Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre, sur la politique de la ville, l'intercommunalité et les finances locales, à Cayenne le 11 avril 1996.

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Circonstance : Déplacement dans les départements français d'Amérique (Martinique, Guadeloupe, Guyane) du 11 au 15 avril 1996

Texte intégral

Monsieur le Maire,
Messieurs et Mesdames les adjoints et conseillers municipaux,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord Monsieur le Maire de vous adresser mes remerciements les plus cordiaux pour l'accueil que vous m'avez réservé aujourd'hui en cet hôtel de ville de Cayenne. La tradition républicaine veut qu'un Premier Ministre vienne saluer le Maire et les conseillers municipaux du chef-lieu du département qu'il visite. Je tiens d'autant plus à cette exigence que je suis moi-même maire d'une commune.
C'est avec beaucoup de plaisir et d'intérêt que je découvre votre belle cité, construite sur un site magnifique, dominée par la colline de Cépérou, qui d'après ce que j'ai lu, doit son nom à un grand chef Galibi dont le royaume s'étendait alors de l'Orénoque à l'Amazone et dont le fils portait le nom de Cayenne. Votre cité est aussi fortement marquée par le charme de l'architecture créole traditionnelle que nous retrouvons ici mieux préservée qu'ailleurs. A cet égard, Cayenne incarne l'identité guyanaise et votre ville, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs, dispose de réels atouts pour jouer pleinement son rôle de chef-lieu de la région.
Je n'en suis pas moins conscient des problèmes particuliers que la population de Cayenne rencontre et qui sont, à certains égards, encore plus aigus que ceux auxquels se heurte le reste du département. Je pense bien sûr au chômage, à tout ce qui engendre l'exclusion et la précarité. Je pense également à l'habitat insalubre, aux besoins importants en matière d'éducation. Et je n'oublie pas, car je sais que c'est la préoccupation première des Cayennais, les problèmes de sécurité que j'évoquerai plus en détail tout à l'heure à la préfecture, car s'ils prennent une importance particulière dans votre ville, ils appellent des réponses qui concernent l'ensemble du département.
Je voudrais devant vous, dès à présent, revenir sur trois domaines qui me paraissent essentiels à la vie de votre collectivité.
Tout d'abord, la politique de la ville. Le contrat de ville, signé en 1994, mobilise sur la durée du plan une masse substantielle de crédits soit près de 47 MF auxquels I'Etat consacre pour sa part 28 MF. Je sais que pour permettre un bon démarrage des actions, l'État a dû s'engager les premières années pour une part plus importante que celle initialement prévue. Je sais aussi que votre commune et les autres collectivités concernées font des efforts louables pour assurer le rattrapage financier nécessaire, si bien que le processus se déroule de manière globalement satisfaisante.
Il faut ajouter, à ce contrat de ville, les moyens importants, plus de 10 MF par an, que l'Etat consacre dans le département à la lutte pour la résorption de l'habitat insalubre. Nous devons tous répondre impérativement à ces défis car il y va de la consolidation de la cohésion sociale et de la lutte contre l'exclusion. En agissant ainsi nous saurons désamorcer les phénomènes qui génèrent la délinquance et l'insécurité. Nous aurons, tout à l'heure, en visitant la quartier chinois, l'occasion d'évoquer tout cela très concrètement.
Le deuxième thème que je souhaite aborder est celui de l'intercommunalité. Dans ce domaine, ma philosophie, en qualité de Premier Ministre comme en qualité de maire, est que l'Etat ne doit rien imposer aux collectivités locales, mais au contraire s'efforcer de leur apporter aides et conseils.
Vous avez pris l'initiative, avec les six communes composant le grand Cayenne, de vous unir dans le cadre d'une communauté de communes comme cela a déjà été fait dans l'ouest guyanais. C'est une décision très constructive que je salue.
Sans menacer l'autonomie de chacune des collectivités, cela permet de mettre en oeuvre des moyens plus importants pour traiter ensemble les dossiers prioritaires pour la vie quotidienne de vos administrés, comme l'aménagement de l'espace, l'assainissement, l'adduction en eau potable ou le traitement des ordures ménagères.
Vous avez, Monsieur le Maire, vous-même et vos cinq collègues, l'appui de l'Etat pour aller plus loin dans cette démarche et je vous rappelle que mieux l'intégration fiscale entre les communes sera assurée, plus les aides de l'Etat à travers la dotation globale de fonctionnement seront significatives.
Vous le savez, et c'est le troisième sujet que je voudrais aborder, l'efficacité des politiques locales repose, outre le savoir-faire et le dynamisme des élus et de leurs équipes, sur le bon équilibre financier des collectivités et, notamment, sur leur capacité à investir.
Or la situation financière de la ville de Cayenne est aujourd'hui extrêmement préoccupante. Vous avez souhaité que soit réalisé un audit financier de la commune et vous avez associé l'Etat et les organismes prêteurs à l'analyse de ces conclusions. Il faut effectivement agir vite et de façon déterminée.
Comme vous l'a indiqué Jean-Jacques de PERRETI, Ministre de l'Outre-Mer, l'Etat saura aider la ville de Cayenne dans son redressement mais n'oublions pas le vieil adage "aide-toi, le ciel t'aidera" ; pour que l'Etat et les organismes prêteurs puissent faire les efforts nécessaires, il faut absolument que votre commune affiche clairement sa volonté de redressement qui passe, ici comme ailleurs, par une maîtrise très stricte des dépenses de gestion permettant le désendettement et la réalisation du minimum d'investissements indispensables.
De tels objectifs ne se réaliseront pas sans rigueur, sans courage et sans vigilance : nous en sommes tous convaincus. C'est la condition préalable pour que la commune chef-lieu du département de la Guyane retrouve des capacités financières à la hauteur de ses ambitions et de ses obligations. Cette phase de redressement passe également par une réorganisation et un renforcement de vos structures administratives. Vous avez sur ce sujet, Monsieur le Maire, engagé une réflexion à laquelle vous souhaitez associer la capacité d'expertise, de l'inspection générale de l'administration. Monsieur de PERETTI a appuyé votre demande et j'ai donné, avant de quitter Paris, les instructions nécessaires à l'envoi rapide d'une mission chargée de déterminer, avec vos services, les mesures souhaitables. Je souhaite que cela contribue utilement à définir les outils de gestion et de contrôle que vous appelez de vos voeux pour redonner à votre cité l'élan dont elle a besoin pour tenir sa place, qui est grande, dans l'équilibre de la Guyane.
Je vous remercie encore Monsieur le Maire de votre franchise et de votre sens du dialogue et je vous assure, ainsi que l'ensemble des adjoints et conseillers municipaux, de la volonté de mon Gouvernement et de l'Etat d'être des partenaires disponibles, attentifs et constructifs.