Interview de Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à BFM TV / RMC le 23 février 2015, sur les retombées attendues du projet de loi de transition énergétique en termes d'emploi, la protection des populations contre les risques d'inondations et de submersion et l'avenir de la filière nucléaire.

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Média : BFM TV - Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Ségolène ROYAL.
SEGOLENE ROYAL
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être avec nous. Vous êtes ministre de l'Ecologie, du développement durable et de l'énergie. On va parler de votre loi sur la transition énergétique qui arrive pour un débat et un vote solennel la semaine prochaine à l'Assemblée nationale. On va parler des grandes marées. Vous étiez hier au pied du Mont-Saint-Michel face à de très grandes vagues, mais on ne vous a pas entendue cette semaine. Est-ce que vous, vous auriez utilisé le 49-3 ?
SEGOLENE ROYAL
D'abord, on ne m'a pas entendue parce que j'étais quasiment nuit et jour au Sénat pour débattre et faire voter la loi de transition énergétique.
APOLLINE DE MALHERBE
Je ne sous-entendais pas que vous ne travailliez pas, évidemment.
SEGOLENE ROYAL
J'explique pour ceux qui nous écoutent et nous entendent.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous l'auriez utilisé ?
SEGOLENE ROYAL
Ecoutez, les choses sont assez simples. Est-ce qu'il faut aller de l'avant ou est-ce qu'il faut faire du sur-place ? Aujourd'hui, je ne veux pas retomber dans la polémique. Il faut avancer. On est en début de semaine, maintenant on avance. Il est important d'essayer des solutions nouvelles pour lutter contre le chômage. Je crois que c'est l'objectif du gouvernement, c'est assez simple. En même temps, il faut de la détermination.
APOLLINE DE MALHERBE
Ne pas dire « on a tout essayé ».
SEGOLENE ROYAL
Non, non. Quel est le critère ? C'est de savoir si c'est bon pour l'emploi ou pas. Maintenant, si un certain nombre d'élus sont inquiets légitimement – je ne veux pas opposer les uns aux autres – il y a toujours des façons de réformer en suivant les choses, en les réactualisant, en les réajustant. Là, essayons d'avancer – ça doit encore être voté au Sénat - d'appliquer ce qui a été fait. Est-ce que le travail du dimanche crée ou non des emplois ? C'est la seule question.
APOLLINE DE MALHERBE
Et d'après vous ?
SEGOLENE ROYAL
Ecoutez, regardons. Moi je pense que oui. Je pense que oui, notamment dans les zones touristiques. Si vous allez dans tous les pays du monde, les quartiers touristiques sont ouverts, il y a des millions de touristes, c'est une industrie très importante. Pour la France, le tourisme c'est une industrie créatrice d'activité et d'emploi.
APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous entendez quelqu'un comme Martine AUBRY, qui a quand même été Première secrétaire du Parti socialiste, qui dit en fait : « les débats auraient dû continuer. On aurait pu trouver des solutions », qui elle-même avait appelé ses troupes à s'abstenir sur une loi qui était considérée comme une loi majeure, vous vous dites qu'il y a quand même des failles, des difficultés qu'il va falloir résoudre au sein du Parti socialiste ?
SEGOLENE ROYAL
Ecoutez, moi je ne veux pas rentrer dans ces polémiques. Les choses sont faites, elles sont votées. Enfin, elles sont en cours d'être votées, donc avançons, agissons avec détermination et en obtenant des résultats.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais quand je regarde vous justement, cette fameuse loi sur la transition énergétique, elle n'a pas eu besoin du 49-3, loin de là puisque vous avez réuni une majorité très large. Est-ce qu'il y a donc quand même une question de méthode à un moment ou à un autre ? Pourquoi est-ce que votre loi à vous, vous arrivez à la faire voter y compris par les Verts, par une majorité très large, et pourquoi cette fois-ci ça ne passe pas ?
SEGOLENE ROYAL
Je ne veux pas me poser en donnant des leçons. Ce qui est très important, c'est ce que vous venez de dire. C'est-à-dire voilà une loi de transition énergétique qui a pour vocation de créer cent mille emplois. C'est mon objectif prioritaire d'une part, et d'autre part c'est d'inventer demain avec des nouvelles entreprises, de faire en sorte que…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais c'est les mêmes mots qu'Emmanuel MACRON. Il dit aussi qu'il veut créer des emplois et inventer demain.
SEGOLENE ROYAL
Oui, mais nous ne nous opposons pas les uns aux autres. Vous savez, un gouvernement marche bien si chacun est à sa tâche, travaille dans son champ de responsabilité.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est le cas ?
SEGOLENE ROYAL
Et c'est le cas. Et de se soutenir, de s'encourager les uns les autres. D'ailleurs dans la loi d'Emmanuel MACRON, il y a une partie de simplification administrative concernant l'environnement, le permis unique que j'ai d'ailleurs crée aussi dans la loi de transition énergétique. Je l'ai donc soutenu pour qu'il ait ce volet-là dans sa loi. En ce qui me concerne, sur la loi de transition énergétique, ce que je veux c'est qu'aujourd'hui les industriels, les entreprises dans le métier du bâtiment, dans le métier des énergies renouvelables, dans le métier du traitement des déchets aient des règles claires pour créer des activités et des emplois.
APOLLINE DE MALHERBE
Je vous entends parfaitement et on va en parler justement de cette loi, mais simplement quand même vous dites : « Ça ne fonctionne qui si on est unis ». Quand vous entendez quelqu'un comme Benoît HAMON, qui était ministre justement, important dans le gouvernement, qui était ministre de l'Education, à qui on a donné un énorme job, et qui quelques mois à peine plus tard dit : « J'aurais voté contre », est-ce qu'il a encore sa place au Parti socialiste ?
SEGOLENE ROYAL
Je ne suis pas pour faire des polémiques. Chacun a la légitimité de la parole politique.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais on ne peut pas toujours mettre un couvercle parce que finalement, ça finit toujours par revenir, comme ça a été le cas dans le 49-3.
SEGOLENE ROYAL
Ce qu'il faut c'est construire, c'est construire. Par exemple, demain j'annonce en prolongation de ma loi de transition énergétique la création de cinq mille places de service civique pour les jeunes. Nous allons les présenter avec Patrick KANNER. Cinq mille dans l'environnement, dans le domaine de l'environnement. C'est ça qui est important, c'est de continuer à avancer et à agir. Puisque vous me donnez l'occasion de parler…
APOLLINE DE MALHERBE
Et donc les autres, vous les laissez sur les côtés et vous foncez.
SEGOLENE ROYAL
Je fais mon travail et j'avance.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous dites il y en a qui foncent et les autres, tant pis pour eux.
SEGOLENE ROYAL
Pas du tout. Mais pourquoi toujours être en opposition, en comparaison ?
APOLLINE DE MALHERBE
Parce qu'il y en a qui ne vous soutiennent pas, de fait qui ne soutiennent pas en tout cas les lois du gouvernement.
SEGOLENE ROYAL
Mais si elles marchent, ils vont les soutenir.
APOLLINE DE MALHERBE
Ils finiront par les soutenir ?
SEGOLENE ROYAL
Je pense, oui. Mais parlons aussi de ce que les Français peuvent faire pour eux-mêmes. Je voudrais dire une chose, parce que vous me donnez la parole.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous parliez à l'instant du service civique.
SEGOLENE ROYAL
Je parlais du service civique. Ça va donner du travail à cinq mille jeunes. Je parle des travaux d'isolation. Je veux absolument que les Français sachent quels sont leurs droits aujourd'hui, ce que la loi de transition énergétique leur a donné, le crédit d'impôt. Il faut qu'ils s'en saisissent parce que grâce aux Français qui font des travaux, qui vont bénéficier de trente pourcent du remboursement du coût de ces travaux grâce au crédit d'impôt, ils peuvent donner du travail aux artisans du bâtiment. Le gouvernement fait son travail mais il y a trois autres secteurs de la société qui doivent se mettre en mouvement, qui se mettent d'ailleurs en mouvement. Ce sont les territoires qui sont engagés dans la transition énergétique avec les territoires à énergie positive auxquels je viens de donner la possibilité d'avancer. Suite à l'appel à projet, j'ai désigné plus de deux cents territoires à énergie positive qui font des choses formidables, qui créent des activités et des emplois dans le domaine de l'énergie, les citoyens qui peuvent faire des travaux d'économie d'énergie, profiter du crédit d'impôt, profiter des prêts à taux zéro, les entreprises qui bénéficient des prêts.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous appelez chacun à sa responsabilité.
SEGOLENE ROYAL
Mais bien sûr. C'est ça qui est formidable. C'est qu'avec cette transition énergétique, avec ces nouveaux moyens d'agir, chacun peut contribuer au relèvement de notre pays. C'est ça qui est formidable, c'est ça la politique.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous étiez hier, et on l'a évoqué, au Mont-Saint-Michel, notamment pour évoquer les grandes marées. Sur les inondations, vous avez dit : « Tout le long du littoral, nous devons rester vigilants avant la grande marée du siècle » qui sera donc le 21 mars prochain sans doute, pour éviter les inondations. Est-ce qu'aujourd'hui le littoral est protégé ?
SEGOLENE ROYAL
Le littoral est de mieux en mieux protégé. J'ai lancé d'ailleurs la stratégie nationale de prévention des inondations. Vous savez, je suis élue de Poitou-Charentes, on a subi la tempête Xynthia avec des victimes.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce sera il y a cinq ans dans quelques jours.
SEGOLENE ROYAL
Exactement. Aujourd'hui étant en charge de l'environnement et de la prévention des inondations, c'est-à-dire de la politique de l'eau en général, j'ai mobilisé l'ensemble des préfets pour qu'ils soient vigilants et qu'il y ait des alertes. Par exemple au moment de Xynthia, je me suis rendue compte qu'il n'y avait plus de sirène dans les communes.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous les avez remises ?
SEGOLENE ROYAL
Oui. J'ai demandé à tous les maires de vérifier que les sirènes sont en place.
APOLLINE DE MALHERBE
Elles sont actives aujourd'hui ?
SEGOLENE ROYAL
Oui. S'il n'y a plus de sirène, il y a les cloches des églises qui peuvent sonner. C'est-à-dire que quand le drame arrive la nuit, il faut pouvoir alerter. Il faut aussi que chacun – j'ai mis au point un kit, un kit de survie.
APOLLINE DE MALHERBE
Pour (inaudible)…
SEGOLENE ROYAL
Non, pour les gens chez eux. Ils doivent toujours avoir dans une boîte hermétique une lampe de poche, le double des clefs de leur domicile, des petites portions alimentaires, de l'eau, savoir où se trouve cette boîte pour que si l'électricité est coupée et si l'eau montait chez eux, ils puissent avoir tout de suite de quoi survivre.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que vous pouvez nous dire aujourd'hui qu'un drame comme Xynthia n'arrivera plus ?
SEGOLENE ROYAL
Non, je ne peux pas vous dire cela. Pourquoi ? Parce que c'est la conjonction entre la marée haute, entre la houle, entre le vent – un vent très fort qui se déclenche à ce moment-là. Or, comme la météo n'est prévisible qu'à trois jours, il peut très bien y avoir à nouveau des tempêtes et des phénomènes atmosphériques.
APOLLINE DE MALHERBE
Des tempêtes oui, mais des conséquences avec tant de morts ?
SEGOLENE ROYAL
Ecoutez, on fait tout pour – justement pour la première fois, il y a une prévention ; pour la première fois j'ai mobilisé les préfets ; pour la première fois j'ai mis en place une cartographie, parce qu'avant c'était un peu caché les zones inondables. Pourquoi ? Parce qu'il ne fallait pas dévaloriser les terrains, et cætera, et aujourd'hui je me réjouis de voir que de plus en plus, les élus des territoires sont très responsables et aucun n'a résisté à ma volonté de rendre publique la carte des zones inondables. Cette carte des zones inondables, elle est sur le site Internet du ministère. Tous les citoyens ont le droit de savoir s'ils sont en zone inondable. Ils peuvent aller sur le site du ministère regarder cette carte, prendre leurs précautions et j'ai demandé aux préfets qu'ils mobilisent les maires pour faire des répétitions éventuellement d'alertes, pour que chacun… Vous savez, il y beaucoup de pays qui vivent dans des zones inondables et qui, depuis très longtemps, ont accoutumé les citoyens à cette prise en charge.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est ça qui a manqué en France.
SEGOLENE ROYAL
Par exemple dans les Outremer, puisqu'il y a des cyclones dans les Outremer. Les Outremer sont très organisés dans les mécanismes de crise, de déclenchement de crise.
APOLLINE DE MALHERBE
Et donc maintenant, ça arrive sur le territoire de métropole.
SEGOLENE ROYAL
Voilà. Et avec le réchauffement climatique et avec la montée du niveau de la mer, il faut en effet de plus en plus se prémunir et être informé, être des citoyens informés et responsables de ce qui arrive. Et en même temps, puisqu'il y a des zones de plus en plus inondables, il faut apprendre aussi à aménager et à construire dans des zones…
APOLLINE DE MALHERBE
Et éventuellement à faire reculer les zones habitables.
SEGOLENE ROYAL
Oui parce que c'est insupportable. Ceux qui sont par exemple, qui ont leur habitation inondée tous les ans, c'est intolérable, c'est insupportable.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, sauf que vous comprenez bien qu'eux n'ont pas envie de lâcher leur habitation s'ils y sont déjà. Est-ce que l'Etat peut les aider à ça ? Est-ce qu'il peut les inciter même financièrement ?
SEGOLENE ROYAL
Oui, bien sûr. Bien sûr. Ce que j'ai lancé, c'est un concours international d'architecture pour voir comment est-ce qu'on pourrait neutraliser les rez-de-chaussée et donner aux gens la possibilité dérogatoire de construire un étage supplémentaire comme dans beaucoup de pays, de ne pas habiter au rez-de-chaussée, de remonter tout et d'avoir le droit de construire un étage supplémentaire par exemple.
APOLLINE DE MALHERBE
On va évoquer votre loi sur la transition énergétique. Elle arrive donc le 3 mars pour le vote final et solennel, sauf qu'entre temps elle est passée au Sénat et elle a été édulcorée. Au départ, ce qui avait été voté à l'Assemblée nationale, c'était l'idée notamment face au nucléaire de réduire de 75 à 50 % la part du nucléaire dans la production d'énergie d'ici à 2025. Sauf que depuis, l'échéance 2025 a été purement et simplement effacée de la loi. Il n'y a plus de deadline en quelque sorte. Du coup, ça veut dire qu'on n'y croit plus vraiment.
SEGOLENE ROYAL
Deux choses. D'abord, je ne veux pas réduire la loi à la question du nucléaire. C'est beaucoup plus que cela la loi de transition énergétique.
APOLLINE DE MALHERBE
La deadline, c'était un point symbolique.
SEGOLENE ROYAL
C'est très important pour ceux qui nous écoutent. C'est très important. Bien sûr c'est symbolique, mais je ne veux pas réduire la loi à cette question du nucléaire. Pourquoi ? Parce que dans la loi, il y a tout le chapitre sur la rénovation énergétique des bâtiments et c'est d'abord cela. L'énergie la moins cher, c'est celle qu'on ne consomme pas. Ensuite, il y a tout le chapitre sur la montée en puissance des énergies renouvelables. Ensuite, il y a tout le chapitre sur ce qu'on appelle l'économie circulaire, c'est-à-dire comment est-ce que les déchets des uns deviennent les matières premières des autres.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais ça n'efface pas cette question-là. Ça devient d'autant plus symbolique s'il n'y a pas de deadline, s'il n'y a pas d'objectif daté.
SEGOLENE ROYAL
Oui, mais je ne laisserai pas les gens qui sont sur des postures idéologiques réduire ma loi de transition énergétique parce que ça ne serait pas conforme à l'intérêt général, réduire la loi de transition énergétique à cette question-là.
APOLLINE DE MALHERBE
Sur le nucléaire.
SEGOLENE ROYAL
Il est vrai que le Sénat a changé mais c'est son droit. Le Sénat d'ailleurs sur les autres sujets a fait un excellent travail, droite gauche confondus, centre, communistes, écologistes, UDI.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais là-dessus, vous le regrettez ?
SEGOLENE ROYAL
Ils ont fait un excellent travail. On a passé des heures et des heures à discuter, à enrichir le texte, et vraiment ce qui faisait plaisir…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est le nouveau leitmotiv, de passer des heures et des heures à débattre. On l'a beaucoup entendu sur la loi Macron et c'est effectivement ce qu'on entend sur votre loi.
SEGOLENE ROYAL
Oui, avec un vrai débouché. C'est ça qui est intéressant. C'est-à-dire que j'ai voulu construire cette loi, pourquoi ? Parce que je pense que lorsque d'abord on a la chance de définir le modèle énergétique de la France à l'horizon 2030, à l'horizon 2050 – vous savez, on dit souvent que les…
APOLLINE DE MALHERBE
Ségolène ROYAL, j'entends bien mais vous ne me répondez pas sur le nucléaire.
SEGOLENE ROYAL
Attendez, une seconde. Je vous réponds sur ce qui compte en politique et pas forcément sur la petite polémique.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce n'est pas une polémique. C'est de savoir si oui ou non en 2025 il y aura 50 % de nucléaire.
SEGOLENE ROYAL
Je vais y revenir mais je terminerai ce que j'ai à dire. C'est qu'on reproche souvent aux politiques d'avoir le seul horizon des prochaines échéances électorales. Voyez, pour la première fois il y a une loi qui s'intéresse à ce qui va se passer pour les générations futures en 2030 et 2050. Compte tenu de cette conscience, de cette prise de responsabilité-là les élus, toutes tendances politiques confondues, ont été conscients de cette importance et ont tout fait pour améliorer le texte. C'est vrai que sur le nucléaire – j'y viens, ne vous inquiétez pas…
APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais c'est important malgré tout, c'était un point – vous le savez bien, notamment, vis-à-vis effectivement d'Europe Ecologie-Les Verts…
SEGOLENE ROYAL
Oui, non, vous savez, le fond de ma pensée, c'est que le reste qui est le plus important, et que personne ne prendra en otage la loi de transition énergétique sur des polémiques concernant le nucléaire…
APOLLINE DE MALHERBE
Finalement, la question, du nucléaire, c'est une question qui n'est pas si centrale pour vous ?
SEGOLENE ROYAL
Elle fait partie du tout, pourquoi ? Parce que si l'on baisse la part du nucléaire, ce qui a été voté au Sénat, contrairement à ce qui a été dit…
APOLLINE DE MALHERBE
Non, ça a été voté, mais simplement, il n'y a plus de deadline…
SEGOLENE ROYAL
Mais c'est déjà considérable, attendez…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça vous suffit ?
SEGOLENE ROYAL
Je dis que c'est déjà… je regarde les choses positives, moi, je ne rentre pas dans les polémiques, je regarde les choses positives…
APOLLINE DE MALHERBE
Non, non, je vois bien, depuis le début de cette interview, vous voulez toujours positiver…
SEGOLENE ROYAL
Mais oui parce que je construis, qu'est ce qui a été voté au Sénat ?
APOLLINE DE MALHERBE
Mais il y a un moment où il ne faut pas non plus effacer les problèmes, Ségolène ROYAL…
SEGOLENE ROYAL
Non, mais si vous m'interrompez à chaque seconde, ne cherchez pas toujours la petite bête, vous ne l'aurez pas. Donc laissez-moi dérouler mon raisonnement…
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, répondez-moi sur le nucléaire, quand on est-ce qu'on passera aux 50% de part du nucléaire ?
SEGOLENE ROYAL
La réponse est la suivante : premièrement, ce qui a été voté et ce qui est considérable, c'est la diminution de la part du nucléaire, c'était l'engagement présidentiel, c'était l'engagement qui avait été pris, c'est le mix énergétique, c'est-à-dire le passage de 75% de la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50%, pourquoi ? Parce qu'il faut monter en puissance sur les énergies renouvelables, il faut monter en puissance sur les économies d'énergie, et il faut continuer à investir dans le nucléaire, moi, je ne suis pas pour la sortie du nucléaire, je suis pour la consolidation du nucléaire, la diminution de sa part, et l'investissement dans la quatrième génération des nouvelles centrales, qui vont consommer beaucoup moins de combustibles et qui vont recycler les déchets nucléaires, voilà le panorama qui est très important…
APOLLINE DE MALHERBE
Quand ?
SEGOLENE ROYAL
A être stabilisé parce qu'il faut que les entreprises industrielles aient un cadre clair pour faire des investissements et pour créer des emplois.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais un cadre clair, ça veut dire aussi une date.
SEGOLENE ROYAL
Alors la date, pour l'instant, la date, en effet, n'est plus précise, et c'était la date à l'horizon 2025. Mais d'une certaine façon, elle se trouve quand même dans cette loi, puisque ce qui a été voté également, c'est la part de 40% d'énergies renouvelables dans l'électricité, à l'horizon 2030, en 2030 ; vous voyez qu'on n'en est pas loin. Donc arrêtons de polémiquer, entre l'horizon 2025 où 40%... attendez, où 40% d'énergies renouvelables en 2030, on n'est pas loin du mécanisme…
APOLLINE DE MALHERBE
Ségolène ROYAL…
SEGOLENE ROYAL
Et comme de toute façon, tous les trois ans, tous les cinq ans, et pour la première fois, pour la première période de trois ans, il y aura ce qu'on appelle la programmation pluriannuelle de l'énergie…
APOLLINE DE MALHERBE
On pourra y repenser à ce moment-là…
SEGOLENE ROYAL
Mais bien sûr…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est le salon de l'agriculture qui a ouvert ses portes ce week-end, le Premier ministre y est en ce moment même, l'écologie positive, dont vous parlez souvent, comment est-ce qu'elle s'applique aux agriculteurs ?
SEGOLENE ROYAL
C'est un très grand sujet la question de l'écologie et de l'agriculture, pourquoi ? Parce que, à la fois, les agriculteurs sont victimes du réchauffement climatique et des différentes pollutions, regardez la sécheresse par exemple, en même temps, ils sont responsables, l'agriculture, en tant que telle, est responsable d'un certain nombre d'émanations, le carbone, le méthane, l'oxyde d'azote, à peu près 20% du réchauffement climatique est dû aux activités agricoles, et en même temps, c'est l'agriculture qui peut apporter des solutions, c'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait une modification des méthodes agricoles…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous appelez les agriculteurs à changer leurs méthodes…
SEGOLENE ROYAL
Ah bien sûr, mais dans leur propre intérêt, bien évidemment, et parce qu'on en a collectivement besoin…
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a urgence ?
SEGOLENE ROYAL
Par exemple, les plantations d'arbres, la biomasse qui produit de l'énergie ou les méthaniseurs, et j'ai lancé un appel à projets pour 1.500 méthaniseurs dans la loi de transition énergétique, j'ai simplifié les procédures dans la loi de transition énergétique pour permettre aux agriculteurs de construire plus rapidement leur méthaniseur, c'est-à-dire leur transformation en énergie des déchets agricoles et des lisiers. Donc d'un coup, on empêche la pollution et on transforme cette pollution en énergie, donc vous voyez qu'il y a des solutions formidables, de même pour les fertilisants chimiques qui sont à l'origine de l'oxyde d'azote, et c'est ça qui est dramatique pour le dérèglement climatique…
APOLLINE DE MALHERBE
Et justement, Bruxelles vous condamne, Bruxelles condamne la France…
SEGOLENE ROYAL
Il y a d'autres solutions…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous vous retrouvez presque entre Bruxelles d'un côté…
SEGOLENE ROYAL
« Condamne la France », c'est-à-dire ?
APOLLINE DE MALHERBE
Bruxelles a condamné la France à deux reprises sur le fait qu'on ne respectait pas les règlementations sur le nitrate par exemple, vous êtes presque prise entre deux feux…
SEGOLENE ROYAL
Oui, bien sûr…
APOLLINE DE MALHERBE
Entre d'un côté les exigences de Bruxelles et de l'écologie, et puis, de l'autre côté, les agriculteurs.
SEGOLENE ROYAL
Oui, bien sûr. Mais on agit, on agit, et Stéphane LE FOLL aussi est sur cette ligne…
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous leur direz demain puisque vous serez sur place, au salon de l'agriculture demain…
SEGOLENE ROYAL
Et comme je suis responsable de la politique de l'eau, j'ai regardé commune par commune la question du classement des zones dans les nitrates, parce que, effectivement, j'ai pu réduire de plus de 30% la zone de nitrates, en accord avec les agriculteurs, à condition qu'ils fassent les investissements nécessaires, en les aidant à faire ces investissements grâce aux agences de l'eau. Donc l'idée…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous les accompagnez là-dedans, ils ne sont pas…
SEGOLENE ROYAL
Et puis, vous savez, les agriculteurs, d'abord, ils siègent au Conseil national de la transition écologique, ils sont très positifs, très responsables, ils savent qu'en réduisant les pollutions, c'est d'abord eux-mêmes qu'ils protègent et leurs enfants. Parce que quand les enfants sont exposés par exemple aux pesticides, et j'ai interdit – vous le savez – l'épandage aérien des pesticides, c'était juste une horreur, ils savent qu'ils sont les premières victimes, quand on regarde les profils de cancers chez les agriculteurs ou chez les viticulteurs…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, ils sont victimes et responsables…
SEGOLENE ROYAL
Mais bien sûr, et donc…
APOLLINE DE MALHERBE
Et finalement, victimes d'abord…
SEGOLENE ROYAL
Et donc ils sont citoyens, ils sont responsables, et je ne veux pas qu'on fasse peser sur eux une espèce de culpabilité…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais en même temps, vous les invitez quand même à se saisir de cette question…
SEGOLENE ROYAL
Bien sûr.
APOLLINE DE MALHERBE
Quatre millions d'euros de bienvenue pour le nouveau patron de SANOFI, quatre millions d'euros de bienvenue pour son nouveau job, est-ce que vous trouvez ça normal ?
SEGOLENE ROYAL
Non, je ne trouve pas ça normal du tout. Et vous voyez, en apprenant cette nouvelle, je venais juste de recevoir les ouvriers de l'abattoir, là, près du Mont-Saint-Michel…
APOLLINE DE MALHERBE
D'AIM, que vous avez vus hier…
SEGOLENE ROYAL
D'AIM, qui étaient vraiment désespérés, humiliés, méprisés, qui n'avaient eu aucune information sur ce qu'ils allaient devenir, des métiers pourtant très durs, des métiers très faiblement payés, il n'y avait même pas eu le respect de les réunir pour leur expliquer ce qui allait se passer, pour pouvoir rechercher des repreneurs, j'ai dit à la préfète d'organiser d'ailleurs une table ronde cette semaine, de recevoir tous les ouvriers, de leur expliquer, de les respecter, et de leur expliquer qu'est-ce qui se passait, pourquoi est-ce que jeudi dernier, on leur dit de rester chez eux, sans aucune explication, c'est inadmissible…
APOLLINE DE MALHERBE
Il y aura cette réunion cette semaine…
SEGOLENE ROYAL
Inadmissible de traiter les ouvriers de cette façon-là, et en revenant ici, qu'est-ce que j'apprends ? Un bonus de quatre millions d'euros pour un patron qui arrive à la tête d'ailleurs d'une entreprise pharmaceutique, je rappelle quand même que les médicaments sont remboursés par les Français, donc c'est finalement tous les Français qui paient la Sécurité sociale, d'une part, et qui rembourse les médicaments, qui vont payer les primes de bienvenue à un patron de SANOFI…
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que ça veut dire que par exemple l'Etat pourrait imaginer d'utiliser ce levier, le levier du remboursement des médicaments, pour en quelque sorte mettre la pression à SANOFI ?
SEGOLENE ROYAL
Il faut en tout cas un peu de décence, notamment de la part des laboratoires pharmaceutiques, qui, je le répète, vivent de la Sécurité sociale, donc des cotisations sur les salaires.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous invitez éventuellement la ministre de la Santé à se saisir aussi de ce levier qu'elle a du remboursement des médicaments ?
SEGOLENE ROYAL
Je n'ai pas de leçon à donner ou de conseil à donner, il faut regarder ce qui est possible aussi en droit, mais ce qu'il faudrait quand même, c'est un peu d'autodiscipline dans la décence des comportements…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais on voit que l'autodiscipline ne suffit pas, est-ce que, à un moment, il va falloir…
SEGOLENE ROYAL
Eh bien, il faudrait que ça marche, mais le fait même d'en parler, je pense, peut aider à l'autodiscipline.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous espérez qu'il va peut-être renoncer à ces quatre millions d'euros, le…
SEGOLENE ROYAL
Eh bien, j'espère, ça serait un minimum.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Ségolène ROYAL d'avoir été avec nous ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 février 2015