne marche pas, et je ne suis pas chargé de la dissimulation des mauvais résultats, je suis chargé de trouver des solutions pour remettre en marche l'économie, française.
MARC FAUVELLE
Donc frondeur anti-Bruxelles.
ARNAUD MONTEBOURG
D'abord je récuse le terme frondeur.
MARC FAUVELLE
Pourquoi ?
ARNAUD MONTEBOURG
Parce que, nous sommes dans une situation si difficile, que le débat doit s'ouvrir, d'ailleurs c'est la mission que j'ai reçue du Premier ministre, qui m'a dit « il faut ouvrir le débat avec l'Union européenne, avec les dirigeants européens », et avec nous-mêmes d'ailleurs, car nous sommes nous ne sommes pas dans une école avec des bons et des mauvais élèves. Je veux d'abord dire ça. Certainement pas l'école de l'Union européenne, parce que quand on regarde les performances depuis la crise qui a commencé il y a 6 ans après la chute de la banque LEHMAN BROTHERS, on peut quand même regarder, en 2009 les Etats-Unis et la zone euro avaient 10 % de chômeurs. Qu'est-ce qui s'est passé aux Etats-Unis depuis, 6 ans après ? 6 % de chômeurs. Qu'est-ce qui s'est passé en Europe, zone euro ? 11,7. Félicitations ! Donc, l'Union européenne a un bilan calamiteux, c'est la lanterne rouge mondiale de la croissance, et il faudrait qu'on dise « ah ben, il faut continuer comme avant. » Non. Il y a un problème.
MARC FAUVELLE
Sauf, sauf, Arnaud MONTEBOURG, que le discours que vous portez, les chiffres que vous portez, ne sont pas ceux du gouvernement. Quand vous demandez, par exemple, 18 milliards de baisses d'impôt pour les ménages, ce n'est pas le chiffre, aujourd'hui, de Bercy, ni de Matignon, ni de l'Elysée, c'est 5 milliards, et les frondeurs qui en demandaient plus
ARNAUD MONTEBOURG
D'abord, Monsieur FAUVELLE, je suis membre du gouvernement.
MARC FAUVELLE
Oui.
ARNAUD MONTEBOURG
Vous dites ce n'est pas le chiffre du gouvernement, je suis membre du gouvernement
MARC FAUVELLE
Donc c'est vous, le bon chiffre c'est 18 milliards ?
ARNAUD MONTEBOURG
Mais je ne suis pas en train d'abord je n'ai pas prononcé ces chiffres, donc je ne sais pas où vous les trouvez.
MARC FAUVELLE
Vous avez dit « il faut qu'un tiers des 50 milliards soit dans les baisses d'impôt des ménages, ça fait 18 milliards. »
ARNAUD MONTEBOURG
J'ai expliqué qu'il fallait amplifier une politique déjà menée par le Premier ministre.
MARC FAUVELLE
Avec l'accord de Manuel VALLS ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je vous dis qu'il est nécessaire, maintenant, de regarder la situation en face. Nous sommes dans une situation de quasi déflation, où nous sommes à 0,5 d'inflation, c'est-à-dire qu'en ce moment nous risquons le dérapage mortel dans toute la zone euro. Donc maintenant il faut se réveiller, et il faut un peu bouger tout le monde. Donc, il est normal que le ministre de l'Economie, qui est en charge, qui n'est pas le prince Potemkine, vous savez, c'était le conseiller de Catherine II de Russie, qui déployait des décors sur le passage de la tsarine, pour dissimuler la misère, ce n'est pas comme ça que ça marche.
MARC FAUVELLE
Donc c'est la ligne du gouvernement, ce n'est pas uniquement la ligne MONTEBOURG, c'est ce que vous me dites ce matin ?
ARNAUD MONTEBOURG
La ligne du gouvernement c'est, et c'est ce qu'a fait le Premier ministre dans le projet de loi de Finances rectificative, c'est d'octroyer du pouvoir d'achat aux ménages pour stimuler l'activité. Qu'est-ce qu'a annoncé le Premier ministre à la Conférence sociale ? « Il faut continuer. » Qu'est-ce que le ministre
MARC FAUVELLE
Mais pas avec les chiffres qui sont les vôtres, la proportion n'est pas du tout la même.
ARNAUD MONTEBOURG
D'accord, mais je n'ai pas prononcé de chiffre, j'ai dit qu'il y a un problème, et qu'il faut pousser
MARC FAUVELLE
Un tiers des 50 milliards d'euros d'économies doit aller aux baisses d'impôt, ça fait 18 milliards d'euros.
ARNAUD MONTEBOURG
D'accord, eh bien c'est très bien, c'est ce qu'il nous faut, c'est ma proposition, et nous menons un débat
MARC FAUVELLE
Et si elle n'est pas retenue, qu'est-ce qui se passe, Arnaud MONTEBOURG ?
ARNAUD MONTEBOURG
Un débat vis-à-vis des dirigeants européens.
MARC FAUVELLE
Si elle n'est pas retenue votre proposition, qu'est-ce qui se passera ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, d'abord nous ouvrons le débat parce que nous ne pouvons pas aujourd'hui nous contenter de peindre la vie en rose, premièrement. Deuxièmement, je crois que nous avons un problème de demande. Nous faisons un très gros travail sur l'offre des entreprises. J'ai célébré hier tout le travail sur la reconstruction de la compétitivité de nos entreprises, c'est d'ailleurs pour moi une forme de patriotisme économique, parce que, et les syndicats, et le patronat, d'ailleurs qui étaient présents tous les deux, y compris Force Ouvrière et Jean-Claude MAILLY
MARC FAUVELLE
Avec Jean-Claude MAILLY au premier rang, qui vient pourtant de boycotter la deuxième journée de la Conférence sociale. C'est vous qui l'aviez invité ?
ARNAUD MONTEBOURG
J'ai invité tout le monde, tous ceux qui étaient là, mais il y avait Serge DASSAULT aussi, et il y avait le MEDEF, d'ailleurs il y avait des députés qualifiés
MARC FAUVELLE
Vous, vous êtes capable de parler avec tout le monde.
ARNAUD MONTEBOURG
Il y avait des députés qualifiés de frondeurs, et il y avait les présidents des commissions qui ne le sont pas. Donc, notre travail est de rassembler les Français autour d'orientations politiques, de construire des projets qui nous permettent de bâtir un avenir et une meilleure prospérité aux Français, ça c'est mon boulot, si vous me passez l'expression.
MARC FAUVELLE
Si le projet que vous défendez aujourd'hui n'est pas suivi d'effet au gouvernement, s'il n'est pas repris, qu'est-ce que vous ferez Arnaud MONTEBOURG, vous resterez ou pas ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, d'abord, encore une fois, je ne me situe pas dans cette perspective, pour une raison simple c'est que, comme l'a écrit d'ailleurs le Premier ministre hier soir, en réaction à cette feuille de route exprimée par mes soins, il a dit « tout cela est dans la cohérence de la politique gouvernementale. » Nous allons donc
MARC FAUVELLE
Vous n'avez plus envie de quitter le gouvernement.
ARNAUD MONTEBOURG
Nous allons ouvrir, finalement, le choix politique, qui est devant vous, qui est le projet de loi de Finances pour 2015, mais on ne peut pas rester dans le statu quo. Voilà mon message. Et c'est un message qui est important parce qu'il est partagé par monsieur RENZI, président du Conseil italien, il est partagé par monsieur GABRIEL, le vice-chancelier, mon homologue et ami, ministre de l'Economie allemande, il est partagé par l'OCDE, par le FMI, par le président OBAMA. Le monde entier nous dit « que fait l'Europe ? », « vous êtes en train d'organiser en quelque sorte, vous êtes en train de rater la sortie de crise, nous on est déjà sorti » - est-ce que vous savez qu'aux Etats-Unis ils sont à 3 % de croissance, 6 % de chômeurs ? Pourtant la crise elle vient des Etats-Unis, elle n'est pas venue d'Europe.
MARC FAUVELLE
Donc la question de votre présence au gouvernement, Arnaud MONTEBOURG, ne se pose pas ou plus, ou votre départ du gouvernement, ne se pose plus ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je ne comprends pas vos questions, excusez-moi, qui sont un peu
MARC FAUVELLE
Il y a une ligne aujourd'hui, qui est la ligne Arnaud MONTEBOURG, il y a une autre ligne, en tout cas des chiffres qui sont différents, au gouvernement, si les deux feuilles ne se superposent pas, est-ce que vous restez ?
ARNAUD MONTEBOURG
Monsieur FAUVELLE, ça vous passionne, c'est votre truc, excusez-moi
MARC FAUVELLE
Il y a deux lignes, c'est de la politique, c'est intéressant, c'est de l'économie, il y a deux lignes.
ARNAUD MONTEBOURG
C'est totalement anecdotique votre histoire, excusez-moi.
MARC FAUVELLE
Savoir quelle va être la ligne économique de la France dans les années qui viennent ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien on la construit, ensemble, et on la débat. Et, d'ailleurs, vous cherchez toujours à nous opposer, vous vous épuisez là-dedans, d'ailleurs vous épuisez vos auditeurs, et les gens, moi je rassemble, je rassemble tout le monde, et j'apporte des propositions. On verra bien, il faut en discuter. D'ailleurs, je crois que la situation dans laquelle nous sommes, ne nous permet pas, j'allais dire de dégrader ce type de débat et de le ramener à des enjeux politiciens, il est plutôt un débat grave et solennel, que j'essaie de mener. D'ailleurs, si je propose que, avec d'ailleurs l'appui du gouvernement tout entier, du Premier ministre, qui m'a demandé de le faire, comme il m'a demandé d'ouvrir le débat, si je propose que nous nous attaquions aux professions réglementées, pourquoi ? C'est pour les Français qui, aujourd'hui, payent trop chers un certain nombre de services, donc se font prélever trop de pouvoir d'achat, et qui en ont besoin. Les classes moyennes, les classes populaires
MARC FAUVELLE
Et vous dites ça va faire économiser 6 milliards d'euros aux Français, d'où vient le chiffre, simplement ?
ARNAUD MONTEBOURG
C'est une évaluation des services du Trésor, de l'Inspection des finances, qui a fait
MARC FAUVELLE
Le fameux rapport qui n'est jamais sorti ?
ARNAUD MONTEBOURG
Oui
MARC FAUVELLE
Vous allez le publier ou pas ?
ARNAUD MONTEBOURG
Oui, nous allons le publier, pour que l'ensemble des choses soient sur la table. C'est une étude qui montre, par exemple sur les professions juridiques, les huissiers, les avocats, etc., tout un tas de professions, cela correspond à 1,8 milliard de pouvoir d'achat qu'il serait possible de restituer aux Français. Par exemple, prenons l'exemple de l'huissier de justice, c'est intéressant. Vous faites un procès, vous êtes obligé d'utiliser un huissier de justice, ça s'appelle un monopole, il n'y a pas de concurrent, c'est obligatoire, vous avez l'obligation de passer par le huissier, vous payez, pour signifier un jugement, 80 euros, c'est juste un acte de transmission à une personne, c'est comme une lettre recommandée, mais avec un employé, un clerc de huissier de justice, et quand vous déclenchez le procès vous faites la même chose, 40 euros. Dans d'autres pays européens ce sont des lettres recommandées à 5 euros. Donc, la différence c'est la facture que paye le justiciable, et il y a des millions de Français qui utilisent la justice, ils sont obligés, ce n'est pas toujours des bonnes nouvelles pour eux, et je dois vous dire que, quand l'addition est salée, quand vous accumulez les professionnels le monopole des avocats aussi. Quand vous avez un procès à Thionville, vous habitez Nantes, vous êtes obligé de prendre un avocat de Thionville, en plus de l'avocat de Nantes, la facture est double. Pourquoi ? Qu'est-ce qui le justifie ?
MARC FAUVELLE
Ça s'appelle comment, Arnaud MONTEBOURG, c'est de la déréglementation ?
ARNAUD MONTEBOURG
Non.
MARC FAUVELLE
C'est-à-dire exactement ce que nous demande des années Bruxelles, qui nous dit « il faut casser ces monopoles. »
ARNAUD MONTEBOURG
Ce n'est pas de la déréglementation.
MARC FAUVELLE
C'est ce que dit Bruxelles.
ARNAUD MONTEBOURG
Non
MARC FAUVELLE
Il faut casser les monopoles en France.
ARNAUD MONTEBOURG
Les monopoles, quand ils sont, finalement, une capture de pouvoir d'achat injustifiée, parce que qu'est-ce qui justifie qu'un service soit 20, 30 ou 40 fois plus cher ? Rien, donc il faut travailler sur le prix normal du service, et je crois que les professionnels sont capables d'entendre ça, d'ailleurs ils nous le disent, ils disent « on va discuter. » Donc, on va discuter avec les professionnels, il ne s'agit pas d'abord il s'agit de ne désigner personne, à la vindicte de je ne sais quelle revanche, non.
MARC FAUVELLE
Vous n'avez pas parlé des taxis, à ma connaissance, hier, par exemple
ARNAUD MONTEBOURG
Il y a une proposition de loi qui est en cours de discussion.
MARC FAUVELLE
Mais qui dit un peu le contraire de ce que vous dites, c'est-à-dire qu'elle conforte, par exemple, le fait que les taxis sont les seuls à pouvoir prendre des clients dans la rue, à la volée j'allais dire
ARNAUD MONTEBOURG
Ça démontre une chose, c'est que nous sommes pragmatiques, c'est-à-dire que nous allons discuter avec les professionnels, et nous allons travailler à des solutions qui améliorent le pouvoir d'achat des Français et qui permettent aux Français d'obtenir, pour des services qui sont finalement assez banals, un prix raisonnable. Donc c'est du pouvoir d'achat pour eux. Et, je dois vous dire qu'en ce moment, ils en manquent, ils en ont besoin. Et d'ailleurs c'est ce que nous disent aussi les chefs d'entreprise, qui nous disent « nous on a un problème de demande parce que, dans toute l'Europe, l'économie est à plat. »
MARC FAUVELLE
Les huissiers qu'on a pu entendre, par exemple depuis hier, disent « attention, si on nous enlève notre monopole, on va gagner moins d'argent et on va donc licencier. » Est-ce que c'est mauvais pour l'emploi, aussi, de casser certains monopoles ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, on va en discuter, je ne suis pas certain que ce soit là une menace forcément réaliste, donc nous pouvons en discuter. D'ailleurs, avec la garde des Sceaux, et avec l'ensemble de mes collègues du gouvernement, nous affrontons cette difficulté, parce qu'on ne peut pas faire comme si, il n'y avait pas de problème, et je crois que les professionnels eux-mêmes le savent, et je les remercie de leur participation à la discussion avec le gouvernement, que nous allons engager maintenant.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 juillet 2014