Déclaration de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur la négociation dans les branches professionnelles et la situation de l'emploi, Paris le 10 septembre 2014.

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Circonstance : Conclusion de la réunion de mobilisation des branches professionnelles à Paris le 10 septembre 2014

Texte intégral

Mesdames et messieurs,
Je vous remercie pour cet après-midi de travail, qui, je l'exprime comme je l'ai ressenti, a été passionnante. Comme je vous le disais, réunir les 50 premières branches professionnelles était une forme de pari. Je crois que la qualité et l'intérêt des échanges qui ont eu lieu aujourd'hui montrent qu'il s'agit d'un pari réussi.
Avant d'en venir aux enseignements que je tire de ces échanges, je voudrais rappeler le sens de notre présence ici aujourd'hui.
Le dialogue social que vous pratiquez est et reste une priorité du gouvernement. Plusieurs accords nationaux interprofessionnels ont marqué le succès de cette méthode commune : l'ANI du 19 octobre 2012 créant le contrat de génération et signé à l'unanimité (c'est assez rare pour le souligner), l'ANI du 11 janvier 2013 relatif à la sécurisation de l'emploi, l'ANI du 14 décembre 2013 relatif à la formation professionnelle, l'ANI de juin 2013 relatif à la qualité de vie au travail, tous transposés par la loi. Les organisations représentatives viennent hier d'annoncer l'ouverture d'une négociation sur la modernisation du dialogue social, à laquelle je les avais invitées dans le courant de l'été. Je tiens à les saluer pour ce choix d'aller de l'avant, de faire le pari de la discussion sur un sujet qui est sensible, plutôt que de camper sur des positions figées.
Mais, entre la négociation nationale et le dialogue social au sein de l'entreprise, tous deux si importants, il est un échelon, ancien, et c'est tout le sens de votre présence aujourd'hui ici : je veux bien sûr parler de celui de la branche. Celle-ci a aujourd'hui, plus encore qu'hier, un rôle essentiel à jouer, parce qu'elle est à la fois suffisamment proche du terrain pour prendre en compte la spécificité de chaque secteur, et suffisamment distante pour le faire de façon cohérente, avec un regard global, transversal.
L'échelon des branches est pertinent parce qu'il est adapté aux multiples configurations de notre économie (la propreté n'est pas la banque qui n'est pas non plus la restauration rapide et ainsi de suite) et capable de construire du sur-mesure sur des enjeux multiples : salaires, reconnaissance des qualifications dans les classifications... Il est également pertinent parce qu'il offre la taille critique pour fournir de réelles garanties aux salariés.
Je viens donc vous dire que l'on ne peut pas se passer des branches et que la dynamique sociale ne sera là que si les branches sont plus fortes et plus actives. Le pays a besoin de vous, de votre engagement, pour avancer.
Reste à savoir dans quelles directions et comment avancer.
Le Pacte de responsabilité et de solidarité est, à cet égard, une opportunité. Ce pacte incarne le choix du gouvernement de redonner des marges aux entreprises pour pouvoir investir et embaucher, créer de l'emploi, favoriser l'insertion des jeunes et le maintien en emploi des seniors. Nous l'assumons pleinement ; il est le gage d'une compétitivité pérenne de notre pays qui créera des emplois. .C'est un effort massif pour nos entreprises, qui va de pair avec une amélioration des conditions de travail et d'emploi par le dialogue social ; des engagements ont été pris par les confédérations de négociation dans les branches pour accompagner la mise en œuvre du Pacte ; ils doivent être tenus.
Certains d'entre vous ont fait le chemin, comme le montrent par exemple les secteurs de la chimie et de la métallurgie, qui sont intervenues dans la première séquence de vos travaux, ou le secteur du bâtiment. Beaucoup ont avancé, fixé un calendrier, ouvert des négociations - j'ai été particulièrement attentif aux interventions des uns et des autres. Aujourd'hui, plus de trente branches sont sur le point ou ont entamé des discussions. Cela représente 9 millions de salariés sur les un peu plus de 11 millions que couvrent les 50 branches aujourd'hui réunies.
Sur les sujets liés à l'emploi des jeunes, on voit que les choses avancent, comme l'a montré l'exemple de la branche de l'industrie agro-alimentaire. Il en va de même sur l'égalité professionnelle. Cela est évidemment très positif, et je salue vivement les efforts et le dialogue noué dans ces branches-là, d'autant que, comme l'ont montré les discussions, cela suppose souvent de surmonter bien des obstacles.
Mais pour certaines branches - à présent minoritaires, fort heureusement, il ne s'est rien passé depuis l'été. Je tiens à le dire avec force ici, cela n'est pas acceptable, et il faut désormais avancer. Je n'accepterai pas une situation de blocage ou d'atermoiements, de refus de dialoguer et je m'y impliquerai personnellement.
L'Etat - c'est-à-dire nos concitoyens-consent des efforts importants pour redonner des marges aux entreprises. Le gouvernement - et le pays- attendent de vous que vous meniez à bien des négociations, sur la création d'emplois, bien sûr - c'est le sujet qui est au cœur du Pacte- mais aussi sur la pénibilité, la santé au travail, la valorisation des compétences, l'égalité entre les femmes et les hommes, l'accueil de publics spécifiques, la gestion des âges au travail, la construction de carrières et de trajectoires professionnelles, les contrats de génération, etc. Et aussi sur la formation professionnelle, où l'ouverture de négociations et la conclusion d'accords pour la mise en place du compte personnel de formation, le CPF, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2015, sont urgentes. Ces négociations doivent s'engager, partout dans les 50 plus grandes branches, et déboucher sur des accords, pas dans un an, pas dans deux ans, mais dans les semaines et les mois qui viennent.
En octobre, l'installation du comité de suivi des aides publiques par le Premier Ministre sera l'occasion de dresser un nouvel état de mobilisation ; toutes les branches devront d'ici là avoir initié des négociations et d'autres auront, j'en suis certain, conclu des accords.
Ce suivi des négociations sera poursuivi car mon attention ne se relâchera pas. C'est pourquoi je propose la constitution d'un groupe de travail de la commission nationale de la négociation collective chargé d'assurer régulièrement, d'ici la fin de l'année, le suivi des négociations en cours dans les 50 branches, sans oublier d'autres branches dont l'importance justifie qu'une attention particulière leur soit portée – je pense en particulier à aux industries agro-alimentaires, dont l'intervention a montré l'importance.
Pour terminer, je veux vous dire un mot du chantier d'évolution des branches. Nous sommes tous conscients que le paysage actuel des branches n'est pas satisfaisant : parmi les plus de 700 branches qui existent, nous le savons, de nombreuses branches ne négocient plus, ou bien sont moribondes. C'est pourquoi j'ai décidé d'engager à partir de la fin du mois de septembre un vaste chantier de restructuration des branches, qui permettra de réduire considérablement leur nombre. L'objectif est de passer de 700 à 100 branches à horizon de dix ans. La loi du 5 mars 2014 donne au ministre du travail les moyens d'intervenir pour rationaliser cet enchevêtrement de branches. Je suis fermement décidé à me saisir de ces nouveaux outils. C'est pourquoi, avec vos confédérations nationales, nous nous réunirons à la fin du mois au sein de la commission nationale de la négociation collective pour discuter ensemble de la méthode à adopter pour mener à bien ce vaste chantier.
Ce chantier est intimement lié à nos travaux aujourd'hui car, pour que l'échelon de la branche, dont j'ai souligné l'importance, soit pleinement efficace, il faut que la condition première permettant la négociation soit remplie : que la branche soit vivante, que de la sève circule encore en elle. L'enjeu est considérable car une branche morte, ce sont autant de salariés qui ne sont pas protégés, autant d'employeurs qui ne parviennent pas à se donner les règles communes dans un secteur dans leur propre intérêt.
Vous l'avez compris : vous êtes au centre de l'attention du gouvernement parce que vous êtes un des gages de vitalité du dialogue social et du corps social. C'est dire si votre responsabilité est grande ! L'Etat ne se dérobera pas aux siennes. Je compte sur vous, et je vous remercie.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 16 septembre 2014