Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre, en réponse à une question sur l'assujettissement des allocations familiales à l'impôt sur le revenu et la politique familiale, à l'Assemblée nationale le 23 janvier 1996.

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Circonstance : Séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 23 janvier 1996

Texte intégral

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Guilhem.
Mme Evelyne Guilhem. Mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la réforme de la protection sociale que vous mettez courageusement et efficacement en oeuvre est, nous en sommes tous conscients, indispensable et incontournable. C'est pourquoi, vous le savez, vous avez le soutien total du groupe parlementaire RPR. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Et l'UDF ?
Mme Evelyne Guilhem. Je parle au nom de mon groupe, évidemment, il s'agit du RPR et de l'UDF. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
Cependant, l'annonce de l'imposition éventuelle des prestations familiales en novembre dernier a suscité une vive émotion dans l'opinion publique et a fortement inquiété les familles et associations familiales qui considèrent, à juste raison, me semble-t-il, que la famille doit rester le pivot, la base de nos valeurs et qu'elle doit donc être dotée d'une politique dynamique alliant responsabilité et solidarité. C'est, je le sais, monsieur le Premier ministre, votre unique but, et tous les jours nous le voyons.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire où en est exactement la réflexion de votre gouvernement et quelles mesures il entend prendre pour mener une politique familiale et démographique conforme à la tradition gaulliste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Madame le député, votre question me donne l'occasion de faire le point sur la mise en oeuvre de la réforme de la sécurité sociale que vous avez approuvée le 15 novembre dernier.
Cette réforme se met en place conformément aux objectifs et selon le calendrier qui avaient été prévus. Je voudrais rappeler quelques faits.
En premier lieu, la révision constitutionnelle, qui est la clef de voûte de la réforme, est en cours de discussion devant votre assemblée.
En second lieu, les deux premières ordonnances seront délibérées demain matin en conseil des ministres et entreront en application dans les jours qui suivent.
En troisième lieu, les ateliers de concertation et d'échanges organisés par M. Barrot pour la préparation des autres textes fonctionnent, et fonctionnent bien.
Vous le voyez, le calendrier est tenu.
S'agissant de la politique familiale, qui fait plus précisément l'objet de votre question, madame le député, je voudrais donner les indications suivantes.
Comme je l'ai toujours déclaré, il faut à la France une politique familiale ambitieuse et généreuse. C'est d'abord une exigence sociale ? il y va de la cohésion nationale parce que la famille est un des liens les plus forts du pacte républicain ? et c'est aussi une nécessité économique et démographique : un pays en déclin démographique est aussi un pays en déclin économique. C'est la raison pour laquelle, le 21 décembre dernier, lors du sommet social qui a réuni l'ensemble des organisations syndicales et professionnelles, j'ai proposé ? et ceci a été accepté ? de réunir au premier trimestre de 1996, une conférence nationale de la famille que M. Barrot est en train de préparer. Elle aura lieu, si tout le monde en est d'accord, au mois de mars prochain.
M. Philippe Legras. Très bien !
M. le Premier ministre. Pour relancer une politique familiale ambitieuse, il faut des moyens. Or, vous le savez, la branche famille est en déficit. C'est pourquoi j'ai fait un certain nombre de propositions.
La première de ces propositions est commandée par un souci d'équité et de justice. Je voudrais rappeler la question que j'ai posée devant vous au mois de novembre : est-il équitable, est-il juste que l'on attribue les mêmes allocations familiales à une famille dont le revenu est de 40 000 francs par mois, par exemple, et à une famille dont le revenu est de 8 000 francs par mois ?
M. Jacques Floch. Non !
M. Alain Juppé, Premier ministre. Il suffit de poser la question pour avoir la réponse.
Pour corriger cette inégalité, j'ai proposé que l'on assujettisse les allocations familiales à l'impôt sur le revenu, mais à deux conditions. Et je fais appel, mesdames et messieurs les députés, à votre mémoire : ces conditions, je les ai explicitement formulées, ici, le 15 novembre.
Première condition, que le barème de l'impôt sur le revenu ? dont j'avais affirmé que la réforme ne serait en toute hypothèse applicable qu'en 1997 ? soit modifié pour que les familles qui, à l'heure actuelle, ne sont pas imposables, ne le deviennent pas du fait de l'assujettissement des allocations familiales à l'impôt (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre). Je confirme bien entendu cet engagement.
La deuxième condition est que les économies ainsi rédigées soient intégralement recyclées au profit de la branche famille ; je pense que vous l'avez en tête, et je n'ai pas changé d'avis. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
La seule proposition alternative que je connaisse en l'état actuel des choses a été faite par M. Fabius au nom du groupe socialiste. Elle consiste à placer les allocations familiales sous condition de ressources et à les moduler en fonction du revenu des familles. J'observe, comme vous tous, je pense, que cette proposition est pour l'instant unanimement rejetée par le mouvement familial et par les grandes organisations syndicales et professionnelles.
M. André Santini. C'est vrai !
M. le Premier ministre. Cela dit, dans le cadre de la politique de dialogue social qui doit être la nôtre en 1996, ces propositions seront mises à l'ordre du jour de la conférence sur la famille...
M. André Santini. Très bien !
M. le Premier ministre. ... et nous en parlerons au mois de mars prochain. J'espère que cela nous permettra de prendre ensemble les décisions qui s'imposent pour relancer en 1997 la grande politique de la famille dont la France a besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 18 juillet 2014