Interview de M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat au budget, à "France Inter" le 20 août 2014, sur la politique fiscale du gouvernement et les mesures de réductions d'impôt pour les foyers modestes.

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Média : France Inter

Texte intégral

BRUNO DUVIC
Christian ECKERT, secrétaire d'Etat au Budget, est ce matin l'invité de FRANCE INTER, bonjour monsieur.
CHRISTIAN ECKERT
Bonjour.
BRUNO DUVIC
4.200.000 foyers ont bénéficié d'une réduction d'impôts cette année, selon des chiffres publiés par lemonde.fr, est-ce que vous confirmez ces chiffres ?
CHRISTIAN ECKERT
Oui ! Je confirme ces chiffres, c'est l'ampleur de l'effet d'une mesure que nous avons décidée en fin d'année dernière pour éviter que des gens qui rentrent ou qui venaient de rentrer dans l'impôt sur le revenu reste dans l'impôt sur le revenu, il s‘agit des foyers modestes ou moyens, 350 euros de réduction pour un célibataire et 700 euros de réduction d'impôts pour un couple.
BRUNO DUVIC
4.200.000 foyers, c'est 500.000 de plus que prévu par le gouvernement, il y a l'effet des baisses d'impôts que vous venez de détailler, cela traduit aussi un appauvrissement de la population de gens qui sont sortis du côté imposable ?
CHRISTIAN ECKERT
Non ! Pas forcément, puisque l'entrée dans l'impôt sur le revenu – on y reviendra peut-être – est assez complexe, il y a beaucoup de dispositifs qui se superposent et qui ont été accumulés au fil du temps. C'est d'ailleurs l'ambition du gouvernement que de simplifier et de revoir ces questions de bas de barèmes, comme on dit entre nous, pour pouvoir avoir une politique beaucoup plus lisible et plus perceptible par nos concitoyens.
BRUNO DUVIC
On est sur une tendance où en substance l'impôt monte pour 1/3 des foyers, il baisse pour 1/3 et il ne bouge pas pour le dernier 1/3 ?
CHRISTIAN ECKERT
Oui ! C'est grosso modo le résultat, encore partiel, on n'a pas encore exploité comme on dit l'ensemble des déclarations, environ 90 % des déclarations maintenant ont été traitées, donc sur ces premiers éléments c'est la tendance, c'est beaucoup moins d'augmentation que les années précédentes. Il reste des foyers dont l'impôt augmente, parce que des situations individuelles peuvent changer : on peut retrouver un travail, quand on n'en avait pas ; on peut avoir une situation familiale qui évolue, un enfant qui quitte le foyer fiscal et, donc, il y a tous les ans des variations, cette année la proportion de foyers dont l‘impôt sur le revenu augmente est nettement inférieure à celle des années précédentes, pas seulement de l'année dernière, elle est y compris très nettement inférieure à celle de l'année 2010 par exemple.
BRUNO DUVIC
Alors il y a un autre chiffre dans cet article, bien informé manifestement du monde.fr…
CHRISTIAN ECKERT
Pas tout à fait ! Il y a une erreur importante, je souhaiterais d'ailleurs qu'on puisse la corriger.
BRUNO DUVIC
Alors est-ce que l'erreur c'est qu'il y a 10 milliards d'impôts qui rentreront en moins…
CHRISTIAN ECKERT
Oui !
BRUNO DUVIC
Dans les caisses de l'Etat…
CHRISTIAN ECKERT
C'est une erreur, parce que…
BRUNO DUVIC
Parce que 10 milliards c'est une somme énorme ?
CHRISTIAN ECKERT
Oui ! Non, mais c'est faux, puisque Le Monde s'appuie sur le résultat – comme je vous l'ai dit – des déclarations d'impôts qui ont déjà été traitées et la comparaison...
BRUNO DUVIC
Vous disiez…
CHRISTIAN ECKERT
Qui est faite…
BRUNO DUVIC
Vous disiez 90 % tout à l'heure ?
CHRISTIAN ECKERT
Oui ! 90 % en nombre, ce qui n'est pas forcément la même chose en volume d'ailleurs, parce que…
BRUNO DUVIC
Cela dit, ça donne une idée quand même assez précise…
CHRISTIAN ECKERT
Non ! Là, le…
BRUNO DUVIC
Voire très précise ?
CHRISTIAN ECKERT
Le produit de l'impôt sur le revenu sera selon toutes les estimations, y compris les dernières en prenant toutes les précautions d'usage, conforme à ce que la Loi de finance rectificative a indiqué, c'est-à-dire autour de 71 milliards d'euros.
BRUNO DUVIC
On était partis de 65 à l'origine, donc il y a quand même une perdition de 6 milliards d'euros, ce qui est beaucoup ?
CHRISTIAN ECKERT
Non ! Il y a une déperdition…
BRUNO DUVIC
On était partis de 75 et on arrive à 71, donc une perte de 4 milliards…
CHRISTIAN ECKERT
Oui ! Et alors nous avons…
BRUNO DUVIC
4 milliards, mais 4 milliards ça reste beaucoup…
CHRISTIAN ECKERT
Nous avons…
BRUNO DUVIC
Et il est logique que les impôts ne rentrent pas en période de croissance faible et s'il y a moins de foyers imposés ?
CHRISTIAN ECKERT
Et moins d'inflation, puisque c'est un élément important aussi dans le produit des impôts. Nous avons acté et intégré dans nos comptes la moindre recette d'impôt sur le revenu au moment de la Loi de finance rectificative, mais les dernières comptabilités nous montrent que le produit de l'impôt sur le revenu sera conforme à notre dernière prévision, celle du mois de juillet.
BRUNO DUVIC
Il n'y aura pas de mauvaise surprise ?
CHRISTIAN ECKERT
Il n'y aura pas de mauvaise surprise sur l'impôt sur le revenu.
BRUNO DUVIC
Est-ce que les impôts continueront de baisser l'année prochaine, le chiffre évoqué était de 2 milliards au début de l‘été, avant l'affaire de la censure du Conseil constitutionnel – on va y revenir – quelles que soient les circonstances économiques, ce chiffre est sanctuarisé, on n'y touche pas ?
CHRISTIAN ECKERT
Oui ! Alors le Conseil constitutionnel…
BRUNO DUVIC
Vous êtes plus hésitant !
CHRISTIAN ECKERT
Non ! Non, pas du tout. Parce que vous dites 2 milliards, en fait vous avez raison c'était 2 milliards nets mais 2,5 milliards bruts - on ne va pas rentrer trop dans la technique – et donc je confirme qu'une mesure de réduction d'impôts pour les foyers modestes ou moyens sera prise en prolongement de celle qui a déjà été prise, dont vous venez de parler tout à l'heure, c'est-à-dire de même ampleur que ce que le Conseil constitutionnel a annulé. Il a annulé une mesure sur les cotisations sociales, nous la remplacerons probablement, ce n'est pas encore complètement terminé, je vous ai dit c'est très complexe, sur le bas du barème de l'impôt, par une mesure de même ampleur, c'est-à-dire autour du chiffre que vous venez d'indiquer.
BRUNO DUVIC
Quel type de mesure autour de quoi tourne la réflexion ?
CHRISTIAN ECKERT
Nous travaillons actuellement sur ces dispositifs, vous savez…
BRUNO DUVIC
CSG, prime pour l'emploi…
CHRISTIAN ECKERT
Il y aura un chantier - et je pense que le président de la République sera amené à s'exprimer très rapidement – qui sera ouvert sur le travail sur la prime pour l'emploi et le revenu… le RSA Activité, qui sont 2 dispositifs qui sont assez proches mais qu'il convient de fusionner, tout un chantier s'ouvre sur ce sujet, dans les tous prochains jours vous aurez des éléments.
BRUNO DUVIC
C'est à dire qu'on peut attendre une annonce aujourd'hui, après le conseil des ministres ?
CHRISTIAN ECKERT
Non ! Le conseil des ministres ne devrait pas traiter de ce sujet ce matin de façon précise, mais je crois que le président de la République s'exprimera à la façon dont il le décidera…
BRUNO DUVIC
Mais dans les tous prochains jours ?
CHRISTIAN ECKERT
Dans les toutes prochaines heures peut-être.
BRUNO DUVIC
Ca se traduira dès le mois de janvier pour les personnes concernées, ou pas ?
CHRISTIAN ECKERT
C'est une des interrogations et c'est un des éléments techniques qu'il nous faudra traiter, c'est pour ça que plusieurs options sont à l'étude et là-dessus laissons à la Loi de finance le temps de s'élaborer définitivement, elle sera déposée le 25 septembre au conseil des ministres et ensuite le Parlement d'ailleurs aura aussi à y travailler.
BRUNO DUVIC
Le président de la République s'exprimera dans les toutes prochaines heures dites-vous, manifestement vous êtes bien informé ?
CHRISTIAN ECKERT
Eh bien, écoutez, le président de la République choisit son temps d'expression.
BRUNO DUVIC
A la télévision, dans la cour de l'Elysée ?
CHRISTIAN ECKERT
Vous verrez !
BRUNO DUVIC
Il y a un chiffre qui est censé ne pas bouger, c'est celui des économies à réaliser d'ici à 2017, 50 milliards, pas plus, dans le contexte actuel il ne faut pas faire plus d'économies ?
CHRISTIAN ECKERT
Oui ! Vous savez certains nous disent : « il faut en faire plus », c'est le cas notamment de certains élus de droite, certains nous disent : « il faudrait en faire moins », nous avons choisi ce calibrage - qui nous semble nécessaire - parce qu'on ne peut pas continuer à voir augmenter la dépense publique et forcément par la suite l'endettement, ça nous semble également supportable, c'est-à-dire que la France dépense environ 1.200 milliards d'argent public par an - c'est beaucoup plus que la plupart de nos collègues de l'Union européenne - et nous devons et c'est le cap que nous avons choisi de tenir avec discernement, avec volontarisme, nous devons arriver à faire ces 50 milliards d'économies, près de la moitié, un peu moins, seront déjà obtenus dès 2015.
BRUNO DUVIC
Même… pas plus d'économies, même en période de croissance plate, même si les rentrées fiscales ne seront pas aussi importantes qu'espérées, on garde ce cap, pas plus d'économies ?
CHRISTIAN ECKERT
Il y aura toutes les mesures d'économies qui ont été annoncées en volume, je ne pense pas à ce stade qu'il soit envisagé d'en faire davantage.
BRUNO DUVIC
Baisse d'impôts, pas plus d'économies, recettes fiscales un peu moindres dans ce contexte de croissance molle et déficit budgétaire à tenir, il est évident Christian ECKERT que l'équation ne tient pas, il y a au moins un terme de trop dans l'équation ?
CHRISTIAN ECKERT
Non ! La volonté c'est de réduire le déficit, de continuer à réduire le déficit. Cà été déjà largement fait, il faut voir d'où on est partis et où on est arrivés, on a à peu près divisé depuis 2010 le déficit public par 2, ce qui est déjà important. Nous continuerons à déduire le déficit, mais à un rythme qui soit acceptable, pour ne pas casser la croissance, pour ne pas mettre en danger notre équilibre social et notre modèle social. Donc, si le rythme sera amené à varier, alors il faut bien entendu tenir compte du contexte international, des éléments que vous citez, parce que la croissance est faible en France mais elle est faible partout en Europe, c'est là le problème, elle est forte au Etats Unis mais elle est très faible dans toute l'Europe. Tout le monde a pointé la croissance 0 au deuxième trimestre en France, peu de gens ont souligné la baisse de la croissance en Allemagne au 2ème trimestre, baisse de 0,2 %.
BRUNO DUVIC
Allemagne où la situation économique ces derniers mois et ces dernières années était quand même plus florissante ?
CHRISTIAN ECKERT
Mais bien entendu ! Il y a des différences, mais la comparaison n'est pas raison. L'Allemagne a une population qui baisse, nous avons une population qui augmente, le modèle social allemand n'est pas comparable au modèle social français, nous tenons à notre modèle social, nous réduirons nos déficits, mais au rythme qui nous parait le plus acceptable et le plus supportable.
BRUNO DUVIC
Supérieur à 4 % cette année le déficit - Michel SAPIN lui-même l'a reconnu – et il sera évidemment supérieur à 3 % l'année prochaine ?
CHRISTIAN ECKERT
Eh bien, écoutez, on ne lit pas dans le marc de café, la prévision économique est difficile. Qui aurait dit il y a un an que l'inflation serait aussi faible, non pas seulement en France mais dans toute l'Europe ? L'effet de l‘inflation sur la croissance est un effet assez complexe - mais qui est un effet très, très important – et donc on fait des prévisions mais il faut rester toujours un peu prudent par rapport aux prévisions à un an et forcément à 3 ans.
BRUNO DUVIC
Et il faut regarder les chiffres en face, avec lucidité, la vérité est indispensable pour prendre la mesure des faits – ça c'est signé Michel SAPIN il y a quelques jours dans Le Monde – ces 3 % on n'y arrivera pas, c'est ça de regarder les choses en face ?
CHRISTIAN ECKERT
Nous baissons nos déficits au rythme que nous estimerons supportable pour notre modèle social et l'équilibre social dans ce pays qui a quand même des difficultés, il faut en tenir compte.
BRUNO DUVIC
Comment analysez-vous justement ce chiffre 0 % de croissance au 1er semestre, sans doute 0,5 en cette année 2014, voilà comment analysez-vous le fait que cette croissance française ne démarre pas, ne repart pas ?
CHRISTIAN ECKERT
Eh bien je crois qu'il y a un problème de confiance ! Il y a des mesures qui ont été décidées il y a quelque temps, je pense au Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi, il y a également le Pacte de responsabilité, il faut maintenant que les entreprises aussi, que les entrepreneurs prennent leurs responsabilités, assoient leur volonté de conduire une politique d'offre suffisante, on parle beaucoup - j'ai entendu tout à l'heure les commentaires sur votre antenne – de l'offre et de la demande…
BRUNO DUVIC
Oui !
CHRISTIAN ECKERT
Aujourd'hui, si la croissance est faible en France, ce n'est pas parce qu'il y a un problème de demande, l'un des points qui est toujours souligné par toutes les études de l'INSEE c'est que la consommation en France continue à bien se tenir, donc la consommation intérieure, c'est-à-dire la demande intérieure, est toujours soutenue.
BRUNO DUVIC
En revanche l'investissement ne cesse de baisser, vous faisiez allusion à ce débat d'économistes-là dans le journal de 8h, l'un de ces économistes disait : « les entreprises n'ont pas envie de produire en France parce que ce n'est pas rentable ».
CHRISTIAN ECKERT
C'est pour ça qu'il y a un problème ! Il y a un problème de marge, il y a un problème de compétitivité - alors compétitivité et coût mais aussi d'autres questions sur la compétitivité de nos entreprises – et c'est pour ça que nous avons décidé massivement de soutenir nos entreprises, 20 milliards de Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi c'était du jamais vu et c'est maintenant effectif ; et il y a également la poursuite du Pacte de responsabilité avec, d'ici 3 ans, une vingtaine de milliards d'allègement de charges supplémentaires.
BRUNO DUVIC
Christian ECKERT, secrétaire d'Etat au Budget et invité de FRANCE INTER jusqu'à 8 h 55, 01.45.24.7000, franceinter.fr et le mot-clé interactiv sur Twitter pour intervenir sur l'antenne de FRANCE INTER.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 août 2014