Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission des Finances,
Madame la Rapporteure générale,
Mesdames et messieurs les Députés,
Depuis le début de la législature, l'assainissement des finances publiques est l'objectif de toutes les lois de finances que vous avez examinées. Je veux redire que cette politique porte ses fruits. Contre les critiques systématiques, qui perdent de vue l'essentiel et minent notre capacité collective d'atteindre l'objectif que, je pense, nous partageons tous - d'assurer la soutenabilité de long terme de nos services publics et de notre modèle social, je veux redire aux Français que leurs efforts payent. Alors qu'une lecture rapide des déclarations de uns ou des autres pourrait laisser penser parfois le contraire, l'évidence est là : les déficits se réduisent. Les mesures des lois de finances successives ont permis de réduire, dès la fin de l'année 2013, le déficit structurel à un niveau proche de son plus bas depuis 2002 : en 18 mois, les déséquilibres budgétaires accumulés pendant une décennie ont été apurés.
Ce projet de loi de finances rectificative illustre notre volonté de poursuivre dans cette voie. Le déficit budgétaire, hors investissements d'avenir prévus dans le cadre du PIA 2, sera de 71,9 Mds euros en 2014, en diminution de 2,9 Mds euros par rapport à l'exécution pour 2013. Comme le rappelle l'article liminaire, le déficit public atteindrait 3,8%, en baisse continue depuis 2012, et le déficit structurel serait de 2,3%, son plus bas niveau depuis 2001.
Pour maintenir cette orientation, le Gouvernement a annoncé, lors de la présentation du programme de stabilité en avril dernier, la réalisation de 4 milliards d'euros d'économies supplémentaires en 2014. Ces réductions de dépenses en cours de gestion sont une première réponse à la procédure de correction des écarts qui a été enclenchée à la suite du dépôt du projet de loi de règlement pour 2013. Le Gouvernement aurait pu se contenter de respecter la lettre de la loi organique du 17 décembre 2012 et attendre jusqu'au projet de loi de finances pour 2015 pour proposer des mesures de correction. Il vous propose, avec ce PLFR, de ne pas attendre pour corriger les écarts constatés en 2013 et d'adopter dès maintenant des premières mesures de correction.
Les 4 milliards d'euros d'économies supplémentaires concernent toutes les administrations, sauf les collectivités territoriales qui prendront une part importante aux économies prévues dans les trois ans à venir :
- Le PLFR prévoit 1,6 milliard d'euros d'annulations de crédits sur le budget de l'Etat j'y reviendrai dans un instant ;
- Le PLFRSS prévoit une économie de 1,1 milliard d'euros sur les régimes obligatoires de base ;
- Enfin, un ensemble d'économies ne nécessite pas de traduction législative :
* Les moindres dépenses du Fonds national d'action sociale (financé par la branche Famille de la sécurité sociale) d'une part et de l'Unédic d'autre part, constatées en fin d'année 2013 sont pérennisées en 2014 pour un montant de 0,9 milliard d'euros au total, dont 0,6 milliard sur l'Unédic ;
* Enfin, les décaissements au titre du programme d'investissements d'avenir sont moins importants que prévu, pour 0,4 milliard d'euros : ces moindres dépenses sont une bonne nouvelle, non pas tant pour leur impact budgétaire qui est finalement assez limité, mais pour ce qu'elles révèlent de l'action du CGI : le commissariat général à l'investissement ne se précipite pas dans la sélection des projets qu'il finance, il prend le temps nécessaire pour retenir les plus prometteurs : c'est une garantie de bonne gestion pour des investissements qui mobiliseront les deniers publics sur plusieurs années.
Je reviens aux annulations proposées par le PLFR : annuler un montant de 1,6 milliard d'euros en cours de gestion, dont 1 milliard d'euros sur des crédits « frais », c'est-à-dire au-delà de la réserve de précaution indisponible depuis le début de l'exercice, a rarement été vu dans notre histoire budgétaire, c'est peut-être même sans précédent. C'est l'illustration de notre volonté, qui porte ses fruits, de tenir la dépense et d'engager sans tarder des économies.
Monsieur le Président de la commission des Finances, vous avez sans doute en tête les annulations de crédits qui avaient été prévues par la loi de finances rectificative de mars 2012. Ce précédent est intéressant, et la comparaison souligne l'ambition des annulations proposées dans ce collectif :
- Le montant des annulations en LFR de mars 2012 était inférieur : 1,2 milliard contre 1,6 milliard dans ce PLFR
- Ces annulations portaient uniquement sur des crédits gelés, alors que ce PLFR annule 1 milliard d'euros de crédits situés hors réserve de précaution ;
- Enfin, le Gouvernement d'alors proposait en 2012 des annulations sans savoir s'il lui reviendrait de tenir la norme en fin d'année, alors qu'il diminuait nettement la réserve de précaution en réalité, il prenait le risque, dans le cadre d'un rabot, que les annulations s'avèrent insoutenables en fin d'année : nous proposons, pour notre part, des annulations qui maintiennent la réserve de précaution à un niveau élevé (de l'ordre de 6,8 milliards d'euros) pour garantir la bonne exécution du budget en fin d'année.
Au final, les dépenses de l'Etat sous norme en valeur seraient inférieures de 3,1 milliards d'euros à l'exécution 2013 à périmètre constant, compte tenu de la baisse intervenue en loi de finances initiale, et des annulations qui vous sont proposées.
Ce PLFR anticipe, par ailleurs, une charge de la dette inférieure de 1,8 milliard d'euros à la prévision de la loi de finances initiale. Les taux d'intérêt notamment sont plus bas qu'attendu : c'est le signe que la politique économique et budgétaire du Gouvernement inspire confiance aux créanciers de l'Etat. Je remarque qu'en d'autres temps, certains Gouvernements auraient pu être tentés de présenter cette moindre dépense comme une économie supplémentaire qui viendrait documenter des mesures de redressement. Ce n'est pas le choix qui a été fait : cette économie n'est pas forcément pérenne car nous anticipons une remontée progressive des taux d'intérêt et de l'inflation. Par prudence, nous nous contentons de constater cette moindre dépense, sans en tirer de conséquences pour l'avenir.
Ce projet de loi de finances rectificative révise également les recettes fiscales nettes de l'Etat de 5,3 milliards d'euros à la baisse. Cette réévaluation tire les conséquences de l'exécution 2013 :
- L'effet base, c'est-à-dire les moindres recettes constatées en fin d'année 2013 par rapport à la prévision, vient minorer mécaniquement la prévision pour 2014 à hauteur de 4 milliards d'euros ;
- Compte tenu de l'exécution 2013, nous proposons également de revoir à la baisse de 2 milliards d'euros la croissance spontanée des recettes fiscales, en particulier celles l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés.
La prévision des recettes fiscales est un art difficile : prenons, par exemple, la prévision de TVA. En fin d'année 2013, nous avons constaté une plus-value de 1,5 milliard d'euros en comptabilité nationale par rapport à la dernière prévision associée au collectif de fin d'année. Toutefois, les recouvrements sur les premiers mois de l'année nous ont incité à la prudence et nous n'avons retenu qu'un tiers de l'effet base, avec une révision à la hausse de 500 millions d'euros de la TVA nette. Jusqu'à la fin de l'année, beaucoup d'incertitudes demeurent : la consommation des ménages bien entendu mais également les comportements des consommateurs (ils peuvent préférer les produits taxés à taux réduit à ceux taxés au taux plein ou inversement), l'évolution du marché immobilier qui représente une part non négligeable de l'assiette, les consommations des organismes publics et des banques
Il faut garder une certaine humilité quand on parle de prévisions et accepter le fait que l'exercice est difficile : il est possible que la taxe sur la valeur ajoutée ou l'impôt sur les sociétés soient moindres qu'escompté mais il est également possible que l'impôt sur le revenu soit plus important que prévu ou que la charge de la dette soit inférieure à nos attentes. Les informations nouvelles qui apparaitront dans les mois à venir, en particulier les recouvrements et l'évolution de la situation économique, nous permettront d'affiner nos estimations au moment du dépôt du projet de loi de finances pour 2015 puis du projet de loi de finances rectificative de fin d'année.
Au final, compte tenu de ces mouvements en recettes et en dépenses, le solde de l'Etat est revu à la baisse de 1,4 milliard d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale.
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les Députés, les mesures adoptées dans toutes les lois de finances depuis le début de la législature ont eu pour objet de réduire progressivement le déficit public.
Ces mesures sont indispensables car nous avons trouvé, en 2012, une situation budgétaire historiquement dégradée :
- Une trajectoire de dette publique en forte augmentation et sur le point de dépasser 90 % du PIB ;
- Un déficit structurel de 5 % du PIB, c'est-à-dire 100 milliards d'euros ;
- Tout cela dans un contexte macroéconomique particulièrement défavorable, avec une croissance de l'activité quasiment nulle.
Dès le début de la législature, nous avons fait le choix de l'assainissement des finances publiques et nous le confirmons aujourd'hui : la réduction du déficit est indispensable :
- pour assurer la pérennité de notre modèle social qui ne peut être financé éternellement à crédit
- pour redonner au service public des marges de manoeuvre alors que la charge de la dette est la deuxième dépense du budget de l'Etat
- enfin, pour éviter de reporter sur les générations à venir une dette trop importante qui les empêcherait de préparer leur avenir
Il est vrai que des premières mesures de réduction du déficit ont été prises en 2011. Elles ont été utiles pour commencer à assainir les comptes. Mais leur nature était très différente des mesures proposées aujourd'hui par le Gouvernement.
Jusqu'en 2012, un ensemble de mesures générales pesant de manière indifférenciée sur tous les ménages (voire parfois simplement injustes) ont été prises, j'en rappellerai quelques-unes :
- le gel du barème de l'impôt sur le revenu
- la suppression de la demi-part des veuves
- la hausse des taxes sur les contrats d'assurance-maladie solidaires et responsables
Depuis le début de cette législature, les mesures adoptées ont certes mis chacun à contribution, sans passe-droit, mais l'effort demandé a été proportionné aux revenus de chacun :
- nous avons rétabli l'ISF qui avait été vidé de sa substance par la réforme de 2011
- nous avons rétabli les droits de successions et de notations, que la loi TEPA avait fortement minorés
- nous avons mis en place une tranche d'impôt sur le revenu à 45%
- nous avons abaissé le plafond du quotient familial, qui profite très largement aux ménages les plus aisés quand les ménages les plus modestes n'en profitent pas du tout
- dans le même temps, nous avons limité les effets pervers des mesures prises précédemment, en particulier le gel du barème, avec le renforcement de la décote et avec maintenant l'allègement d'impôt sur le revenu proposé par ce PLFR et l'allègement de cotisations salariales prévu par le PLFRSS, deux mesures qui profitent aux ménages moyens et modestes
- enfin, pour que personne n'échappe à l'effort demandé à tous, nous avons renforcé les moyens de la lutte contre la fraude fiscale, avec le succès que l'on peut aujourd'hui mesurer avec la prise de conscience, par nos compatriotes qui avaient jusqu'ici omis de déclarer des comptes à l'étranger, que les temps avaient changé. Cette politique nous permet, en faisant payer l'impôt par tous, d'en répartir plus justement la charge, avec la mesure d'allégement dès 2014 présentée par Michel Sapin.
Les mesures que nous avons adoptées depuis le début de la législature ont effacé les allègements consentis aux plus aisés pendant une décennie. La meilleure preuve du rétablissement de la progressivité du système fiscal est le rendement des impôts qui assurent la redistribution entre ménages : l'impôt sur le revenu a retrouvé son niveau d'avant-2002 ; l'ISF, dont l'allégement était totalement incompréhensible alors que des efforts étaient demandés à tous, atteindra cette année un rendement de 5,3 milliards d'euros.
Nous avons augmenté les prélèvements obligatoires pour réduire le déficit, c'est vrai : mais ces augmentations ont permis de renforcer la progressivité du système fiscal, de demander une plus grande contribution à ceux qui ont davantage de revenus et de patrimoine et, dans le même temps, les augmentations sur les plus aisés s'accompagnent d'allègements pour les plus modestes. Du début à la fin de la législature, notre politique fiscale restera conforme à notre objectif : rétablir la progressivité du système fiscal pour réduire les inégalités.
Pour l'avenir, le Gouvernement vous propose de poursuivre l'assainissement des finances publiques en le fondant sur des économies en dépenses. Ces économies seront réalisées selon les mêmes principes : chacun y prendra sa part, en fonction de sa capacité contributive, sans passe-droit. Chaque administration fera des économies en fonction de sa part dans la dépense publique totale, chaque bénéficiaire de la dépense publique sera mis à contribution.
Toutefois, il y aura une exception à cette règle et elle concernera les ménages les plus modestes qui seront préservés :
- les petites retraites et les minima sociaux resteront indexés sur l'inflation ;
- le RSA sera revalorisé de 2% au-delà de l'inflation.
La réduction de la dépense n'est pas forcément synonyme de retrait de l'Etat ou de réduction de notre protection sociale : je le constate chaque jour, il existe d'importantes marges d'économies dans tous les champs d'action publique. Ces économies doivent être faites pour réduire le déficit mais également pour que chacun constate que l'argent public est employé au mieux, sans gaspillage.
J'ai entendu les craintes qui peuvent exister sur l'impact potentiel de ces économies sur la croissance et l'emploi et je souhaiterais compléter la réponse que j'ai apportée lors de la présentation du texte en commission des Finances.
La politique économique et budgétaire que propose le Gouvernement est un bloc, dont on ne peut dissocier les différentes composantes : le pacte de responsabilité et de solidarité, le CICE, les emplois d'avenir, le nouveau programme d'investissements d'avenir, le programme d'économies, toutes ces mesures ne peuvent être prises de manière isolée, elles forment un ensemble cohérent. Dans le contexte macroéconomique que nous anticipons, ces mesures doivent soutenir les créations d'emploi : ces créations d'emplois, le programme de stabilité les évalue à 175 000 en 2015 puis à plus de 200 000 par an à compter de 2016.
Il est vrai que, en théorie, une réduction de la dépense publique a un impact sur la croissance. Mais en pratique, tout dépend de la nature de la dépense sur laquelle on agit :
- la dépense d'investissement est indispensable pour la croissance à court comme à long terme : c'est la raison pour laquelle le Gouvernement a mis en oeuvre un programme d'investissements d'avenir de 12 milliards d'euros qui sera entièrement sanctuarisé dans les trois ans qui viennent ;
- inversement, avec plus de 1 200 milliards d'euros de dépenses, on n peut nier qu'il existe certaines dépenses qui ne sont pas utiles pour la croissance, voire même qui l'entravent parce qu'elles conduisent à gaspiller nos ressources : réduire de telles dépenses a un impact très limité sur la croissance
Madame la Rapporteure générale, vous apportez, dans votre rapport, un soutien clair et explicite à la politique proposée par le Gouvernement et je vous en remercie.
Vous notez également que le maintien du statu quo conduirait à une hausse brutale du déficit et emporterait des conséquences potentiellement désastreuses : il y a aurait le risque d'une perte de confiance des créanciers de l'Etat dans sa signature, qui entraînerait une augmentation des coûts de financement supportés par l'Etat et donc de ceux des entreprises et des ménages. Cette situation, notre pays l'a connue à l'automne 2011 : elle a conduit à une stagnation prolongée de la croissance et à une hausse brutale du chômage.
Je conclus du rapport de la Rapporteure générale que le principe du programme d'économies de 50 milliards d'euros est pleinement soutenu par la commission des Finances et je m'en réjouis.
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les Députés, nous faisons face, depuis 2012, à une situation budgétaire historiquement dégradée qui est le résultat des politiques menées pendant dix ans. Notre responsabilité est de poursuivre l'assainissement des finances publiques : nous remplirons cette tâche et, comme depuis le début de la législature, nous le ferons dans la justice.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 24 juin 2014