Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Thierry MANDON est l'invité d'I Télé ce matin. Bonjour.
THIERRY MANDON
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Un enfant de 8 ans, entendu à Nice pour apologie d'acte de terrorisme, vous avez bien entendu, 8 ans, élève de CE2, il avait dit en classe qu'il était avec les terroristes et qu'il n'était pas Charlie. Une plainte a été déposée contre le père de l'enfant, avec qui il y a eu une altercation par le directeur de l'école. Bon. Est-ce que c'est vraiment la place d'un enfant de 8 ans, dans commissariat ?
THIERRY MANDON
Non, là, je crois qu'il faut raison garder. Le circuit court de bêtises dites par un enfant dans une classe, au commissariat de police, c'est un process qui doit être amélioré. A mon avis, on doit d'abord vérifier si on n'est pas simplement dans des bêtises d'enfants. Mon enfant, il a 4 ans, il me dit « Je suis Dusty l'avion », donc C'est peut-être moins grave, il y a des vérifications, mais tout ça, avant d'aller au commissariat, on peut quand même, notamment dans le cas de l'Education nationale, vérifier s'il y a un problème avec l'enfant. Après s'il y a des problèmes avec la famille, c'est la famille qu'il faut auditionner, ce n'est pas l'enfant.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, donc vous dites ce matin que le père avait éventuellement sa place dans cette audition
THIERRY MANDON
Ah je ne sais pas, je n'en sais rien.
BRUCE TOUSSAINT
Mais en tout cas ça ne vous choque pas, mais pas l'enfant.
THIERRY MANDON
Je ne sais pas, pour ce qui est du père, ce qui est sûr c'est que l'enfant de 8 ans qui raconte n'importe quoi dans une classe, avant de le mettre devant un officier de police, aussi diplomate soit-il, je pense qu'il y a des vérification, peut-être même au sein de l'Education nationale, à faire, pour vérifier qu'on n'est pas face à un cas lourd.
BRUCE TOUSSAINT
Ce n'est pas du tout ce que pense Eric CIOTTI, le président du Conseil général des Alpes Maritimes, on l'écoute.
ERIC CIOTTI, DEPUTE UMP DES ALPES MARITIMES ET PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL
Je veux soutenir avec beaucoup de force l'action du directeur d'établissement, de l'enseignant, qui ont eu les bonnes réactions. Il était avec son père, il n'était pas tout seul, je crois qu'il faut arrêter avec le monde des Bisounours, on est dans un pays qui subit une menace extrême, qui n'a jamais été aussi élevée, on a vu malheureusement ce qui s'est passé et beaucoup d'éléments nous font dire que cela risque de se reproduire.
BRUCE TOUSSAINT
Êtes-vous dans le monde des Bisounours, Thierry MANDON ?
THIERRY MANDON
Non, je crois que là on est dans une sorte de paranoïa complète. Monsieur CIOTTI a tort de ne pas garder un certain nombre de principes, de fonctionnement d'un Etat démocratique, qui doit être très vigilant, peut-être plus vigilant qu'il n'a été par le passé, mais en même temps garantir les droits des individus, quand on parle d'un enfant de 8 ans, franchement
BRUCE TOUSSAINT
Alors, un enfant de 8 ans, effectivement, on peut trouver ça précoce, mais à partir de quel âge on peut considérer qu'un individu est dangereux ?
THIERRY MANDON
Je ne suis pas sûr que ça soit une barrière d'âge, ce qui est vrai c'est que c'est des dynamiques, des dérives, des parcours, et c'est ça qui doit inquiéter, c'est le fait qu'un individu, quel qu'il soit, évolue progressivement, dérive dans son parcours et que très souvent d'ailleurs, il y a des clignotants qui s'allument, et c'est plus que l'âge, c'est ces clignotants-là qui doivent alerter.
BRUCE TOUSSAINT
Et pourquoi le clignotant ne s'allumerait-il pas à l'école primaire, après tout ?
THIERRY MANDON
A 8 ans ?
BRUCE TOUSSAINT
Question.
THIERRY MANDON
A 8 ans, il y en a des bêtises qui se racontent dans les cours d'école, il y en a plein.
BRUCE TOUSSAINT
Oui.
THIERRY MANDON
Donc ça va clignoter beaucoup.
BRUCE TOUSSAINT
Ce que je veux dire, c'est qu'en Grande-Bretagne, par exemple, ils ont pris la décision de créer des seuils d'alerte, dès l'école maternelle, parce qu'ils ont le sentiment qu'il y a des dangers chez certains parents et donc chez certains enfants. Est-ce que ce n'est pas se voiler les yeux que
THIERRY MANDON
Non mais ça c'est autre chose. Ça c'est autre chose. Que vous regardiez
BRUCE TOUSSAINT
Si cet enfant a dit ça, à Nice, c'est peut-être parce qu'il l'avait entendu chez lui.
THIERRY MANDON
Qu'au vu du comportement, parfois étrange, ou d'un vocabulaire étrange, d'un enfant, vous vous intéressiez aux parents, ce n'est pas la même chose. Ce n'est pas du tout la même chose, c'est des signaux d'alerte, ça peut faire partie d'une politique intelligente de prévention de dérives très risquées pour notre société, mais pour ce qui est des comportements d'enfants, ça demeure, en tout cas à 7, 8 ans, à mon avis ça demeure du comportement d'enfant. Vigilance, mais commissariat de police, on évite.
BRUCE TOUSSAINT
Bon, alors, on verra si cette affaire a une incidence sur cette journée, placée sous le signe du « vivre ensemble ». Bon, ça part mal, mais enfin ça va quand même avoir lieu, François HOLLANDE va recevoir à l'Elysée des chefs d'établissement, des professionnels de l'Education nationale, des maires, des élus de banlieue. Vous y serez ?
THIERRY MANDON
J'y passerai probablement.
BRUCE TOUSSAINT
Vous y passerez probablement. Il est si abimé que ça, le vivre ensemble, dans notre pays ?
THIERRY MANDON
Eh bien je crois que le président de la République oui, enfin, il faut regarder ça de très près. Le président de la République il part d'un point de vue très simple, il se dit : la fabrique de solutions, dans les quartiers, ça ne marche pas aujourd'hui. Il faut la renouveler. Et comment on fait ? Il y a une voie qui est la voie classique, de l'expertise, par le haut, des gens intelligents, qui pensent, qui réfléchissent, qui définissent des politiques publiques, et puis après on espère qu'elles marchent. Eh bien lui, il rajoute une innovation très forte, il fait parler ceux qui pratiquent la fabrique de solutions, depuis des mois, depuis des années, dans les quartiers.
BRUCE TOUSSAINT
On va encore dire qu'il fabrique une commission, François HOLLANDE, et qu'il est incapable de prendre une décision et qu'il s'en remet aux autres. Vous allez entendre cette critique-là.
THIERRY MANDON
On va l'entendre, mais il y a deux types de comportements face à une situation qui pose un gros problème. On se précipite pour faire un nouveau texte, pour faire un nouveau programme, et hop on essaie de rassurer les gens. Ou on prend le temps de l'écoute, de l'intelligence et surtout d'associer à la décision ou aux décisions que l'on doit prendre, ceux qui ont une expertise d'usage, ceux qui sur le terrain, font, inventent, trouvent des solutions, savent ce qui marche ou ne marche pas, et c'est eux qui irriguent ce qui sera, demain ou après-demain, la nouvelle décision publique. C'est une façon de faire de la politique, c'est une belle façon de faire des décisions publiques et je crois que c'est bien qu'un président de la République, peut s'entourer d'un cénacle de spécialistes, aille voir ce qu'ils font au quotidien.
BRUCE TOUSSAINT
Vous-mêmes vous êtes élu de l'Essonne.
THIERRY MANDON
Oui.
BRUCE TOUSSAINT
Vous connaissez ces quartiers, Grigny, vous connaissez.
THIERRY MANDON
Bien sûr, ça touche ma ville, j'ai été maire d'une ville
BRUCE TOUSSAINT
Comment on a laissé Grigny devenir ce que c'est devenu ?
THIERRY MANDON
Eh bien c'est une bonne question, c'est probablement une maitrise d'ouvrage, c'est-à-dire des postes de commandement, d'une situation qui se dégrade, qui ne fonctionnent pas ensemble. En gros vous avez une mairie, mais vous avez un département, vous avez une région, vous avez un Etat, vous avez une opération particulière d'Etat, en plus, sur ce quartier-là, avec beaucoup de réunions de coordination. Est-ce que ces modes-là de gouvernance c'est suffisant, est-ce qu'il n'aurait pas fallu aller plus vite, plus fort, sur certains domaines ? Est-ce qu'il n'aurait pas fallu mettre un accent particulier, je pense par exemple aux questions de la médecine scolaire, de la santé scolaire, qui sont des sujets très lourds, et c'est justement au vu de ces relatifs échecs, qu'il faut réinterroger ceux qui font sur le terrain, pour que, eux-mêmes, disent, « attendez, là on a raté quelque chose ». D'ailleurs, d'une manière plus générale, je pense qu'on gagnerait à utiliser des méthodes comme celle que quelqu'un comme Esther DUFLO, par exemple, a mis en place pour étudier la santé dans tel ou tel pays d'Afrique, l'école en Inde, on devrait regarder très précisément la différence de comportement, de vivre ensemble, entre les quartiers où il y a des moyens publics très forts, des quartiers où il n'y en a pas, pour essayer de comprendre ce qui marche et ce qui ne marche pas, dans ces politiques que l'on fait tomber sur des quartiers et qui ne changent pas suffisamment les choses.
BRUCE TOUSSAINT
Oui. Vous avez entendu la proposition de Benoist APPARU, il veut des statistiques ethniques, pour, dit-il, éviter de former des ghettos. Bonne ou mauvaise idée ?
THIERRY MANDON
Je sais que c'est un grand débat, personnellement je pense que connaitre le réel, le connaitre très précisément, y compris par le biais de statistiques plus fines que celles dont on dispose aujourd'hui, c'est se préparer à mieux agir sur le réel, et donc je crois que c'est un sujet qui mérite réflexion.
BRUCE TOUSSAINT
Pourquoi pas.
THIERRY MANDON
C'est ce que je suis en train de vous dire. Encore une fois, le problème c'est le réel, ce n'est pas ce qu'on pense être la société, ce que l'on pense être ces quartiers, et des politiques qui démarrent du haut, c'est très finement analyser tous les blocages des contradictions et d'abord les connaitre et les comprendre.
BRUCE TOUSSAINT
Sur ces sujets que vous connaissez bien, encore une fois, j'ai rappelé que vous étiez élu de l'Essonne, sans vouloir faire une tête de turc, j'ai posé la question à deux reprises cette semaine à des invités qui étaient à votre place, à savoir qui était le ministre de la Ville. Aucun n'a su répondre. Est-ce qu'il n'y a pas un petit problème d'incarnation, de volontarisme, pour mettre ces sujets au coeur des discussions ? C'est bien de faire cette journée, demain, mais vous voyez ce que je veux dire ?
THIERRY MANDON
D'abord le ministre, il n'a pas été nommé il y a extrêmement longtemps, il prend le problème à bras le corps, donc il ne faut pas, ce n'est pas lui qui est en cause. En revanche, le bon niveau d'incarnation, mais pour moi c'est le maire. L'homme qui doit incarner très concrètement la coordination des moyens importants qui sont mis sur les quartiers en difficultés, ça doit rester le maire. L'incarnation, c'est l'incarnation de proximité, c'est quelqu'un qui incarne le vivre ensemble, et donc c'est le maire qui doit disposer de moyens d'Etat puissants, mais c'est l'élu de terrain qui doit incarner les choses.
BRUCE TOUSSAINT
Deux questions, très vite, sur la loi Macron. Alors on dit que ça doit favoriser les licenciements économiques. C'est quand même le comble.
THIERRY MANDON
Alors ça, c'est nouveau. Donc chaque jour on essaie de trouver des fantômes dans la loi Macron et des menaces. Non, c'est une correction d'un accord qui a été passé, au vu d'un certain nombre de difficultés d'application, de jurisprudence, notamment sur l'ordre des licenciements dans les plans sociaux et puis aussi à ce que les reclassements portent sur des sites ou sur des entreprises. Non non, ça sécurise plutôt les procédures, dans l'intérêt mutuel des entreprises et des salariés.
BRUCE TOUSSAINT
Et sur le secret des affaires, les journalistes se sont émus de ce texte qui est passé un peu en catimini, qui punie quiconque révèle sans autorisation, toute information sensible. Et le journalisme d'investigation dans tout cela ?
THIERRY MANDON
Sauf, lisez l'article jusqu'à la fin, sauf si les informations relèvent de la liberté d'informer, ou de la divulgation d'actes frauduleux. Il y a deux choses à dire là-dessus. Premièrement, je pense qu'on légifère mal, la loi Macron elle est arrivée en commission, elle est, là maintenant elle est en séance publique. Elle est arrivée en commission, il y avait 100 articles, un peu plus, 103 articles je crois. Elle ressort de commission il y a 200 articles. Donc avant même le débat en séance plénière on a doublé le volume de la loi, donc des amendements, comme celui-ci, rentrent, alors qu'ils ont peut-être pas été suffisamment préparés même s'il y a un droit d'amendement qui existe au Parlement.
BRUCE TOUSSAINT
Mais le rapport entre le secret des affaires et la loi sur l'activité économique.
THIERRY MANDON
Eh bien il y en a assez peu, je crois que c'est à peu près
BRUCE TOUSSAINT
Donc ça n'a aucun sens.
THIERRY MANDON
En tout cas, dans ce texte, des amendements qui sont des (mot incompris) font toujours prendre un risque de constitutionnalité à la loi, donc il faut être très très vigilant.
BRUCE TOUSSAINT
Merci Thierry MANDON, merci d'avoir été avec nous ce matin.Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 janvier 2015
Thierry MANDON est l'invité d'I Télé ce matin. Bonjour.
THIERRY MANDON
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Un enfant de 8 ans, entendu à Nice pour apologie d'acte de terrorisme, vous avez bien entendu, 8 ans, élève de CE2, il avait dit en classe qu'il était avec les terroristes et qu'il n'était pas Charlie. Une plainte a été déposée contre le père de l'enfant, avec qui il y a eu une altercation par le directeur de l'école. Bon. Est-ce que c'est vraiment la place d'un enfant de 8 ans, dans commissariat ?
THIERRY MANDON
Non, là, je crois qu'il faut raison garder. Le circuit court de bêtises dites par un enfant dans une classe, au commissariat de police, c'est un process qui doit être amélioré. A mon avis, on doit d'abord vérifier si on n'est pas simplement dans des bêtises d'enfants. Mon enfant, il a 4 ans, il me dit « Je suis Dusty l'avion », donc C'est peut-être moins grave, il y a des vérifications, mais tout ça, avant d'aller au commissariat, on peut quand même, notamment dans le cas de l'Education nationale, vérifier s'il y a un problème avec l'enfant. Après s'il y a des problèmes avec la famille, c'est la famille qu'il faut auditionner, ce n'est pas l'enfant.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, donc vous dites ce matin que le père avait éventuellement sa place dans cette audition
THIERRY MANDON
Ah je ne sais pas, je n'en sais rien.
BRUCE TOUSSAINT
Mais en tout cas ça ne vous choque pas, mais pas l'enfant.
THIERRY MANDON
Je ne sais pas, pour ce qui est du père, ce qui est sûr c'est que l'enfant de 8 ans qui raconte n'importe quoi dans une classe, avant de le mettre devant un officier de police, aussi diplomate soit-il, je pense qu'il y a des vérification, peut-être même au sein de l'Education nationale, à faire, pour vérifier qu'on n'est pas face à un cas lourd.
BRUCE TOUSSAINT
Ce n'est pas du tout ce que pense Eric CIOTTI, le président du Conseil général des Alpes Maritimes, on l'écoute.
ERIC CIOTTI, DEPUTE UMP DES ALPES MARITIMES ET PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL
Je veux soutenir avec beaucoup de force l'action du directeur d'établissement, de l'enseignant, qui ont eu les bonnes réactions. Il était avec son père, il n'était pas tout seul, je crois qu'il faut arrêter avec le monde des Bisounours, on est dans un pays qui subit une menace extrême, qui n'a jamais été aussi élevée, on a vu malheureusement ce qui s'est passé et beaucoup d'éléments nous font dire que cela risque de se reproduire.
BRUCE TOUSSAINT
Êtes-vous dans le monde des Bisounours, Thierry MANDON ?
THIERRY MANDON
Non, je crois que là on est dans une sorte de paranoïa complète. Monsieur CIOTTI a tort de ne pas garder un certain nombre de principes, de fonctionnement d'un Etat démocratique, qui doit être très vigilant, peut-être plus vigilant qu'il n'a été par le passé, mais en même temps garantir les droits des individus, quand on parle d'un enfant de 8 ans, franchement
BRUCE TOUSSAINT
Alors, un enfant de 8 ans, effectivement, on peut trouver ça précoce, mais à partir de quel âge on peut considérer qu'un individu est dangereux ?
THIERRY MANDON
Je ne suis pas sûr que ça soit une barrière d'âge, ce qui est vrai c'est que c'est des dynamiques, des dérives, des parcours, et c'est ça qui doit inquiéter, c'est le fait qu'un individu, quel qu'il soit, évolue progressivement, dérive dans son parcours et que très souvent d'ailleurs, il y a des clignotants qui s'allument, et c'est plus que l'âge, c'est ces clignotants-là qui doivent alerter.
BRUCE TOUSSAINT
Et pourquoi le clignotant ne s'allumerait-il pas à l'école primaire, après tout ?
THIERRY MANDON
A 8 ans ?
BRUCE TOUSSAINT
Question.
THIERRY MANDON
A 8 ans, il y en a des bêtises qui se racontent dans les cours d'école, il y en a plein.
BRUCE TOUSSAINT
Oui.
THIERRY MANDON
Donc ça va clignoter beaucoup.
BRUCE TOUSSAINT
Ce que je veux dire, c'est qu'en Grande-Bretagne, par exemple, ils ont pris la décision de créer des seuils d'alerte, dès l'école maternelle, parce qu'ils ont le sentiment qu'il y a des dangers chez certains parents et donc chez certains enfants. Est-ce que ce n'est pas se voiler les yeux que
THIERRY MANDON
Non mais ça c'est autre chose. Ça c'est autre chose. Que vous regardiez
BRUCE TOUSSAINT
Si cet enfant a dit ça, à Nice, c'est peut-être parce qu'il l'avait entendu chez lui.
THIERRY MANDON
Qu'au vu du comportement, parfois étrange, ou d'un vocabulaire étrange, d'un enfant, vous vous intéressiez aux parents, ce n'est pas la même chose. Ce n'est pas du tout la même chose, c'est des signaux d'alerte, ça peut faire partie d'une politique intelligente de prévention de dérives très risquées pour notre société, mais pour ce qui est des comportements d'enfants, ça demeure, en tout cas à 7, 8 ans, à mon avis ça demeure du comportement d'enfant. Vigilance, mais commissariat de police, on évite.
BRUCE TOUSSAINT
Bon, alors, on verra si cette affaire a une incidence sur cette journée, placée sous le signe du « vivre ensemble ». Bon, ça part mal, mais enfin ça va quand même avoir lieu, François HOLLANDE va recevoir à l'Elysée des chefs d'établissement, des professionnels de l'Education nationale, des maires, des élus de banlieue. Vous y serez ?
THIERRY MANDON
J'y passerai probablement.
BRUCE TOUSSAINT
Vous y passerez probablement. Il est si abimé que ça, le vivre ensemble, dans notre pays ?
THIERRY MANDON
Eh bien je crois que le président de la République oui, enfin, il faut regarder ça de très près. Le président de la République il part d'un point de vue très simple, il se dit : la fabrique de solutions, dans les quartiers, ça ne marche pas aujourd'hui. Il faut la renouveler. Et comment on fait ? Il y a une voie qui est la voie classique, de l'expertise, par le haut, des gens intelligents, qui pensent, qui réfléchissent, qui définissent des politiques publiques, et puis après on espère qu'elles marchent. Eh bien lui, il rajoute une innovation très forte, il fait parler ceux qui pratiquent la fabrique de solutions, depuis des mois, depuis des années, dans les quartiers.
BRUCE TOUSSAINT
On va encore dire qu'il fabrique une commission, François HOLLANDE, et qu'il est incapable de prendre une décision et qu'il s'en remet aux autres. Vous allez entendre cette critique-là.
THIERRY MANDON
On va l'entendre, mais il y a deux types de comportements face à une situation qui pose un gros problème. On se précipite pour faire un nouveau texte, pour faire un nouveau programme, et hop on essaie de rassurer les gens. Ou on prend le temps de l'écoute, de l'intelligence et surtout d'associer à la décision ou aux décisions que l'on doit prendre, ceux qui ont une expertise d'usage, ceux qui sur le terrain, font, inventent, trouvent des solutions, savent ce qui marche ou ne marche pas, et c'est eux qui irriguent ce qui sera, demain ou après-demain, la nouvelle décision publique. C'est une façon de faire de la politique, c'est une belle façon de faire des décisions publiques et je crois que c'est bien qu'un président de la République, peut s'entourer d'un cénacle de spécialistes, aille voir ce qu'ils font au quotidien.
BRUCE TOUSSAINT
Vous-mêmes vous êtes élu de l'Essonne.
THIERRY MANDON
Oui.
BRUCE TOUSSAINT
Vous connaissez ces quartiers, Grigny, vous connaissez.
THIERRY MANDON
Bien sûr, ça touche ma ville, j'ai été maire d'une ville
BRUCE TOUSSAINT
Comment on a laissé Grigny devenir ce que c'est devenu ?
THIERRY MANDON
Eh bien c'est une bonne question, c'est probablement une maitrise d'ouvrage, c'est-à-dire des postes de commandement, d'une situation qui se dégrade, qui ne fonctionnent pas ensemble. En gros vous avez une mairie, mais vous avez un département, vous avez une région, vous avez un Etat, vous avez une opération particulière d'Etat, en plus, sur ce quartier-là, avec beaucoup de réunions de coordination. Est-ce que ces modes-là de gouvernance c'est suffisant, est-ce qu'il n'aurait pas fallu aller plus vite, plus fort, sur certains domaines ? Est-ce qu'il n'aurait pas fallu mettre un accent particulier, je pense par exemple aux questions de la médecine scolaire, de la santé scolaire, qui sont des sujets très lourds, et c'est justement au vu de ces relatifs échecs, qu'il faut réinterroger ceux qui font sur le terrain, pour que, eux-mêmes, disent, « attendez, là on a raté quelque chose ». D'ailleurs, d'une manière plus générale, je pense qu'on gagnerait à utiliser des méthodes comme celle que quelqu'un comme Esther DUFLO, par exemple, a mis en place pour étudier la santé dans tel ou tel pays d'Afrique, l'école en Inde, on devrait regarder très précisément la différence de comportement, de vivre ensemble, entre les quartiers où il y a des moyens publics très forts, des quartiers où il n'y en a pas, pour essayer de comprendre ce qui marche et ce qui ne marche pas, dans ces politiques que l'on fait tomber sur des quartiers et qui ne changent pas suffisamment les choses.
BRUCE TOUSSAINT
Oui. Vous avez entendu la proposition de Benoist APPARU, il veut des statistiques ethniques, pour, dit-il, éviter de former des ghettos. Bonne ou mauvaise idée ?
THIERRY MANDON
Je sais que c'est un grand débat, personnellement je pense que connaitre le réel, le connaitre très précisément, y compris par le biais de statistiques plus fines que celles dont on dispose aujourd'hui, c'est se préparer à mieux agir sur le réel, et donc je crois que c'est un sujet qui mérite réflexion.
BRUCE TOUSSAINT
Pourquoi pas.
THIERRY MANDON
C'est ce que je suis en train de vous dire. Encore une fois, le problème c'est le réel, ce n'est pas ce qu'on pense être la société, ce que l'on pense être ces quartiers, et des politiques qui démarrent du haut, c'est très finement analyser tous les blocages des contradictions et d'abord les connaitre et les comprendre.
BRUCE TOUSSAINT
Sur ces sujets que vous connaissez bien, encore une fois, j'ai rappelé que vous étiez élu de l'Essonne, sans vouloir faire une tête de turc, j'ai posé la question à deux reprises cette semaine à des invités qui étaient à votre place, à savoir qui était le ministre de la Ville. Aucun n'a su répondre. Est-ce qu'il n'y a pas un petit problème d'incarnation, de volontarisme, pour mettre ces sujets au coeur des discussions ? C'est bien de faire cette journée, demain, mais vous voyez ce que je veux dire ?
THIERRY MANDON
D'abord le ministre, il n'a pas été nommé il y a extrêmement longtemps, il prend le problème à bras le corps, donc il ne faut pas, ce n'est pas lui qui est en cause. En revanche, le bon niveau d'incarnation, mais pour moi c'est le maire. L'homme qui doit incarner très concrètement la coordination des moyens importants qui sont mis sur les quartiers en difficultés, ça doit rester le maire. L'incarnation, c'est l'incarnation de proximité, c'est quelqu'un qui incarne le vivre ensemble, et donc c'est le maire qui doit disposer de moyens d'Etat puissants, mais c'est l'élu de terrain qui doit incarner les choses.
BRUCE TOUSSAINT
Deux questions, très vite, sur la loi Macron. Alors on dit que ça doit favoriser les licenciements économiques. C'est quand même le comble.
THIERRY MANDON
Alors ça, c'est nouveau. Donc chaque jour on essaie de trouver des fantômes dans la loi Macron et des menaces. Non, c'est une correction d'un accord qui a été passé, au vu d'un certain nombre de difficultés d'application, de jurisprudence, notamment sur l'ordre des licenciements dans les plans sociaux et puis aussi à ce que les reclassements portent sur des sites ou sur des entreprises. Non non, ça sécurise plutôt les procédures, dans l'intérêt mutuel des entreprises et des salariés.
BRUCE TOUSSAINT
Et sur le secret des affaires, les journalistes se sont émus de ce texte qui est passé un peu en catimini, qui punie quiconque révèle sans autorisation, toute information sensible. Et le journalisme d'investigation dans tout cela ?
THIERRY MANDON
Sauf, lisez l'article jusqu'à la fin, sauf si les informations relèvent de la liberté d'informer, ou de la divulgation d'actes frauduleux. Il y a deux choses à dire là-dessus. Premièrement, je pense qu'on légifère mal, la loi Macron elle est arrivée en commission, elle est, là maintenant elle est en séance publique. Elle est arrivée en commission, il y avait 100 articles, un peu plus, 103 articles je crois. Elle ressort de commission il y a 200 articles. Donc avant même le débat en séance plénière on a doublé le volume de la loi, donc des amendements, comme celui-ci, rentrent, alors qu'ils ont peut-être pas été suffisamment préparés même s'il y a un droit d'amendement qui existe au Parlement.
BRUCE TOUSSAINT
Mais le rapport entre le secret des affaires et la loi sur l'activité économique.
THIERRY MANDON
Eh bien il y en a assez peu, je crois que c'est à peu près
BRUCE TOUSSAINT
Donc ça n'a aucun sens.
THIERRY MANDON
En tout cas, dans ce texte, des amendements qui sont des (mot incompris) font toujours prendre un risque de constitutionnalité à la loi, donc il faut être très très vigilant.
BRUCE TOUSSAINT
Merci Thierry MANDON, merci d'avoir été avec nous ce matin.Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 janvier 2015