Texte intégral
Mme Royal, ministre de l'écologie, développement durable et de l'énergie. Merci, Monsieur le Président.
Mesdames et Messieurs, laissez-moi d'abord tout particulièrement saluer Madame et Monsieur les rapporteurs de vos deux sections pour la qualité exceptionnelle de ces travaux, dont j'ai pris connaissance avec énormément d'attention. Je vous remercie, les uns et les autres, de votre contribution à cette oeuvre majeure que vous avez d'ailleurs bien voulu qualifier - je vous cite -, de « projet de loi qui est la première page d'une nouvelle étape de l'histoire de l'énergie en France ». Il s'agit de donner, dites-vous, une impulsion pour une réelle transformation.
Et vous soulignez dans votre introduction que le Conseil économique, social et environnemental apprécie cette évolution destinée à soutenir le développement économique et social, la création d'emplois, la responsabilisation écologique ainsi que la compétitivité globale du pays.
Il est vrai que je me réjouis de la façon dont vous avez pris du recul par rapport à des objectifs très opérationnels et très techniques en combinant cette vision globale, et forcément mondiale, c'est-à-dire comment faire - c'est notre responsabilité commune en tant que responsables politiques au sens noble du terme, vous ici, moi au gouvernement, qui aura à s'en saisir - pour, ensemble, mettre en mouvement les intelligences collectives afin d'inventer notre avenir tout en étant très efficaces sur le moment présent.
C'est bien parce que les objectifs sont très ambitieux que nous avons l'ardente obligation d'être les plus efficaces possible.
Je vois trois dimensions qui rejoignent tout à fait ma façon de voir les choses - et je vous en remercie - à la fois l'ambition du projet que nous portons ensemble et la mobilisation nécessaire des forces vives et vous insistez dessus à plusieurs reprises dans ce projet d'avis.
Je vais faire en sorte que cette visibilité sur la mobilisation des forces vives soit plus forte puisque, bien évidemment - et ce ne sera peut-être pas un des premiers éléments de réponse à la façon dont vous soulignez la nécessité de renforcer la mobilisation de toutes les parties prenantes - dans un texte de loi, il n'y a pas tout ce qui est non législatif.
C'est pourquoi, et vous le soulignez dans votre projet d'avis, vous avez bien voulu insister sur le fait qu'il était très important d'avoir, en parallèle, mobilisé les collectivités territoriales.
D'ailleurs, à plusieurs reprises, ce que je retiens dans ce projet de loi, c'est une généralisation de bonnes pratiques qui existent sur les territoires et dans les réseaux d'entreprises. En effet, bien souvent, dans les réseaux d'entreprises, ancrés sur les territoires, en appui sur des territoires dynamiques, on a anticipé la transition énergétique et on a anticipé le nouveau modèle énergétique français.
Pour aller vite - parce que ma conviction profonde est que plus la transition est rapide, moins elle sera coûteuse et plus elle sera créatrice d'activité et d'emploi - on a intérêt à s'appuyer sur ce qui existe déjà et ce qui a réussi, avec cette phrase toute simple : si d'autres l'ont fait, pourquoi pas vous ? C'est une façon de monter très rapidement en puissance.
Troisième point sur lequel vous insistez : la question de l'efficacité. Là aussi, il m'appartient, pour répondre à vos préoccupations, de montrer davantage que ce n'est le cas aujourd'hui comment cette loi s'accompagne d'outils efficaces.
J'observe en particulier que vous en appelez à une clarification sur la question des financements. Laissez-moi vous apporter quelques éléments sur ce sujet car, bien évidemment, les financements ne sont pas dans le projet de loi proprement dit puisqu'ils relèvent du projet de loi de finances et d'un certain nombre d'actions contractuelles.
J'en citerai quelques-unes. D'abord, il y aura, dans le projet de loi de finances, des allègements fiscaux pour les particuliers qui vont engager dès le 1er septembre des travaux de performance énergétique dans leur logement ; il y aura un allègement fiscal de 8 000 par personne et de 14 000 pour un couple, à hauteur de 30 % de la déduction de l'investissement. C'est donc un effort considérable que j'espère déclencheur et créateur d'activité et d'emploi dans les filières du bâtiment.
Il y aura une ligne de crédit de 5 Md à la Caisse des Dépôts, d'ores et déjà mobilisable à hauteur de 5 M par opération, à un taux de 2 % remboursable sur une durée de 20 à 40 ans et sans apport initial.
Je forme le voeu que l'ensemble des collectivités territoriales, des intercommunalités, des communes, départements et régions puissent se saisir rapidement de cet outil pour améliorer la performance énergétique des bâtiments et s'engager dans la construction de bâtiments à énergie positive.
Il y a par ailleurs une ligne de crédit spécifique - pour laquelle j'ai noué un partenariat avec la Banque européenne d'investissement - à hauteur de 1 Md pour que les départements puissent s'engager très rapidement dans les travaux de performance énergétique des collèges.
Nous aurons ensuite le prêt à taux zéro des banques qui, comme vous le savez, aujourd'hui, est un peu bloqué. Grâce à la publication d'un décret sur l'écoconditionnalité, je vais simplifier la procédure administrative de la délivrance de ce prêt à taux zéro en transférant vers des tiers contrôleurs, et à la demande des entreprises de la Fédération du bâtiment et de l'artisanat du bâtiment, des entreprises performantes et certifiées pour le faire.
Les banques n'auront plus ce frein qui justifie aujourd'hui que ces prêts ne sont pas délivrés.
Ensuite, il y aura le tiers financeurs et je me félicite de voir que vous soulignez son importance. D'ailleurs, vous faites une observation très intéressante qui va me servir dans les débats à l'Assemblée nationale. Vous soulignez que, finalement, l'aménagement du monopole bancaire a été déjà réalisé dans d'autres domaines portant des actions de service public par les collectivités territoriales ; vous avez parfaitement raison. Sur cette contestation quant au fait qu'il y avait une atteinte au monopole bancaire, j'ai tenu bon par rapport à cette façon de voir les choses. Vous m'apportez des arguments supplémentaires auxquels je n'avais pas forcément pensé ; je vous en remercie.
Ensuite, nous aurons la simplification de l'accès à l'information des citoyens, avec l'installation dans chaque intercommunalité d'un point d'information. En effet, je suis en train de monter un partenariat avec la Poste pour que, y compris dans les territoires ruraux, grâce à de nouvelles formations et parce qu'ils sont en recherche de nouvelles missions de service public - à cause de la diminution du courrier écrit - quelque chose de très intéressant et de vivant soit monté sur les territoires. D'ailleurs, certains territoires qui ont eu l'information se mettent en mouvement pour signer des partenariats, aux guichets de la Poste, afin que l'information puisse aller au plus près des citoyens et qu'ils s'engagent dans cette transition énergétique.
Vous évoquez plusieurs fois des questions de cohérence. Vous dites notamment que, parfois, la dimension européenne n'est pas suffisamment présente pour la cohérence, en amont et en aval, et qu'il faudrait renforcer la cohérence entre les filières économiques et les territoires. En effet, je renforcerai ce point dans l'exposé des motifs. Dans la façon dont j'ai rédigé le projet, c'était implicite, mais je ne vois aucun inconvénient à rappeler un certain nombre d'objectifs. Bien évidemment, sur ce sujet, dans la mesure où elles ne sont pas abrogées, les lois précédentes sont bien applicables ; qu'il y ait une cohérence était donc implicite. Également, la cohérence avec nos engagements européens qui, j'allais dire, vont de soi, mais il sera peut-être mieux de le repréciser pour répondre à ce souci de cohérence que vous évoquez.
Vous avez souligné à l'instant - et en effet, c'est un élément important de votre projet d'avis - qu'il n'y avait pas consensus sur deux points.
D'abord, sur la question de la réduction à 50 % de la consommation à l'horizon 2050. Ensuite, sur la baisse de la part de l'énergie nucléaire dans la production d'électricité de 75 à 50 %.
Je sais qu'il n'y a pas consensus sur ces sujets et vous avez bien voulu le formuler de façon cohérente avec votre assemblée, en disant que certains de ses membres n'étaient pas d'accord avec ces objectifs. Ce sera aussi le cas au Parlement. Ce sera, sans doute, aussi le cas dans la société.
Ces deux objectifs ont été affirmés par le Président de la République. Connaissant ces sujets, cela nous paraît court, ambitieux.
En même temps, lorsque les Français entendent dire que l'on s'occupe de ce qui se passera en 2050 - alors que, parfois, ils ont du mal à payer leur facture d'électricité - cela leur paraît très lointain. J'ai essayé d'avoir un juste équilibre entre cet horizon très lointain, que nous devons impérativement porter - car c'est pour notre avenir commun que nous travaillons et, à l'échelle de la vie de la planète, 2050, c'est demain - et le fait de répondre aux préoccupations de nos entreprises, de nos concitoyens, de nos territoires, à savoir leur donner des outils opérationnels maintenant, tout de suite, par rapport à ces objectifs qui font que nous sommes à la fois citoyens du monde, que nous devons donc réussir la lutte contre le réchauffement climatique et, en même temps, considérer que cette citoyenneté mondiale, que cette obligation morale, n'est pas une contrainte, mais est une chance.
C'est cela, l'enjeu de la transition énergétique. Nous devons à réussir à convaincre l'ensemble des acteurs, l'ensemble des opérateurs, l'ensemble des investisseurs, l'ensemble des consommateurs, l'ensemble des ONG que cette contrainte, qui est un impératif pour la survie humaine des générations futures, est aussi une chance ! Il faut convaincre qu'il n'y a pas d'autre domaine où l'on puisse inventer une autre façon de vivre, qu'il n'y a pas d'autre domaine où l'on puisse inventer un autre modèle de développement, qu'il n'y a pas d'autre domaine où l'on pose à la fois la question de la santé liée à l'environnement, les questions liées à la biodiversité - qui, d'ailleurs, ont un lien avec la santé - les questions du travail et de lutte contre le chômage. La croissance verte est un des leviers majeurs de sortie de crise (et de la question du pouvoir d'achat), car si on arrive à relever le défi extraordinaire des économies d'énergie, alors, on baissera aussi la facture et les gens pourront donc réorienter ce pouvoir d'achat, qui aujourd'hui stagne. Et, pour les années à venir, se pose également la question de savoir comment, en ne gagnant pas plus, on pourra vivre mieux... ce sera possible parce que l'on mangera mieux, parce que l'on se déplacera mieux, parce que l'on sera moins pollué et parce que l'on aura aussi du travail et un contenu au travail plus intéressant... tout ce qui relève du qualitatif et qui, finalement, est du pouvoir d'achat tout à fait essentiel.
Ce nouveau paradigme, cette nouvelle façon de faire, constitue notre chance de sortie de crise parce que, derrière la question de la croissance verte, derrière la question de la recherche - et je vous remercie d'avoir très fortement insisté sur la question de la recherche qui, en effet, au moment du débat parlementaire, devra être accompagnée d'un descriptif plus précis de la mobilisation des filières de la recherche pour pouvoir accélérer cette transition énergétique - l'innovation dans les filières du futur et les métiers du futur, dans les industries du futur ( notamment dans les 34 plans industriels du futur), est une question majeure.
D'ailleurs, je souligne que, dans ces 34 plans industriels du futur, 10 plans touchent à l'énergie, aux transports, à l'économie circulaire, à la gestion des déchets. En quittant votre assemblée, je me rends avec Arnaud Montebourg, ministre de l'Économie, du redressement productif et du numérique, à une réunion consacrée à ces 34 plans industriels qui relèvent de l'économie, de l'économie circulaire, des déchets, des transports propres etc., pour préciser la feuille de route. C'est dire à quel point les entreprises françaises sont parfaitement bien positionnées, non seulement en France, mais aussi à l'échelle internationale, pour conquérir des marchés, parce que c'est aussi une offensive à l'international que nous devons mener, une chance que nous devons saisir, puisque, de gré ou de force, tous les pays doivent s'engager dans cette transition énergétique.
C'est le deuxième aspect qui me fait dire que ce défi que nous avons à relever est aussi une formidable chance.
Enfin, vous avez évoqué un certain nombre de sujets auxquels je vais donner un contenu et une suite dans le projet. Par exemple, sur la CSPE, l'avis que vous donnez est vraiment intéressant et judicieux, en particulier lorsque vous en appelez à une réelle lisibilité, à une transparence de la CSPE. Vous avez totalement raison et, sur ce sujet-là, il nous reste un travail à accomplir. Je compte vraiment sur la diversité de la composition de votre assemblée pour nous y aider car il est évident que, dans la question de la démocratie énergétique, comprendre les flux financiers, les maîtriser, y apporter un éclairage pluridisciplinaire est quelque chose de très important. Je vous remercie vraiment d'avoir insisté sur ce point.
Vous insistez également beaucoup sur l'élargissement de la notion de véhicules propres. Sans doute va-t-il va falloir compléter le dispositif de la loi, tout en veillant à ne pas disperser les moyens financiers. Vous estimez que les 7 millions de bornes à déployer constituent un objectif trop ambitieux. Je pense qu'il faut être ambitieux, d'autant que, dans les filières industrielles du futur, ici, en France, nous avons des spécialistes de la voiture électrique, mais aussi des bornes de recharge, et avons besoin de montrer que la France croit dans ces technologies pour pouvoir aussi entraîner d'autres pays.
Maintenant, aucun malentendu ne doit exister sur ce sujet. Le bonus sur le véhicule propre n'est pas supprimé. Il est proposé que le nouvel effort accompli pour augmenter le bonus écologique aille prioritairement sur le véhicule électrique. Je suis disposée à regarder, à la lumière de vos observations, comment nous pouvons élargir la notion de véhicule propre sans diluer un effort financier qui est toujours limité. Un choix est toujours à opérer soit entre des priorités fortes, soit en dispersant l'effort. Sur ce point, nous pourrons affiner les choses.
Sur le titre de la loi, vous regrettez qu'elle ne s'appelle plus Loi de transition énergétique. À la façon dont elle a été présentée au Conseil des Ministres, c'est pour réussir la transition énergétique. C'est une Loi de programmation sur le nouveau modèle énergétique français. J'ai complété et globalisé davantage le titre de cette loi, car je me suis rendu compte que pour le citoyen qui paie ses factures, la transition énergétique était compliquée et pas forcément comprise. Un certain nombre d'enquêtes qualitatives montraient que le mot transition contenait quelque chose d'anxiogène. En effet, une transition, c'est le passage d'une situation à une autre, mais pas forcément meilleure. Ce mot ne contient pas le concept d'un progrès social. Les Français ne comprennent pas à quoi fait référence la transition énergétique, car il n'y a pas le concept de progression ni d'amélioration.
C'est très abstrait pour eux. Il m'a semblé nécessaire de montrer que ce nouveau modèle est positif et que nous devons le construire ensemble.
Cependant, le concept est installé. Tout le monde parle de transition énergétique, y compris à l'échelle internationale. Ce concept vient de l'Allemagne et, dans la langue allemande, il contient une dynamique positive.
Je propose que nous continuions à y travailler. L'expression transition énergétique ne doit pas disparaître, car c'est un repère dans le débat public qui fait consensus et fédère ceux qui sont les mieux informés, dont nous nous faisons partie : les entreprises, les corps intermédiaires, les élus... Nous savons de quoi nous parlons ; mais, rien n'est pire que d'utiliser des concepts que les citoyens ne comprennent pas. Ces derniers comprennent quand on leur parle du prix des factures, qu'on va économiser l'énergie, comment trouver l'argent pour faire les travaux, quand on leur explique qu'il y aura des tiers financeurs, que la pollution de l'air porte atteinte à leur santé. Ils commencent à comprendre ce qu'est la biodiversité, même si c'est compliqué, mais cela continue à progresser dans la prise de conscience. La question de l'éducation à l'environnement doit se poursuivre.
La volonté de faire en sorte que tous les Français s'approprient ces concepts ne doit pas être abandonnée car c'est à nous de faire l'effort d'explication, de transparence, d'accompagnement et de la façon dont on peut affiner les choses. Ainsi, tout le monde comprendra qu'on a besoin de tout un chacun pour réussir cette transition écologique au sens large. Tout le monde a sa part à prendre dans cette transition énergétique, où qu'il soit, quel que soit son bagage scolaire et son niveau de revenus.
Ce ne sont pas des impôts, des contraintes ou des embêtements supplémentaires pour les citoyens. Il est important que les dirigeants n'utilisent pas des mots compliqués pour faire « avaler » un certain nombre de décisions impopulaires. Nous devons porter une dynamique positive afin que les citoyens perçoivent la transition énergétique comme un ensemble de bonnes nouvelles, de choses positives qui vont leur faire du bien, qui vont permettre d'organiser la société différemment pour qu'il n'y ait pas, par exemple, d'un côté ceux qui ont le droit d'accéder à une alimentation saine et de qualité et les autres qui n'y auraient pas droit.
Pour en terminer sur le titre de la loi, sujet important sur lequel vous vous arrêtez, je voulais vous donner les éléments qui sont à l'état de réflexion qui m'ont conduit à élargir le concept de transition énergétique et à parler plus simplement, afin que tout le monde se sente partie prenante, qu'il n'y ait pas des citoyens qui se sentent d'emblée exclus d'un débat public car il n'en comprennent ni le vocabulaire ni le sens.
Voilà mesdames et messieurs, monsieur le président, mesdames et messieurs les présidents.
Pour terminer, je souligne à quel point les éléments clés que vous résumez dans votre conclusion rejoignent mes préoccupations et appellent à un effort de clarification et de complément du texte que je vous ai présenté.
Il y a six points très synthétiques et très forts, je vous en remercie.
Premier point : les moyens financiers dont vous appelez la déclinaison dans la loi de finances. Vous dites qu'ils devront être à la hauteur des enjeux. C'est aussi mon souhait le plus profond. J'ai apporté des éléments de réponse et je serai très vigilante au niveau du projet de loi de finances et des dépenses hors budget. En effet, un fonds de la transition énergétique de un milliard et demi sur des recettes non budgétaires permettra de faire levier, notamment le doublement du fonds chaleur de l'ADEME.
Second point : la mobilisation des acteurs. C'est ma préoccupation. Ma présentation du projet de loi comportait trois piliers : le texte de loi qui fixe des cadres, crée une dynamique. Cette loi n'a de sens que s'il y a une politique contractuelle avec les territoires. À l'appui de ce projet, un document d'accompagnement montre les meilleures pratiques mises en oeuvre dans les territoires. Enfin, les filières économiques, industrielles, artisanales, dans le secteur des services agricoles, c'est-à-dire la mobilisation de l'ensemble de toutes les entreprises, artisans commerçants qui créent des activités, des emplois et vont porter la croissance verte.
Troisième point : l'effort massif de recherche et de développement qui doit être engagé. Sur cet aspect, qui n'est pas strictement législatif je vais donc étoffer le texte. Je suis convaincue que la question de la recherche est cruciale. Nous avons des organismes de recherche remarquables, qui font un travail exceptionnel, souvent peu connu, dans la prévention des risques, dans la biodiversité, sur les questions entre la santé et l'environnement. Je vais réunir prochainement tous les directeurs et les présidents de ces organismes et les animateurs des comités scientifiques de ces organismes de recherche pour les mettre en synergie avec ces deux chantiers que sont les projets de loi sur le nouveau modèle énergétique et la biodiversité.
Quatrième point : les mutations industrielles en termes d'emploi avec la nécessité de compléter l'étude d'impact. Vous soulignez qu'elle est insuffisante. Je sais que nous sommes allés vite ; je suis nommé depuis deux mois à ce ministère. J'ai voulu sortir ce texte de l'ornière pour que vous en soyez saisi. Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir prévu des délais très courts pour examiner cette saisine et rendre votre avis ; ce texte est également en examen au Conseil d'État.
Les assemblées parlementaires vont pouvoir commencer leurs travaux grâce à la rapidité avec laquelle vous avez travaillé. Je vous en remercie très chaleureusement. Nous pourrons répondre aux questions et compléter l'étude d'impact, pas toujours chiffrée. Chaque fois que je pourrai améliorer des éléments d'information, je le ferai.
Le cinquième point porte sur la précarité énergétique qui doit être abordée dans toutes ses dimensions. Vous regrettez parfois dans votre projet d'avis que la précarité énergétique ne soit traitée que par l'intermédiaire du « chèque énergie ». C'est vrai qu'il est de nature législative ; il se trouve dans le projet de loi.
J'ai à l'esprit l'ensemble des sujets concernant la précarité énergétique. Il y a d'ailleurs des interventions non législatives sur ce sujet, notamment la possibilité - comme je l'ai dit tout à l'heure, de tout un chacun, de tout citoyen, même celui qui n'a pas les moyens de faire l'avance des fonds, grâce au dispositif que j'ai exprimé tout à l'heure - de réaliser des travaux d'isolation dans les logements, de renforcer le travail de l'ANAH. Vous l'évoquez aussi, j'y suis particulièrement sensible. Et les propositions que vous faites sur la précarité énergétique méritent d'être examinées et complèteront utilement le texte qui vous a été soumis.
Enfin, le dernier point est la préservation des ressources naturelles qui doit être assuré.
Vous avez insisté, madame la rapporteure sur ce sujet tout à l'heure, j'y suis attachée. Vous avez bien fait de souligner cette question et le lien qui est souvent fait par les ONG - je salue M. Bougrain Dubourg qui insiste toujours sur ce point et il a parfaitement raison - entre le texte que nous avons sur la biodiversité et ce texte sur la transition énergétique. Tout se tient dans ce domaine. C'est bien parce que nous luttons contre les gaz à effet de serre que nous luttons aussi pour reconquérir une biodiversité qui est aujourd'hui gravement menacée.
Je ferai miens les mots qui sont les vôtres dans cette conclusion lorsque vous dites que la France a une situation préférentielle car elle s'est dotée au fil de son histoire des choix faits, après-guerre, d'infrastructures de réseaux qui irriguent tout le territoire, qui rendent l'accès à l'énergie possible pour tous les Français.
Il n'y a pas, dans mon esprit, d'opposition entre les énergies renouvelables, les économies d'énergie et l'énergie nucléaire. Je dis souvent que c'est bien parce que l'on a la sécurité de l'énergie nucléaire que nous pouvons affronter et accélérer dans de bonnes conditions la transition énergétique.
Je ferai tout pour qu'il n'y ait pas d'opposition entre nos différentes sources d'énergies. Nous avons un modèle énergétique qui s'appuie sur des choix qui ont été faits. Nous devons aller vers le mix énergétique pour les raisons qui ont été évoquées sans opposer les énergies les unes aux autres, et surtout les dizaines de milliers d'hommes et de femmes qui travaillent dans tous ces secteurs.
Vous ajoutez que notre pays bénéficie de savoir-faire nombreux et reconnus, que ce soit dans les nouvelles technologies et dans des processus industriels expérimentés de longue date. C'est ma conviction la plus profonde. Nous sommes bien positionnés dans ce domaine. Nous avons pris du retard sur la performance énergétique des bâtiments, par exemple, mais nous devons là aussi être à l'offensive, comme sur ce mix énergétique, sur les énergies renouvelables, sur la sécurité nucléaire parce que nous organisons et nous recevons l'année prochaine la COP 21, le sommet mondial de protection de la planète.
De ce point de vue, nous sommes regardés dans le monde entier. Je m'en rends compte dans les discussions internationales : on regarde ce que fait la France pour avoir la légitimité, et nous l'avons, d'accueillir ce sommet de la planète.
J'ajoute que ce sera une vitrine pour nos entreprises. Je ne perds pas de vue l'enjeu de lutte contre le chômage et pour la création d'emplois. Il faut que nos entreprises soient bien conscientes qu'elles ont là une opportunité formidable à saisir pour que la France soit présente dans cette technologie, dans ses savoir-faire, dans le domaine énergétique mais aussi dans le domaine de la protection de la nature, de la biodiversité.
Il nous faut être modestes, nous n'avons pas de leçons à donner au monde entier, mais nous devons montrer ce que nous faisons et revendiquer d'être une vitrine exemplaire dans tous ces domaines.
Enfin, vous insistez sur la question des complémentarités entre énergies et sur les réseaux qui, demain, seront intelligents, qui doivent s'allier pour arriver à une moindre consommation par usage et par consommateur. C'est un enjeu essentiel que la question des réseaux intelligents et des réseaux tout court. On en parle moins car ils sont moins visibles. Mais, l'investissement dans ces réseaux intelligents est aussi un élément-clé du projet de loi, un élément-clé des investissements d'avenir pour que chacun puisse comprendre la nature de sa consommation énergétique, puisse agir sur ses économies d'énergie, sur les choix énergiques car c'est l'addition des différents choix qui feront aussi l'effet multiplicateur de l'accélération de la transition.
Le moteur de la réussite de ce pari est, dites-vous, lié à notre capacité à nous remettre en question pour emprunter les chemins du futur et la confiance est là encore la condition nécessaire pour le succès de cette transition. Vous avez ô combien raison de le souligner.
Permettez-moi de dire que la façon dont vous avez travaillé, avec la collaboration de deux sections, servira d'exemple - si je puis me permettre, auprès du parlementaire présent - à l'Assemblée nationale, pour avoir cet esprit de convergence et de rassemblement de positions qui, au départ, paraissent très éloignées les unes des autres. C'est le sentiment que j'avais en arrivant il y a deux mois dans ce ministère ; je me demandais comment faire pour réconcilier toutes ces inconciliables.
Il ne s'agit pas de réconcilier de façon artificielle ou abstraite, mais d'être intelligents ensemble, de comprendre les uns et les autres les enjeux auxquels nous avons à faire face, de rester clair sur nos convictions, qui sont diverses, mais après tout notre richesse commune est la diversité des opinions. Il faut dégager un chemin qui fera que chacun va se mobiliser avec son savoir-faire, ses compétences, ses convictions pour qu'au bout du compte ce soit le choix de l'intérêt général qui l'emporte, que l'on soit compris de nos concitoyens qui peuvent attendre beaucoup et recevoir beaucoup de cette transition.
Ils attendent de nous que nous soyons rassemblés et solidaires autour de ces objectifs. Si nous sommes clairs, toutes les actions individuelles, toutes les actions des entreprises et collectivités pourront être cohérentes autour de ces objectifs, qui consistent à inventer le futur. C'est une chance extraordinaire de pouvoir débattre pour inventer le futur et en même temps de l'articuler et de le décliner avec les actions opérationnelles qui sont prises aujourd'hui.
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les présidents, mesdames, messieurs, tels sont les éléments de réponse que je voulais vous apporter. Pardon si elles ne sont pas totalement exhaustives. Sachez que la qualité de vos travaux va inspirer la façon dont je vais compléter ce texte et aborder le débat parlementaire pour qu'au bout du compte ce magnifique texte pour réussir la transition énergétique, grâce à un nouveau modèle énergétique français, soit bien notre oeuvre commune.
Source http://www.lecese.fr, le 18 août 2014
Mesdames et Messieurs, laissez-moi d'abord tout particulièrement saluer Madame et Monsieur les rapporteurs de vos deux sections pour la qualité exceptionnelle de ces travaux, dont j'ai pris connaissance avec énormément d'attention. Je vous remercie, les uns et les autres, de votre contribution à cette oeuvre majeure que vous avez d'ailleurs bien voulu qualifier - je vous cite -, de « projet de loi qui est la première page d'une nouvelle étape de l'histoire de l'énergie en France ». Il s'agit de donner, dites-vous, une impulsion pour une réelle transformation.
Et vous soulignez dans votre introduction que le Conseil économique, social et environnemental apprécie cette évolution destinée à soutenir le développement économique et social, la création d'emplois, la responsabilisation écologique ainsi que la compétitivité globale du pays.
Il est vrai que je me réjouis de la façon dont vous avez pris du recul par rapport à des objectifs très opérationnels et très techniques en combinant cette vision globale, et forcément mondiale, c'est-à-dire comment faire - c'est notre responsabilité commune en tant que responsables politiques au sens noble du terme, vous ici, moi au gouvernement, qui aura à s'en saisir - pour, ensemble, mettre en mouvement les intelligences collectives afin d'inventer notre avenir tout en étant très efficaces sur le moment présent.
C'est bien parce que les objectifs sont très ambitieux que nous avons l'ardente obligation d'être les plus efficaces possible.
Je vois trois dimensions qui rejoignent tout à fait ma façon de voir les choses - et je vous en remercie - à la fois l'ambition du projet que nous portons ensemble et la mobilisation nécessaire des forces vives et vous insistez dessus à plusieurs reprises dans ce projet d'avis.
Je vais faire en sorte que cette visibilité sur la mobilisation des forces vives soit plus forte puisque, bien évidemment - et ce ne sera peut-être pas un des premiers éléments de réponse à la façon dont vous soulignez la nécessité de renforcer la mobilisation de toutes les parties prenantes - dans un texte de loi, il n'y a pas tout ce qui est non législatif.
C'est pourquoi, et vous le soulignez dans votre projet d'avis, vous avez bien voulu insister sur le fait qu'il était très important d'avoir, en parallèle, mobilisé les collectivités territoriales.
D'ailleurs, à plusieurs reprises, ce que je retiens dans ce projet de loi, c'est une généralisation de bonnes pratiques qui existent sur les territoires et dans les réseaux d'entreprises. En effet, bien souvent, dans les réseaux d'entreprises, ancrés sur les territoires, en appui sur des territoires dynamiques, on a anticipé la transition énergétique et on a anticipé le nouveau modèle énergétique français.
Pour aller vite - parce que ma conviction profonde est que plus la transition est rapide, moins elle sera coûteuse et plus elle sera créatrice d'activité et d'emploi - on a intérêt à s'appuyer sur ce qui existe déjà et ce qui a réussi, avec cette phrase toute simple : si d'autres l'ont fait, pourquoi pas vous ? C'est une façon de monter très rapidement en puissance.
Troisième point sur lequel vous insistez : la question de l'efficacité. Là aussi, il m'appartient, pour répondre à vos préoccupations, de montrer davantage que ce n'est le cas aujourd'hui comment cette loi s'accompagne d'outils efficaces.
J'observe en particulier que vous en appelez à une clarification sur la question des financements. Laissez-moi vous apporter quelques éléments sur ce sujet car, bien évidemment, les financements ne sont pas dans le projet de loi proprement dit puisqu'ils relèvent du projet de loi de finances et d'un certain nombre d'actions contractuelles.
J'en citerai quelques-unes. D'abord, il y aura, dans le projet de loi de finances, des allègements fiscaux pour les particuliers qui vont engager dès le 1er septembre des travaux de performance énergétique dans leur logement ; il y aura un allègement fiscal de 8 000 par personne et de 14 000 pour un couple, à hauteur de 30 % de la déduction de l'investissement. C'est donc un effort considérable que j'espère déclencheur et créateur d'activité et d'emploi dans les filières du bâtiment.
Il y aura une ligne de crédit de 5 Md à la Caisse des Dépôts, d'ores et déjà mobilisable à hauteur de 5 M par opération, à un taux de 2 % remboursable sur une durée de 20 à 40 ans et sans apport initial.
Je forme le voeu que l'ensemble des collectivités territoriales, des intercommunalités, des communes, départements et régions puissent se saisir rapidement de cet outil pour améliorer la performance énergétique des bâtiments et s'engager dans la construction de bâtiments à énergie positive.
Il y a par ailleurs une ligne de crédit spécifique - pour laquelle j'ai noué un partenariat avec la Banque européenne d'investissement - à hauteur de 1 Md pour que les départements puissent s'engager très rapidement dans les travaux de performance énergétique des collèges.
Nous aurons ensuite le prêt à taux zéro des banques qui, comme vous le savez, aujourd'hui, est un peu bloqué. Grâce à la publication d'un décret sur l'écoconditionnalité, je vais simplifier la procédure administrative de la délivrance de ce prêt à taux zéro en transférant vers des tiers contrôleurs, et à la demande des entreprises de la Fédération du bâtiment et de l'artisanat du bâtiment, des entreprises performantes et certifiées pour le faire.
Les banques n'auront plus ce frein qui justifie aujourd'hui que ces prêts ne sont pas délivrés.
Ensuite, il y aura le tiers financeurs et je me félicite de voir que vous soulignez son importance. D'ailleurs, vous faites une observation très intéressante qui va me servir dans les débats à l'Assemblée nationale. Vous soulignez que, finalement, l'aménagement du monopole bancaire a été déjà réalisé dans d'autres domaines portant des actions de service public par les collectivités territoriales ; vous avez parfaitement raison. Sur cette contestation quant au fait qu'il y avait une atteinte au monopole bancaire, j'ai tenu bon par rapport à cette façon de voir les choses. Vous m'apportez des arguments supplémentaires auxquels je n'avais pas forcément pensé ; je vous en remercie.
Ensuite, nous aurons la simplification de l'accès à l'information des citoyens, avec l'installation dans chaque intercommunalité d'un point d'information. En effet, je suis en train de monter un partenariat avec la Poste pour que, y compris dans les territoires ruraux, grâce à de nouvelles formations et parce qu'ils sont en recherche de nouvelles missions de service public - à cause de la diminution du courrier écrit - quelque chose de très intéressant et de vivant soit monté sur les territoires. D'ailleurs, certains territoires qui ont eu l'information se mettent en mouvement pour signer des partenariats, aux guichets de la Poste, afin que l'information puisse aller au plus près des citoyens et qu'ils s'engagent dans cette transition énergétique.
Vous évoquez plusieurs fois des questions de cohérence. Vous dites notamment que, parfois, la dimension européenne n'est pas suffisamment présente pour la cohérence, en amont et en aval, et qu'il faudrait renforcer la cohérence entre les filières économiques et les territoires. En effet, je renforcerai ce point dans l'exposé des motifs. Dans la façon dont j'ai rédigé le projet, c'était implicite, mais je ne vois aucun inconvénient à rappeler un certain nombre d'objectifs. Bien évidemment, sur ce sujet, dans la mesure où elles ne sont pas abrogées, les lois précédentes sont bien applicables ; qu'il y ait une cohérence était donc implicite. Également, la cohérence avec nos engagements européens qui, j'allais dire, vont de soi, mais il sera peut-être mieux de le repréciser pour répondre à ce souci de cohérence que vous évoquez.
Vous avez souligné à l'instant - et en effet, c'est un élément important de votre projet d'avis - qu'il n'y avait pas consensus sur deux points.
D'abord, sur la question de la réduction à 50 % de la consommation à l'horizon 2050. Ensuite, sur la baisse de la part de l'énergie nucléaire dans la production d'électricité de 75 à 50 %.
Je sais qu'il n'y a pas consensus sur ces sujets et vous avez bien voulu le formuler de façon cohérente avec votre assemblée, en disant que certains de ses membres n'étaient pas d'accord avec ces objectifs. Ce sera aussi le cas au Parlement. Ce sera, sans doute, aussi le cas dans la société.
Ces deux objectifs ont été affirmés par le Président de la République. Connaissant ces sujets, cela nous paraît court, ambitieux.
En même temps, lorsque les Français entendent dire que l'on s'occupe de ce qui se passera en 2050 - alors que, parfois, ils ont du mal à payer leur facture d'électricité - cela leur paraît très lointain. J'ai essayé d'avoir un juste équilibre entre cet horizon très lointain, que nous devons impérativement porter - car c'est pour notre avenir commun que nous travaillons et, à l'échelle de la vie de la planète, 2050, c'est demain - et le fait de répondre aux préoccupations de nos entreprises, de nos concitoyens, de nos territoires, à savoir leur donner des outils opérationnels maintenant, tout de suite, par rapport à ces objectifs qui font que nous sommes à la fois citoyens du monde, que nous devons donc réussir la lutte contre le réchauffement climatique et, en même temps, considérer que cette citoyenneté mondiale, que cette obligation morale, n'est pas une contrainte, mais est une chance.
C'est cela, l'enjeu de la transition énergétique. Nous devons à réussir à convaincre l'ensemble des acteurs, l'ensemble des opérateurs, l'ensemble des investisseurs, l'ensemble des consommateurs, l'ensemble des ONG que cette contrainte, qui est un impératif pour la survie humaine des générations futures, est aussi une chance ! Il faut convaincre qu'il n'y a pas d'autre domaine où l'on puisse inventer une autre façon de vivre, qu'il n'y a pas d'autre domaine où l'on puisse inventer un autre modèle de développement, qu'il n'y a pas d'autre domaine où l'on pose à la fois la question de la santé liée à l'environnement, les questions liées à la biodiversité - qui, d'ailleurs, ont un lien avec la santé - les questions du travail et de lutte contre le chômage. La croissance verte est un des leviers majeurs de sortie de crise (et de la question du pouvoir d'achat), car si on arrive à relever le défi extraordinaire des économies d'énergie, alors, on baissera aussi la facture et les gens pourront donc réorienter ce pouvoir d'achat, qui aujourd'hui stagne. Et, pour les années à venir, se pose également la question de savoir comment, en ne gagnant pas plus, on pourra vivre mieux... ce sera possible parce que l'on mangera mieux, parce que l'on se déplacera mieux, parce que l'on sera moins pollué et parce que l'on aura aussi du travail et un contenu au travail plus intéressant... tout ce qui relève du qualitatif et qui, finalement, est du pouvoir d'achat tout à fait essentiel.
Ce nouveau paradigme, cette nouvelle façon de faire, constitue notre chance de sortie de crise parce que, derrière la question de la croissance verte, derrière la question de la recherche - et je vous remercie d'avoir très fortement insisté sur la question de la recherche qui, en effet, au moment du débat parlementaire, devra être accompagnée d'un descriptif plus précis de la mobilisation des filières de la recherche pour pouvoir accélérer cette transition énergétique - l'innovation dans les filières du futur et les métiers du futur, dans les industries du futur ( notamment dans les 34 plans industriels du futur), est une question majeure.
D'ailleurs, je souligne que, dans ces 34 plans industriels du futur, 10 plans touchent à l'énergie, aux transports, à l'économie circulaire, à la gestion des déchets. En quittant votre assemblée, je me rends avec Arnaud Montebourg, ministre de l'Économie, du redressement productif et du numérique, à une réunion consacrée à ces 34 plans industriels qui relèvent de l'économie, de l'économie circulaire, des déchets, des transports propres etc., pour préciser la feuille de route. C'est dire à quel point les entreprises françaises sont parfaitement bien positionnées, non seulement en France, mais aussi à l'échelle internationale, pour conquérir des marchés, parce que c'est aussi une offensive à l'international que nous devons mener, une chance que nous devons saisir, puisque, de gré ou de force, tous les pays doivent s'engager dans cette transition énergétique.
C'est le deuxième aspect qui me fait dire que ce défi que nous avons à relever est aussi une formidable chance.
Enfin, vous avez évoqué un certain nombre de sujets auxquels je vais donner un contenu et une suite dans le projet. Par exemple, sur la CSPE, l'avis que vous donnez est vraiment intéressant et judicieux, en particulier lorsque vous en appelez à une réelle lisibilité, à une transparence de la CSPE. Vous avez totalement raison et, sur ce sujet-là, il nous reste un travail à accomplir. Je compte vraiment sur la diversité de la composition de votre assemblée pour nous y aider car il est évident que, dans la question de la démocratie énergétique, comprendre les flux financiers, les maîtriser, y apporter un éclairage pluridisciplinaire est quelque chose de très important. Je vous remercie vraiment d'avoir insisté sur ce point.
Vous insistez également beaucoup sur l'élargissement de la notion de véhicules propres. Sans doute va-t-il va falloir compléter le dispositif de la loi, tout en veillant à ne pas disperser les moyens financiers. Vous estimez que les 7 millions de bornes à déployer constituent un objectif trop ambitieux. Je pense qu'il faut être ambitieux, d'autant que, dans les filières industrielles du futur, ici, en France, nous avons des spécialistes de la voiture électrique, mais aussi des bornes de recharge, et avons besoin de montrer que la France croit dans ces technologies pour pouvoir aussi entraîner d'autres pays.
Maintenant, aucun malentendu ne doit exister sur ce sujet. Le bonus sur le véhicule propre n'est pas supprimé. Il est proposé que le nouvel effort accompli pour augmenter le bonus écologique aille prioritairement sur le véhicule électrique. Je suis disposée à regarder, à la lumière de vos observations, comment nous pouvons élargir la notion de véhicule propre sans diluer un effort financier qui est toujours limité. Un choix est toujours à opérer soit entre des priorités fortes, soit en dispersant l'effort. Sur ce point, nous pourrons affiner les choses.
Sur le titre de la loi, vous regrettez qu'elle ne s'appelle plus Loi de transition énergétique. À la façon dont elle a été présentée au Conseil des Ministres, c'est pour réussir la transition énergétique. C'est une Loi de programmation sur le nouveau modèle énergétique français. J'ai complété et globalisé davantage le titre de cette loi, car je me suis rendu compte que pour le citoyen qui paie ses factures, la transition énergétique était compliquée et pas forcément comprise. Un certain nombre d'enquêtes qualitatives montraient que le mot transition contenait quelque chose d'anxiogène. En effet, une transition, c'est le passage d'une situation à une autre, mais pas forcément meilleure. Ce mot ne contient pas le concept d'un progrès social. Les Français ne comprennent pas à quoi fait référence la transition énergétique, car il n'y a pas le concept de progression ni d'amélioration.
C'est très abstrait pour eux. Il m'a semblé nécessaire de montrer que ce nouveau modèle est positif et que nous devons le construire ensemble.
Cependant, le concept est installé. Tout le monde parle de transition énergétique, y compris à l'échelle internationale. Ce concept vient de l'Allemagne et, dans la langue allemande, il contient une dynamique positive.
Je propose que nous continuions à y travailler. L'expression transition énergétique ne doit pas disparaître, car c'est un repère dans le débat public qui fait consensus et fédère ceux qui sont les mieux informés, dont nous nous faisons partie : les entreprises, les corps intermédiaires, les élus... Nous savons de quoi nous parlons ; mais, rien n'est pire que d'utiliser des concepts que les citoyens ne comprennent pas. Ces derniers comprennent quand on leur parle du prix des factures, qu'on va économiser l'énergie, comment trouver l'argent pour faire les travaux, quand on leur explique qu'il y aura des tiers financeurs, que la pollution de l'air porte atteinte à leur santé. Ils commencent à comprendre ce qu'est la biodiversité, même si c'est compliqué, mais cela continue à progresser dans la prise de conscience. La question de l'éducation à l'environnement doit se poursuivre.
La volonté de faire en sorte que tous les Français s'approprient ces concepts ne doit pas être abandonnée car c'est à nous de faire l'effort d'explication, de transparence, d'accompagnement et de la façon dont on peut affiner les choses. Ainsi, tout le monde comprendra qu'on a besoin de tout un chacun pour réussir cette transition écologique au sens large. Tout le monde a sa part à prendre dans cette transition énergétique, où qu'il soit, quel que soit son bagage scolaire et son niveau de revenus.
Ce ne sont pas des impôts, des contraintes ou des embêtements supplémentaires pour les citoyens. Il est important que les dirigeants n'utilisent pas des mots compliqués pour faire « avaler » un certain nombre de décisions impopulaires. Nous devons porter une dynamique positive afin que les citoyens perçoivent la transition énergétique comme un ensemble de bonnes nouvelles, de choses positives qui vont leur faire du bien, qui vont permettre d'organiser la société différemment pour qu'il n'y ait pas, par exemple, d'un côté ceux qui ont le droit d'accéder à une alimentation saine et de qualité et les autres qui n'y auraient pas droit.
Pour en terminer sur le titre de la loi, sujet important sur lequel vous vous arrêtez, je voulais vous donner les éléments qui sont à l'état de réflexion qui m'ont conduit à élargir le concept de transition énergétique et à parler plus simplement, afin que tout le monde se sente partie prenante, qu'il n'y ait pas des citoyens qui se sentent d'emblée exclus d'un débat public car il n'en comprennent ni le vocabulaire ni le sens.
Voilà mesdames et messieurs, monsieur le président, mesdames et messieurs les présidents.
Pour terminer, je souligne à quel point les éléments clés que vous résumez dans votre conclusion rejoignent mes préoccupations et appellent à un effort de clarification et de complément du texte que je vous ai présenté.
Il y a six points très synthétiques et très forts, je vous en remercie.
Premier point : les moyens financiers dont vous appelez la déclinaison dans la loi de finances. Vous dites qu'ils devront être à la hauteur des enjeux. C'est aussi mon souhait le plus profond. J'ai apporté des éléments de réponse et je serai très vigilante au niveau du projet de loi de finances et des dépenses hors budget. En effet, un fonds de la transition énergétique de un milliard et demi sur des recettes non budgétaires permettra de faire levier, notamment le doublement du fonds chaleur de l'ADEME.
Second point : la mobilisation des acteurs. C'est ma préoccupation. Ma présentation du projet de loi comportait trois piliers : le texte de loi qui fixe des cadres, crée une dynamique. Cette loi n'a de sens que s'il y a une politique contractuelle avec les territoires. À l'appui de ce projet, un document d'accompagnement montre les meilleures pratiques mises en oeuvre dans les territoires. Enfin, les filières économiques, industrielles, artisanales, dans le secteur des services agricoles, c'est-à-dire la mobilisation de l'ensemble de toutes les entreprises, artisans commerçants qui créent des activités, des emplois et vont porter la croissance verte.
Troisième point : l'effort massif de recherche et de développement qui doit être engagé. Sur cet aspect, qui n'est pas strictement législatif je vais donc étoffer le texte. Je suis convaincue que la question de la recherche est cruciale. Nous avons des organismes de recherche remarquables, qui font un travail exceptionnel, souvent peu connu, dans la prévention des risques, dans la biodiversité, sur les questions entre la santé et l'environnement. Je vais réunir prochainement tous les directeurs et les présidents de ces organismes et les animateurs des comités scientifiques de ces organismes de recherche pour les mettre en synergie avec ces deux chantiers que sont les projets de loi sur le nouveau modèle énergétique et la biodiversité.
Quatrième point : les mutations industrielles en termes d'emploi avec la nécessité de compléter l'étude d'impact. Vous soulignez qu'elle est insuffisante. Je sais que nous sommes allés vite ; je suis nommé depuis deux mois à ce ministère. J'ai voulu sortir ce texte de l'ornière pour que vous en soyez saisi. Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir prévu des délais très courts pour examiner cette saisine et rendre votre avis ; ce texte est également en examen au Conseil d'État.
Les assemblées parlementaires vont pouvoir commencer leurs travaux grâce à la rapidité avec laquelle vous avez travaillé. Je vous en remercie très chaleureusement. Nous pourrons répondre aux questions et compléter l'étude d'impact, pas toujours chiffrée. Chaque fois que je pourrai améliorer des éléments d'information, je le ferai.
Le cinquième point porte sur la précarité énergétique qui doit être abordée dans toutes ses dimensions. Vous regrettez parfois dans votre projet d'avis que la précarité énergétique ne soit traitée que par l'intermédiaire du « chèque énergie ». C'est vrai qu'il est de nature législative ; il se trouve dans le projet de loi.
J'ai à l'esprit l'ensemble des sujets concernant la précarité énergétique. Il y a d'ailleurs des interventions non législatives sur ce sujet, notamment la possibilité - comme je l'ai dit tout à l'heure, de tout un chacun, de tout citoyen, même celui qui n'a pas les moyens de faire l'avance des fonds, grâce au dispositif que j'ai exprimé tout à l'heure - de réaliser des travaux d'isolation dans les logements, de renforcer le travail de l'ANAH. Vous l'évoquez aussi, j'y suis particulièrement sensible. Et les propositions que vous faites sur la précarité énergétique méritent d'être examinées et complèteront utilement le texte qui vous a été soumis.
Enfin, le dernier point est la préservation des ressources naturelles qui doit être assuré.
Vous avez insisté, madame la rapporteure sur ce sujet tout à l'heure, j'y suis attachée. Vous avez bien fait de souligner cette question et le lien qui est souvent fait par les ONG - je salue M. Bougrain Dubourg qui insiste toujours sur ce point et il a parfaitement raison - entre le texte que nous avons sur la biodiversité et ce texte sur la transition énergétique. Tout se tient dans ce domaine. C'est bien parce que nous luttons contre les gaz à effet de serre que nous luttons aussi pour reconquérir une biodiversité qui est aujourd'hui gravement menacée.
Je ferai miens les mots qui sont les vôtres dans cette conclusion lorsque vous dites que la France a une situation préférentielle car elle s'est dotée au fil de son histoire des choix faits, après-guerre, d'infrastructures de réseaux qui irriguent tout le territoire, qui rendent l'accès à l'énergie possible pour tous les Français.
Il n'y a pas, dans mon esprit, d'opposition entre les énergies renouvelables, les économies d'énergie et l'énergie nucléaire. Je dis souvent que c'est bien parce que l'on a la sécurité de l'énergie nucléaire que nous pouvons affronter et accélérer dans de bonnes conditions la transition énergétique.
Je ferai tout pour qu'il n'y ait pas d'opposition entre nos différentes sources d'énergies. Nous avons un modèle énergétique qui s'appuie sur des choix qui ont été faits. Nous devons aller vers le mix énergétique pour les raisons qui ont été évoquées sans opposer les énergies les unes aux autres, et surtout les dizaines de milliers d'hommes et de femmes qui travaillent dans tous ces secteurs.
Vous ajoutez que notre pays bénéficie de savoir-faire nombreux et reconnus, que ce soit dans les nouvelles technologies et dans des processus industriels expérimentés de longue date. C'est ma conviction la plus profonde. Nous sommes bien positionnés dans ce domaine. Nous avons pris du retard sur la performance énergétique des bâtiments, par exemple, mais nous devons là aussi être à l'offensive, comme sur ce mix énergétique, sur les énergies renouvelables, sur la sécurité nucléaire parce que nous organisons et nous recevons l'année prochaine la COP 21, le sommet mondial de protection de la planète.
De ce point de vue, nous sommes regardés dans le monde entier. Je m'en rends compte dans les discussions internationales : on regarde ce que fait la France pour avoir la légitimité, et nous l'avons, d'accueillir ce sommet de la planète.
J'ajoute que ce sera une vitrine pour nos entreprises. Je ne perds pas de vue l'enjeu de lutte contre le chômage et pour la création d'emplois. Il faut que nos entreprises soient bien conscientes qu'elles ont là une opportunité formidable à saisir pour que la France soit présente dans cette technologie, dans ses savoir-faire, dans le domaine énergétique mais aussi dans le domaine de la protection de la nature, de la biodiversité.
Il nous faut être modestes, nous n'avons pas de leçons à donner au monde entier, mais nous devons montrer ce que nous faisons et revendiquer d'être une vitrine exemplaire dans tous ces domaines.
Enfin, vous insistez sur la question des complémentarités entre énergies et sur les réseaux qui, demain, seront intelligents, qui doivent s'allier pour arriver à une moindre consommation par usage et par consommateur. C'est un enjeu essentiel que la question des réseaux intelligents et des réseaux tout court. On en parle moins car ils sont moins visibles. Mais, l'investissement dans ces réseaux intelligents est aussi un élément-clé du projet de loi, un élément-clé des investissements d'avenir pour que chacun puisse comprendre la nature de sa consommation énergétique, puisse agir sur ses économies d'énergie, sur les choix énergiques car c'est l'addition des différents choix qui feront aussi l'effet multiplicateur de l'accélération de la transition.
Le moteur de la réussite de ce pari est, dites-vous, lié à notre capacité à nous remettre en question pour emprunter les chemins du futur et la confiance est là encore la condition nécessaire pour le succès de cette transition. Vous avez ô combien raison de le souligner.
Permettez-moi de dire que la façon dont vous avez travaillé, avec la collaboration de deux sections, servira d'exemple - si je puis me permettre, auprès du parlementaire présent - à l'Assemblée nationale, pour avoir cet esprit de convergence et de rassemblement de positions qui, au départ, paraissent très éloignées les unes des autres. C'est le sentiment que j'avais en arrivant il y a deux mois dans ce ministère ; je me demandais comment faire pour réconcilier toutes ces inconciliables.
Il ne s'agit pas de réconcilier de façon artificielle ou abstraite, mais d'être intelligents ensemble, de comprendre les uns et les autres les enjeux auxquels nous avons à faire face, de rester clair sur nos convictions, qui sont diverses, mais après tout notre richesse commune est la diversité des opinions. Il faut dégager un chemin qui fera que chacun va se mobiliser avec son savoir-faire, ses compétences, ses convictions pour qu'au bout du compte ce soit le choix de l'intérêt général qui l'emporte, que l'on soit compris de nos concitoyens qui peuvent attendre beaucoup et recevoir beaucoup de cette transition.
Ils attendent de nous que nous soyons rassemblés et solidaires autour de ces objectifs. Si nous sommes clairs, toutes les actions individuelles, toutes les actions des entreprises et collectivités pourront être cohérentes autour de ces objectifs, qui consistent à inventer le futur. C'est une chance extraordinaire de pouvoir débattre pour inventer le futur et en même temps de l'articuler et de le décliner avec les actions opérationnelles qui sont prises aujourd'hui.
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les présidents, mesdames, messieurs, tels sont les éléments de réponse que je voulais vous apporter. Pardon si elles ne sont pas totalement exhaustives. Sachez que la qualité de vos travaux va inspirer la façon dont je vais compléter ce texte et aborder le débat parlementaire pour qu'au bout du compte ce magnifique texte pour réussir la transition énergétique, grâce à un nouveau modèle énergétique français, soit bien notre oeuvre commune.
Source http://www.lecese.fr, le 18 août 2014