Déclaration de M. Arnaud Montebourg, ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, sur les mesures gouvernementales permettant l'accès de tous à la révolution numérique, Paris le 13 mai 2014.

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Circonstance : Colloque de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (AVICCA), à Paris le 13 mai 2014

Texte intégral

Monsieur le Président, Cher Yves,
Nous avons une haute conscience, au gouvernement, que la révolution numérique qui marche, nous devons nous-mêmes la cadencer, la stimuler, en profiter, l'engager et ne pas la subir, ne pas la craindre, ne pas la mesurer comme une menace mais tout au contraire en faire un parti dans lequel la France doit tirer l'épingle économique de son jeu dans la mondialisation.
C'est une réalité pour nous que la France, qui est le pays de l'égalité, soit capable de répondre à l'inégalité des territoires, et de ne pas ajouter à l'inégalité existante une nouvelle fracture. C'est une des raisons pour lesquelles notre préoccupation, dans cette matière comme dans toute autre, est de faire en sorte que chaque Français puisse accéder au même service et accéder à la révolution numérique.
Nous avons donc fait le choix du déploiement de la fibre. Je voudrais dire un mot de la question qui est tout à fait corrélée à ce sujet, qui est celle du secteur des télécoms, puisque, aujourd'hui, les revenus économiques de la révolution numérique sont captés par des géants off-shore – les géants de l'Internet -, et ces acteurs mondiaux de l'Internet ne contribuent nullement aux investissements dans les réseaux qui leur permettront d'en vivre. C'est d'ailleurs tout l'enjeu des problèmes évoqués par le Président Yves ROME sur la question du rattachement de la territorialisation de pratiques, et le maintien de la richesse qui peut y être créée. Les opérateurs de télécoms sont des « Lilliputiens » dans ce monde de l'Internet, qui se battent entre eux pendant que les « Gullivers » de l'Internet s'installent, et ils ne s'en rendent pas compte. C'est pour cette raison que le gouvernement se bat. Il trouve des alliés parfois fiables - parfois moins - pour la consolidation, la solidification, le renforcement de nos opérateurs télécoms. Nous ne voulons pas que la scissiparité, la multiplication des opérateurs télécoms sur le continent européen, particulièrement en France, affaiblissent leur capacité à investir. Parce que nous savons que le Plan Très haut débit sera financé exclusivement par un impôt que nous ne sommes plus en capacité - pouvoirs publics locaux ou nationaux - de lever. Donc, il n'y aura pas de Plan Très haut débit.
Pourquoi nous sommes-nous battus pour un retour à 3 opérateurs ? Je l'ai encore dit hier : nous y arriverons, nous ferons 3 opérateurs capables d'investir, qui cesseront de détruire de l'emploi, de s'entretuer pas seulement dans les colonnes des journaux mais également dans des batailles spéculatives, pour enfin construire avec l'État une stratégie de révolution numérique, qui d'ailleurs sera à leur bénéfice comme à celui de l'intérêt général de ce pays. Voilà pourquoi nous affirmons notre souveraineté numérique par rapport au quasi monopole qui, sur le plan de l'Internet, s'installe pendant que nous nous battons sur la question du téléphone mobile. J'ai envie de vous dire que, lorsque nous nous battons contre l'optimisation fiscale, lorsque nous nous battons pour le respect de la vie privée par rapport à la captation des données personnelles, lorsque nous nous battons pour la localisation de la production de richesses y compris numériques sur le sol national, nous défendons l'esprit selon lequel nous ne voulons pas devenir une colonie numérique des géants de l'Internet mondial. Nous n'avons pas cette vocation et nous prendrons les décisions en rapport avec cet objectif.
Voilà pourquoi nous avons demandé à l'Union européenne de protéger les Européens contre l'utilisation impropre des données personnelles ; voilà pourquoi nous avons demandé à l'Europe également de faire respecter la loi contre l'abus de position dominante des moteurs de recherche, et voilà pourquoi nous voulons placer les opérateurs dans une place solide éminente dans la chaîne numérique : pour qu'eux-mêmes soient des acteurs importants de l'investissement sur vos territoires, et donc sur notre territoire national qu'est la France. Donc le Plan Très haut débit a fait ce choix de coopération, de fédération des moyens et des efforts, tous ensemble - opérateurs, collectivités, État, Union Européenne. Et cette dynamique pour nous est très importante.
Je voudrais entrer dans des considérations un peu plus concrètes, maintenant que vous voyez dans quel état d'esprit le ministère de l'Économie et du Numérique travaille. Bien sûr, le gouvernement fera respecter les engagements des opérateurs tels qu'ils ont été pris (point numéro 1), et les changements capitalistiques pour nous sont de nature à transférer les engagements lorsqu'il y a eu rachat. C'est une allusion non voilée à l'acquisition par Numericable de SFR.
Les engagements qui seront pris par les opérateurs sont pour nous un point tout à fait fondamental. Nous les ferons respecter, et je dois vous dire que tous ceux qui chercheront à s'en soustraire auront à faire au ministère de l'Économie et du Numérique.
Trois principes si vous me le permettez, pour dire les choses très clairement.
Notre ambition est 80 % de fibre à domicile en 2022, c'est-à-dire très vite, Je tiens donc à rappeler ici, devant l'ensemble des élus des collectivités locales, que le cadre du Très haut débit restera inchangé ; nous avons des objectifs, nous les tiendrons, et d'ailleurs aucun opérateur n'a intérêt à rester en dehors de la fibre à domicile, car les potentialités se trouvent dans cette technologie.
Deuxième principe : nous allons resserrer les rangs autour des opérateurs qui se mobilisent pour la fibre à domicile et, de ce point de vue, nous allons demander à l'ensemble de ceux qui ont pris des engagement, concrètement, de les mettre en oeuvre, et nous allons le faire avec les collectivités locales qui, elles, connaissent leur terrain. J'ai noté qu'il y avait, dans 46 projets qui couvraient 56 départements métropolitains et ultramarins, des engagements qui avaient été pris et il n'y a pas de raison d'attendre.
Troisièmement, l'État doit faire en sorte que les efforts se mutualisent. Là, je voudrais que nous progressions un peu ensemble dans la réflexion et si possible l'action. Nous réussirons nos objectifs si les investissements trouvent des outils communs.
Il y a trois zones si l'on résume ; la zone dense de 10 millions de logements dans lesquels il existe déjà au moins un réseau ou bientôt un réseau Très haut débit. Là, les questions qui se posent, et qui sont nouvelles, sont la concurrence entre la fibre et le câble et nous souhaitons que les opérateurs jouent à armes égales.
La deuxième zone est la zone importante des intentions d'investissements : c'est là que des engagements ont été pris et que le territoire est déjà d'une certaine manière réparti. C'est la fameuse peau de léopard, un léopard un peu trop blanc et peu tacheté pour l'instant, avec des opérateurs privés qui sont capables aujourd'hui de mettre sur la table 10 millions de prises supplémentaires. Là, nous devons trouver des solutions nouvelles, larges, de financement, d'appui aux opérateurs, et savoir comment celles-ci peuvent intensifier leurs efforts et surtout leur permettre de s'engager sur le long terme. Tous les opérateurs, avec les collectivités locales, ont vocation à participer à une action commune, donc nous allons organiser les choses. Nous n'allons pas laisser chacun faire le shopping dans les territoires, là où les zones sont un peu plus denses et plus rentables.
La troisième et dernière zone est celle de la problématique de l'égalité entre les territoires. Là, les formes de l'action nationale auprès des collectivités locales doivent être approfondies, dans le sens qui a été fixé et dans le cadre qui est le nôtre, pour faire en sorte que les élus, l'État et les opérateurs, sous l'égide de la Mission Très haut débit, puissent augmenter ou voir les opérateurs faire des efforts pour augmenter leur responsabilité et leur engagement sur les territoires les moins denses.
C'est là que l'égalité des territoires se joue, et il est évident qu'un gouvernement soucieux d'équipement du territoire, comme le fut le réseau de TGV, de téléphone comme nous l'avons fait dans le passé, comme cela a été fait avec l'électrification, le système de purification et d'épuration de l'eau… La France est un pays qui a su s'équiper, qui a trouvé les voix et les moyens pour le faire et a toujours été à l'avant-pointe. Nous aurons donc à nous reparler sur les voix et les moyens de réussir ce magnifique chantier national.
Merci à vous, vive le redressement productif, vive la République et vive la France !
Source www.avicca.org, le 5 août 2014