Texte intégral
Monsieur le Commissaire,
Le manque d'harmonisation fiscale en Europe est l'une des principales causes permettant à l'érosion des bases fiscales, aux transferts de profits et à l'optimisation agressive de se développer au sein du Marché intérieur. Cette situation favorise les jeux non-coopératifs entre États membres, ce qui entrave directement l'établissement ou le fonctionnement du Marché intérieur ainsi que l'exercice des libertés accordées par le Traité.
Nos citoyens et nos entreprises attendent de nous que luttions contre les phénomènes d'évitement de l'impôt et d'optimisation. C'est notre devoir commun d'y répondre en veillant à ce que chacun acquitte ce qu'il doit dans l'État où il réalise des profits.
Des progrès ont été réalisés, particulièrement durant ces six derniers mois, mais il nous faut désormais aller plus loin. Une étape vient à l'évidence d'être franchie dans les débats sur le caractère dommageable de la concurrence fiscale, de l'érosion des bases fiscale et des transferts de profits en Europe, qui entrainent des effets indésirables et sapent le fonctionnement du Marché intérieur. La révélation récente des comportements de certains contribuables et de certains États ont modifié les limites de l'acceptable concernant la concurrence que les États membres se livrent entre eux. Ce changement est irréversible.
Nous apprécions pleinement que la Commission ait réagi avec rapidité en annonçant une initiative sur les rulings fiscaux. Personne ne peut désormais nier la nécessité d'agir avec force, ni la nécessité de prendre collectivement les mesures qui s'imposent pour garantir la transparence et une taxation équitable.
Dans le contexte d'une adoption fin 2015 par l'OCDE puis par le G20 des travaux relatifs à l'érosion des bases fiscales et aux transferts de profits (BEPS), la réponse que doit apporter l'Union passe par l'adoption d'un socle de règles communes en matière d'imposition des sociétés, afin d'encadrer la concurrence fiscale et de lutter contre l'optimisation agressive.
Nous, ministres des finances des gouvernements allemands, français et italiens, considérons que cet objectif ne pourra être atteint qu'au moyen d'une directive générale «anti-BEPS», que les 28 États membres devront adopter d'ici la fin de l'année 2015. Le diagnostic a déjà été produit, les solutions sont connues et il nous faut donc agir sans délai.
Premièrement, l'optimisation s'appuie sur l'absence de transparence entre administrations fiscales, alors que leurs décisions peuvent avoir un impact sur la localisation des assiettes fiscales au sein du Marché intérieur. La proposition de la Commission visant à rendre obligatoire et automatique l'échange d'informations sur les tax rulings transfrontaliers, et qui devrait aussi couvrir les décisions en matière de prix de transfert, est nécessaire mais insuffisante. De surcroît, des conditions et des règles plus strictes qu'actuellement devraient venir encadrer ces rulings.
Par ailleurs, l'occasion nous est véritablement donnée d'aller plus loin dans ce domaine. Le droit européen pourrait ainsi faire plus concernant les trusts, les sociétés écran et autres entités opaques, par exemple en créant dans chaque État membre un registre - ou un mécanisme équivalent - indiquant quels bénéficiaires se cachent derrière ces entités et qui serait accessible aux administrations fiscales. La directive devrait également porter sur les obligations déclaratives imposées aux entreprises pour leurs opérations intra-européennes (business restructuring, autres transferts d'activités).
En second lieu, la transparence seule ne suffit pas. Nous ne pouvons pas accepter de laisser sans solution des situations dans lesquelles les libertés du Traité sont détournées aux fins d'éviter l'impôt. Pour cette raison la directive «anti-BEPS» devrait poser un principe général d'imposition effective.
Par conséquent, les exonérations prévues par les directives mère-filiale et intérêts-redevances ne devraient pas s'appliquer si elles conduisent à une absence d'imposition effective. Il est aussi important de déjouer toutes les situations transfrontalières de double exonération que peuvent engendrer les montages hybrides. En conséquence, la directive devrait assurer, au niveau européen, qu'aucun avantage fiscal ne puisse être obtenu par la mise en oeuvre d'un montage inapproprié. Aussi, nos travaux sur la mise en oeuvre d'une disposition anti-abus générale et harmonisée devraient être conclus et intégrés au droit de l'Union.
Pour ce qui concerne les dispositions des États telles que celles régissant les régimes de brevets (Patent boxes), il nous faut définir un cadre contraignant et reposant sur une norme commune, fondé sur les principes définis par l'OCDE et le Groupe du code de conduite.
En dernier lieu, l'Europe doit protéger son marché intérieur de l'évasion vers les paradis fiscaux. La directive sera l'occasion de résoudre ce problème par l'adoption de mesures défensives à l'encontre des juridictions dont le comportement encourage l'absence de transparence et la planification fiscale agressive. Pour ce qui est du premier sujet, elle pourra utilement s'appuyer sur les travaux du Forum mondial pour la transparence et l'échange de renseignements.
Cette forte initiative de l'Union, qui pourrait faire l'objet d'une proposition dès fin 2014, donnerait à l'Europe la position prééminente qui lui revient au niveau international. Nous en tirerions avantage pour faire progresser les discussions en cours à l'OCDE et au G20.
Sincèrement vôtre.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 décembre 2014
Le manque d'harmonisation fiscale en Europe est l'une des principales causes permettant à l'érosion des bases fiscales, aux transferts de profits et à l'optimisation agressive de se développer au sein du Marché intérieur. Cette situation favorise les jeux non-coopératifs entre États membres, ce qui entrave directement l'établissement ou le fonctionnement du Marché intérieur ainsi que l'exercice des libertés accordées par le Traité.
Nos citoyens et nos entreprises attendent de nous que luttions contre les phénomènes d'évitement de l'impôt et d'optimisation. C'est notre devoir commun d'y répondre en veillant à ce que chacun acquitte ce qu'il doit dans l'État où il réalise des profits.
Des progrès ont été réalisés, particulièrement durant ces six derniers mois, mais il nous faut désormais aller plus loin. Une étape vient à l'évidence d'être franchie dans les débats sur le caractère dommageable de la concurrence fiscale, de l'érosion des bases fiscale et des transferts de profits en Europe, qui entrainent des effets indésirables et sapent le fonctionnement du Marché intérieur. La révélation récente des comportements de certains contribuables et de certains États ont modifié les limites de l'acceptable concernant la concurrence que les États membres se livrent entre eux. Ce changement est irréversible.
Nous apprécions pleinement que la Commission ait réagi avec rapidité en annonçant une initiative sur les rulings fiscaux. Personne ne peut désormais nier la nécessité d'agir avec force, ni la nécessité de prendre collectivement les mesures qui s'imposent pour garantir la transparence et une taxation équitable.
Dans le contexte d'une adoption fin 2015 par l'OCDE puis par le G20 des travaux relatifs à l'érosion des bases fiscales et aux transferts de profits (BEPS), la réponse que doit apporter l'Union passe par l'adoption d'un socle de règles communes en matière d'imposition des sociétés, afin d'encadrer la concurrence fiscale et de lutter contre l'optimisation agressive.
Nous, ministres des finances des gouvernements allemands, français et italiens, considérons que cet objectif ne pourra être atteint qu'au moyen d'une directive générale «anti-BEPS», que les 28 États membres devront adopter d'ici la fin de l'année 2015. Le diagnostic a déjà été produit, les solutions sont connues et il nous faut donc agir sans délai.
Premièrement, l'optimisation s'appuie sur l'absence de transparence entre administrations fiscales, alors que leurs décisions peuvent avoir un impact sur la localisation des assiettes fiscales au sein du Marché intérieur. La proposition de la Commission visant à rendre obligatoire et automatique l'échange d'informations sur les tax rulings transfrontaliers, et qui devrait aussi couvrir les décisions en matière de prix de transfert, est nécessaire mais insuffisante. De surcroît, des conditions et des règles plus strictes qu'actuellement devraient venir encadrer ces rulings.
Par ailleurs, l'occasion nous est véritablement donnée d'aller plus loin dans ce domaine. Le droit européen pourrait ainsi faire plus concernant les trusts, les sociétés écran et autres entités opaques, par exemple en créant dans chaque État membre un registre - ou un mécanisme équivalent - indiquant quels bénéficiaires se cachent derrière ces entités et qui serait accessible aux administrations fiscales. La directive devrait également porter sur les obligations déclaratives imposées aux entreprises pour leurs opérations intra-européennes (business restructuring, autres transferts d'activités).
En second lieu, la transparence seule ne suffit pas. Nous ne pouvons pas accepter de laisser sans solution des situations dans lesquelles les libertés du Traité sont détournées aux fins d'éviter l'impôt. Pour cette raison la directive «anti-BEPS» devrait poser un principe général d'imposition effective.
Par conséquent, les exonérations prévues par les directives mère-filiale et intérêts-redevances ne devraient pas s'appliquer si elles conduisent à une absence d'imposition effective. Il est aussi important de déjouer toutes les situations transfrontalières de double exonération que peuvent engendrer les montages hybrides. En conséquence, la directive devrait assurer, au niveau européen, qu'aucun avantage fiscal ne puisse être obtenu par la mise en oeuvre d'un montage inapproprié. Aussi, nos travaux sur la mise en oeuvre d'une disposition anti-abus générale et harmonisée devraient être conclus et intégrés au droit de l'Union.
Pour ce qui concerne les dispositions des États telles que celles régissant les régimes de brevets (Patent boxes), il nous faut définir un cadre contraignant et reposant sur une norme commune, fondé sur les principes définis par l'OCDE et le Groupe du code de conduite.
En dernier lieu, l'Europe doit protéger son marché intérieur de l'évasion vers les paradis fiscaux. La directive sera l'occasion de résoudre ce problème par l'adoption de mesures défensives à l'encontre des juridictions dont le comportement encourage l'absence de transparence et la planification fiscale agressive. Pour ce qui est du premier sujet, elle pourra utilement s'appuyer sur les travaux du Forum mondial pour la transparence et l'échange de renseignements.
Cette forte initiative de l'Union, qui pourrait faire l'objet d'une proposition dès fin 2014, donnerait à l'Europe la position prééminente qui lui revient au niveau international. Nous en tirerions avantage pour faire progresser les discussions en cours à l'OCDE et au G20.
Sincèrement vôtre.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 décembre 2014