Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Lorsque Christian Sautter m'a demandé d'ouvrir ces rencontres " l'euro pour tous ", je n'ai pas pu m'empêcher de me remémorer les critiques dont nous avons été l'objet, après le succès de la préparation au passage à l'an 2000. Et si, en effet, le passage à l'euro ne posait aucun problème, comme cela a été le cas pour le bogue de l'an 2000 ? Et si les années englouties par l'ensemble des acteurs publics, du secteur privé et de terrain dans la préparation à l'euro passaient inaperçues, comme celles consacrées au bogue de l'an 2000 grâce à un passage harmonieux des consommateurs à la monnaie unique ? Et si d'aucuns reprochaient à l'Etat, comme pour le bogue, de se donner tous les moyens pour que tous se préparent sereinement, en donnant à tous l'égalité des chances face à l'euro ?
Le parallèle s'arrête cependant là. Car, si le passage à l'an 2000 s'est déroulé dans le calme, ce n'étaient que des machines, des ordinateurs, des horloges, des processeurs qu'il fallait paramétrer. Pour l'euro, ce sont nos concitoyens, avec leurs habitudes, leur psychologie, leur culture, leur âge , leur éducation, leurs difficultés et leurs spécificités propres, qu'il faudra préparer. Le passage à l'euro, après avoir touché les marchés financiers, doit s'intéresser désormais à l'humain. Ce qui n'est pas, d'après moi, une mince affaire.
Or, si on demandait aujourd'hui aux Français quelle est la monnaie de leur pays, bien peu répondrait l'euro. Pourtant depuis le 1er Janvier 1999 l'euro est la monnaie de la France ainsi que de 10 autres pays européens. Le franc n'est plus, comme le disent les textes officiels, qu'une subdivision temporaire de l'euro. L'euro est donc bel et bien notre monnaie légale. Cependant pour la majorité d'entre nous, il s'agit encore d'une monnaie virtuelle qui ne se concrétisera que lors de l'introduction des pièces et des billets en euros le 1er janvier 2002.
Comment peut-on expliquer d'un côté la réussite économique et institutionnelle de l'euro et de l'autre le caractère virtuel presque irréel à ce stade perçu par une majorité des Français ?
Sans doute à cause de l'absence des pièces et des billets dans nos poches !
Sans doute à cause des obstacles techniques qui ont pu freiner les enthousiasmes des plus européens d'entre nous :
l'existence de frais bancaires qui subsistent lors d'un transfert à l'étranger ;
l'existence de chéquiers spécifiques en euros que les banques n'invitent toujours pas leurs clients à demander ;
la progression trop lente de l'adaptation des terminaux de paiements électroniques chez les commerçants. Actuellement cette adaptation ne concerne que 34 % du marché.
Surtout, la pratique de l'euro par le grand public ne comporte pas d'avantages directs même s'il est sûr qu'elle permettrait l'apprentissage de nouveaux repères de prix en euros. De plus, la durée de la période de préparation à l'euro qui est de trois ans, entre l'introduction de l'euro le 1er Janvier 1999 et l'arrivée des pièces et des billets le 1er Janvier 2002, rend lointaine l'échéance au plan psychologique.
Ainsi après une période d'euphorie relative qui a caractérisé l'introduction de l'euro le 1er Janvier 1999, nous sommes entrés dans une période de trois ans marquée par l'absence de dates repères jusqu'à la fin du processus de passage, jusqu'à l'introduction des pièces et des billets le 1er Janvier 2002. L'impression générale des Français est donc qu'ils ont le temps et qu'ils s'y préparent au moment de l'arrivée des pièces et des billets en euros dans leurs porte-monnaies.
Face à cette apathie deux attitudes sont envisageables :
1°) soit prendre son parti d'un choc, d'un "big-bang", en fin de période transitoire avec ses risques de déstabilisation sur le plan économique et social (recul de la consommation au début 2002, modification de certains comportements d'achats, montée de l'inquiétude, perte accrue de confiance dans les pouvoirs publics) ;
2°) soit engager avec détermination des actions d'information et de sensibilisation massives permettant à chacun d'utiliser pleinement les deux années qui nous séparent de l'introduction des pièces et des billets pour se préparer.
C'est cette seconde voie que le Gouvernement a choisi. Nous mesurons en effet le bouleversement d'habitudes que représentera ce changement de monnaie - dans les habitudes d'évaluer, de comparer, de compter, de payer. L'introduction de cette nouvelle monnaie va en fait modifier tous les repères de prix, que nous avons les uns et les autres construits au cours de notre vie et qui nous permettent d'évaluer la valeur d'un bien, de comparer les prix relatifs des produits que nous consommons et de répondre ou non aux sollicitations d'achats dont nous sommes l'objet quotidiennement. Notre rapport à l'Etat lui-même va changer, car la monnaie est l'expression de celui qui l'émet. Il ne suffit donc pas, au cours de cette période de préparation de communiquer sur le fait qu'aucune modification de pouvoir d'achat n'interviendra du fait de l'introduction de l'euro ; il nous faut tous ensemble utiliser au mieux ces 23 mois qui nous séparent de l'arrivée des pièces et des billets en euros pour devenir des consommateurs éclairés "en euros".
L'euro n'est pas une devise étrangère. Il n'y aura pas la possibilité de retourner après dans son pays, pour retrouver à nouveau ses repères.
Que devons-nous faire ?
tout d'abord expliquer les raisons de la création de cette monnaie unique qui fédérera près de 300 millions d'individus. Ce bouleversement des habitudes demandé aux Français sera d'autant plus accepté qu'ils en comprendront le sens politique. C'est en premier lieu la responsabilité de l'Etat que d'insister sur les bénéfices économiques et politiques de cette mutation pour les générations futures.
Il faut ensuite travailler ensemble à la constitution des repères de prix en euros. J'avoue que pour moi-même, et encore plus, je crois, pour mon père, 15,24 euros ne veut pas dire grand chose et je serais incapable de dire combien coûtera une baguette de pain, un timbre ou une tasse de café en euros, mais je pense qu'il faut progressivement que chacun de nous construise cette grille de prix de produits courants en euros qui lui permettra de se repérer lors de l'introduction des pièces et des billets en euros et donc d'être à l'aise à l'occasion des gestes quotidiens de consommation.
Il faut ensuite toucher le plus grand nombre d'individus avec des actions à la fois massives et de terrain menées par les médiateurs de confiance que vous êtes. Vous savez mieux que quiconque choisir le moment, utiliser les bons mots et rassurer les populations qui manifestent des inquiétudes ou de la méfiance. Nous mesurons grâce aux sondages les différences de perception, d'adhésion, de connaissance par rapport à l'euro en fonction de l'appartenance à telle ou telle catégorie.
Voici quelques chiffres intéressants que j'ai tirés à l'occasion du dernier sondage CSA d'octobre 1999 :
- alors que l'adhésion à l'euro est de 54 % pour l'ensemble des Français, elle n'est que de 42 % chez les publics en situation de précarité économique.
- si 61 % des Français se déclarent bien informés sur les modalités du passage à l'euro, ce chiffre n'est que de 44 % en moyenne pour les publics en situation de précarité économique, les plus de 65 ans et les non diplômés.
- Enfin l'inquiétude face à l'introduction des pièces et des billets en euros est de 55 % en moyenne. Elle atteint 70 % chez les publics en difficulté.
Ces écarts, qui sont, je le disais, constants depuis la création des baromètres de l'euro, nous montrent l'importance d'une action spécifique à l'égard de ces catégories, qui ne sont d'ailleurs pas forcément les moins aisés ou les moins cultivés.
C'est pourquoi je vous propose que nous nous donnions quatre priorités :
tout d'abord permettre un accès de l'ensemble des publics à une information adaptée à leurs besoins. Tous les outils concernant l'euro devront être accessibles aux personnes aveugles ou mal-entendantes. Des efforts importants ont déjà été faits dans ce domaine. Ils doivent être poursuivis. Je souhaite que des partenariats spécifiques soient engagés avec les associations qui rassemblent ces personnes souffrant d'un handicap particulier et dont un certain nombre, et je les en remercie, sont présents dans cette salle.
favoriser l'émergence d'un fort mouvement de solidarité pour accompagner à l'introduction de la nouvelle monnaie les personnes âgées ou les personnes en situation de précarité économique et sociale. Des partenariats seront engagées avec de grandes institutions qui ont fait du passage à l'euro pour tous un objectif et une priorité. Je salue à cet égard l'engagement de la Caisse des Dépôts et Consignations, de la Poste, des Caisses d'Epargne, des HLM, des collectivités territoriales et des associations qui sont réunis aujourd'hui pour rassembler leur force et leurs moyens.
développer des actions de formation et d'information permettant un travail d'explication dans le cadre de petits groupes réunis autour d'un formateur. Les expérimentations qui ont été engagées soit par la France, soit par l'Union européenne dans le cadre de "l'euro facile" nous montrent la voie à suivre. Il faut désormais passer d'une phase d'expérimentation à une phase de démultiplication massive.
Enfin, je crois que c'est important de le dire dès aujourd'hui, l'Etat mettra à la disposition des publics en difficulté plusieurs millions de convertisseurs franc/euro-euro/franc, simples et adaptés, au cours de l'année 2001. Un appel d'offres va être lancé dans les prochaines semaines pour sélectionner ces convertisseurs. Ces outils simples de conversion comportant une restitution en synthèse vocale pour les déficients visuels, permettront à chacun de vérifier l'exacte conversion de son épargne, de ses revenus de ses achats en euros. L'appui des organismes de retraite et de protection sociale, des associations et des collectivités territoriales nous sera indispensable pour faire en sorte qu'ils soient bien diffusés aux publics auxquels ils sont destinés.
La manifestation qui est organisée aujourd'hui à Bercy en collaboration avec le Ministère de l'Emploi et de la Solidarité et la Commission européenne fait partie de ce plan d'action :
- Il faut en premier lieu échanger les expériences. De nombreux organismes, associations, collectivités locales ont été des pionniers dans la sensibilisation des publics en difficulté. Je souhaite que vous puissiez au cours de cette journée identifier les meilleures pratiques et mutualiser les supports de communication réalisés. Il faut en effet, pour des raisons d'efficacité, s'appuyer maintenant sur les expériences réussies.
- Il faut en second lieu rassembler nos moyens. Les démarches qui ont été engagées sur l'euro, notamment à l'initiative de la Commission européenne et du Gouvernement français prennent fréquemment la forme de partenariats. C'est dans cette voie qu'il nous faut nous engager pour éviter la dispersion des moyens et des énergies et concentrer notre action. Ceci suppose une bonne coordination notamment à l'échelon local et je souhaite que l'important travail réalisé dans ce domaine par le réseau du Trésor Public soit poursuivi et amplifié.
- Il faut enfin, je le disais tout à l'heure, démultiplier nos actions pour atteindre des objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés et qui sont résumés dans l'intitulé de cette journée appelée à juste titre "les rencontres : l'euro pour tous".
A cette fin, je souhaite que cette manifestation soit suivie d'autres manifestations qui pourront se dérouler à votre initiative au niveau local. Nous vous y aiderons.
Cette démarche de mobilisation sera facilitée par les initiatives importantes qui ont été prises récemment tant sur le plan national que sur le plan communautaire :
- à Turku, à la demande du Gouvernement Français, l'ensemble des Etats membres sont tombés d'accord pour que les particuliers puissent se procurer un kit de pièces en euros à partir de la mi-décembre 2001 afin de pouvoir, avant la date de leur introduction officielle le 1er janvier 2002, découvrir, reconnaître et s'habituer à ces nouvelles pièces.
- des réflexions sont actuellement menées à la demande de C. SAUTTER dans le cadre du Comité national de l'euro afin que la période transitoire soit rythmée par des choix volontaires pour accélérer le passage à l'euro selon les acteurs économiques et en étaler l'impact, comme par exemple, la passation de certains contrats publics en euro dès la période transitoire.
- les réseaux de distribution seront invités à développer le double affichage qui progresse très fortement et dont les Français à 66 % reconnaissent l'utilité.
- des observatoires départementaux de l'euro ont été créés dans chaque département. Ils participent à cet effort de sensibilisation et de prévention des litiges. Ils seront amenés à monter en puissance parallèlement au développement des paiements en euro.
- je souhaiterais, en outre, que le scénario d'introduction des pièces et des billets puisse se faire sans coût supplémentaire, dans un délai suffisant pour le consommateur, même s'il est préférable que la période de double circulation soit aussi ramassée que possible.
*
* *
Je voulais, en terminant l'introduction de cette journée que je souhaite riche et fructueuse pour vous tous, souligner l'importance que le Gouvernement, C. Sautter et moi-même attachons à la bonne préparation de l'ensemble des publics à l'euro, je pense aux PME, aux commerçants et aux consommateurs dont j'ai la charge mais également aux personnes les plus fragiles Dans ce domaine l'Etat assumera ses responsabilités par des moyens amplifiés et des partenariats ambitieux. La réussite de ce grand projet collectif repose toutefois sur la mobilisation de chacun d'entre vous et je tenais à vous remercier du travail que vous avez déjà engagé dans ce domaine, avec l'appui de la direction de la communication du Ministère des Finances. C'est en effet par ce travail de proximité mené dans les territoires, sur le terrain que l'euro progressivement deviendra l'euro pour tous et particulièrement pour celles et ceux qui ont le plus de difficulté à recevoir l'information du fait de leur handicap, de leur isolement social ou géographique, de leur difficulté de lecture, de leur âge ou de leur situation économiquement difficile.
L'euro est un projet collectif sans précédent. Il mérite donc des approches nouvelles et collectives qui assureront la plus grande efficacité à nos actions et symboliseront l'implication de tous. C'est dans ce vaste chantier qu'il nous faut nous engager pour que l'euro soit une opportunité que je souhaite positive pour tous et pour chacun.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 2 mai 2000)
Lorsque Christian Sautter m'a demandé d'ouvrir ces rencontres " l'euro pour tous ", je n'ai pas pu m'empêcher de me remémorer les critiques dont nous avons été l'objet, après le succès de la préparation au passage à l'an 2000. Et si, en effet, le passage à l'euro ne posait aucun problème, comme cela a été le cas pour le bogue de l'an 2000 ? Et si les années englouties par l'ensemble des acteurs publics, du secteur privé et de terrain dans la préparation à l'euro passaient inaperçues, comme celles consacrées au bogue de l'an 2000 grâce à un passage harmonieux des consommateurs à la monnaie unique ? Et si d'aucuns reprochaient à l'Etat, comme pour le bogue, de se donner tous les moyens pour que tous se préparent sereinement, en donnant à tous l'égalité des chances face à l'euro ?
Le parallèle s'arrête cependant là. Car, si le passage à l'an 2000 s'est déroulé dans le calme, ce n'étaient que des machines, des ordinateurs, des horloges, des processeurs qu'il fallait paramétrer. Pour l'euro, ce sont nos concitoyens, avec leurs habitudes, leur psychologie, leur culture, leur âge , leur éducation, leurs difficultés et leurs spécificités propres, qu'il faudra préparer. Le passage à l'euro, après avoir touché les marchés financiers, doit s'intéresser désormais à l'humain. Ce qui n'est pas, d'après moi, une mince affaire.
Or, si on demandait aujourd'hui aux Français quelle est la monnaie de leur pays, bien peu répondrait l'euro. Pourtant depuis le 1er Janvier 1999 l'euro est la monnaie de la France ainsi que de 10 autres pays européens. Le franc n'est plus, comme le disent les textes officiels, qu'une subdivision temporaire de l'euro. L'euro est donc bel et bien notre monnaie légale. Cependant pour la majorité d'entre nous, il s'agit encore d'une monnaie virtuelle qui ne se concrétisera que lors de l'introduction des pièces et des billets en euros le 1er janvier 2002.
Comment peut-on expliquer d'un côté la réussite économique et institutionnelle de l'euro et de l'autre le caractère virtuel presque irréel à ce stade perçu par une majorité des Français ?
Sans doute à cause de l'absence des pièces et des billets dans nos poches !
Sans doute à cause des obstacles techniques qui ont pu freiner les enthousiasmes des plus européens d'entre nous :
l'existence de frais bancaires qui subsistent lors d'un transfert à l'étranger ;
l'existence de chéquiers spécifiques en euros que les banques n'invitent toujours pas leurs clients à demander ;
la progression trop lente de l'adaptation des terminaux de paiements électroniques chez les commerçants. Actuellement cette adaptation ne concerne que 34 % du marché.
Surtout, la pratique de l'euro par le grand public ne comporte pas d'avantages directs même s'il est sûr qu'elle permettrait l'apprentissage de nouveaux repères de prix en euros. De plus, la durée de la période de préparation à l'euro qui est de trois ans, entre l'introduction de l'euro le 1er Janvier 1999 et l'arrivée des pièces et des billets le 1er Janvier 2002, rend lointaine l'échéance au plan psychologique.
Ainsi après une période d'euphorie relative qui a caractérisé l'introduction de l'euro le 1er Janvier 1999, nous sommes entrés dans une période de trois ans marquée par l'absence de dates repères jusqu'à la fin du processus de passage, jusqu'à l'introduction des pièces et des billets le 1er Janvier 2002. L'impression générale des Français est donc qu'ils ont le temps et qu'ils s'y préparent au moment de l'arrivée des pièces et des billets en euros dans leurs porte-monnaies.
Face à cette apathie deux attitudes sont envisageables :
1°) soit prendre son parti d'un choc, d'un "big-bang", en fin de période transitoire avec ses risques de déstabilisation sur le plan économique et social (recul de la consommation au début 2002, modification de certains comportements d'achats, montée de l'inquiétude, perte accrue de confiance dans les pouvoirs publics) ;
2°) soit engager avec détermination des actions d'information et de sensibilisation massives permettant à chacun d'utiliser pleinement les deux années qui nous séparent de l'introduction des pièces et des billets pour se préparer.
C'est cette seconde voie que le Gouvernement a choisi. Nous mesurons en effet le bouleversement d'habitudes que représentera ce changement de monnaie - dans les habitudes d'évaluer, de comparer, de compter, de payer. L'introduction de cette nouvelle monnaie va en fait modifier tous les repères de prix, que nous avons les uns et les autres construits au cours de notre vie et qui nous permettent d'évaluer la valeur d'un bien, de comparer les prix relatifs des produits que nous consommons et de répondre ou non aux sollicitations d'achats dont nous sommes l'objet quotidiennement. Notre rapport à l'Etat lui-même va changer, car la monnaie est l'expression de celui qui l'émet. Il ne suffit donc pas, au cours de cette période de préparation de communiquer sur le fait qu'aucune modification de pouvoir d'achat n'interviendra du fait de l'introduction de l'euro ; il nous faut tous ensemble utiliser au mieux ces 23 mois qui nous séparent de l'arrivée des pièces et des billets en euros pour devenir des consommateurs éclairés "en euros".
L'euro n'est pas une devise étrangère. Il n'y aura pas la possibilité de retourner après dans son pays, pour retrouver à nouveau ses repères.
Que devons-nous faire ?
tout d'abord expliquer les raisons de la création de cette monnaie unique qui fédérera près de 300 millions d'individus. Ce bouleversement des habitudes demandé aux Français sera d'autant plus accepté qu'ils en comprendront le sens politique. C'est en premier lieu la responsabilité de l'Etat que d'insister sur les bénéfices économiques et politiques de cette mutation pour les générations futures.
Il faut ensuite travailler ensemble à la constitution des repères de prix en euros. J'avoue que pour moi-même, et encore plus, je crois, pour mon père, 15,24 euros ne veut pas dire grand chose et je serais incapable de dire combien coûtera une baguette de pain, un timbre ou une tasse de café en euros, mais je pense qu'il faut progressivement que chacun de nous construise cette grille de prix de produits courants en euros qui lui permettra de se repérer lors de l'introduction des pièces et des billets en euros et donc d'être à l'aise à l'occasion des gestes quotidiens de consommation.
Il faut ensuite toucher le plus grand nombre d'individus avec des actions à la fois massives et de terrain menées par les médiateurs de confiance que vous êtes. Vous savez mieux que quiconque choisir le moment, utiliser les bons mots et rassurer les populations qui manifestent des inquiétudes ou de la méfiance. Nous mesurons grâce aux sondages les différences de perception, d'adhésion, de connaissance par rapport à l'euro en fonction de l'appartenance à telle ou telle catégorie.
Voici quelques chiffres intéressants que j'ai tirés à l'occasion du dernier sondage CSA d'octobre 1999 :
- alors que l'adhésion à l'euro est de 54 % pour l'ensemble des Français, elle n'est que de 42 % chez les publics en situation de précarité économique.
- si 61 % des Français se déclarent bien informés sur les modalités du passage à l'euro, ce chiffre n'est que de 44 % en moyenne pour les publics en situation de précarité économique, les plus de 65 ans et les non diplômés.
- Enfin l'inquiétude face à l'introduction des pièces et des billets en euros est de 55 % en moyenne. Elle atteint 70 % chez les publics en difficulté.
Ces écarts, qui sont, je le disais, constants depuis la création des baromètres de l'euro, nous montrent l'importance d'une action spécifique à l'égard de ces catégories, qui ne sont d'ailleurs pas forcément les moins aisés ou les moins cultivés.
C'est pourquoi je vous propose que nous nous donnions quatre priorités :
tout d'abord permettre un accès de l'ensemble des publics à une information adaptée à leurs besoins. Tous les outils concernant l'euro devront être accessibles aux personnes aveugles ou mal-entendantes. Des efforts importants ont déjà été faits dans ce domaine. Ils doivent être poursuivis. Je souhaite que des partenariats spécifiques soient engagés avec les associations qui rassemblent ces personnes souffrant d'un handicap particulier et dont un certain nombre, et je les en remercie, sont présents dans cette salle.
favoriser l'émergence d'un fort mouvement de solidarité pour accompagner à l'introduction de la nouvelle monnaie les personnes âgées ou les personnes en situation de précarité économique et sociale. Des partenariats seront engagées avec de grandes institutions qui ont fait du passage à l'euro pour tous un objectif et une priorité. Je salue à cet égard l'engagement de la Caisse des Dépôts et Consignations, de la Poste, des Caisses d'Epargne, des HLM, des collectivités territoriales et des associations qui sont réunis aujourd'hui pour rassembler leur force et leurs moyens.
développer des actions de formation et d'information permettant un travail d'explication dans le cadre de petits groupes réunis autour d'un formateur. Les expérimentations qui ont été engagées soit par la France, soit par l'Union européenne dans le cadre de "l'euro facile" nous montrent la voie à suivre. Il faut désormais passer d'une phase d'expérimentation à une phase de démultiplication massive.
Enfin, je crois que c'est important de le dire dès aujourd'hui, l'Etat mettra à la disposition des publics en difficulté plusieurs millions de convertisseurs franc/euro-euro/franc, simples et adaptés, au cours de l'année 2001. Un appel d'offres va être lancé dans les prochaines semaines pour sélectionner ces convertisseurs. Ces outils simples de conversion comportant une restitution en synthèse vocale pour les déficients visuels, permettront à chacun de vérifier l'exacte conversion de son épargne, de ses revenus de ses achats en euros. L'appui des organismes de retraite et de protection sociale, des associations et des collectivités territoriales nous sera indispensable pour faire en sorte qu'ils soient bien diffusés aux publics auxquels ils sont destinés.
La manifestation qui est organisée aujourd'hui à Bercy en collaboration avec le Ministère de l'Emploi et de la Solidarité et la Commission européenne fait partie de ce plan d'action :
- Il faut en premier lieu échanger les expériences. De nombreux organismes, associations, collectivités locales ont été des pionniers dans la sensibilisation des publics en difficulté. Je souhaite que vous puissiez au cours de cette journée identifier les meilleures pratiques et mutualiser les supports de communication réalisés. Il faut en effet, pour des raisons d'efficacité, s'appuyer maintenant sur les expériences réussies.
- Il faut en second lieu rassembler nos moyens. Les démarches qui ont été engagées sur l'euro, notamment à l'initiative de la Commission européenne et du Gouvernement français prennent fréquemment la forme de partenariats. C'est dans cette voie qu'il nous faut nous engager pour éviter la dispersion des moyens et des énergies et concentrer notre action. Ceci suppose une bonne coordination notamment à l'échelon local et je souhaite que l'important travail réalisé dans ce domaine par le réseau du Trésor Public soit poursuivi et amplifié.
- Il faut enfin, je le disais tout à l'heure, démultiplier nos actions pour atteindre des objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés et qui sont résumés dans l'intitulé de cette journée appelée à juste titre "les rencontres : l'euro pour tous".
A cette fin, je souhaite que cette manifestation soit suivie d'autres manifestations qui pourront se dérouler à votre initiative au niveau local. Nous vous y aiderons.
Cette démarche de mobilisation sera facilitée par les initiatives importantes qui ont été prises récemment tant sur le plan national que sur le plan communautaire :
- à Turku, à la demande du Gouvernement Français, l'ensemble des Etats membres sont tombés d'accord pour que les particuliers puissent se procurer un kit de pièces en euros à partir de la mi-décembre 2001 afin de pouvoir, avant la date de leur introduction officielle le 1er janvier 2002, découvrir, reconnaître et s'habituer à ces nouvelles pièces.
- des réflexions sont actuellement menées à la demande de C. SAUTTER dans le cadre du Comité national de l'euro afin que la période transitoire soit rythmée par des choix volontaires pour accélérer le passage à l'euro selon les acteurs économiques et en étaler l'impact, comme par exemple, la passation de certains contrats publics en euro dès la période transitoire.
- les réseaux de distribution seront invités à développer le double affichage qui progresse très fortement et dont les Français à 66 % reconnaissent l'utilité.
- des observatoires départementaux de l'euro ont été créés dans chaque département. Ils participent à cet effort de sensibilisation et de prévention des litiges. Ils seront amenés à monter en puissance parallèlement au développement des paiements en euro.
- je souhaiterais, en outre, que le scénario d'introduction des pièces et des billets puisse se faire sans coût supplémentaire, dans un délai suffisant pour le consommateur, même s'il est préférable que la période de double circulation soit aussi ramassée que possible.
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Je voulais, en terminant l'introduction de cette journée que je souhaite riche et fructueuse pour vous tous, souligner l'importance que le Gouvernement, C. Sautter et moi-même attachons à la bonne préparation de l'ensemble des publics à l'euro, je pense aux PME, aux commerçants et aux consommateurs dont j'ai la charge mais également aux personnes les plus fragiles Dans ce domaine l'Etat assumera ses responsabilités par des moyens amplifiés et des partenariats ambitieux. La réussite de ce grand projet collectif repose toutefois sur la mobilisation de chacun d'entre vous et je tenais à vous remercier du travail que vous avez déjà engagé dans ce domaine, avec l'appui de la direction de la communication du Ministère des Finances. C'est en effet par ce travail de proximité mené dans les territoires, sur le terrain que l'euro progressivement deviendra l'euro pour tous et particulièrement pour celles et ceux qui ont le plus de difficulté à recevoir l'information du fait de leur handicap, de leur isolement social ou géographique, de leur difficulté de lecture, de leur âge ou de leur situation économiquement difficile.
L'euro est un projet collectif sans précédent. Il mérite donc des approches nouvelles et collectives qui assureront la plus grande efficacité à nos actions et symboliseront l'implication de tous. C'est dans ce vaste chantier qu'il nous faut nous engager pour que l'euro soit une opportunité que je souhaite positive pour tous et pour chacun.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 2 mai 2000)