Texte intégral
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Députés, le président de la République ce matin au Mémorial de la Shoah, où beaucoup d'entre vous étaient présents, et le ministre de l'intérieur il y a un instant ont prononcé de fortes paroles.
Je voudrais, en vous répondant, monsieur le président François de Rugy, initier la réflexion suivante, si elle est possible dans cet hémicycle : interrogeons-nous, en ce jour particulier du soixante-dixième anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau - pour être exact, de la découverte par les troupes soviétiques de l'horreur concentrationnaire - sur la signification même de cette journée, et plus généralement de la particularité de la Shoah et de l'antisémitisme dans l'histoire.
Le racisme, le rejet de l'autre ont toujours existé et perdurent, et touchent ô combien de citoyens, en France et dans le monde. D'autres génocides ont eu lieu, qui ont été rappelés ce matin. C'est d'ailleurs tout à l'honneur du Mémorial que de travailler aussi sur les autres génocides : le génocide du Rwanda, le génocide du Cambodge, le génocide arménien.
Mais il y a une spécificité de la Shoah, et il ne faut jamais l'oublier. Celle-ci tient tout d'abord au fait que les Juifs ont subi cet antisémitisme, ce racisme, ces persécutions depuis des millénaires. Elle tient, ensuite, à la volonté de destruction totale et absolue manifestée par une grande nation, l'Allemagne, appuyée sur une organisation terrible, scientifique, pensée, voulue, et qu'on a souhaité mener jusqu'au bout.
Enfin, cette spécificité nous concerne aussi, et c'est pour cela que notre réponse doit être implacable, comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire. L'antisémitisme fait en effet partie de l'histoire de la République : c'est l'affaire Dreyfus et la manière dont beaucoup ont réagi à ce moment-là qui a sans doute permis à la République progressivement de se refonder.
Il y eut également 1940 et les lois scélérates du régime de Vichy, qui appartiennent en grande partie à notre patrimoine, si j'ose dire.
Que soixante-dix ans après, et nous l'avons tous dit, on crie de nouveau «mort aux Juifs !» dans les rues de Paris, que soixante-dix ans après on tue des Français parce qu'ils sont Juifs, que soixante-dix ans après des enfants disent dans l'enceinte de leur école que leur ennemi c'est le Juif, que soixante-dix ans après, malgré les témoignages et le travail de mémoire qui a été fait, cet antisémitisme traditionnel soit toujours présent, et que soixante-dix ans après s'y adjoigne un nouvel antisémitisme sur fond de misère et d'antisionisme, sur fond de haine d'Israël et de rejet de l'autre, cela signifie que nous devons nous rebeller.
Les événements que nous venons de connaître, qui coïncident avec cet anniversaire, nous obligent, comme l'a rappelé le chef de l'État, à être intraitables sur la question de la mémoire, intraitables sur la question de l'éducation, de la diffusion et de l'apprentissage de la mémoire, donc de ce qui s'est passé voilà soixante-dix ans, intraitables sur la question de la sécurité que nous devons à nos compatriotes, intraitables sur les sanctions que nous devons opposer à cet antisémitisme, tant quand il s'exprime sur Internet que quand il prend la forme d'une parole antisémite.
L'antisémitisme et le racisme sont des maux identiques tout en étant deux choses différentes ; la loi permettra désormais, pour l'un comme pour l'autre, de prendre des sanctions impitoyables, et la garde des sceaux y travaille. Car nous savons, et chacun doit l'entendre, que les mots tuent. C'est bien pour cela que la République est debout, pour dire que ce qui s'est passé est inacceptable et qu'à partir de maintenant la République répondra coup pour coup à ces mots et à ces actes.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 janvier 2015