Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Le 25 janvier je vous ai dit que je souhaitais répondre au malaise exprimé par les professionnels en établissant les voies d'un renouveau du dialogue entre tous les acteurs du système de soins.
J'avais souligné le 25 janvier que ce malaisé était lié à des interrogations fondamentales sur la place du professionnel libéral dans le système de soins et qu'une phase d'écoute des attentes des professionnels me paraissait fondamentale.
J'avais également souligné à l'issue de notre réunion que les professionnels se rejoignaient pour reconnaître l'utilité de la convention comme support des relations entre les professionnels et les caisses mais aussi comme un moyen d'améliorer les pratiques professionnelles et le service rendu aux patients.
À l'issue de notre réunion du 25 janvier, j'ai désigné une mission composée de quatre personnalités : Bernard BRUNHES, Bernard GLORION, Stéphane PAUL et Lise ROCHAIX-RANSON. J'ai chargé cette mission de mener une large concertation sur les deux thèmes issus de nos échanges du 25 janvier :
- la promotion de la qualité au sein du système de soins, en particulier la prise en charge des urgences, le partage de l'information, la formation et l'évaluation des pratiques ;
- la rénovation du contrat qui lie les professionnels de soins à l'usager, aux caisses et à la collectivité, en particulier la responsabilité de chacun dans la régulation du système de soins, les missions des professionnels, le contenu de la convention médicale .
La Mission de concertation a travaillé sur ces deux thèmes. Elle a rencontré l'ensemble des professionnels et des acteurs. Le débat qu'elle a lancé s'est nourri de propositions qui ont émané des professionnels, des caisses d'assurance maladie et des partenaires sociaux. Certains d'entre vous se sont associés pour proposer des démarches de réforme qui sont venues enrichir le débat. Elles recouvrent des approches parfois différentes mais se rejoignent dans la volonté de rénover le cadre conventionnel qui lie les professionnels aux caisses d'assurance maladie. Je me félicite de la dynamique qui a été entretenue par ces propositions. Les acteurs ont montré leur volonté de participer à la rénovation du système de soins de ville. Le premier objectif que je m'étais fixé le 25 janvier de renouer le fil du dialogue s'est ainsi concrétisé.
La Mission a établi un bilan de cette phase de concertation que je vous ai communiqué afin que nous puissions en débattre aujourd'hui. Ce document a le mérite de présenter de façon synthétique et globale un ensemble de propositions fondé sur un diagnostic précis. Je remercie les membres de la Mission d'avoir su à la fois prendre en compte l'ensemble des dimensions d'un sujet difficile sans a priori et d'être parti du constat dressé par les acteurs eux-mêmes. L'écoute dont ils ont fait preuve et l'unité de leur approche fait de ce bilan un point d'appui solide pour les démarches de réforme que nous devons engager.
Depuis le 25 janvier, j'ai également pris un certain nombre d'initiatives concernant l'organisation de notre système de soins.
Ainsi, pour l'hôpital, le protocole du 14 mars 2001 modernise la gestion sociale des personnels des hôpitaux publics et permet de redéfinir les métiers hospitaliers et d'ouvrir dans de meilleures conditions les négociations relatives à la mise en uvre des 35 heures. Pour les cliniques, l'accord du 4 avril 2001 traduit un effort marquant et renforcé ; j'ai souhaité dans cet accord poser l'exigence de négociations dans cette brancher ainsi que l'objectif d'améliorer la cohérence entre les rémunérations des différents secteurs de l'offre hospitalière.
En ce qui concerne le médicament, j'ai annoncé le 7 juin une série de mesures ambitieuses qui portent sur le bon usage, le développement des génériques et l'efficacité de la régulation. Ces mesures sont mises en uvre dans la concertation. J'ai ainsi rencontré récemment les représentants de l'industrie pharmaceutique avant de fixer l'objectif de baisses de prix qui est négocié par le Comité économique des produits de santé avec les laboratoires. Des discussions sont également en cours avec les représentants des pharmaciens pour tirer le bilan de l'accord de 1999 et relancer le développement des génériques. Je suis convaincue que le bon usage du médicament et le développement des génériques nécessite une implication de l'ensemble des acteurs : médecins, pharmaciens, industrie, caisses d'assurance maladie et organismes complémentaires. Je crois qu'il existe une volonté collective d'avancer vers une régulation plus structurelle du médicament. Avec Bernard KOUCHNER, nous ferons le point à la rentrée sur la mise en uvre des mesures sur le médicament.
Bien entendu, notre réunion reste centrée sur le fonctionnement de notre système de soins de ville. Elle s'insère également, pour certains de ses aspects, dans le cadre du dialogue avec les partenaires sociaux qui fait suite aux entretiens que le Premier ministre a tenus avec les partenaires sociaux et dont il m'a chargé de proposer les modalités d'approfondissement. Je rencontrerai entre le 17 et le 27 juillet chacune des huit organisations concernées pour recueillir leur avis sur l'organisation des trois thèmes retenus : la démocratie sociale, le retour au plein emploi et l'avenir de la protection sociale.
Je voudrais maintenant vous indiquer les modalités de notre travail d'aujourd'hui.
Pour compléter la représentation des professionnels, j'ai invité outre les participants à notre réunion du 25 janvier, les représentants de l'industrie pharmaceutique. Le bon usage du médicament constitue, en effet, un enjeu important de la qualité des soins.
J'ai également invité les partenaires sociaux afin qu'ils contribuent à nos échanges. Certains ont directement participé à l'élaboration de propositions de rénovation en association avec les professionnels. En outre, ils sont parties prenantes depuis 1945 du développement de l'assurance maladie en matière d'amélioration des prises en charge afin de garantir à tous un égal accès aux soins.
L'objectif de notre réunion est de nous permettre de préciser les orientations de réforme des soins de ville. Parmi les propositions présentées, je souhaite identifier celles qui peuvent rencontrer un large accord et celles qui font l'objet de débats. Il nous faut définir des priorités et retenir les propositions qui nous permettront d'avancer sur le court ou le moyen terme.
Il nous faut également préciser à quelles conditions elles pourraient être mises en uvre et selon quel calendrier. Je souhaite, en effet, à l'issue de cette seconde réunion être en mesure de définir les mesures qui pourraient être prises à court terme et celles qui nécessitent un approfondissement ou des concertations complémentaires. Pour ces dernières, je souhaite également poser les premiers jalons et définir les étapes pour enclencher une dynamique de réforme sur des sujets plus structurels qui ne peuvent déboucher qu'à moyen terme.
Le système a son histoire, chaque acteur à ses contraintes, nous devons en tenir compte pour identifier les leviers qui nous permettront d'avancer.
Avant de vous passer la parole pour un tour de table, je vais dans un premier temps demander à la Mission de concertation de présenter brièvement leur rapport.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 25 juillet 2001)
Mesdames, Messieurs,
L'avenir de notre système de santé nous concerne tous. La méthode que j'ai choisie est une approche globale reposant sur la consultation des acteurs concernés. J'ai conscience qu'il faudra du temps car nous ouvrons un nouvel espace de dialogue.
Plusieurs règles ont inspiré mon action : l'écoute, la concertation, la responsabilisation, l'implication des usagers, la valorisation des compétences, la redéfinition du cadre conventionnel
Je voudrais rappeler quels sont mes objectifs prioritaires :
Conforter et moderniser un système dont le maître mot doit rester l'égalité devant l'accès aux soins.
Rappeler l'importance des soins de ville dans le système de soins et la nécessité d'une meilleure articulation avec les soins dispensés en établissement.
Affirmer la dimension essentielle de service public de la santé, de service au patient, auxquels les Français sont si attachés.
Renforcer les politiques de santé publique pour mieux prendre en compte la prévention et développer la qualité des soins.
Prendre appui sur le formidable réseau de compétences des professionnels.
La présence de tous ceux qui sont partie prenante de cet enjeu est un signe très fort, aujourd'hui, qu'il existe des chances réelles de rénover le système de soins.
J'ai noté des différents travaux qui ont précédé cette réunion comme de vos interventions une volonté d'avancer dans la voie d'une redéfinition des missions des professionnels, d'un réexamen de leurs modalités d'exercice et de leur rémunération, d'un renouveau du cadre conventionnel et d'une régulation plus efficace et mieux comprise.
Tout d'abord j'ai noté que les axes principaux proposés par la Mission de concertation rencontraient plusieurs des orientations exprimées par les différentes organisations.
Nos échanges ont été à nouveau très nourris et ont bien permis d'identifier les points sur lesquels nous pouvons avancer sans délai et ceux qui exigent des approfondissements pour aider à préparer des évolutions plus longues.
La Mission nous a rappelé que les soins de ville forment un tout, qu'il faut adopter une vision globale. Je souhaite définir une série de mesures et d'orientations. Je propose de travailler dans une double direction :
I - Une meilleure reconnaissance du rôle des professionnels libéraux dans le système de soins.
II - Une meilleure gestion du système de soins de ville.
I - Une meilleure reconnaissance du rôle des professionnels libéraux dans le système de soins.
Je retiens de nos débats des approches nouvelles pour une meilleure reconnaissance du rôle des professionnels libéraux dans le système de soins. Ces approches nouvelles portent sur :
- l'évolution des métiers ;
- les compétences ;
- les missions de santé publique ;
- la coordination des soins.
I.1. Les métiers et la démographie
L'approche par métiers semble particulièrement novatrice et féconde. Cette approche par les métiers renouvelle la question de la démographie des professions de santé. En effet, elle pose la question du rôle des différentes professions dans l'organisation des soins, leur complémentarité et l'articulation de leurs compétences respectives.
Elle prolonge la démarche engagée sur les professions paramédicales suite au rapport BROCAS en la resituant dans un cadre global. La rénovation des décrets de compétence a été effectuée pour les masseurs kinésithérapeutes et les infirmières ; elle vient de l'être très récemment pour les orthoptistes et est en cours pour les orthophonistes.
Sur la démographie quel est le constat ? Nous observons une poursuite de la croissance du nombre de professionnels libéraux. Par exemple, la densité de médecins libéraux a été multipliée par 2,5 depuis 1970. Cependant, nous devons continuer à anticiper les évolutions démographiques futures et nous devons rapidement répondre à la situation de certaines zones où peut se poser un problème d'accès aux soins.
I.1.1 Création de l'observatoire de la démographie et des métiers des professionnels de santé.
Il me semble qu'il y a un soutien assez général sur la création d'un observatoire de la démographie et des métiers des professionnels de santé. Outre le rapport de la Mission, nous pouvons nous appuyer sur les travaux réalisés, dans un cadre interministériel, par la Direction générale de la santé et par la Direction de l'hospitalisation et de l'offre des soins et dont les rapports nous ont été remis, à Bernard KOUCHNER et à moi-même, le 20 juin.
Nous pouvons mettre en place rapidement cet observatoire, même si nous allons préciser dans la concertation sa composition et ses missions. Les professionnels seront étroitement associés aux travaux de cet observatoire. Bernard KOUCHNER organisera prochainement une réunion sur ce thème.
I.1.2 Une réponse spécifique pour les territoires où se pose un problème d'accès des soins.
Il nous faut prendre en compte l'existence dès aujourd'hui de difficultés très localisées dans certains zones rurales principalement pour les médecins généralistes et les infirmiers. En ce domaine, il nous faut agir vite. J'ai demandé au directeur de l'hospitalisation et de l'offre de soins de conduire, en liaison avec les caisses d'assurance maladie, une action dans une dizaine de départements pour identifier la réalité des besoins et les mesures à mettre en place pour y faire face. Les collectivités locales et les professionnels libéraux de terrain seront associés à cette démarche. J'entends recevoir les résultats de cette démarche d'ici la fin de l'année en vue d'une éventuelle généralisation à l'ensemble des départements ruraux.
Je souhaite la mise en place d'une aide à l'installation pour ces territoires. Nous examinerons cette possibilité dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Nous sommes également très préoccupés par les questions de sécurité auxquelles peuvent être confrontés les professionnels de santé, particulièrement dans les zones urbaines sensibles. Dans la ligne de la circulaire que j'ai signée le 15 décembre 2000 relative à la sécurité dans les établissements de santé et qui a dégagé des moyens financiers significatifs pour ce secteur, je fais de cette question une priorité.
Déjà Claude BARTOLONE et Bernard KOUCHNER ont mis en place un groupe de travail au sein de la délégation interministérielle à la ville sur ces questions et ont présenté hier un plan d'action. Afin de prendre ce sujet dans toutes ses dimensions, j'ai diligenté une mission de l'Inspection générale des affaires sociales qui sera conduite par MM VERNEREY et COSTARGENT pour établir un état des lieux concernant les professionnels qui font face à des actes de violence qu'ils exercent dans le secteur libéral ou en établissement de santé ou médico-social. Je fais de la question de la lutte contre la violence aux professionnels de santé un aspect essentiel de la lutte contre les violences aux personnes. Je prendrai également différentes initiatives avec les ministres délégués et secrétaires d'Etat de mon ministère.
I.2. Les compétences
La question de la gestion des compétences est au cur de l'exigence de qualité. Les propositions sur ce thème : l'actualisation des compétences par la formation, l'évaluation des pratiques professionnelles au regard des bonnes pratiques validées.
I.2.1 L'actualisation des compétences
Comme vous le savez, le dispositif de formation est en cours de réforme à la suite de l'échec du dispositif prévu par les ordonnances de 1996, Bernard KOUCHNER vient d'en parler.
I.2.2 L'évaluation des compétences
Concernant l'évaluation, le dispositif prévu par le décret du 28 décembre 1999 se met en place progressivement. Je suis favorable à son extension aux autres professions de santé. A terme ce sujet devrait être pour les professions paramédicales de la compétence de l'Office des professions paramédicales prévu par le projet de loi de modernisation de la santé. L'office sera un outil essentiel de la modernisation de ces professions dans la suite du rapport de Philippe NAUCHE. Je suis également favorable à l'approche pragmatique suggérée par la Mission de collaborations au niveau régional entre les unions de médecin et l'Office.
Le développement du dispositif d'évaluation nécessité des moyens et une organisation adaptés comme l'a relevé la Mission. Je demande au directeur général de la santé de me faire des propositions sur cette question.
I.2.3 Le renforcement de la compétence par les bonnes pratiques
J'ai noté un consensus sur le développement des références de bonnes pratiques. Des références négatives, opposables, ont été développées. Nous nous orientons aujourd'hui vers des références positives, qui relèvent d'autre logiques de bon usage.
Nous disposons grâce à l'ANAES et à l'AFSSAPS d'un dispositif pertinent dont la qualité scientifique des travaux est reconnue. Nous devons nous appuyer sur cet acquis pour relancer la démarche des bonnes pratiques en accélérant leur élaboration et en rendant leur utilisation plus facile par les professionnels.
Nous devons d'abord renforcer nos capacités à produire des recommandations. Le groupe de coordination mis en place par Bernard KOUCHNER doit y contribuer. En outre, la proposition de la Mission de permettre aux sociétés savantes, aux caisses nationales d'assurance maladie, aux organismes de formation de faire des propositions de recommandations qui seraient validées par l'ANAES constitue un levier intéressant pour atteindre cet objectif.
Les recommandations sont d'abord un outil à la disposition des professionnels. Elles doivent également servir de base au dialogue entre le médecin conseil et le professionnel afin d'identifier les écarts éventuels et leurs justifications.
Nous devons amplifier l'action du service médical des caisses en ce sens en développant la démarche des " entretiens confraternels " et en les distinguant plus clairement des missions de contrôle proprement dites. La rédaction d'une charte de qualité qui assurerait la transparence sur les procédures du service médical et comporter une dizaine d'engagements clairs pourrait être envisagée.
I.3. Les missions de santé publique
La prévention individuelle doit être distinguée de la prévention collective qui relève d'une participation du professionnel aux actions de santé publique dont les priorités sont fixées par l'Etat.
Sur la prévention individuelle, la définition de priorités comme nous l'avons fait avec Bernard KOUCHNER dans le cadre du programme national de lutte contre le cancer permet de mobiliser les professionnels sur une amélioration de la qualité des actes de prévention et d'offrir une possibilité de dépistage gratuit aux populations à risque.
Sur la prévention collective, la proposition d'un engagement conventionnel assortie d'une rémunération spécifique constitue un cadre qui pourrait faire l'objet d'une mise en uvre rapide par le biais d'avenants conventionnels.
En ce qui concerne les urgences, il faut aller vers une garde de santé libérale en s'appuyant sur l'action des Comités départementaux de l'aide médicale urgente. Des travaux sont en cours sur les deux volets de l'organisation des urgences hospitalières et de la garde libérale. La création de maisons de garde peut constituer une solution adaptée à certaines circonstances locales.
Après l'achèvement de la phase de concertation en cours, des propositions concrètes seront prochainement présentées et mises en uvre à l'automne.
I.4. La coordination des soins
L'évolution des modes de prise en charge du patient appelle un renforcement de la coordination entre les professionnels. J'ai noté trois thèmes importants qui doivent nous permettre d'avancer sur des sujets difficiles parce qu'ils supposent des remises en cause des pratiques ou des mentalités.
I.4.1 Les procédures permettant l'échange entre les professionnels des informations médicales concernant un patient doivent être améliorées. Le carnet de santé mis en place par les ordonnances de 1996 n'a pas répondu à cet objectif. La Mission propose une voie complémentaire : la possibilité pour les patients de choisir le praticien qui tiendra leur dossier médical de synthèse. Une concertation est nécessaire pour clarifier les objectifs et les degrés de complémentarité entre les différents outils possibles, notamment au regard de l'option conventionnelle qui a créé le médecin référent.
I.4.2 L'organisation au plan territorial des professionnels permettant des échanges sur les modes de prise en charge des patients et le traitement des pathologies.
La création de réunions locales entre les professionnels constitue une piste intéressante qui pourrait se concrétiser dans le cadre du fonds d'amélioration de la qualité des soins de ville.
I.4.3 Les réseaux de soins
La Mission relève un foisonnement d'initiatives et la nécessité de fixer un cadre au développement des réseaux. Dans ce domaine de nombreuses possibilités existent. Par exemple, les partenaires conventionnels peuvent utiliser les dérogations prévues dans le cadre des expérimentations sur les filières et réseaux.
Les différentes formes de réseaux qu'ils associent les praticiens libéraux entre eux ou qu'ils s'adossent à un établissement de santé sont porteurs d'amélioration de la prise en charge lorsqu'ils sont centrés sur une pathologie particulière et notamment les maladies chroniques. La Mission recommande le développement de réseaux intégrés à vocation générale. Cette proposition est plus ambitieuse en ce qu'elle aboutit à créer une structure de coordination des soins entre professionnels.
Il faut donner une visibilité au développement des réseaux. Je désignerai prochainement une mission qui sera chargée d'évaluer les dispositifs existant et de formaliser des propositions, qui pourrait se concrétiser en deuxième lecture du projet de loi de modernisation de la santé.
II - Une meilleure gestion du système de soins de ville
Je retiens de nos débats trois orientations :
- redéfinir les objectifs de dépenses en articulation avec les priorités de santé publique ;
- bâtir un nouveau cadre conventionnel ;
- clarifier les relations institutionnelles entre l'Etat et l'assurance maladie.
Sur cette dernière question, je note que la Mission n'a pas fait de proposition très précise. Tel n'était d'ailleurs pas son mandat. Elle a néanmoins souhaité ouvrir quelques pistes.
Elle a indiqué qu'il lui paraissait nécessaire de réformer et de compléter la délégation de gestion à l'assurance maladie. Le principe de cette délégation a constitué un acquis important dans la voie d'un partage plus clair des responsabilités entre l'Etat et les caisses d'assurance maladie. Les conditions de cette délégation et son champ méritent cependant d'être réexaminées. Nous approfondirons ces questions avec les partenaires sociaux dans le cadre des débats sur la sécurité sociale que le Premier ministre a souhaité que je conduise.
Sur la régionalisation, je partage l'analyse de la Mission selon laquelle il faut dans un premier temps se mettre d'accord au niveau national sur les modalités de la régulation pour ne pas renvoyer au niveau régional des problèmes que nous n'aurions pas su régler au niveau national. La perspective de la régionalisation doit cependant être ouverte parce qu'elle permet d'assurer une gestion plus proche et plus efficace du système de soins. Un débat s'est engagé au Parlement sur ce thème et a débouché sur un certain nombre de propositions.
J'approfondirai l'ensemble de ces questions institutionnelles dans le cadre des travaux sur l'avenir de la protection sociale en recueillant les positions des partenaires sociaux.
II.1 Redéfinir les objectifs de dépenses en articulation avec les priorités de santé publique.
La Mission de concertation a fait une série de propositions sur les modalités d'élaboration des objectifs. Parmi ces propositions, je retiens un certain nombre d'orientations :
assurer une plus grande transparence sur la question du niveau des objectifs de dépenses. Je suis prête à ce que la discussion sur cette question s'ouvre afin que l'on mette en avant les besoins nouveaux mais aussi les réorientations nécessaires ;
améliorer les modalités de consultation des professionnels de santé et des partenaires sociaux en amont de la définition des objectifs de dépenses ;
articuler les priorités de santé et les objectifs financiers. Le projet de loi de modernisation de la santé prévoira une disposition permettant au Parlement de débattre annuellement en amont du projet de loi de financement de la sécurité sociale des priorités de santé. Ces priorités pourraient s'inscrire dans un cadre pluri-annuel.
Par ailleurs, l'idée d'un Conseil national de la santé qui conseillerait le Gouvernement sur la définition des priorités et les conséquences à en tirer sur l'offre de soins et sur les objectifs de dépenses retient toute mon attention. Le Conseil national de santé pourrait en effet apporter une contribution utile à la définition des choix du Gouvernement aux débats parlementaires. Nous allons examiner cette question dans la concertation dans l'objectif de proposer dans le projet de loi de modernisation de la santé la création d'une telle structure.
Enfin, j'ai pris note des propositions de la Mission de concertation concernant la fixation pluri-annuelle des objectifs de dépenses en fonction de l'évolution du produit intérieur brut. Il s'agit de propositions novatrices qui modifieraient profondément les modalités de gestion des objectifs de dépense. Cette perspective appelle des travaux techniques : comment la référence au produit intérieur brut serait prise en compte, comment serait mise en uvre la pluri-annualité. Elle appelle également un débat politique sur l'articulation entre le cadre pluri-annuel et les objectifs votés annuellement par le Parlement. La discussion sur ces thèmes doit se poursuivre pour en préciser les conditions d'une mise en uvre éventuelle, ses avantages et ses inconvénients.
II.2. Un nouveau cadre conventionnel peut être mis en place
Conformément à ce qui s'était dégagé de notre première réunion, au plan des principes, chacun appelle de ses vux un système conventionnel efficace pour les professionnels de santé. Les différents travaux menés depuis le 25 janvier se rejoignent d'ailleurs sur la crise du dispositif conventionnel et la nécessité de le renouveler.
Les positions prises au cours de notre séance montrent que l'accord sur les modalités n'est pas général.
Sans qu'il y ait consensus je note que, même le G7 qui propose de " rétablir une convention unique et nationale pour les médecins " admet que " cette convention pourrait être complétée par des volets spécifiques pour les modes d'exercice ou les disciplines le nécessitant " de volets en étages ou reste dans l'architecture. Quant au CNPS, au G14, aux caisses (CNAMTS ou MSA), elles ont également explorées ces hypothèses de socle et d'étages sont explorées.
Je suis intéressée par ces hypothèses de différents niveaux, parce que :
1 - cela permettrait de renforcer la négociation. Elle peut être encouragée parce que le système est plus solide s'il est construit par l'accord,
2 - cela permettrait d'offrir des choix clairs aux professionnels tant au plan collectif et syndical qu'au plan individuel : choix fonctionnels, choix de rémunération et choix territoriaux,
3 - cela permettrait de mieux préciser les services et prestations offerts aux patients et les rémunérations correspondantes,
4 - cela permettrait de concilier l'égalité nécessaire dans l'accès aux soins et la liberté d'exercice des professionnels libéraux -j'ai entendu la mise en garde de la CGT et de la CFTC-.
Je ne proposerai rien qui soit une régression du principe d'égalité mais, spécialement quant il s'agit de soins, -principe d'égalité- ne signifie pas, n'a jamais signifié uniformité, mécanisme indifférencié.
Je souhaiterais que nous puissions approfondir ces sujets dans les semaines et mois à venir.
Il y a eu une concertation. Il faut maintenant passer à une phase permettant de préciser les propositions. Cet approfondissement doit permettre d'envisager, ce que je souhaite, une traduction dans un texte législatif dès l'automne prochain. Nous verrons en particulier comment le PLFSS pourra ouvrir la voie à une nouvelle méthode de régulation.
*
* *
L'ensemble de ces propositions est issu de la concertation menée depuis janvier. Il me semble, comme je l'ai indiqué, que certaines de ces propositions doivent pouvoir se concrétiser rapidement. Nous disposons de deux supports législatifs possibles à l'automne : le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de modernisation de la santé. Nous étudierons le support approprié selon la nature des dispositions en cause.
Pour assurer un suivi de la mise en uvre de ces propositions je vais mettre en place comme pour le médicament, un comité de pilotage qui comprendra les directeurs de mon ministère et les caisses d'assurance maladie, qui organiseront les concertations nécessaires avec vous, et dont je présiderai la première réunion début septembre.
Comme je l'ai indiqué en janvier, il faut construire un nouveau système de régulation qui soit à la fois plus efficace et admis. Pour cela il faut un réel engagement des partenaires conventionnels. La mise en place de ce nouveau système nécessite un temps d'expertise et de négociation. Il n'est pas souhaitable que les partenaires conventionnels se trouvent dans cette phase transitoire sans possibilités d'évolutions. Je considère qu'il faut poursuivre ces démarches conventionnelles en recherchant des accords équilibrés permettant des actions structurelles assorties d'éléments de rémunération programmée. Lorsque des priorités de santé publique appellent une mobilisation des professionnels, des accords conventionnels peuvent être conclus et des décisions de nomenclature prises. Les deux actions que nous avons menées, Bernard KOUCHNER et moi, en matière de périnatalité et de dépistage du cancer du sein se sont inscrites dans ce cadre.
J'attends des partenaires conventionnels qu'ils reprennent leurs discussions et qu'ils me soumettent avant la mi-septembre le résultat de leurs travaux.
Au-delà de ces actions immédiates qui devront être traduites prochainement dans les textes législatifs, nous devons tracer le chemin d'une évolution structurelle du système de soins de ville. Nous avons progressé sur la voie d'une vision partagée des grands axes de cette évolution : démographie et métiers, qualité des soins par la gestion des compétences, coordination des professionnels, participation des professionnels à des missions de santé publique et rénovation du cadre de la régulation. L'ensemble de ces travaux doit avancer parallèlement et être mis en uvre de façon progressive.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 25 juillet 2001)
Le 25 janvier je vous ai dit que je souhaitais répondre au malaise exprimé par les professionnels en établissant les voies d'un renouveau du dialogue entre tous les acteurs du système de soins.
J'avais souligné le 25 janvier que ce malaisé était lié à des interrogations fondamentales sur la place du professionnel libéral dans le système de soins et qu'une phase d'écoute des attentes des professionnels me paraissait fondamentale.
J'avais également souligné à l'issue de notre réunion que les professionnels se rejoignaient pour reconnaître l'utilité de la convention comme support des relations entre les professionnels et les caisses mais aussi comme un moyen d'améliorer les pratiques professionnelles et le service rendu aux patients.
À l'issue de notre réunion du 25 janvier, j'ai désigné une mission composée de quatre personnalités : Bernard BRUNHES, Bernard GLORION, Stéphane PAUL et Lise ROCHAIX-RANSON. J'ai chargé cette mission de mener une large concertation sur les deux thèmes issus de nos échanges du 25 janvier :
- la promotion de la qualité au sein du système de soins, en particulier la prise en charge des urgences, le partage de l'information, la formation et l'évaluation des pratiques ;
- la rénovation du contrat qui lie les professionnels de soins à l'usager, aux caisses et à la collectivité, en particulier la responsabilité de chacun dans la régulation du système de soins, les missions des professionnels, le contenu de la convention médicale .
La Mission de concertation a travaillé sur ces deux thèmes. Elle a rencontré l'ensemble des professionnels et des acteurs. Le débat qu'elle a lancé s'est nourri de propositions qui ont émané des professionnels, des caisses d'assurance maladie et des partenaires sociaux. Certains d'entre vous se sont associés pour proposer des démarches de réforme qui sont venues enrichir le débat. Elles recouvrent des approches parfois différentes mais se rejoignent dans la volonté de rénover le cadre conventionnel qui lie les professionnels aux caisses d'assurance maladie. Je me félicite de la dynamique qui a été entretenue par ces propositions. Les acteurs ont montré leur volonté de participer à la rénovation du système de soins de ville. Le premier objectif que je m'étais fixé le 25 janvier de renouer le fil du dialogue s'est ainsi concrétisé.
La Mission a établi un bilan de cette phase de concertation que je vous ai communiqué afin que nous puissions en débattre aujourd'hui. Ce document a le mérite de présenter de façon synthétique et globale un ensemble de propositions fondé sur un diagnostic précis. Je remercie les membres de la Mission d'avoir su à la fois prendre en compte l'ensemble des dimensions d'un sujet difficile sans a priori et d'être parti du constat dressé par les acteurs eux-mêmes. L'écoute dont ils ont fait preuve et l'unité de leur approche fait de ce bilan un point d'appui solide pour les démarches de réforme que nous devons engager.
Depuis le 25 janvier, j'ai également pris un certain nombre d'initiatives concernant l'organisation de notre système de soins.
Ainsi, pour l'hôpital, le protocole du 14 mars 2001 modernise la gestion sociale des personnels des hôpitaux publics et permet de redéfinir les métiers hospitaliers et d'ouvrir dans de meilleures conditions les négociations relatives à la mise en uvre des 35 heures. Pour les cliniques, l'accord du 4 avril 2001 traduit un effort marquant et renforcé ; j'ai souhaité dans cet accord poser l'exigence de négociations dans cette brancher ainsi que l'objectif d'améliorer la cohérence entre les rémunérations des différents secteurs de l'offre hospitalière.
En ce qui concerne le médicament, j'ai annoncé le 7 juin une série de mesures ambitieuses qui portent sur le bon usage, le développement des génériques et l'efficacité de la régulation. Ces mesures sont mises en uvre dans la concertation. J'ai ainsi rencontré récemment les représentants de l'industrie pharmaceutique avant de fixer l'objectif de baisses de prix qui est négocié par le Comité économique des produits de santé avec les laboratoires. Des discussions sont également en cours avec les représentants des pharmaciens pour tirer le bilan de l'accord de 1999 et relancer le développement des génériques. Je suis convaincue que le bon usage du médicament et le développement des génériques nécessite une implication de l'ensemble des acteurs : médecins, pharmaciens, industrie, caisses d'assurance maladie et organismes complémentaires. Je crois qu'il existe une volonté collective d'avancer vers une régulation plus structurelle du médicament. Avec Bernard KOUCHNER, nous ferons le point à la rentrée sur la mise en uvre des mesures sur le médicament.
Bien entendu, notre réunion reste centrée sur le fonctionnement de notre système de soins de ville. Elle s'insère également, pour certains de ses aspects, dans le cadre du dialogue avec les partenaires sociaux qui fait suite aux entretiens que le Premier ministre a tenus avec les partenaires sociaux et dont il m'a chargé de proposer les modalités d'approfondissement. Je rencontrerai entre le 17 et le 27 juillet chacune des huit organisations concernées pour recueillir leur avis sur l'organisation des trois thèmes retenus : la démocratie sociale, le retour au plein emploi et l'avenir de la protection sociale.
Je voudrais maintenant vous indiquer les modalités de notre travail d'aujourd'hui.
Pour compléter la représentation des professionnels, j'ai invité outre les participants à notre réunion du 25 janvier, les représentants de l'industrie pharmaceutique. Le bon usage du médicament constitue, en effet, un enjeu important de la qualité des soins.
J'ai également invité les partenaires sociaux afin qu'ils contribuent à nos échanges. Certains ont directement participé à l'élaboration de propositions de rénovation en association avec les professionnels. En outre, ils sont parties prenantes depuis 1945 du développement de l'assurance maladie en matière d'amélioration des prises en charge afin de garantir à tous un égal accès aux soins.
L'objectif de notre réunion est de nous permettre de préciser les orientations de réforme des soins de ville. Parmi les propositions présentées, je souhaite identifier celles qui peuvent rencontrer un large accord et celles qui font l'objet de débats. Il nous faut définir des priorités et retenir les propositions qui nous permettront d'avancer sur le court ou le moyen terme.
Il nous faut également préciser à quelles conditions elles pourraient être mises en uvre et selon quel calendrier. Je souhaite, en effet, à l'issue de cette seconde réunion être en mesure de définir les mesures qui pourraient être prises à court terme et celles qui nécessitent un approfondissement ou des concertations complémentaires. Pour ces dernières, je souhaite également poser les premiers jalons et définir les étapes pour enclencher une dynamique de réforme sur des sujets plus structurels qui ne peuvent déboucher qu'à moyen terme.
Le système a son histoire, chaque acteur à ses contraintes, nous devons en tenir compte pour identifier les leviers qui nous permettront d'avancer.
Avant de vous passer la parole pour un tour de table, je vais dans un premier temps demander à la Mission de concertation de présenter brièvement leur rapport.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 25 juillet 2001)
Mesdames, Messieurs,
L'avenir de notre système de santé nous concerne tous. La méthode que j'ai choisie est une approche globale reposant sur la consultation des acteurs concernés. J'ai conscience qu'il faudra du temps car nous ouvrons un nouvel espace de dialogue.
Plusieurs règles ont inspiré mon action : l'écoute, la concertation, la responsabilisation, l'implication des usagers, la valorisation des compétences, la redéfinition du cadre conventionnel
Je voudrais rappeler quels sont mes objectifs prioritaires :
Conforter et moderniser un système dont le maître mot doit rester l'égalité devant l'accès aux soins.
Rappeler l'importance des soins de ville dans le système de soins et la nécessité d'une meilleure articulation avec les soins dispensés en établissement.
Affirmer la dimension essentielle de service public de la santé, de service au patient, auxquels les Français sont si attachés.
Renforcer les politiques de santé publique pour mieux prendre en compte la prévention et développer la qualité des soins.
Prendre appui sur le formidable réseau de compétences des professionnels.
La présence de tous ceux qui sont partie prenante de cet enjeu est un signe très fort, aujourd'hui, qu'il existe des chances réelles de rénover le système de soins.
J'ai noté des différents travaux qui ont précédé cette réunion comme de vos interventions une volonté d'avancer dans la voie d'une redéfinition des missions des professionnels, d'un réexamen de leurs modalités d'exercice et de leur rémunération, d'un renouveau du cadre conventionnel et d'une régulation plus efficace et mieux comprise.
Tout d'abord j'ai noté que les axes principaux proposés par la Mission de concertation rencontraient plusieurs des orientations exprimées par les différentes organisations.
Nos échanges ont été à nouveau très nourris et ont bien permis d'identifier les points sur lesquels nous pouvons avancer sans délai et ceux qui exigent des approfondissements pour aider à préparer des évolutions plus longues.
La Mission nous a rappelé que les soins de ville forment un tout, qu'il faut adopter une vision globale. Je souhaite définir une série de mesures et d'orientations. Je propose de travailler dans une double direction :
I - Une meilleure reconnaissance du rôle des professionnels libéraux dans le système de soins.
II - Une meilleure gestion du système de soins de ville.
I - Une meilleure reconnaissance du rôle des professionnels libéraux dans le système de soins.
Je retiens de nos débats des approches nouvelles pour une meilleure reconnaissance du rôle des professionnels libéraux dans le système de soins. Ces approches nouvelles portent sur :
- l'évolution des métiers ;
- les compétences ;
- les missions de santé publique ;
- la coordination des soins.
I.1. Les métiers et la démographie
L'approche par métiers semble particulièrement novatrice et féconde. Cette approche par les métiers renouvelle la question de la démographie des professions de santé. En effet, elle pose la question du rôle des différentes professions dans l'organisation des soins, leur complémentarité et l'articulation de leurs compétences respectives.
Elle prolonge la démarche engagée sur les professions paramédicales suite au rapport BROCAS en la resituant dans un cadre global. La rénovation des décrets de compétence a été effectuée pour les masseurs kinésithérapeutes et les infirmières ; elle vient de l'être très récemment pour les orthoptistes et est en cours pour les orthophonistes.
Sur la démographie quel est le constat ? Nous observons une poursuite de la croissance du nombre de professionnels libéraux. Par exemple, la densité de médecins libéraux a été multipliée par 2,5 depuis 1970. Cependant, nous devons continuer à anticiper les évolutions démographiques futures et nous devons rapidement répondre à la situation de certaines zones où peut se poser un problème d'accès aux soins.
I.1.1 Création de l'observatoire de la démographie et des métiers des professionnels de santé.
Il me semble qu'il y a un soutien assez général sur la création d'un observatoire de la démographie et des métiers des professionnels de santé. Outre le rapport de la Mission, nous pouvons nous appuyer sur les travaux réalisés, dans un cadre interministériel, par la Direction générale de la santé et par la Direction de l'hospitalisation et de l'offre des soins et dont les rapports nous ont été remis, à Bernard KOUCHNER et à moi-même, le 20 juin.
Nous pouvons mettre en place rapidement cet observatoire, même si nous allons préciser dans la concertation sa composition et ses missions. Les professionnels seront étroitement associés aux travaux de cet observatoire. Bernard KOUCHNER organisera prochainement une réunion sur ce thème.
I.1.2 Une réponse spécifique pour les territoires où se pose un problème d'accès des soins.
Il nous faut prendre en compte l'existence dès aujourd'hui de difficultés très localisées dans certains zones rurales principalement pour les médecins généralistes et les infirmiers. En ce domaine, il nous faut agir vite. J'ai demandé au directeur de l'hospitalisation et de l'offre de soins de conduire, en liaison avec les caisses d'assurance maladie, une action dans une dizaine de départements pour identifier la réalité des besoins et les mesures à mettre en place pour y faire face. Les collectivités locales et les professionnels libéraux de terrain seront associés à cette démarche. J'entends recevoir les résultats de cette démarche d'ici la fin de l'année en vue d'une éventuelle généralisation à l'ensemble des départements ruraux.
Je souhaite la mise en place d'une aide à l'installation pour ces territoires. Nous examinerons cette possibilité dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Nous sommes également très préoccupés par les questions de sécurité auxquelles peuvent être confrontés les professionnels de santé, particulièrement dans les zones urbaines sensibles. Dans la ligne de la circulaire que j'ai signée le 15 décembre 2000 relative à la sécurité dans les établissements de santé et qui a dégagé des moyens financiers significatifs pour ce secteur, je fais de cette question une priorité.
Déjà Claude BARTOLONE et Bernard KOUCHNER ont mis en place un groupe de travail au sein de la délégation interministérielle à la ville sur ces questions et ont présenté hier un plan d'action. Afin de prendre ce sujet dans toutes ses dimensions, j'ai diligenté une mission de l'Inspection générale des affaires sociales qui sera conduite par MM VERNEREY et COSTARGENT pour établir un état des lieux concernant les professionnels qui font face à des actes de violence qu'ils exercent dans le secteur libéral ou en établissement de santé ou médico-social. Je fais de la question de la lutte contre la violence aux professionnels de santé un aspect essentiel de la lutte contre les violences aux personnes. Je prendrai également différentes initiatives avec les ministres délégués et secrétaires d'Etat de mon ministère.
I.2. Les compétences
La question de la gestion des compétences est au cur de l'exigence de qualité. Les propositions sur ce thème : l'actualisation des compétences par la formation, l'évaluation des pratiques professionnelles au regard des bonnes pratiques validées.
I.2.1 L'actualisation des compétences
Comme vous le savez, le dispositif de formation est en cours de réforme à la suite de l'échec du dispositif prévu par les ordonnances de 1996, Bernard KOUCHNER vient d'en parler.
I.2.2 L'évaluation des compétences
Concernant l'évaluation, le dispositif prévu par le décret du 28 décembre 1999 se met en place progressivement. Je suis favorable à son extension aux autres professions de santé. A terme ce sujet devrait être pour les professions paramédicales de la compétence de l'Office des professions paramédicales prévu par le projet de loi de modernisation de la santé. L'office sera un outil essentiel de la modernisation de ces professions dans la suite du rapport de Philippe NAUCHE. Je suis également favorable à l'approche pragmatique suggérée par la Mission de collaborations au niveau régional entre les unions de médecin et l'Office.
Le développement du dispositif d'évaluation nécessité des moyens et une organisation adaptés comme l'a relevé la Mission. Je demande au directeur général de la santé de me faire des propositions sur cette question.
I.2.3 Le renforcement de la compétence par les bonnes pratiques
J'ai noté un consensus sur le développement des références de bonnes pratiques. Des références négatives, opposables, ont été développées. Nous nous orientons aujourd'hui vers des références positives, qui relèvent d'autre logiques de bon usage.
Nous disposons grâce à l'ANAES et à l'AFSSAPS d'un dispositif pertinent dont la qualité scientifique des travaux est reconnue. Nous devons nous appuyer sur cet acquis pour relancer la démarche des bonnes pratiques en accélérant leur élaboration et en rendant leur utilisation plus facile par les professionnels.
Nous devons d'abord renforcer nos capacités à produire des recommandations. Le groupe de coordination mis en place par Bernard KOUCHNER doit y contribuer. En outre, la proposition de la Mission de permettre aux sociétés savantes, aux caisses nationales d'assurance maladie, aux organismes de formation de faire des propositions de recommandations qui seraient validées par l'ANAES constitue un levier intéressant pour atteindre cet objectif.
Les recommandations sont d'abord un outil à la disposition des professionnels. Elles doivent également servir de base au dialogue entre le médecin conseil et le professionnel afin d'identifier les écarts éventuels et leurs justifications.
Nous devons amplifier l'action du service médical des caisses en ce sens en développant la démarche des " entretiens confraternels " et en les distinguant plus clairement des missions de contrôle proprement dites. La rédaction d'une charte de qualité qui assurerait la transparence sur les procédures du service médical et comporter une dizaine d'engagements clairs pourrait être envisagée.
I.3. Les missions de santé publique
La prévention individuelle doit être distinguée de la prévention collective qui relève d'une participation du professionnel aux actions de santé publique dont les priorités sont fixées par l'Etat.
Sur la prévention individuelle, la définition de priorités comme nous l'avons fait avec Bernard KOUCHNER dans le cadre du programme national de lutte contre le cancer permet de mobiliser les professionnels sur une amélioration de la qualité des actes de prévention et d'offrir une possibilité de dépistage gratuit aux populations à risque.
Sur la prévention collective, la proposition d'un engagement conventionnel assortie d'une rémunération spécifique constitue un cadre qui pourrait faire l'objet d'une mise en uvre rapide par le biais d'avenants conventionnels.
En ce qui concerne les urgences, il faut aller vers une garde de santé libérale en s'appuyant sur l'action des Comités départementaux de l'aide médicale urgente. Des travaux sont en cours sur les deux volets de l'organisation des urgences hospitalières et de la garde libérale. La création de maisons de garde peut constituer une solution adaptée à certaines circonstances locales.
Après l'achèvement de la phase de concertation en cours, des propositions concrètes seront prochainement présentées et mises en uvre à l'automne.
I.4. La coordination des soins
L'évolution des modes de prise en charge du patient appelle un renforcement de la coordination entre les professionnels. J'ai noté trois thèmes importants qui doivent nous permettre d'avancer sur des sujets difficiles parce qu'ils supposent des remises en cause des pratiques ou des mentalités.
I.4.1 Les procédures permettant l'échange entre les professionnels des informations médicales concernant un patient doivent être améliorées. Le carnet de santé mis en place par les ordonnances de 1996 n'a pas répondu à cet objectif. La Mission propose une voie complémentaire : la possibilité pour les patients de choisir le praticien qui tiendra leur dossier médical de synthèse. Une concertation est nécessaire pour clarifier les objectifs et les degrés de complémentarité entre les différents outils possibles, notamment au regard de l'option conventionnelle qui a créé le médecin référent.
I.4.2 L'organisation au plan territorial des professionnels permettant des échanges sur les modes de prise en charge des patients et le traitement des pathologies.
La création de réunions locales entre les professionnels constitue une piste intéressante qui pourrait se concrétiser dans le cadre du fonds d'amélioration de la qualité des soins de ville.
I.4.3 Les réseaux de soins
La Mission relève un foisonnement d'initiatives et la nécessité de fixer un cadre au développement des réseaux. Dans ce domaine de nombreuses possibilités existent. Par exemple, les partenaires conventionnels peuvent utiliser les dérogations prévues dans le cadre des expérimentations sur les filières et réseaux.
Les différentes formes de réseaux qu'ils associent les praticiens libéraux entre eux ou qu'ils s'adossent à un établissement de santé sont porteurs d'amélioration de la prise en charge lorsqu'ils sont centrés sur une pathologie particulière et notamment les maladies chroniques. La Mission recommande le développement de réseaux intégrés à vocation générale. Cette proposition est plus ambitieuse en ce qu'elle aboutit à créer une structure de coordination des soins entre professionnels.
Il faut donner une visibilité au développement des réseaux. Je désignerai prochainement une mission qui sera chargée d'évaluer les dispositifs existant et de formaliser des propositions, qui pourrait se concrétiser en deuxième lecture du projet de loi de modernisation de la santé.
II - Une meilleure gestion du système de soins de ville
Je retiens de nos débats trois orientations :
- redéfinir les objectifs de dépenses en articulation avec les priorités de santé publique ;
- bâtir un nouveau cadre conventionnel ;
- clarifier les relations institutionnelles entre l'Etat et l'assurance maladie.
Sur cette dernière question, je note que la Mission n'a pas fait de proposition très précise. Tel n'était d'ailleurs pas son mandat. Elle a néanmoins souhaité ouvrir quelques pistes.
Elle a indiqué qu'il lui paraissait nécessaire de réformer et de compléter la délégation de gestion à l'assurance maladie. Le principe de cette délégation a constitué un acquis important dans la voie d'un partage plus clair des responsabilités entre l'Etat et les caisses d'assurance maladie. Les conditions de cette délégation et son champ méritent cependant d'être réexaminées. Nous approfondirons ces questions avec les partenaires sociaux dans le cadre des débats sur la sécurité sociale que le Premier ministre a souhaité que je conduise.
Sur la régionalisation, je partage l'analyse de la Mission selon laquelle il faut dans un premier temps se mettre d'accord au niveau national sur les modalités de la régulation pour ne pas renvoyer au niveau régional des problèmes que nous n'aurions pas su régler au niveau national. La perspective de la régionalisation doit cependant être ouverte parce qu'elle permet d'assurer une gestion plus proche et plus efficace du système de soins. Un débat s'est engagé au Parlement sur ce thème et a débouché sur un certain nombre de propositions.
J'approfondirai l'ensemble de ces questions institutionnelles dans le cadre des travaux sur l'avenir de la protection sociale en recueillant les positions des partenaires sociaux.
II.1 Redéfinir les objectifs de dépenses en articulation avec les priorités de santé publique.
La Mission de concertation a fait une série de propositions sur les modalités d'élaboration des objectifs. Parmi ces propositions, je retiens un certain nombre d'orientations :
assurer une plus grande transparence sur la question du niveau des objectifs de dépenses. Je suis prête à ce que la discussion sur cette question s'ouvre afin que l'on mette en avant les besoins nouveaux mais aussi les réorientations nécessaires ;
améliorer les modalités de consultation des professionnels de santé et des partenaires sociaux en amont de la définition des objectifs de dépenses ;
articuler les priorités de santé et les objectifs financiers. Le projet de loi de modernisation de la santé prévoira une disposition permettant au Parlement de débattre annuellement en amont du projet de loi de financement de la sécurité sociale des priorités de santé. Ces priorités pourraient s'inscrire dans un cadre pluri-annuel.
Par ailleurs, l'idée d'un Conseil national de la santé qui conseillerait le Gouvernement sur la définition des priorités et les conséquences à en tirer sur l'offre de soins et sur les objectifs de dépenses retient toute mon attention. Le Conseil national de santé pourrait en effet apporter une contribution utile à la définition des choix du Gouvernement aux débats parlementaires. Nous allons examiner cette question dans la concertation dans l'objectif de proposer dans le projet de loi de modernisation de la santé la création d'une telle structure.
Enfin, j'ai pris note des propositions de la Mission de concertation concernant la fixation pluri-annuelle des objectifs de dépenses en fonction de l'évolution du produit intérieur brut. Il s'agit de propositions novatrices qui modifieraient profondément les modalités de gestion des objectifs de dépense. Cette perspective appelle des travaux techniques : comment la référence au produit intérieur brut serait prise en compte, comment serait mise en uvre la pluri-annualité. Elle appelle également un débat politique sur l'articulation entre le cadre pluri-annuel et les objectifs votés annuellement par le Parlement. La discussion sur ces thèmes doit se poursuivre pour en préciser les conditions d'une mise en uvre éventuelle, ses avantages et ses inconvénients.
II.2. Un nouveau cadre conventionnel peut être mis en place
Conformément à ce qui s'était dégagé de notre première réunion, au plan des principes, chacun appelle de ses vux un système conventionnel efficace pour les professionnels de santé. Les différents travaux menés depuis le 25 janvier se rejoignent d'ailleurs sur la crise du dispositif conventionnel et la nécessité de le renouveler.
Les positions prises au cours de notre séance montrent que l'accord sur les modalités n'est pas général.
Sans qu'il y ait consensus je note que, même le G7 qui propose de " rétablir une convention unique et nationale pour les médecins " admet que " cette convention pourrait être complétée par des volets spécifiques pour les modes d'exercice ou les disciplines le nécessitant " de volets en étages ou reste dans l'architecture. Quant au CNPS, au G14, aux caisses (CNAMTS ou MSA), elles ont également explorées ces hypothèses de socle et d'étages sont explorées.
Je suis intéressée par ces hypothèses de différents niveaux, parce que :
1 - cela permettrait de renforcer la négociation. Elle peut être encouragée parce que le système est plus solide s'il est construit par l'accord,
2 - cela permettrait d'offrir des choix clairs aux professionnels tant au plan collectif et syndical qu'au plan individuel : choix fonctionnels, choix de rémunération et choix territoriaux,
3 - cela permettrait de mieux préciser les services et prestations offerts aux patients et les rémunérations correspondantes,
4 - cela permettrait de concilier l'égalité nécessaire dans l'accès aux soins et la liberté d'exercice des professionnels libéraux -j'ai entendu la mise en garde de la CGT et de la CFTC-.
Je ne proposerai rien qui soit une régression du principe d'égalité mais, spécialement quant il s'agit de soins, -principe d'égalité- ne signifie pas, n'a jamais signifié uniformité, mécanisme indifférencié.
Je souhaiterais que nous puissions approfondir ces sujets dans les semaines et mois à venir.
Il y a eu une concertation. Il faut maintenant passer à une phase permettant de préciser les propositions. Cet approfondissement doit permettre d'envisager, ce que je souhaite, une traduction dans un texte législatif dès l'automne prochain. Nous verrons en particulier comment le PLFSS pourra ouvrir la voie à une nouvelle méthode de régulation.
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L'ensemble de ces propositions est issu de la concertation menée depuis janvier. Il me semble, comme je l'ai indiqué, que certaines de ces propositions doivent pouvoir se concrétiser rapidement. Nous disposons de deux supports législatifs possibles à l'automne : le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de modernisation de la santé. Nous étudierons le support approprié selon la nature des dispositions en cause.
Pour assurer un suivi de la mise en uvre de ces propositions je vais mettre en place comme pour le médicament, un comité de pilotage qui comprendra les directeurs de mon ministère et les caisses d'assurance maladie, qui organiseront les concertations nécessaires avec vous, et dont je présiderai la première réunion début septembre.
Comme je l'ai indiqué en janvier, il faut construire un nouveau système de régulation qui soit à la fois plus efficace et admis. Pour cela il faut un réel engagement des partenaires conventionnels. La mise en place de ce nouveau système nécessite un temps d'expertise et de négociation. Il n'est pas souhaitable que les partenaires conventionnels se trouvent dans cette phase transitoire sans possibilités d'évolutions. Je considère qu'il faut poursuivre ces démarches conventionnelles en recherchant des accords équilibrés permettant des actions structurelles assorties d'éléments de rémunération programmée. Lorsque des priorités de santé publique appellent une mobilisation des professionnels, des accords conventionnels peuvent être conclus et des décisions de nomenclature prises. Les deux actions que nous avons menées, Bernard KOUCHNER et moi, en matière de périnatalité et de dépistage du cancer du sein se sont inscrites dans ce cadre.
J'attends des partenaires conventionnels qu'ils reprennent leurs discussions et qu'ils me soumettent avant la mi-septembre le résultat de leurs travaux.
Au-delà de ces actions immédiates qui devront être traduites prochainement dans les textes législatifs, nous devons tracer le chemin d'une évolution structurelle du système de soins de ville. Nous avons progressé sur la voie d'une vision partagée des grands axes de cette évolution : démographie et métiers, qualité des soins par la gestion des compétences, coordination des professionnels, participation des professionnels à des missions de santé publique et rénovation du cadre de la régulation. L'ensemble de ces travaux doit avancer parallèlement et être mis en uvre de façon progressive.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 25 juillet 2001)