Texte intégral
P. Lapousterle On a l'impression que c'est la première fois, la toute première fois depuis cinq ans, qu'il y a un vrai mécontentement massif. C'est vrai ?
- "Des mécontentements, il y en a eu à différentes reprises, de manière sectorielle. Là, peut-être qu'il y a une relative conjonction dans la mesure où tout le monde suppose que la retraite c'est quelque chose d'important. Tout le monde travaille pour sa retraite. Cela veut donc dire que manifestement, le problème est un problème important. Le problème dépasse les figures traditionnelles. Rappelons-nous que nous avons eu des désaccords très sérieux avec le patronat en ce qui concerne le chômage par exemple. Je me plaignais que les chômeurs ne réagissaient pas assez. La retraite touche tout le monde. Cela veut donc dire que manifestement on sent que c'est quelque chose de lourd."
C'est une nouvelle période qui s'ouvre ?
- "C'est peut-être une nouvelle période, mais la nouvelle période est aussi là, sur le plan économique. En définitive, nous sommes en pleine croissance : les choses vont bien, les entreprises gagnent beaucoup d'argent, l'Etat reçoit beaucoup d'argent et c'est à ce moment-là qu'on remet en cause l'existant. Il y a une réaction qui est une réaction beaucoup plus large d'ailleurs que le point de désaccord du Medef qui va être à mon avis le révélateur."
Quelques mots sur les fonctionnaires. C'est important, il y en a 5,5 en France et il y a 4 millions de retraités : cela fait près de 10 millions de personnes concernées. Il y a eu un échec des négociations jeudi soir. Les fonctionnaires maintiennent l'emploi. On vous proposait le maintien du pouvoir d'achat. Pourquoi la grève ?
- "Expliquez-moi comment on maintien le pouvoir d'achat quand il y a un indice des prix de 1,6 % et qu'il y a une proposition de 0,5 % ?"
Sur trois ans, le pouvoir d'achat est maintenu
- "Ce n'est pas tout à fait cela que proposait M. Sapin. M. Sapin disait : "Sur les deux années précédentes, vous avez gagné 1 % d'augmentation théorique du pouvoir d'achat - si on juge par rapport à l'évolution des prix - donc, on fait une année blanche en l'an 2000 et on met 0.5 % - vous perdrez 1,1 mais ce n'est pas grave car vous avez gagné 1% - et puis nous allons continuer sur les deux années suivantes." Je vais vous faire remarquer quelque chose : deux plus un plus deux, cela fait cinq ans, c'est la mandature. Cela veut dire que M. Sapin est en train de proposer aux organisations syndicales de juger à la fin de la mandature si les socialistes auront bien payé leurs fonctionnaires ou pas. Il est en train de politiser le mouvement syndical. C'est une erreur fondamentale. J'aurais mieux aimé que M. Sapin discute année par année. Je vais vous expliquer pourquoi nous ne tenons pas aux accords pluriannuels : pour la bonne et simple raison qu'il y a toujours une année blanche dans les accords pluriannuels. Mais nous savons aussi que lorsqu'on fait une augmentation de salaires importante chez les fonctionnaires, cela à un effet report très lourd sur le budget, en fonction de quoi le ministre des Finances immédiatement coupe les effectifs l'année suivante."
La grève le 30, c'est pour quoi faire ?
- "Pour essayer d'obtenir une augmentation pour l'année 2000. Nous réclamions les négociations depuis le début de l'année 2000. Il les a reportées en septembre, puis en fin d'année, puis en début d'année 2001 : il est encore temps de faire un complément. Il faut faire une augmentation. C'est relativement simple - tout le monde a compris - : 0,5 % , 1,6 % et 1,1 % d'augmentation et vous verrez qu'il y aura un accord. J'insiste sur le fait de voir toujours année par année."
Vous êtes toujours pareil.
- "Pourquoi voulez-vous que je change ?"
Vous ne dites jamais merci pour l'année d'avant et le jour où ...
- "Alors on ne dit pas qu'il y a eu une amélioration du pouvoir d'achat ! On dit qu'on maintient le pouvoir d'achat des fonctionnaires !"
C'est ce qu'il a dit.
- "Justement, moi, je réclame l'amélioration du pouvoir d'achat. Pourquoi voulez-vous qu'on n'augmente pas les fonctionnaires dans la limite où M. Fabius a fait de la redistribution fiscale et dont on me dit, j'ai vu cela l'autre jour, qu'il y aurait environ 45 à 47 milliards d'excédents parce que l'année a été une année très favorable ? Pardonnez-moi, mais un point d'augmentation des fonctionnaires coûte 6,5 milliards. Il peut très bien faire le point en question : il a 47 milliards. Qu'est-ce qu'il va en faire ? Encore du crédit d'impôt ?"
Le 25, par contre, ce sera une journée intersyndicale contre la décision du Medef de ne plus abonder un fonds pour les retraites complémentaires et demander l'augmentation de la durée des cotisations ?
- "Qu'est-ce que c'est cette présentation ? Abonder un fonds ? C'est beaucoup plus grave que cela ! Nous avons vu, quand la retraite à 60 ans a eu lieu sous le Gouvernement Mauroy - c'est peut-être un peu technique mais je vais essayer de simplifier au maximum -, que le Gouvernement a décidé que le régime de base, celui de la Sécurité sociale, faisait que la retraite pouvait être prise à 60 ans avec une retraite complète. Il a fallu adapter la retraite complémentaire, le régime paritaire. Pour financer le surcoût entre 60 et 65 ans, on a levé une cotisation de 2 %. Ce sont ces 2 % - cela s'appelle l'ASF - qui financent le fait que lorsque vous partez à 60 ans, vous avez une retraite comparable à celle que vous auriez eu à 65. C'est ce que les patrons, vendredi soir, ont décidé de ne plus mettre en recouvrement. Ils ont négocié cela avec nous. En 1996, ils se sont même engagés à ce que le système soit maintenu,contre vents et marées. Sinon les gens ne veulent pas partir, c'est tout à fait normal. Moralité, d'un seul coup, ils décident : "on est 50/50." Les syndicats étaient contre, ils étaient pour, le président dit : "on fait." Pardonnez-moi mais c'est un coup de force sans nom ! Ce n'est pas refuser d'abonder : c'est ne pas tenir ses engagements, ne pas tenir son crédit. Jamais le patronat ne s'est comporté comme cela dans ce pays. C'est clair, il ne se désengage même pas, c'est pire que cela : il oublie. C'est incohérent : on signe dans la banque, dans la métallurgie, dans la chimie, des départs anticipés c'est-à-dire la possibilité pour ceux qui ont 58 ou 57 voire 59 ans de partir par anticipation, sous condition qu'ils aient la retraite à 60 ans. Vous vous rendez compte ce contrat de dupes : pendant que leurs branches professionnelles discutent, pendant que leurs branches professionnelles mettent debout ce genre de choses, les patrons - qui sont assez satisfaits que les pyramides d'âges s'allègent - nous cassent le truc. C'est honteux !"
Vous êtes un homme des négociations et des compromis mais est-ce que vous direz toujours "non" à tout report de la retraite à 60 ans ? Les gens sont inquiets : est-ce qu'on pourra payer les retraites ?
- "D'abord, je constate que beaucoup de personnes veulent partir et qu'il y a encore un problème d'âge à l'heure actuelle dans ce pays. 2 150 000 chômeurs revendiqués dans les statistiques et grosso modo avec le RMI et les chômeurs invisibles, il y a 4 millions de chômeurs dans ce pays. En ce moment, il vaut encore mieux la retraite à 60 ans. Je ne suis pas fou, je ne vis pas sur un autre astre. Quand on commence à travailler à 25 ans et qu'on rajoute 37 ans et demi de cotisations, cela fait 62 ans et demi. Donc, la retraite à 60 ans, par la force des choses, sera fongible puisque maintenant on commence à travailler plus tard. Ce n'est pas cela le problème. D'ailleurs, ce que les patrons nous proposent, c'est d'allonger la durée des cotisations, mais de l'allonger en 2007, c'est-à-dire qu'en fait ils veulent pour l'instant que cela ne coûte pas plus cher. Je ne veux pas qu'on ferme cette porte. Si on veut discuter une augmentation des cotisations, on discutera une augmentation des cotisations."
Qu'est-ce que vous allez faire le 25 ? Bloquer les entreprises ?
- "C'est la formule qu'a pris un journal pour présenter les choses."
C'est vrai ou non ?
"Si les grèves marchent dans les transports comme je l'espère, on va avoir un petit goût de 1995. En définitive, dans le privé, il va y avoir des cessation de travail - il y a bien longtemps que cela n'a pas eu lieu. Si les transports suivent, il est fort probable qu'il y a des entreprises qui décideront elles-mêmes de fermer. C'est la conséquence du comportement du Medef."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 22 janvier 2001)
- "Des mécontentements, il y en a eu à différentes reprises, de manière sectorielle. Là, peut-être qu'il y a une relative conjonction dans la mesure où tout le monde suppose que la retraite c'est quelque chose d'important. Tout le monde travaille pour sa retraite. Cela veut donc dire que manifestement, le problème est un problème important. Le problème dépasse les figures traditionnelles. Rappelons-nous que nous avons eu des désaccords très sérieux avec le patronat en ce qui concerne le chômage par exemple. Je me plaignais que les chômeurs ne réagissaient pas assez. La retraite touche tout le monde. Cela veut donc dire que manifestement on sent que c'est quelque chose de lourd."
C'est une nouvelle période qui s'ouvre ?
- "C'est peut-être une nouvelle période, mais la nouvelle période est aussi là, sur le plan économique. En définitive, nous sommes en pleine croissance : les choses vont bien, les entreprises gagnent beaucoup d'argent, l'Etat reçoit beaucoup d'argent et c'est à ce moment-là qu'on remet en cause l'existant. Il y a une réaction qui est une réaction beaucoup plus large d'ailleurs que le point de désaccord du Medef qui va être à mon avis le révélateur."
Quelques mots sur les fonctionnaires. C'est important, il y en a 5,5 en France et il y a 4 millions de retraités : cela fait près de 10 millions de personnes concernées. Il y a eu un échec des négociations jeudi soir. Les fonctionnaires maintiennent l'emploi. On vous proposait le maintien du pouvoir d'achat. Pourquoi la grève ?
- "Expliquez-moi comment on maintien le pouvoir d'achat quand il y a un indice des prix de 1,6 % et qu'il y a une proposition de 0,5 % ?"
Sur trois ans, le pouvoir d'achat est maintenu
- "Ce n'est pas tout à fait cela que proposait M. Sapin. M. Sapin disait : "Sur les deux années précédentes, vous avez gagné 1 % d'augmentation théorique du pouvoir d'achat - si on juge par rapport à l'évolution des prix - donc, on fait une année blanche en l'an 2000 et on met 0.5 % - vous perdrez 1,1 mais ce n'est pas grave car vous avez gagné 1% - et puis nous allons continuer sur les deux années suivantes." Je vais vous faire remarquer quelque chose : deux plus un plus deux, cela fait cinq ans, c'est la mandature. Cela veut dire que M. Sapin est en train de proposer aux organisations syndicales de juger à la fin de la mandature si les socialistes auront bien payé leurs fonctionnaires ou pas. Il est en train de politiser le mouvement syndical. C'est une erreur fondamentale. J'aurais mieux aimé que M. Sapin discute année par année. Je vais vous expliquer pourquoi nous ne tenons pas aux accords pluriannuels : pour la bonne et simple raison qu'il y a toujours une année blanche dans les accords pluriannuels. Mais nous savons aussi que lorsqu'on fait une augmentation de salaires importante chez les fonctionnaires, cela à un effet report très lourd sur le budget, en fonction de quoi le ministre des Finances immédiatement coupe les effectifs l'année suivante."
La grève le 30, c'est pour quoi faire ?
- "Pour essayer d'obtenir une augmentation pour l'année 2000. Nous réclamions les négociations depuis le début de l'année 2000. Il les a reportées en septembre, puis en fin d'année, puis en début d'année 2001 : il est encore temps de faire un complément. Il faut faire une augmentation. C'est relativement simple - tout le monde a compris - : 0,5 % , 1,6 % et 1,1 % d'augmentation et vous verrez qu'il y aura un accord. J'insiste sur le fait de voir toujours année par année."
Vous êtes toujours pareil.
- "Pourquoi voulez-vous que je change ?"
Vous ne dites jamais merci pour l'année d'avant et le jour où ...
- "Alors on ne dit pas qu'il y a eu une amélioration du pouvoir d'achat ! On dit qu'on maintient le pouvoir d'achat des fonctionnaires !"
C'est ce qu'il a dit.
- "Justement, moi, je réclame l'amélioration du pouvoir d'achat. Pourquoi voulez-vous qu'on n'augmente pas les fonctionnaires dans la limite où M. Fabius a fait de la redistribution fiscale et dont on me dit, j'ai vu cela l'autre jour, qu'il y aurait environ 45 à 47 milliards d'excédents parce que l'année a été une année très favorable ? Pardonnez-moi, mais un point d'augmentation des fonctionnaires coûte 6,5 milliards. Il peut très bien faire le point en question : il a 47 milliards. Qu'est-ce qu'il va en faire ? Encore du crédit d'impôt ?"
Le 25, par contre, ce sera une journée intersyndicale contre la décision du Medef de ne plus abonder un fonds pour les retraites complémentaires et demander l'augmentation de la durée des cotisations ?
- "Qu'est-ce que c'est cette présentation ? Abonder un fonds ? C'est beaucoup plus grave que cela ! Nous avons vu, quand la retraite à 60 ans a eu lieu sous le Gouvernement Mauroy - c'est peut-être un peu technique mais je vais essayer de simplifier au maximum -, que le Gouvernement a décidé que le régime de base, celui de la Sécurité sociale, faisait que la retraite pouvait être prise à 60 ans avec une retraite complète. Il a fallu adapter la retraite complémentaire, le régime paritaire. Pour financer le surcoût entre 60 et 65 ans, on a levé une cotisation de 2 %. Ce sont ces 2 % - cela s'appelle l'ASF - qui financent le fait que lorsque vous partez à 60 ans, vous avez une retraite comparable à celle que vous auriez eu à 65. C'est ce que les patrons, vendredi soir, ont décidé de ne plus mettre en recouvrement. Ils ont négocié cela avec nous. En 1996, ils se sont même engagés à ce que le système soit maintenu,contre vents et marées. Sinon les gens ne veulent pas partir, c'est tout à fait normal. Moralité, d'un seul coup, ils décident : "on est 50/50." Les syndicats étaient contre, ils étaient pour, le président dit : "on fait." Pardonnez-moi mais c'est un coup de force sans nom ! Ce n'est pas refuser d'abonder : c'est ne pas tenir ses engagements, ne pas tenir son crédit. Jamais le patronat ne s'est comporté comme cela dans ce pays. C'est clair, il ne se désengage même pas, c'est pire que cela : il oublie. C'est incohérent : on signe dans la banque, dans la métallurgie, dans la chimie, des départs anticipés c'est-à-dire la possibilité pour ceux qui ont 58 ou 57 voire 59 ans de partir par anticipation, sous condition qu'ils aient la retraite à 60 ans. Vous vous rendez compte ce contrat de dupes : pendant que leurs branches professionnelles discutent, pendant que leurs branches professionnelles mettent debout ce genre de choses, les patrons - qui sont assez satisfaits que les pyramides d'âges s'allègent - nous cassent le truc. C'est honteux !"
Vous êtes un homme des négociations et des compromis mais est-ce que vous direz toujours "non" à tout report de la retraite à 60 ans ? Les gens sont inquiets : est-ce qu'on pourra payer les retraites ?
- "D'abord, je constate que beaucoup de personnes veulent partir et qu'il y a encore un problème d'âge à l'heure actuelle dans ce pays. 2 150 000 chômeurs revendiqués dans les statistiques et grosso modo avec le RMI et les chômeurs invisibles, il y a 4 millions de chômeurs dans ce pays. En ce moment, il vaut encore mieux la retraite à 60 ans. Je ne suis pas fou, je ne vis pas sur un autre astre. Quand on commence à travailler à 25 ans et qu'on rajoute 37 ans et demi de cotisations, cela fait 62 ans et demi. Donc, la retraite à 60 ans, par la force des choses, sera fongible puisque maintenant on commence à travailler plus tard. Ce n'est pas cela le problème. D'ailleurs, ce que les patrons nous proposent, c'est d'allonger la durée des cotisations, mais de l'allonger en 2007, c'est-à-dire qu'en fait ils veulent pour l'instant que cela ne coûte pas plus cher. Je ne veux pas qu'on ferme cette porte. Si on veut discuter une augmentation des cotisations, on discutera une augmentation des cotisations."
Qu'est-ce que vous allez faire le 25 ? Bloquer les entreprises ?
- "C'est la formule qu'a pris un journal pour présenter les choses."
C'est vrai ou non ?
"Si les grèves marchent dans les transports comme je l'espère, on va avoir un petit goût de 1995. En définitive, dans le privé, il va y avoir des cessation de travail - il y a bien longtemps que cela n'a pas eu lieu. Si les transports suivent, il est fort probable qu'il y a des entreprises qui décideront elles-mêmes de fermer. C'est la conséquence du comportement du Medef."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 22 janvier 2001)