Interview de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à France-Info le 29 avril 2015, sur les secteurs en difficulté (Norbert Dentressangle) et le plan gouvernemental pour l'alternance et l'apprentissage.

Prononcé le

Média : France Info

Texte intégral


RAPHAËLLE DUCHEMIN
Votre invité ce matin Jean-François ACHILLI est donc ministre du Travail et de l'Emploi.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Bonjour François REBSAMEN.
FRANÇOIS REBSAMEN
Bonjour Jean-François ACHILLI.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous venez de l'entendre encore une entreprise française absorbée par un concurrent étranger, je ne sais pas si on va parler de patriotisme économique, ce transporteur routier Norbert DENTRESSANGLE, on voit ses camions sur les routes, qui passe sous le contrôle XPO. Alors il est question de maintenir les 42.000 emplois, c'est ce que dit le géant américain, pendant 18 mois - ah bon - et on a envie de dire : et le 19ème, qu'est-ce qui peut se passer ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Vous savez c'est un secteur qui est en mutation profonde, il y a eu en la matière des rachats et des actionnaires – je pense à AMAURY GLOBAL et AMAURY DUCROS qui n'ont pas fait leur travail – et donc là il s'agit d'un rachat, on surveille bien évidemment cela, c'est un engagement sur 18 mois, on va voir comment les choses vont évoluer, mais c'est un engagement ferme et je le prends comme un engagement, donc il faut aussi se féliciter que derrière le rachat il puisse y avoir une annonce d'un maintien de l'ensemble des emplois pour 18 mois – et j'espère plus – et on verra cela d'ailleurs.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Ah ! Parce que vous êtes monté, quand je dis vous c'est jusqu'à l'Elysée, au créneau pour ALSTOM, pour ALCATEL Lucent, là dans ce type de situation vous chercherez aussi à obtenir d'autres garanties ou on verra bien ce qu'on verra ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Ah ! Non, non, on ne laisse pas les choses aller comme ça, on surveille les secteurs des entreprises de cette importance. Quand il s'agit des secteurs strictement industriels, où il peut y avoir des synergies à créer entre différentes entreprises, c'était étudié précisément – et l'Etat en est des fois d'ailleurs actionnaire – tandis que là c'est un rachat pur et simple et donc à suivre, et au Ministère de l'Emploi, au Ministère de l'Economie bien sûr on va suivre ce dossier.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Il y a ce dilemme ce matin pour le président de la République, François HOLLANDE qui réunit son conseil de Défense, faut-il réduire le budget de l'armée comme le réclame Bercy ou bien maintenir les objectifs de Défense pour répondre à la menace terroriste ? C'est SAPIN versus LE DRIAN, François REBSAMEN ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non ! Non, c'est la prise en compte d'abord, d'abord je le dis et en on verra quel est l'arbitrage qui sera rendu par le président de la République, mais c'est d'abord la sécurité de nos compatriotes, la sécurité des Français et puis Bercy est dans son rôle, les comptes doivent être tenus par ailleurs, mais je pense que c'est d'abord la sécurité des Français qui doit primer.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et ce sont des emplois aussi, il est question de 18.500 postes de militaires maintenus ou pas, ça compte ?
FRANÇOIS REBSAMEN
On verra ! Je ne vais pas me prononcer avant que le président de la République ait rendu son arbitrage.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Mais aujourd'hui les armées et pour les OPEX et pour le dispositif Sentinelle ont besoin de forces, de troupes, quand même ?
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est surtout depuis les attentats du mois de janvier et le dispositif qui a été mis en place en France de protection des lieux de culte par exemple et donc il y a là un effort particulier qui est fait par l'armée, qui par ailleurs intervient sur les fronts à l'étranger et dans les opérations extérieures et qui protège notre pays d'une certaine manière des attentats terroristes.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous venez de dire très aimablement que Bercy faisait son travail, vous avez reçu votre lettre de cadre vous, vous êtes épargné ou pas, parce qu'il faut faire des économies encore supplémentaires a dit VALLS ?
FRANÇOIS REBSAMEN
On gère le mieux possible et c'est ce que je crois les ministères s'emploient à faire, après il y a des discussions avec Bercy et c'est normal, ça a toujours existé.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Le Premier ministre veut 2 milliards 800 millions supplémentaires d'économies, vous êtes concerné, impacté, ou pas ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Les politiques de l'emploi que je mène ont été actées dans la loi de finance et ne sont pas impactées pour le moment.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
François REBSAMEN, vous avez fait preuve de… Allez ! On va dire de créativité pour tenter de nous faire avaler la pilule du chômage, vous avez vu un signe encourageant dans le record du mois de mars, la barre des 3,5 millions de demandeurs d'emploi franchie, pourquoi ne pas dire tout simplement : ce n'est pas bon, ça ne va pas ?
FRANÇOIS REBSAMEN
On peut toujours se complaire ! On peut toujours se complaire dans une sorte de défaitisme, de déclinisme, de pessimisme et faire ainsi – c'est le cas de ceux qui le font souvent…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
De réalisme !
FRANÇOIS REBSAMEN
Le lit de l'extrême droite, on peut toujours se complaire et, quand il y a échec, il faut le reconnaître. Moi je l'ai fait, j'ai fait publiquement une déclaration au mois de septembre où je disais : sur le front du chômage il y a un échec collectif des gouvernements qui se sont succédés, puisque je rappelle quand même 750.000 demandeurs d'emploi sous Nicolas SARKOZY et 550.000 depuis 2012, donc vous voyez j'ai reconnu les choses. Mais quand ça va mieux que l'année précédente, je le constate, c'est-à-dire que le premier trimestre 2015 – eh oui c'est comme ça – le premier trimestre 2015 marque une progression, une des plus faibles depuis quatre ans sur l'ensemble du trimestre, 3.000 d'emplois catégorie A par mois en moyenne, eh bien voilà c'est un constat que je fais. Ca ne veut pas dire que tout est réglé et que tout va bien, mais je ne vois pas pourquoi je serais dans un défaitisme qui n'a pas lieu d'être sur ce trimestre, c'est le constat que je fais.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Personne n'a de boule de cristal, ne faut-il pas oublier cette fameuse inversion de la courbe pour 2017, on n'en parle plus ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais non ! L'objectif de ce gouvernement, l'objectif qu'a fixé le président de la République, c'est de faire diminuer le nombre de chômeurs - et nous allons y arriver - c'est difficile, c'est long, la conjoncture économique bien sûr pèse, au bout du bout c'est la croissance, c'est les entreprises qui créent l'emploi, donc les choses vont mieux. J'ai dit que 2015 serait meilleure que 2014 et je suis sûr que 2015 sera meilleure que 2014, parce que le contexte économique est meilleur, on voit des clignotants qui s'allument, qui correspondent d'ailleurs – ça me permet de le dire - à ce que le président de la République au niveau européen souhaitait depuis longtemps : une politique d'investissement, mais ça ne repart pas encore avec assez de vigueur et donc vous avez vu le consensus des économistes dans les projections de croissance, ça serait au-dessus de 1,1 % en fin d'année, il faut tangenter (phon) 1,5 pour faire vraiment baisser le chômage.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
1,5 ! Et d'ailleurs FRANCE STRATEGIE table là-dessus jusqu'à 2022, c'est loin quand même ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non ! Non, ce n'est pas juste, cette analyse n'est pas juste, je me permets de le dire. FRANCE STRATEGIE a fait un travail formidable et, si vous le permettez en deux chiffres, vous savez chaque année arrive sur le marché de l'emploi à peu près – c'est une chance pour nous, on a une démographie qui est forte, ce n'est pas le cas de l'Allemagne – entre 750.000 et 780.000 personnes et il y a de plus en plus de départs en retraite, il y en avait 400.000 au début des années…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Eh bien oui ! Baby-boom.
FRANÇOIS REBSAMEN
Voilà ! Le baby-boom, et il y en a 600.000 presque aujourd'hui. Mais ce n'est pas mécanique, les 600.000 personnes qui partent à la retraite elles ne sont pas automatiquement remplacées, et le rôle du ministère c'est de les préparer ces personnes, ces postes, avec la formation afin qu'il y ait une adaptation, la meilleure possible, entre les postes qui sont libérés - des départs à la retraite – et les personnes qui arrivent sur le marché du travail.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Vous souhaitez que François HOLLANDE se représente en 2017, je vous pose la question cash parce qu'au fond on pense tous à ça, on l'a vu il est reparti en campagne sur le terrain, il retourne au contact avec les Français ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Personnellement bien sûr, je n'ai pas le moindre doute, d'abord parce qu'il a pris un engagement lié au chômage et donc ça voudrait dire : 1) que nous aurons réussi, je suis sûr que nous allons réussir ; et puis François HOLLANDE est un bon président de la République.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Parce que François REBSAMEN il y a un congrès du Parti socialiste qui arrive, vous êtes aussi membre toujours, vous avez votre carte, membre du PS…
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui ! Je suis même membre du bureau national du Parti socialiste, oui, oui.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Et donc ce qui sous-tend un peu ce congrès par de là la ligne idéologique, c'est un peu compliqué tout ça, c'est quand même l'histoire de la primaire ou pas la primaire, ça n'est pas anecdotique, est-ce qu'il faut une primaire au PS puisque l'UMP se fait fort d'organiser sa propre primaire pour 2017 ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui ! L'UMP qu'elle fasse une primaire, on en a fait pour désigner notre candidat, fort bien, quand on a un président de la République on lui demande d'abord s'il souhaite se représenter et, après, on examine la situation. Donc, il va se représenter, il faut qu'il se représente, parce qu'on aura réussi, parce que c'est un bon président, il n'y a pas besoin de primaire pour cela.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Mais pour ça il faut que le président sortant ait un bon bilan, François REBSAMEN vous évoquiez récemment les embauches, apparemment monsieur GATTAZ n'a toujours pas envie de vous faire plaisir et renâcle toujours à faire de l'embauche, il vous demande d'alléger, de simplifier le Code du travail, ce n'est pas le cas là ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais le problème avec Pierre GATTAZ c'est qu'il veut toujours quelque chose de plus et donc, à un moment, il faut s'arrêter et dire : Voilà ! Beaucoup de dispositifs ont été mis en place, le Pacte de responsabilité et de solidarité c'est 40 milliards d'euros qui sont reversés aux entreprises pour leur redonner des marges, on voit qu'elles ont des marges supplémentaires, maintenant le rôle de Pierre GATTAZ c'est comme le nôtre, c'est de dire aux entreprises : il faut y aller, il faut investir et il faut embaucher.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Un mot dans l'actualité ! La patronne de l'Ina, Agnès SAAL remerciée, poussée vers la sortie, démissionnée par votre collègue Fleur PELLERIN pour d'importantes factures de taxi, vous approuvez cette décision prise au niveau du gouvernement ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Je n'ai pas les éléments qui me permettent de porter un jugement ! Si elle a pris cette décision, Fleur PELLERIN, c'est qu'elle considérait que le comportement de cette personne – que je ne connais pas – n'était pas exemplaire.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
François REBSAMEN, une dernière question rapide. Votre regard sur les deux années qui viennent, je vois que vous organisez aujourd'hui une… vous lancez une sorte de Fondation pour l'alternance, rassurez-moi politique ou non ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non ! Je lance la Fondation pour l'apprentissage…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Oui ! C'est ça.
FRANÇOIS REBSAMEN
Et donc l'apprentissage il y a beaucoup de retard dans notre pays…
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
On a l'impression que vous essayez toujours des dispositifs…
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais non, non, vous voyez il y a des engagements qui ont été pris en matière d'apprentissage, il y a des dispositifs qui ont été mis en place, les entreprises disent toutes qu'elles aiment l'apprentissage, je préférerais qu'elles aiment vraiment les apprentis.
JEAN-FRANÇOIS ACHILLI
Merci à vous François REBSAMEN.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 avril 2015