Déclaration de Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, sur l'action internationale de la France dans la lutte contre les dérèglements climatiques, à Lima le 11 décembre 2014.

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Circonstance : 20ème conférence mondiale sur le changement climatique (COP 20), à Lima (Pérou) du 1er au 12 décembre 2014

Texte intégral

« Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes réunis à un moment critique pour notre avenir commun : il y a trois bonnes nouvelles et une moins réjouissante.
La moins réjouissante : c'est que le dérèglement climatique s'accélère et que les actions pour y répondre efficacement sont trop faibles. Il faut plus de courage et de détermination.
Les bonnes nouvelles :
1. La prise de conscience : comme l'a dit le Secrétaire général de l'ONU Ban Ki moon, « il n'y a pas de pan B parce qu'il n'y a pas de planète B ».
2. Les capacités d'action : on connaît les moyens d'agir et nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas les utiliser.
3. La crise est une chance à saisir. Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve, autrement dit, la création d'un autre modèle de développement est la clef du bien-être et de la paix sur la planète.
Je résumerais ces trois bonnes nouvelles par l'idée que l'être humain a deux patries : la sienne et la planète, et en agissant pour protéger l'une, il protège l'autre. Les peuples commencent à le comprendre et à se mettre en mouvement.
La France va recevoir la COP21, et cela nous a donné une volonté forte d'être exemplaires avec quatre piliers pour cette action :
- la loi pour la transition énergétique
- la loi pour la biodiversité
- le plan national santé environnement
- l'action internationale de la France et la démocratie et les droits humains
En ce qui concerne la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, que je fais actuellement voter par le Parlement, je salue les nombreux parlementaires, sénateurs et députés français présents. Nous nous sommes fixés des objectifs ambitieux avec des moyens concrets pour agir, avec les entreprises et les territoires, autour de l'objectif de moins 40 % de gaz à effet de serre, de 32 % d'énergies renouvelables, et de 20 % d'économie d'énergie en 2030.
En ce qui concerne la loi de biodiversité et le plan national santé environnement, je considère en effet que la question du climat et la question de la biodiversité sont étroitement liées puisque c'est la biodiversité, c'est-à-dire la chaîne du vivant, dont les êtres humains font partie, qui subissent les principaux dégâts du dérèglement climatique et c'est aussi là, que nous trouverons les solutions, dans la biodiversité reconstruite,
- par exemple, dans la reconquête de la nature dans les villes, on peut diminuer la chaleur dans les villes ;
- par exemple, sur la reconquête des mangroves que la France a lancé dans ses Outre-Mer, pour atténuer la hauteur des vagues, atténuer les vagues qui font 7 mètres de haut.
J'ai interdit l'épandage aérien des pesticides, les jardins publics en France ne pourront plus utiliser de pesticides à compter du 1er janvier 2016, et nous engageons des actions déterminées contre les perturbateurs endocriniens, toutes les actions de l'hygiène chimique s'accélèrent non seulement dans le cadre européen mais également au-delà.
L'action internationale de la France : la France contribuera à hauteur de 1 milliard de dollars au Fonds vert pour le climat, sur décision du Président François Hollande, mais surtout nous accélérons les échanges de technologies et d'innovations : solaire, éolien, géothermie, énergies marines… bref, toutes ces technologies trop longtemps ignorées et marginalisées.
Nous allons accentuer nos partenariats, en particulier avec l'Afrique, notre partenaire de l'autre côté de la Méditerranée.
Enfin, sur la démocratie et les droits humains, le climat sera Grande cause nationale en France en 2015, et surtout, je souhaite que la France joue un rôle, pour imaginer l'émancipation et préparer démocratiquement les esprits au changement, comme l'ont fait au XVIIIe siècle les philosophes des Lumières pour faire advenir une nouvelle représentation du monde et des droits humains.
On peut dire d'une certaine façon que les experts du GIEC ont, depuis la fin des années 80, joué un rôle équivalent à celui des philosophes des Lumières, pour que le monde prenne conscience et pour convaincre de passer à l'action. Alors nous devons accélérer la prise en compte des droits humains environnementaux et de la justice climatique.
C'est vrai à l'échelle internationale, puisque les pays et les régions les plus pauvres, sont les plus exposés et ont le moins de moyens pour se protéger. La sécurité climatique est inversement proportionnelle à la dette écologique et cela nous devons le réparer.
C'est aussi vrai dans les inégalités entre les hommes et les femmes, parce qu'à l'échelle planétaire les femmes représentent 70 % de la population en situation de pauvreté, et ce sont elles qui font massivement les travaux agricoles, qui sont les plus directement touchées par la sécheresse et par les dérèglements climatiques.
C'est vrai aussi à l'intérieur de chacun de nos pays.
La nouvelle loi française sur la transition énergétique pour la croissance verte a fait le choix de répondre à la précarité énergétique : par la création d'un chèque énergie, par les travaux d'isolation et de crédit d'impôt, par les prêts à taux zéro et par le tiers financement que les collectivités territoriales pourront apporter. Et enfin, par la lutte contre toutes les formes de gaspillages. Ce doit être vrai à l'échelle de chaque pays, mais aussi a l'échelle planétaire, pour que le surplus des uns ne corresponde plus aux besoins fondamentaux des autres.
Pour terminer, je dirais que les droits environnementaux ont été longtemps ignorés et ils sont en fait les plus importants. Car ils englobent tous les autres. Au sens où les relations de l'être humain avec son milieu déterminent le droit à la dignité de la vie. C'est ce magnifique et difficile défi que nous avons à relever et je ne doute pas que nous serons à la hauteur ! »
source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 15 décembre 2014