Interview de Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat à la famille, aux personnes âgées et à l'autonomie à LCI le 30 avril 2015, sur la protection de la jeunesse et l'aide aux personnes âgées dépendantes.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


RENAUD BLANC
Mon invitée ce matin, l'invitée de LCI et de Radio Classique, la secrétaire d'Etat chargée de la Famille, des Personnes âgées et de l'Autonomie. Bonjour Laurence ROSSIGNOL.
LAURENCE ROSSIGNOL
Bonjour.
RENAUD BLANC
On va commenter l'actualité ensemble. On va commencer avec les 4 milliards de plus pour la défense, ça a été acté hier par le chef de l'Etat, vous étiez sur la ligne défendue par Jean-Yves LE DRIAN ou plutôt sur celle de Michel SAPIN qui réclame des économies ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Je suis sur la ligne d'une secrétaire d'Etat chargée de la famille, de l'enfance et des personnes âgées.
RENAUD BLANC
C'est-à-dire ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Donc j'évite d'aller me mêler des arbitrages entre le ministre de la Défense et le ministre de l'Economie et des Finances, dans lequel je sais d'abord que mon avis n'est pas sollicité, et, deuxièmement, que la décision se prendra sans moi.
RENAUD BLANC
Mais est-ce qu'il y aura un impact sur votre ministère ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Nous nous avons déjà…
RENAUD BLANC
Parce que les ministères vont devoir se serrer la ceinture quand même, 4 milliard ce n'est pas rien.
LAURENCE ROSSIGNOL
Nous nous avons déjà, effectivement, des objectifs d'économies pour le ministère des Affaires sociales, globalement, et nous travaillons à ce que ces économies soient des économies qui soient accompagnées par des réformes de structure, c'est ce que fait Marisol TOURAINE avec ses secrétaires d'Etat depuis déjà 2 ans. Par exemple, la réforme des Allocations familiales, nous avons fait à la fois des économies, et nous avons rendu plus juste une politique d'accompagnement des familles, qui était, par son caractère trop égalitaire, discriminatoire en fin de compte, et qui n'était pas suffisamment pour ceux qui en avaient le plus besoin. Et grâce à ça, on a pu augmenter les prestations des familles les plus modestes, des familles monoparentales. Donc, on va faire le même travail dans notre ministère. Nous avons que, globalement, notre cadre c'est celui de poursuivre le redressement des comptes publics.
RENAUD BLANC
Donc pas de lettre de recadrage attendue chez vous ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Je ne sais pas.
RENAUD BLANC
Vous restez prudente.
LAURENCE ROSSIGNOL
Voilà, je suis prudente, mais par ailleurs, sur le budget de la défense, je comprends bien ce qui se passe parce que, la France est quand même, aujourd'hui, le pays de l'Union européenne qui est celui qui assure la sécurité de l'Union européenne face à la montée du terrorisme, qui est présente sur des opérations extérieures, je ne suis pas une spécialiste de ces sujets, mais je crois bien qu'il y a là un rôle que la France a pris parce que…
RENAUD BLANC
Mais vous regrettez justement cette absence des autres pays européens aux côtés de la France, ou, dirais-je, une présence très timide ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Disons que dans les discussions qui se passent à Bruxelles, sur les parts que chacun doit prendre dans les redressements des comptes publics et les économies, ce serait bien qu'il soit rendu acte à la France de ce qu'elle fait pour l'Union européenne et que ces efforts budgétaires soient un peu mutualisés, par exemple, et qu'on ne nous mette pas en même temps la pression sur trop d'économies, et la nécessité de faire des dépenses militaires pour assurer le rôle que nous avons pris.
RENAUD BLANC
L'armée c'est aussi ces soldats accusés de viols en Centrafrique pour des faits qui remonteraient à 2013. Votre sentiment, Laurence ROSSIGNOL, sur cette affaire.
LAURENCE ROSSIGNOL
Mon sentiment, pour reprendre la formule d'usage, si les faits sont avérés, la précaution étant prise, c'est que ces faits seraient extrêmement graves, ce sont des faits criminels, il faut les qualifier ainsi, d'autant qu'on sait très bien que dans les opérations de guerre, ou dans les pays de désordre, ce sont les femmes et les enfants qui sont les victimes des prédateurs. Ça veut dire que ceux qui sont là pour les protéger seraient eux-mêmes des prédateurs. D'un certain point de vue, c'est double crime de leur part. Mais je sais que, le ministère de la Défense l'a dit hier soir, il était saisi depuis plusieurs mois. Dès qu'il a été saisi il a demandé au Parquet d'enquêter sur les faits, et les propos qui ont été rapportés hier, et le communiqué du ministère de la Défense, de la plus grande rigueur, et les sanctions les plus lourdes qui seront prises à l'encontre des militaires, me rassurent totalement, pas que ce qui s'est passé, ça je ne sais pas, mais sur la capacité du ministère de la Défense à ne pas agir avec la moindre complaisance à l'égard de ces militaires, si les faits sont vrais.
RENAUD BLANC
Laurence ROSSIGNOL, vous travaillez justement sur la protection de l'enfant, la protection de l'enfant en France, c'est 300.000 enfants qui sont, ciblés j'allais dire, par votre ministère ?
LAURENCE ROSSIGNOL
300.000 enfants qui sont effectivement, qui relèvent de la Protection de l'enfance, pour moitié qui sont confiés à des familles d'accueil ou à des foyers, et pour l'autre moitié font l'objet de ce qu'on appelle les mesures d'assistance éducative, c'est-à-dire que les familles sont aidées à continuer de bien s'occuper de leurs enfants. C'est des familles en difficulté, il y a toutes les situations, il y a des situations de maltraitance, dans ce cas les enfants sont tout de suite retirés de leur famille et confiés pour être bien protégés, il y a des situations de défaillance, de négligence éducative, qui peuvent être liées à la fois à de la précarité, des familles malades. C'est un sujet qui est extrêmement important parce que, ces enfants, en fait c'est un peu l'angle mort des politiques publiques, on en parle très peu, pourtant ils sont très nombreux, on les retrouve parfois avec des parcours formidables, des enfants qui ont réussi, qui ont été sauvés par l'Aide Sociale à l'Enfance, et puis parfois, aussi, on les retrouve dans la rue, on dit que 40 % des jeunes SDF seraient placés par l'Aide Sociale à l'Enfance.
RENAUD BLANC
Donc il y a un vrai travail.
LAURENCE ROSSIGNOL
Il y a un vrai travail. J'ai fait de la protection de l'enfance une de mes priorités. J'ai commencé à travailler dès mon arrivée au ministère, 1 an de concertations, avec l'ensemble des professionnels, avec les anciens enfants passés par l'A.S.E, enfin des enfants anciennement passés par l'A.S.E, avec les parents d'enfants placés, pour aboutir à la fois à une loi qui est actuellement en discussion au Parlement, déjà passée au Sénat et qui vient à l'Assemblée le 13 mai, et puis une restitution de concertations, avec tous les acteurs, qui aura lieu le 1er juin. Parce que, pour bien réformer, il faut travailler à la fois sur l'évolution de la loi, mais aussi sur l'évolution des pratiques, et ça c'est avec les professionnels qu'on fait évoluer les pratiques, ce n'est pas en leur faisant tomber, depuis le haut du sommet de l'Etat, jusqu'à eux, des réformes, tout le temps des réformes, il faut que ces réformes ce soient eux-mêmes qui les portent, c'est ce que je fais avec eux aujourd'hui.
RENAUD BLANC
Laurence ROSSIGNOL, il y a aussi pour votre ministère la loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, c'est un terme assez délicat, mais en fait ça signifie que la société française vieillit de plus en plus, que les personnes âgées vivent de plus en plus et qu'elles sont de plus en plus nombreuses, que donc il va falloir s'en occuper. C'est ça, concrètement…
LAURENCE ROSSIGNOL
On s'occupe déjà…
RENAUD BLANC
Le défi qui attend la société française ?
LAURENCE ROSSIGNOL
On s'en occupe déjà, c'est un défi qui est déjà à l'oeuvre. Effectivement, on vit de plus en plus nombreux, de plus en plus vieux et de plus en plus nombreux, et donc on le voit autour de nous, dans nos propres familles, les grands-parents sont très présents, après ils deviennent des arrière-grands-parents et à un moment donné ils ne peuvent plus vivre dans les mêmes conditions qu'avant, et les familles sont confrontées à toutes les questions liées à, comment on les accompagne, comment on les aide. C'est l'objet de cette loi. C'est une loi sociale, puisqu'elle engage 700 millions d'euros, en moyenne, par an, supplémentaires, pour accompagner les personnes qui vieillissent, et accompagner leurs aidants. C'est la mesure probablement la plus moderne de cette loi, on identifie les aidants et ils auront une prestation parents, ils recevront à peu près 500 euros pour leur permettre de souffler, c'est le droit au répit, et puis des droits nouveaux, des droits sociaux nouveaux, et une société qui va réfléchir, est-ce que quand je prends une décision d'aménagement urbain, par exemple, est-ce que cette décision elle est favorable, ou défavorable, aux personnes âgées qui vivent dans ma ville.
RENAUD BLANC
Est-ce que le vieillissement de la population peut entraîner la création de milliers d'emplois ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Alors, il y a effectivement déjà tous les emplois qui sont les emplois d'aides à domicile, tous les emplois d'accompagnement, des emplois de soins, en fait, auprès des personnes âgées, nous avons là un beau gisement d'emplois. Il faut que ces emplois soient revalorisés, à la fois financièrement…
RENAUD BLANC
Ce sont des emplois souvent mal payés, souvent difficiles.
LAURENCE ROSSIGNOL
Voilà, revalorisés, c'est pour ça qu'une de mes fiertés c'est d'avoir mis 25 millions d'euros supplémentaires pour les salaires des aides à domicile, il faut qu'ils soient accompagnés, il faut qu'ils soient respectés. Donc ça c'est un premier gisement. Après on a un deuxième gisement, c'est la Silver économie, ce qu'on appelle la Silver économie, c'est-à-dire toute l'économie des technologies nouvelles, toute l'économie de l'innovation, sociale et technologique, qui vient accompagner le vieillissement. Là aussi nous avons des beaux gisements d'emplois. Moi je suis prudente, sur l'aide à domicile il y a effectivement des milliers d'emplois déjà aujourd'hui, sur la Silver économie il y a beaucoup d'emplois, je suis prudente sur les chiffres, mais on accompagne l'un et l'autre pour permettre à ces deux secteurs, qui sont utiles, pour les salariés, comme pour les bénéficiaires, de se développer.
RENAUD BLANC
Il y a un chiffre, par contre, que l'on donne depuis lundi, c'est le nombre de chômeurs en France, 3,5 millions dans l'hexagone, 600.000 chômeurs de plus depuis mai 2012. Est-ce que pour vous c'est un échec de la gauche ?
LAURENCE ROSSIGNOL
C'est le plus gros souci de la France. Ce qui depuis 20 ans pèse sur la France, c'est notre difficulté à sortir du chômage de masse. Le choix qu'a fait le gouvernement c'est celui d'aider les entreprises à investir, de l'investissement vient la croissance, et de la croissance vient l'emploi. Ce choix-là qui est le choix qui est un peu plus long dans le temps, dont les effets vont être un peu plus tardifs, encore qu'il n'est pas dit nulle part que ce qu'on nous demande par ailleurs de, détruire le Code du travail, supprimer le contrat de travail à durée indéterminée, produirait des emplois aussi vite qu'on nous le raconte, mais on ne l'a pas vu comme ça nulle part. Ce choix qu'on fait nous, c'est celui de l'investissement, c'est le choix du long terme, c'est le choix de continuer de protéger les salariés et de maintenir…
RENAUD BLANC
Mais vous serez jugés, Laurence ROSSIGNOL…
LAURENCE ROSSIGNOL
Nous serons jugés en 2017, bien sûr.
RENAUD BLANC
Vous serez jugés sur le chômage, sur cette question-là.
LAURENCE ROSSIGNOL
Bien sûr, nous serons jugés sur le chômage, mais le choix du gouvernement, de mesures d'investissements, le choix du gouvernement, du moyen terme, est un choix qui normalement, et c'est ce que disent à la fois le ministre de l'Economie et des Finances, le ministre du Travail, ou le Premier ministre, va commencer fin 2015.
RENAUD BLANC
Tous les socialistes ne disent pas la même chose.
LAURENCE ROSSIGNOL
Je sais, tous les socialistes ne disent pas la même chose, mais je crois que fin 2015 nous allons avoir des effets croissance, et après il faut le temps que les effets croissance aient un effet emplois, on est dans des effets décalés. Je pense que la politique qu'on mène… de toute façon, en changer aujourd'hui, ne produirait aucun résultat dans les 2 ans à venir. On ne peut pas changer de politique, dans un quinquennat, au milieu du quinquennat, ce serait à la fois se priver des effets de celle qu'on a engagée, et ne pas avoir les effets d'une autre politique, qui n'est, par ailleurs, pas totalement identifiée.
RENAUD BLANC
Laurence ROSSIGNOL, vous êtes proche de Martine AUBRY, est-ce que vous souhaitez que la maire de Lille joue un rôle plus important dans les 2 ans qui viennent, sur la scène politique française ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui, Martine AUBRY, bien sûr elle a une densité, elle a une dimension particulière, moi je suis dans la même grande région qu'elle, d'abord je souhaite que nous gagnions la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie avec Pierre de SAINTIGNON, parce qu'il y a un vrai enjeu social dans cette région, qu'on ne peut pas la laisser au Front national, cette région ne mérite pas ça. Martine AUBRY est aussi en capacité, sur le terrain social, sur le terrain économique, sur le terrain européen, sur le terrain international, elle a mille et une compétences, et effectivement nous avons besoin de ses compétences, c'est pour ça, d'ailleurs, qu'elle a signé la motion majoritaire avec Jean-Christophe CAMBADELIS, qui est une motion qui à la fois soutient le gouvernement, mais donne des indications sur comment réussir la fin du quinquennat.
RENAUD BLANC
Et en quatre seconde, elle est compatible, Martine AUBRY, avec Manuel VALLS ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui, Martine AUBRY est compatible avec Manuel VALLS. L'un et l'autre sont des gens intelligents et qui veulent que la gauche réussisse, ça suffit pour être compatible.
RENAUD BLANC
Merci beaucoup Laurence ROSSIGNOL d'avoir été l'invitée de LCI et de Radio Classique. Je rappelle que vous êtes secrétaire d'Etat chargée de la Famille, des Personnes âgées et de l'Autonomie. Bonne journée à vous.
LAURENCE ROSSIGNOL
Merci de votre invitation.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 mai 2015