Texte intégral
RENAUD BLANC
Bonjour Thierry MANDON.
THIERRY MANDON
Bonjour.
RENAUD BLANC
Merci d'avoir accepté l'invitation de Radio Classique et de LCI. Vous êtes, faut-il le rappeler, secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat et à la simplification, nous allons ensemble balayer l'actualité politique, économique, de ce début d'année, qui est assez riche. J'aimerais débuter avec ces chiffres de la Commission européenne sur le PIB des pays de l'Union. Conclusion, finalement de ces chiffres, la France n'est plus la 5ème puissance économique. Est-ce que c'est le lent déclin de la France qui se confirme ? Nous sommes devancés aujourd'hui par la Grande-Bretagne.
THIERRY MANDON
Non, ce n'est pas le déclin. Ça fait des années qu'on fait un match avec les Anglais, devant/ derrière, devant/ derrière. Avant 2007 l'écart était très important entre les Anglais, qui étaient devant nous, et nous-mêmes, c'était de l'ordre de 150 à 200 milliards, après la crise de 2007 ils ont plongé beaucoup plus fort que nous, et puis là il se trouve que leur croissance est supérieure à la nôtre, 3 %, 0,4 pour nous, mais que le rapport
RENAUD BLANC
C'est énorme, quand même, cette différence.
THIERRY MANDON
C'est très important, c'est d'ailleurs un sujet qui, pour le coup, dans cette étude, au-delà de 5ème, 6ème, c'est ça qui doit nous interroger, on a un différentiel de croissance très important, par exemple avec les Anglais, qui, faut-il le rappeler, ont leur monnaie, et ça c'est un facteur aussi très important car le rapport entre l'euro
RENAUD BLANC
Vous n'allez pas me dire que l'euro est un handicap pour la France quand même ?
THIERRY MANDON
Non, mais le rapport entre l'euro et la livre sterling a évolué, cette année, au bénéfice de la livre sterling, c'est-à-dire que naturellement le PIB, en valeur des Anglais, progresse plus vite que le nôtre, puisque la monnaie s'est appréciée, et puis ils ont peut-être une politique pro-business ces dernières années, qu'on a tardé à mettre en place en France. On l'a mis vraiment en place depuis 2 ans, elle ne produit pas encore tous ses effets, et ça doit nous inciter à continuer.
RENAUD BLANC
Vous trouvez des qualités à David CAMERON ?
THIERRY MANDON
Certaines oui, bien sûr. C'est évident qu'il est très près de son tissu économique, qu'il n'a pas la même conception que nous de l'aide aux entreprises, très souvent il privilégie la débureaucratisation et la déréglementation à des vraies stratégies de repositionnement industriel. Donc je ne suis pas certain que sur le long terme il fait les bons choix, mais en tout cas il est actif, ça on ne peut pas lui enlever ça !
RENAUD BLANC
Est-ce qu'il n'y a pas, quand même, un fossé entre, je dirais la réalité économique, avec notamment ces chiffres et puis les chiffres du chômage que nous connaissons, et le discours d'un François HOLLANDE, lors de ses voeux, qui nous parle d'une France qui doit être décomplexée, qui ne doit pas avoir peur d'elle-même, de ses forces, est-ce qu'il n'y a pas un fossé grandissant entre les propos du chef de l'Etat et cette réalité économique ?
THIERRY MANDON
Non. Le président a raison, il y a toute une partie de l'économie française qui est performante, ou qui retrouve de la performance de manière très significative. Voyez, ce qui se passe à Las Vegas aujourd'hui, depuis hier, sur toutes les nouvelles technologies liées au numérique, la France fait un triomphe. La France est la première délégation non américaine présente là-bas, ses entreprises sont désirées, parfois même achetées, par tous les pays du monde, donc il y a toute une nouvelle économie qui est vraiment très compétitive au niveau mondial, qui d'ailleurs doit beaucoup aux dispositifs d'aide à la création d'entreprise innovante, de fiscalité des plus-values, qui ont été revues après le triste épisode des « Pigeons. » Et puis il y a un deuxième sujet qui est beaucoup plus difficile, c'est l'évolution, le repositionnement de nos gammes traditionnelles, de nos points de force traditionnels, hors, peut-être, l'aéronautique et le nucléaire. Là on a une difficulté. Sur l'agroalimentaire, sur l'automobile, on a pris du retard en matière d'innovation, on a pris du retard en matière de robotisation, et c'est sûrement sur le repositionnement de ces secteurs-là qu'on doit maintenant mettre l'accent, pour que cette France, d'un tissu traditionnel qui a du mal, parce qu'il n'y a pas assez de marges, parce que pas assez d'investissements, enfin je ne rentre pas dans les détails, qui a du mal à monter en gamme, rattrape l'économie, la nouvelle économie française, qui est la fierté de notre tissu économique.
RENAUD BLANC
On reste dans le domaine économique avec, je pense que vous avez lu l'interview d'Emmanuel MACRON dans Les Echos ce matin. Il déclare « 2015 sera l'année du tournant pour l'économie française. » Thierry MANDON, est-ce que ce n'est pas un petit peu dangereux de faire ce genre de phrase ? Moi tout de suite me vient à l'idée « la croissance est là », ou « l'inversion de la courbe du chômage », est-ce que, voilà, est-ce que ce n'est pas un petit peu dangereux ce genre de phrase ? On va vous demander dessus si ça ne se passe pas bien en 2015.
THIERRY MANDON
Oui, mais le problème c'est qu'en économie de marché ouverte, mondialisée, où l'investissement privé se réalise là où les perspectives de croissance sont bonnes, vous êtes obligé de prendre des paris sur l'avenir, pour créer la confiance.
RENAUD BLANC
Un pari sur l'avenir ?
THIERRY MANDON
Oui, vous êtes obligé, vous êtes obligé, parce que les investisseurs vont là où la rentabilité potentielle est intéressante, et si vous vous dites « écoutez, pour l'instant on ne sait pas trop comment va se passer l'avenir, donc on dira quand on constatera les bons chiffres », donc voilà. Alors, comment on fait pour orienter les marchés quand on pense vraiment, quand on a la conviction - qui est celle d'Emmanuel MACRON, j'en ai parlé avec lui il y a 48 heures - que ça va basculer, la croissance, en 2015, qu'on devrait sauf grand choc géopolitique être supérieur à 1 %, et en même temps ne pas faire de prophétie.
RENAUD BLANC
Est-ce que vous ne devriez pas attendre que ça bascule avant de ?
THIERRY MANDON
Il y a des petits signes, il y a des micro-signes, il y a un certain nombre d'industries
RENAUD BLANC
Oui, mais enfin c'est ce qu'on nous disait déjà il y a 1 an, il y a 2 ans.
THIERRY MANDON
Ah, pas tout à fait pareil. Vous savez, il y a des secteurs industriels qui anticipent les reprises, et je pense par exemple aux peintures industrielles, je pense aux emballages. Quand ces secteurs-là se réveillent, quand ceux qui font de l'emballage ont des carnets de commandes pleins, ça veut dire que derrière il y a tout un tissu productif qui a besoin d'emballages. Donc, il y a des micro-indicateurs qualitatifs qui laissent penser que, voilà, c'est peut-être en train de se réveiller, et Emmanuel MACRON n'a pas dit plus que ça, et je crois qu'il a raison de donner ce signal positif.
RENAUD BLANC
Le projet de loi Macron sera débattu à l'Assemblée à la fin du mois, qu'attendez-vous des députés socialistes, qu'attendez-vous des frondeurs, Thierry MANDON ?
THIERRY MANDON
Des frondeurs rien, les frondeurs ils feront ce qu'ils auront à faire.
RENAUD BLANC
Et qu'est-ce qu'ils vont faire, selon vous ?
THIERRY MANDON
Je n'en sais rien. Je crois qu'en 2015 il ne faut pas passer son temps à s'occuper de finalement un groupe de parlementaires qui sont des
RENAUD BLANC
Qui sont quand même socialistes, qui sont dans votre camp, et qui devraient soutenir le gouvernement logiquement.
THIERRY MANDON
Mais je souhaite qu'ils le fassent, voilà. Et donc, ce qui va se passer, c'est qu'on va avoir une vraie discussion autour de ce texte, qui sera une discussion sur la réalité de ce texte, car les postures, les critiques, a priori, du texte ou du porteur du texte, tout ça ce n'est pas bien, ce n'est pas de la belle politique, ce n'est pas rendre service au pays. En revanche, l'examen, article par article, du texte, et éventuellement des amendements parlementaires, là où les parlementaires jugeront qu'il faut améliorer, bonifier, et finalement un vote large, c'est ça qu'il faut faire. Et j'ai une conviction, c'est que ce texte sera adopté, je n'ai aucune inquiétude là-dessus, il sera même adopté par une majorité de députés socialistes, qui existe à l'Assemblée, et de gauche, et qu'à la fin on a d'un vrai débat vérité sur ce texte, un certain nombre de postures vont nécessairement disparaître.
RENAUD BLANC
« Un grand bond en arrière » a déclaré Cécile DUFLOT, il y a quelques jours, en parlant justement de ce projet de loi Macron, qu'est-ce que vous avez envie de répondre à Cécile DUFLOT ?
THIERRY MANDON
Emmanuel MACRON lui a répondu en citant
RENAUD BLANC
Oui, Woody ALLEN.
THIERRY MANDON
La phrase de Woody ALLEN. Il aurait pu en citer une autre, de Woody ALLEN toujours, il aurait pu dire finalement que quand on est un responsable politique, quand on est jeune en plus, ce qui est le cas de Cécile DUFLOT, qu'on s'intéresse à la vie politique du pays, il ne faut pas être tourné vers le passé, il ne faut pas avoir des postures un peu pavloviennes. Quand on a, comme disait Woody ALLEN, quand on s'intéresse à l'avenir parce qu'on a décidé d'y passer le restant de sa vie, il faut avoir un regard d'avenir sur un texte qui, je crois, même s'il peut être amélioré ici ou là, est un texte qui crée des possibilités nouvelles pour l'économie et qui crée des progrès sociaux articulés à cette économie nouvelle. Je prends deux exemples. Il y a un certain nombre d'articles très intéressants sur l'intéressement, la participation des salariés, la distribution des actions gratuites dans les petites entreprises, notamment les petites entreprises innovantes. Ça c'est un magnifique projet de réconciliation de l'intérêt économique et de l'intérêt social des salariés. Il y a un autre exemple qui est la question des Prud'hommes, le fait qu'on va faire en sorte qu'un salarié qui va aux Prud'hommes il n'ait plus à attendre 2 ans pour savoir s'il avait raison ou s'il avait tort, raccourcir les procédures. Bref, il y a beaucoup de droits nouveaux pour les salariés, compatibles avec une économie dynamique, et ça je crois que c'est ça la gauche moderne, la gauche de demain, c'est cette gauche-là, d'avenir, qui doit intéresser les parlementaires.
RENAUD BLANC
La gauche moderne, est-ce que Cécile DUFLOT en fait partie, et comment, finalement, comment doit-on parler, comment un socialiste doit parler à un écologiste aujourd'hui ?
THIERRY MANDON
D'abord, c'est très étrange
RENAUD BLANC
C'est compliqué, quand même, entre les Verts et vous !
THIERRY MANDON
Ah bien oui, oui oui, mais ça c'est la vie de la gauche, c'est la vie des Verts, c'est la vie du PS, vous savez, on n'est pas des simplificateurs à outrance question débats politiques, donc là, c'est toujours comme ça. D'abord, le grand enjeu de l'année 2015, et c'est très étrange que Cécile DUFLOT n'en parle pas dans son interview, ce n'est pas la loi Macron pour les écologistes, bien sûr que la loi Macron c'est un texte très important
RENAUD BLANC
Le climat ?
THIERRY MANDON
Bien évidemment, et comment des écologistes ne peuvent pas tout faire, se mettre derrière le président de la République, et tout faire pour cette négociation sur la taxe carbone, sur le fonds vert de développement des pays émergents et puis sur le niveau de CO2 dans l'atmosphère, c'est là qu'il faut aider, mettre l'accent, et je pense qu'on va y arriver avec eux, je pense qu'on trouvera le terrain pour faire de cette négociation climat, absolument capitale pour l'avenir, une réussite partagée.
RENAUD BLANC
2015, négociations climat, 2015 loi Macron, 2015 élections, cantonales, régionales, est-ce que vous craignez, Thierry MANDON, un nouveau tsunami ?
THIERRY MANDON
Non, je ne crains pas un tsunami, je vous le dis très très sincèrement. D'abord ces deux élections n'arrivent pas en même temps, vous avez une élection départementale avec un mode de scrutin nouveau en mars et vous avez une élection régionale en décembre.
RENAUD BLANC
Oui, en fin d'année.
THIERRY MANDON
En fin d'année, donc c'est-à-dire dans 1 an, donc ce n'est pas les mêmes élections. Si les choses se présentent comme on le pense pour 2015, peut-être qu'en mars il sera un peu tôt pour que les Français aient la perception que les choses sont en train de se réveiller au plan économique et social, mais si ça se passe comme on l'espère, et comme on agit pour, en décembre ce sera plus sensible. Donc, moi, déjà, je différencie ces élections, donc la cantonale elle arrive dans un moment où qui est tôt par rapport à la conjoncture économique, et politique, et dans un climat où on a énormément gagné de départements la dernière fois, donc mécaniquement on risque d'en perdre. donc ça va être des élections qui ne seront pas faciles, je crois néanmoins qu'en développant à la fois ce que nous attendons de l'année 2015, mais aussi des droits nouveaux qui se sont mis en place en début d'année, le compte individuel de formation
RENAUD BLANC
Sauf si le chômage continue d'augmenter, les Français vont essentiellement regarder ces chiffres-là
THIERRY MANDON
Oui, c'est l'enjeu, absolument. Les résultats massifs sur le chômage
RENAUD BLANC
Vous pensez que votre discours, qui est très optimiste vous donnez des arguments, comme celui de François HOLLANDE passe auprès des Français ?
THIERRY MANDON
Alors, mon discours n'est pas optimiste, j'essaie de faire avec vous un exercice au plus près des réalités. Et pour le coup, je pense que sauf choc géopolitique ou géoéconomique important, l'année 2015 sera l'année d'un réveil de la croissance, est-ce qu'il sera suffisant pour stabiliser le chômage, moi, je ne dis pas inverser la courbe, stabiliser
RENAUD BLANC
Mais il faut quoi ? Il faut 1,5 de pourcent de croissance, oui, on en est loin !
THIERRY MANDON
Oui, les économistes n'aiment pas trop
RENAUD BLANC
Oui ?
THIERRY MANDON
Non, oui, ils ne savent pas trop si c'est 1,3, 1,4, 1,5 ; 1,3, on ne sera pas loin, je ne sais pas, moi, ça se joue entre 1 et 1,3 l'année 2015. Si le baril de pétrole reste à 50 dollars, comme aujourd'hui, et si le rapport
RENAUD BLANC
Ça fait beaucoup de « si » Thierry MANDON quand même
THIERRY MANDON
Non, c'est la réalité d'aujourd'hui ! La situation d'aujourd'hui, c'est que le baril est à 50 dollars, et le rapport euro à dollar est à moins de 1,20 euro, disons à 1,20 euro. Si vous gardez ces deux fondamentaux-là, si vous rajoutez ce que la Banque centrale européenne s'apprête à faire comme soutien aux économies, via le rachat d'une partie de dette souveraine, quelles qu'en soient les modalités, vous avez là des fondamentaux économiques radicalement nouveaux, qui pèseront forcément sur la croissance, et prenons une croissance du niveau dont je vous parle, est-ce que ce sera 1,2, 1,3, 1,4 ? Je n'en sais rien, et si c'est ça, on stabilise, on arrête la hausse du chômage, ça, c'est sûr.
RENAUD BLANC
Thierry MANDON, votre mission au sein du gouvernement, c'est de réformer l'Etat, c'est aussi de simplifier la vie administrative, on imagine que le message est difficile à faire passer en France. Lorsqu'on voit par exemple ce qui se passe à la SAMARITAINE, avec des années, des années et des années de procédures, vous vous dites que la France est vraiment un pays très, très difficile à réformer, comment vous expliquez finalement qu'on mette autant de temps avant d'arriver à une décision administrative ?
THIERRY MANDON
Parce que, en France, on a vécu trop longtemps sur l'idée que plus il y a de règles, plus on est protégé, or, c'est l'inverse la vérité. Quand il y a trop de droits, ces droits s'avèrent vains, s'avèrent inapplicables, et les seuls qui s'en sortent dans le maquis inextricable de règles qui sont censées protéger les gens et qui finalement se superposent, se mélangent, c'est ceux qui ont les moyens de le faire, parce que, eux, ils ont des experts, des cabinets, des gens, mais les petits sont toujours les petits donc je pense, pour prendre votre exemple, que sur les questions d'urbanisme, sur les questions d'organisation d'enquêtes publiques, sur les questions d'études d'impacts, toutes les autorisations environnementales, et sur les questions de recours contentieux contre les permis de construire, l'année 2015 doit être l'année du grand changement. On va le commencer dans la loi Macron, et il y a trois ou quatre articles consacrés à ces sujets-là, pour faire un régime unique d'enquête publique, accélérer la délivrance des permis de construire, on va le prolonger en fin d'année par une réflexion et un texte organisés par Ségolène ROYAL sur la participation aux enquêtes publiques et des procédures de décisions quand on a des blocages, style référendum local, comme le président avait parlé, mais il faut se donner comme objectif que, à fin 2015, on ait changé le paradigme des enquêtes publiques et des recours contentieux en matière d'urbanisme, et qu'on ait divisé par au moins deux tous les délais, c'est-à-dire que des gros projets, c'est dix, douze ans aujourd'hui, cinq ans maximum, recours compris, ça doit suffire.
RENAUD BLANC
Merci beaucoup Thierry MANDON d'avoir répondu à mes questions. Je rappelle que vous êtes secrétaire d'Etat, chargé de la Réforme de l'Etat et de la simplification. Merci beaucoup.Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 janvier 2015
Bonjour Thierry MANDON.
THIERRY MANDON
Bonjour.
RENAUD BLANC
Merci d'avoir accepté l'invitation de Radio Classique et de LCI. Vous êtes, faut-il le rappeler, secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat et à la simplification, nous allons ensemble balayer l'actualité politique, économique, de ce début d'année, qui est assez riche. J'aimerais débuter avec ces chiffres de la Commission européenne sur le PIB des pays de l'Union. Conclusion, finalement de ces chiffres, la France n'est plus la 5ème puissance économique. Est-ce que c'est le lent déclin de la France qui se confirme ? Nous sommes devancés aujourd'hui par la Grande-Bretagne.
THIERRY MANDON
Non, ce n'est pas le déclin. Ça fait des années qu'on fait un match avec les Anglais, devant/ derrière, devant/ derrière. Avant 2007 l'écart était très important entre les Anglais, qui étaient devant nous, et nous-mêmes, c'était de l'ordre de 150 à 200 milliards, après la crise de 2007 ils ont plongé beaucoup plus fort que nous, et puis là il se trouve que leur croissance est supérieure à la nôtre, 3 %, 0,4 pour nous, mais que le rapport
RENAUD BLANC
C'est énorme, quand même, cette différence.
THIERRY MANDON
C'est très important, c'est d'ailleurs un sujet qui, pour le coup, dans cette étude, au-delà de 5ème, 6ème, c'est ça qui doit nous interroger, on a un différentiel de croissance très important, par exemple avec les Anglais, qui, faut-il le rappeler, ont leur monnaie, et ça c'est un facteur aussi très important car le rapport entre l'euro
RENAUD BLANC
Vous n'allez pas me dire que l'euro est un handicap pour la France quand même ?
THIERRY MANDON
Non, mais le rapport entre l'euro et la livre sterling a évolué, cette année, au bénéfice de la livre sterling, c'est-à-dire que naturellement le PIB, en valeur des Anglais, progresse plus vite que le nôtre, puisque la monnaie s'est appréciée, et puis ils ont peut-être une politique pro-business ces dernières années, qu'on a tardé à mettre en place en France. On l'a mis vraiment en place depuis 2 ans, elle ne produit pas encore tous ses effets, et ça doit nous inciter à continuer.
RENAUD BLANC
Vous trouvez des qualités à David CAMERON ?
THIERRY MANDON
Certaines oui, bien sûr. C'est évident qu'il est très près de son tissu économique, qu'il n'a pas la même conception que nous de l'aide aux entreprises, très souvent il privilégie la débureaucratisation et la déréglementation à des vraies stratégies de repositionnement industriel. Donc je ne suis pas certain que sur le long terme il fait les bons choix, mais en tout cas il est actif, ça on ne peut pas lui enlever ça !
RENAUD BLANC
Est-ce qu'il n'y a pas, quand même, un fossé entre, je dirais la réalité économique, avec notamment ces chiffres et puis les chiffres du chômage que nous connaissons, et le discours d'un François HOLLANDE, lors de ses voeux, qui nous parle d'une France qui doit être décomplexée, qui ne doit pas avoir peur d'elle-même, de ses forces, est-ce qu'il n'y a pas un fossé grandissant entre les propos du chef de l'Etat et cette réalité économique ?
THIERRY MANDON
Non. Le président a raison, il y a toute une partie de l'économie française qui est performante, ou qui retrouve de la performance de manière très significative. Voyez, ce qui se passe à Las Vegas aujourd'hui, depuis hier, sur toutes les nouvelles technologies liées au numérique, la France fait un triomphe. La France est la première délégation non américaine présente là-bas, ses entreprises sont désirées, parfois même achetées, par tous les pays du monde, donc il y a toute une nouvelle économie qui est vraiment très compétitive au niveau mondial, qui d'ailleurs doit beaucoup aux dispositifs d'aide à la création d'entreprise innovante, de fiscalité des plus-values, qui ont été revues après le triste épisode des « Pigeons. » Et puis il y a un deuxième sujet qui est beaucoup plus difficile, c'est l'évolution, le repositionnement de nos gammes traditionnelles, de nos points de force traditionnels, hors, peut-être, l'aéronautique et le nucléaire. Là on a une difficulté. Sur l'agroalimentaire, sur l'automobile, on a pris du retard en matière d'innovation, on a pris du retard en matière de robotisation, et c'est sûrement sur le repositionnement de ces secteurs-là qu'on doit maintenant mettre l'accent, pour que cette France, d'un tissu traditionnel qui a du mal, parce qu'il n'y a pas assez de marges, parce que pas assez d'investissements, enfin je ne rentre pas dans les détails, qui a du mal à monter en gamme, rattrape l'économie, la nouvelle économie française, qui est la fierté de notre tissu économique.
RENAUD BLANC
On reste dans le domaine économique avec, je pense que vous avez lu l'interview d'Emmanuel MACRON dans Les Echos ce matin. Il déclare « 2015 sera l'année du tournant pour l'économie française. » Thierry MANDON, est-ce que ce n'est pas un petit peu dangereux de faire ce genre de phrase ? Moi tout de suite me vient à l'idée « la croissance est là », ou « l'inversion de la courbe du chômage », est-ce que, voilà, est-ce que ce n'est pas un petit peu dangereux ce genre de phrase ? On va vous demander dessus si ça ne se passe pas bien en 2015.
THIERRY MANDON
Oui, mais le problème c'est qu'en économie de marché ouverte, mondialisée, où l'investissement privé se réalise là où les perspectives de croissance sont bonnes, vous êtes obligé de prendre des paris sur l'avenir, pour créer la confiance.
RENAUD BLANC
Un pari sur l'avenir ?
THIERRY MANDON
Oui, vous êtes obligé, vous êtes obligé, parce que les investisseurs vont là où la rentabilité potentielle est intéressante, et si vous vous dites « écoutez, pour l'instant on ne sait pas trop comment va se passer l'avenir, donc on dira quand on constatera les bons chiffres », donc voilà. Alors, comment on fait pour orienter les marchés quand on pense vraiment, quand on a la conviction - qui est celle d'Emmanuel MACRON, j'en ai parlé avec lui il y a 48 heures - que ça va basculer, la croissance, en 2015, qu'on devrait sauf grand choc géopolitique être supérieur à 1 %, et en même temps ne pas faire de prophétie.
RENAUD BLANC
Est-ce que vous ne devriez pas attendre que ça bascule avant de ?
THIERRY MANDON
Il y a des petits signes, il y a des micro-signes, il y a un certain nombre d'industries
RENAUD BLANC
Oui, mais enfin c'est ce qu'on nous disait déjà il y a 1 an, il y a 2 ans.
THIERRY MANDON
Ah, pas tout à fait pareil. Vous savez, il y a des secteurs industriels qui anticipent les reprises, et je pense par exemple aux peintures industrielles, je pense aux emballages. Quand ces secteurs-là se réveillent, quand ceux qui font de l'emballage ont des carnets de commandes pleins, ça veut dire que derrière il y a tout un tissu productif qui a besoin d'emballages. Donc, il y a des micro-indicateurs qualitatifs qui laissent penser que, voilà, c'est peut-être en train de se réveiller, et Emmanuel MACRON n'a pas dit plus que ça, et je crois qu'il a raison de donner ce signal positif.
RENAUD BLANC
Le projet de loi Macron sera débattu à l'Assemblée à la fin du mois, qu'attendez-vous des députés socialistes, qu'attendez-vous des frondeurs, Thierry MANDON ?
THIERRY MANDON
Des frondeurs rien, les frondeurs ils feront ce qu'ils auront à faire.
RENAUD BLANC
Et qu'est-ce qu'ils vont faire, selon vous ?
THIERRY MANDON
Je n'en sais rien. Je crois qu'en 2015 il ne faut pas passer son temps à s'occuper de finalement un groupe de parlementaires qui sont des
RENAUD BLANC
Qui sont quand même socialistes, qui sont dans votre camp, et qui devraient soutenir le gouvernement logiquement.
THIERRY MANDON
Mais je souhaite qu'ils le fassent, voilà. Et donc, ce qui va se passer, c'est qu'on va avoir une vraie discussion autour de ce texte, qui sera une discussion sur la réalité de ce texte, car les postures, les critiques, a priori, du texte ou du porteur du texte, tout ça ce n'est pas bien, ce n'est pas de la belle politique, ce n'est pas rendre service au pays. En revanche, l'examen, article par article, du texte, et éventuellement des amendements parlementaires, là où les parlementaires jugeront qu'il faut améliorer, bonifier, et finalement un vote large, c'est ça qu'il faut faire. Et j'ai une conviction, c'est que ce texte sera adopté, je n'ai aucune inquiétude là-dessus, il sera même adopté par une majorité de députés socialistes, qui existe à l'Assemblée, et de gauche, et qu'à la fin on a d'un vrai débat vérité sur ce texte, un certain nombre de postures vont nécessairement disparaître.
RENAUD BLANC
« Un grand bond en arrière » a déclaré Cécile DUFLOT, il y a quelques jours, en parlant justement de ce projet de loi Macron, qu'est-ce que vous avez envie de répondre à Cécile DUFLOT ?
THIERRY MANDON
Emmanuel MACRON lui a répondu en citant
RENAUD BLANC
Oui, Woody ALLEN.
THIERRY MANDON
La phrase de Woody ALLEN. Il aurait pu en citer une autre, de Woody ALLEN toujours, il aurait pu dire finalement que quand on est un responsable politique, quand on est jeune en plus, ce qui est le cas de Cécile DUFLOT, qu'on s'intéresse à la vie politique du pays, il ne faut pas être tourné vers le passé, il ne faut pas avoir des postures un peu pavloviennes. Quand on a, comme disait Woody ALLEN, quand on s'intéresse à l'avenir parce qu'on a décidé d'y passer le restant de sa vie, il faut avoir un regard d'avenir sur un texte qui, je crois, même s'il peut être amélioré ici ou là, est un texte qui crée des possibilités nouvelles pour l'économie et qui crée des progrès sociaux articulés à cette économie nouvelle. Je prends deux exemples. Il y a un certain nombre d'articles très intéressants sur l'intéressement, la participation des salariés, la distribution des actions gratuites dans les petites entreprises, notamment les petites entreprises innovantes. Ça c'est un magnifique projet de réconciliation de l'intérêt économique et de l'intérêt social des salariés. Il y a un autre exemple qui est la question des Prud'hommes, le fait qu'on va faire en sorte qu'un salarié qui va aux Prud'hommes il n'ait plus à attendre 2 ans pour savoir s'il avait raison ou s'il avait tort, raccourcir les procédures. Bref, il y a beaucoup de droits nouveaux pour les salariés, compatibles avec une économie dynamique, et ça je crois que c'est ça la gauche moderne, la gauche de demain, c'est cette gauche-là, d'avenir, qui doit intéresser les parlementaires.
RENAUD BLANC
La gauche moderne, est-ce que Cécile DUFLOT en fait partie, et comment, finalement, comment doit-on parler, comment un socialiste doit parler à un écologiste aujourd'hui ?
THIERRY MANDON
D'abord, c'est très étrange
RENAUD BLANC
C'est compliqué, quand même, entre les Verts et vous !
THIERRY MANDON
Ah bien oui, oui oui, mais ça c'est la vie de la gauche, c'est la vie des Verts, c'est la vie du PS, vous savez, on n'est pas des simplificateurs à outrance question débats politiques, donc là, c'est toujours comme ça. D'abord, le grand enjeu de l'année 2015, et c'est très étrange que Cécile DUFLOT n'en parle pas dans son interview, ce n'est pas la loi Macron pour les écologistes, bien sûr que la loi Macron c'est un texte très important
RENAUD BLANC
Le climat ?
THIERRY MANDON
Bien évidemment, et comment des écologistes ne peuvent pas tout faire, se mettre derrière le président de la République, et tout faire pour cette négociation sur la taxe carbone, sur le fonds vert de développement des pays émergents et puis sur le niveau de CO2 dans l'atmosphère, c'est là qu'il faut aider, mettre l'accent, et je pense qu'on va y arriver avec eux, je pense qu'on trouvera le terrain pour faire de cette négociation climat, absolument capitale pour l'avenir, une réussite partagée.
RENAUD BLANC
2015, négociations climat, 2015 loi Macron, 2015 élections, cantonales, régionales, est-ce que vous craignez, Thierry MANDON, un nouveau tsunami ?
THIERRY MANDON
Non, je ne crains pas un tsunami, je vous le dis très très sincèrement. D'abord ces deux élections n'arrivent pas en même temps, vous avez une élection départementale avec un mode de scrutin nouveau en mars et vous avez une élection régionale en décembre.
RENAUD BLANC
Oui, en fin d'année.
THIERRY MANDON
En fin d'année, donc c'est-à-dire dans 1 an, donc ce n'est pas les mêmes élections. Si les choses se présentent comme on le pense pour 2015, peut-être qu'en mars il sera un peu tôt pour que les Français aient la perception que les choses sont en train de se réveiller au plan économique et social, mais si ça se passe comme on l'espère, et comme on agit pour, en décembre ce sera plus sensible. Donc, moi, déjà, je différencie ces élections, donc la cantonale elle arrive dans un moment où qui est tôt par rapport à la conjoncture économique, et politique, et dans un climat où on a énormément gagné de départements la dernière fois, donc mécaniquement on risque d'en perdre. donc ça va être des élections qui ne seront pas faciles, je crois néanmoins qu'en développant à la fois ce que nous attendons de l'année 2015, mais aussi des droits nouveaux qui se sont mis en place en début d'année, le compte individuel de formation
RENAUD BLANC
Sauf si le chômage continue d'augmenter, les Français vont essentiellement regarder ces chiffres-là
THIERRY MANDON
Oui, c'est l'enjeu, absolument. Les résultats massifs sur le chômage
RENAUD BLANC
Vous pensez que votre discours, qui est très optimiste vous donnez des arguments, comme celui de François HOLLANDE passe auprès des Français ?
THIERRY MANDON
Alors, mon discours n'est pas optimiste, j'essaie de faire avec vous un exercice au plus près des réalités. Et pour le coup, je pense que sauf choc géopolitique ou géoéconomique important, l'année 2015 sera l'année d'un réveil de la croissance, est-ce qu'il sera suffisant pour stabiliser le chômage, moi, je ne dis pas inverser la courbe, stabiliser
RENAUD BLANC
Mais il faut quoi ? Il faut 1,5 de pourcent de croissance, oui, on en est loin !
THIERRY MANDON
Oui, les économistes n'aiment pas trop
RENAUD BLANC
Oui ?
THIERRY MANDON
Non, oui, ils ne savent pas trop si c'est 1,3, 1,4, 1,5 ; 1,3, on ne sera pas loin, je ne sais pas, moi, ça se joue entre 1 et 1,3 l'année 2015. Si le baril de pétrole reste à 50 dollars, comme aujourd'hui, et si le rapport
RENAUD BLANC
Ça fait beaucoup de « si » Thierry MANDON quand même
THIERRY MANDON
Non, c'est la réalité d'aujourd'hui ! La situation d'aujourd'hui, c'est que le baril est à 50 dollars, et le rapport euro à dollar est à moins de 1,20 euro, disons à 1,20 euro. Si vous gardez ces deux fondamentaux-là, si vous rajoutez ce que la Banque centrale européenne s'apprête à faire comme soutien aux économies, via le rachat d'une partie de dette souveraine, quelles qu'en soient les modalités, vous avez là des fondamentaux économiques radicalement nouveaux, qui pèseront forcément sur la croissance, et prenons une croissance du niveau dont je vous parle, est-ce que ce sera 1,2, 1,3, 1,4 ? Je n'en sais rien, et si c'est ça, on stabilise, on arrête la hausse du chômage, ça, c'est sûr.
RENAUD BLANC
Thierry MANDON, votre mission au sein du gouvernement, c'est de réformer l'Etat, c'est aussi de simplifier la vie administrative, on imagine que le message est difficile à faire passer en France. Lorsqu'on voit par exemple ce qui se passe à la SAMARITAINE, avec des années, des années et des années de procédures, vous vous dites que la France est vraiment un pays très, très difficile à réformer, comment vous expliquez finalement qu'on mette autant de temps avant d'arriver à une décision administrative ?
THIERRY MANDON
Parce que, en France, on a vécu trop longtemps sur l'idée que plus il y a de règles, plus on est protégé, or, c'est l'inverse la vérité. Quand il y a trop de droits, ces droits s'avèrent vains, s'avèrent inapplicables, et les seuls qui s'en sortent dans le maquis inextricable de règles qui sont censées protéger les gens et qui finalement se superposent, se mélangent, c'est ceux qui ont les moyens de le faire, parce que, eux, ils ont des experts, des cabinets, des gens, mais les petits sont toujours les petits donc je pense, pour prendre votre exemple, que sur les questions d'urbanisme, sur les questions d'organisation d'enquêtes publiques, sur les questions d'études d'impacts, toutes les autorisations environnementales, et sur les questions de recours contentieux contre les permis de construire, l'année 2015 doit être l'année du grand changement. On va le commencer dans la loi Macron, et il y a trois ou quatre articles consacrés à ces sujets-là, pour faire un régime unique d'enquête publique, accélérer la délivrance des permis de construire, on va le prolonger en fin d'année par une réflexion et un texte organisés par Ségolène ROYAL sur la participation aux enquêtes publiques et des procédures de décisions quand on a des blocages, style référendum local, comme le président avait parlé, mais il faut se donner comme objectif que, à fin 2015, on ait changé le paradigme des enquêtes publiques et des recours contentieux en matière d'urbanisme, et qu'on ait divisé par au moins deux tous les délais, c'est-à-dire que des gros projets, c'est dix, douze ans aujourd'hui, cinq ans maximum, recours compris, ça doit suffire.
RENAUD BLANC
Merci beaucoup Thierry MANDON d'avoir répondu à mes questions. Je rappelle que vous êtes secrétaire d'Etat, chargé de la Réforme de l'Etat et de la simplification. Merci beaucoup.Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 janvier 2015