Déclaration de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, sur les orientations de la politique économique et budgétaire du gouvernement pour les trois ans à venir, à l'Assemblée nationale le 9 juillet 2014.

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Circonstance : Débat d'orientation budgétaire des finances publiques, à l'Assemblée nationale le 9 juillet 2014

Texte intégral

Monsieur le Président, (Madame la Présidente)
Madame la Rapporteure générale,
Mesdames et messieurs les Députés,
Après la présentation du programme de stabilité et avant l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques, le débat d'orientation des finances publiques nous donne l'occasion de nous retrouver pour discuter des grandes orientations de la politique économique et budgétaire du Gouvernement.
Ce que vous propose le Gouvernement pour la deuxième partie de la législature est clair et sans ambiguïté : c'est une politique qui marche sur ses deux jambes :
- une politique économique de soutien à l'emploi et à la croissance ;
- une politique budgétaire d'assainissement des finances publiques.
Il faut toujours le rappeler, la politique que nous menons depuis 2012 découle directement de la situation que le Gouvernement et la majorité ont trouvée en arrivant aux responsabilités :
- une croissance à l'arrêt depuis 6 ans ce qui fait que la France dépasse à peine le niveau d'activité d'avant crise ;
- une situation des finances publiques particulièrement dégradée avec un niveau de dette publique sans précédent en temps de paix, à plus de 90 % de la richesse nationale ;
- un taux de chômage sur une trajectoire de forte augmentation qui frôle les 10 % de la population active ;
- et enfin un déficit commercial de plus de 3 % du PIB à fin 2011 et un taux de marge des entreprises à son plus bas niveau depuis 30 ans.
Jusqu'à la fin de la législature, la politique proposée par le Gouvernement vise à mobiliser tous les leviers existants pour permettre à la France de surmonter cette situation, et en particulier par un soutien systématique à la croissance et à l'emploi :
- depuis 2012, nous avons fait les contrats de génération, les emplois d'avenir, la loi de sécurisation de l'emploi ; nous avons mis en place un nouveau programme d'investissements d'avenir et introduit le crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi ;
- pour les trois ans qui viennent, le pacte de responsabilité et de solidarité va compléter les mesures déjà engagées : vous avez examiné les premières mesures du pacte dans le cadre du projet de loi de finances rectificative et du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, je n'y reviens pas.
Nous agissons en faveur de la croissance et de l'emploi et, dans le même temps, nous poursuivons la réduction du déficit public.
Entre le mois de juin 2012 et la fin de l'année 2013, nous avons déjà obtenu des résultats : le déficit structurel a quasiment retrouvé son niveau le plus bas depuis 2002, le déficit nominal a diminué régulièrement de 5,2 % du PIB 2011 pour atteindre 4,3 % en 2013.
Pour l'avenir, vous le savez, le Gouvernement vous propose de poursuivre la réduction du déficit, en portant l'évolution de la dépense publique au niveau de l'inflation pour les trois ans à venir, ce qui représente un effort de 50 milliards d'euros d'économies par rapport à leur tendance naturelle, je vais y venir dans un instant.
D'ores et déjà, les mesures adoptées pour 2013 ont permis de réduire d'environ 30 milliards d'euros le déficit structurel, et les résultats ont été obtenus sur la dépense : la dépense publique a augmenté, en valeur, de 2 %, son plus bas niveau depuis 1998. Et pour 2014, nous avons proposé, dans le cadre du PLFR et du PLFRSS, 4 milliards d'euros d'économies supplémentaires.
Ces chiffres sont déterminants, mais au-delà des chiffres, je souhaite aussi vous présenter le sens et l'esprit des travaux que nous menons actuellement.
Le Gouvernement vous propose de réaliser 50 milliards d'euros d'économies sur la dépense publique entre 2015 et 2017. Ce plan a un objectif, c'est de financer nos priorités et poursuivre l'assainissement des finances publiques.
Nous pouvons le réaliser ensemble sans remettre en cause ni la qualité de notre service public ni notre modèle social.
J'ai entendu les craintes qui ont pu être exprimées sur l'incidence de ces économies sur la croissance et je souhaiterais les apaiser.
La part que représente la dépense publique dans la richesse nationale a augmenté continûment depuis des décennies - passant de 35 % du PIB en 1960 à 57 % en 2013 -. Il faut rompre avec l'idée qu'un bon budget est un budget en hausse. Il faut rompre avec l'idée que plus de moyens, c'est nécessairement une amélioration de la qualité du service rendu aux usagers.
Force est de constater qu'augmenter la dépense publique n'est pas nécessairement gage de croissance. Si tel était le cas, nous serions parmi les premiers pays en termes de croissance, la France se situant dans le lot de tête de l'Union européenne, dont la moyenne est proche de 50 % en 2015.
Ce programme d'économies ne doit pas être pris de manière isolée, en le déconnectant du reste de la politique économique du Gouvernement et du contexte général. Le pacte de responsabilité et de solidarité et la montée en charge du CICE vont soutenir la croissance et l'emploi. Et les récentes mesures annoncées par la Banque centrale européenne vont également soutenir la croissance.
Il faut également bien intégrer le fait que toutes les économies sur la dépense ne se valent pas car c'est l'efficience de la dépense publique qui prime. Les économies proposées par le Gouvernement visent à limiter au maximum l'impact négatif qu'elles pourraient avoir à court terme sur la croissance :
- l'investissement public est indispensable pour alimenter la croissance à court et moyen terme : c'est la raison pour laquelle nous proposons de préserver ces dépenses, en particulier le nouveau programme d'investissements d'avenir, pour lequel 12 milliards d'euros ont été ouverts et qui sera mis en œuvre comme prévu ;
- à l'inverse, certaines dépenses sont sans effet sur la croissance et leur suppression n'aurait donc que peu ou pas d'impact sur l'activité économique : par exemple, des dépenses de fonctionnement inutiles ou des interventions dont l'efficacité n'est pas prouvée.
Au-delà de ces principes, nous maintenons des priorités, et la répartition prévisionnelle des crédits entre ministères, que vous présentera dans un instant Christian Eckert en est la preuve :
C'est la priorité à la jeunesse tout d'abord, avec des créations d'emplois dans l'éducation nationale et l'enseignement supérieur maintenues et des moyens qui augmenteront de 1,8 Md€ en 3 ans.
C'est la préservation de l'avenir et le renforcement de la croissance avec un budget de la recherche et des dépenses en faveur de l'innovation préservés. L'exécution du programme des investissements d'avenir sera également poursuivie.
C'est la priorité aux créations d'emplois au ministère de la justice (1800 en 3 ans), dans la police et la gendarmerie (1400 en 3 ans), qui se poursuivent.
C'est une approche fine de chaque mission, avec par exemple une très légère hausse des crédits de la mission culture (création, patrimoine, enseignement supérieur artistique notamment), qui est rendue possible par des efforts d'économies demandés au secteur de l'audiovisuel.
C'est, enfin, un financement garanti des dépenses résultant des minima sociaux financés par l'Etat (allocation adultes handicapés et, pour partie, RSA) et des allocations logement.
Tous ces efforts sont documentés, inscrits dans la durée et s'appuyant sur des réformes en profondeur des politiques publiques.
Vous connaissez la répartition de ces 50 milliards d'euros d'économies, elle a été faite en fonction de la part de chaque administration dans la dépense publique totale :
- 18 milliards d'euros sur l'Etat ;
- 11 milliards d'euros sur les collectivités territoriales ;
- 10 milliards d'euros sur l'assurance-maladie ;
- 11 milliards d'euros sur les autres organismes de protection sociale
Les plafonds des missions du budget de l'Etat qui vous ont été transmis aujourd'hui permettront la réalisation de 18 milliards d'euros d'économies sur la dépense de l'Etat entre 2015 et 2017.
Tous les ministères, tous les opérateurs participeront aux économies. Pour autant, les ministères prioritaires – éducation nationale, justice, sécurité - bénéficieront de moyens supplémentaires et les créations d'emplois dans ces ministères seront réalisées comme prévu.
Le budget triennal de l'Etat permet donc à la fois de réaliser les économies prévues et de financer nos priorités. Avec le pacte de responsabilité et de solidarité, c'est une politique cohérente et ciblée que le Gouvernement propose : une politique de soutien à l'emploi et à la croissance, de développement de notre action en faveur de l'éducation, de la justice et de la sécurité, enfin de réduction des déficits.
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les Députés, nous discutons aujourd'hui des orientations de la politique économique et budgétaire que vous propose le Gouvernement pour la deuxième partie de la législature.
Ces orientations sont claires et cohérentes : soutenir la croissance et l'emploi et poursuivre la réduction du déficit public. Pour atteindre ces objectifs, les moyens sont connus : le pacte de responsabilité et de solidarité et les 50 milliards d'euros d'économies.
Nous débattons aujourd'hui de ces orientations : le Gouvernement vous a proposé des premières mesures pour les mettre en œuvre dès les textes financiers rectificatifs et vous en proposera d'autres cet automne.
Je vous remercie.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 11 juillet 2014