Déclaration de Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, sur l'action de l'Association pour favoriser l'égalité des chances à l'école (APFEE) dans la lutte contre l'illettrisme, à Paris le 22 avril 2015.

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Circonstance : Remise du Prix 2014 de la Fondation du Grand Orient de France (GODF) à l' Association pour favoriser l'égalité des chances à l'école (APFEE), à Paris le 22 avril 2015

Texte intégral

Monsieur le Président de la Fondation,
Monsieur le Vice-président et Monsieur le Directeur de l'APFEE
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureuse d'avoir pu répondre favorablement à l'invitation de Daniel Keller et de la Fondation du Grand Orient de France pour la remise de son prix 2014 décerné à l'APFEE, qui récompense son action au profit de la lutte contre l'illettrisme.
Le GODF, sous l'impulsion de son Grand Maître Roger Leray, a créé à travers sa fondation le cadre et l'outil idéal pour se doter des moyens d'actions nécessaires à l'engagement de solidarité qui est le sien envers chacun.
L'importance des valeurs de solidarité, de fraternité et de justice sociale sont plus cruciales encore aujourd'hui pour notre pays qu'elles ne l'étaient hier et nous ne pouvons que nous féliciter que les actions de la Fondation du Grand Orient de France se soient au fil des années diversifiées pour venir en aide aux populations les plus fragiles, pour soutenir les projets éducatifs, pour valoriser la laïcité et agir ainsi pour améliorer les conditions matérielles, morales et spirituelles de nos concitoyens. Les valeurs du GODF sont les valeurs de notre République et leur promotion est garante de la cohérence et de la cohésion de notre pays, du respect et de la dignité des personnes, de l'égalité de tous, de l'autonomie et de la liberté de conscience de chacun.
Je suis très heureuse que l'APFEE et, à travers elle, son président Robert Bourvis, son Vice-président Pierre Strub, et son directeur Philippe Boutot, soit la lauréate du prix 2014 de la Fondation. L'APFEE est une association que je connais bien et que j'ai soutenu dans ses actions pour favoriser l'égalité des chances à l'école, notamment quand j'étais élue locale ou ensuite en tant que ministre chargée de la réussite éducative. L'APFEE fêtait l'année passée son trentième anniversaire, et cette prestigieuse récompense est un très beau cadeau.
Vous le savez, la lutte contre l'illettrisme est un combat qui me tient particulièrement à cœur. Nous avons œuvré, quand Vincent Peillon et moimême travaillions rue de Grenelle, à ce que la lutte contre l'illettrisme soit érigée en grande cause nationale pour l'année 2014 et, grâce à l'appui du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, un plan de lutte pour la prévention de l'illettrisme de grande ampleur a pu voir le jour.
A la fin du XIXe siècle, la République, en rendant l'école obligatoire, a porté un coup décisif à l'analphabétisme. Mais plus d'un siècle et demi plus tard, force nous est de reconnaître que, pour un enfant, la scolarité ne suffit pas toujours à ce que les savoir fondamentaux soient intégrés et acquis une foi s pour toute.
En 2011, 7% de la population française était en situation d'illettrisme. C'est près de deux millions et demi d'hommes et de femmes. Ce sont également 100.000. à 160.000 enfants qui ont perdu toute chance de réussite scolaire dès l'âge de six ou sept ans, qui connaissent de grandes difficultés d'apprentissage de la lecture dès la fin du cours préparatoire. Ils risquent, s'ils ne sont pas aidés, de ne jamais pouvoir rattraper les bases qui leur permettront d'étudier, de se construire un avenir professionnel et d'exercer leur libre arbitre en conscience.
Les hommes et les femmes en situation d'illettrisme sont également des parents qui ne sont pas toujours, hélas, en mesure de faire bénéficier leurs enfants du soutien scolaire dont ils ont besoin. Nous savons que l'environnement familial joue un rôle décisif dans la reproduction de l'illettrisme. La République s'est toujours donné pour mission de faire en sorte que la naissance, la famille de naissance, le lieu de naissance, ne décident pas une fois pour toute de la vie que les individus seront amenés à mener. L'héritage ne doit jamais être un destin et les difficultés d'écriture et de calcul, si elles ne constituent pas une barrière infranchissable pour l'accès à l'emploi qualifié réduisent les débouchés aux emplois non qualifiés. Les situations d'illettrisme constituent un obstacle à la progression professionnelle et à leur stabilité. En 2004, seules 57% des personnes en situation d'illettrisme avaient un travail.
Pour prévenir l'illettrisme, il fallait faire place à toute la complexité des situations rencontrées. C'était cela, l'ambition de la Réussite éducative. C'était l'esprit de la loi du 8 juillet 2013. Cette loi de refondation de l'école de la République, en donnant la priorité à l'école maternelle et plus largement à l'école primaire, en repensant de manière plus cohérente les différents temps de la vie de l'enfant, en renforçant la continuité des apprentissages entre le premier et le second degré a permis et continuera à permettre de lutter plus efficacement contre les inégalités et à inscrire chaque enfant dans un parcours de réussite.
L'élève et l'enfant ne sont pas deux êtres distincts l'un de l'autre. Il nous faut agir de concert pour que l'école et son environnement cessent d'être deux mondes qui s'ignorent. La coordination de l'Éducation nationale et du tissu associatif est décisive si nous voulons venir en aide aux enfants et à leurs parents. Dans cette action, l'APFEE tient depuis de nombreuses années un rôle majeur et chaque jour plus important. C'est en 1994, qu'a été inventé le prototype de ce qui allait devenir le « Coup de Pouce Clé » et que furent créés les premiers clubs. En 2002, le ministère de l'Éducation nationale apporte ses premiers soutiens d'importance à l'association et ce sont alors plus de 1500 enfants qui bénéficient d'un accueil, et ce dans plus de trente villes. Trois années plus tard, sous cette même impulsion, le « Coup de Pouce Clé » est retenu comme action phare dans le volet réussite éducative du plan de cohésion sociale du ministre d'alors, Jean-Louis Borloo. L'APFEE accueille alors plus de 4000 enfants dans près de cent villes.
En 2012, l'APFEE obtient le label de l'Institut de Développement de l'Ethique et de l'Action pour la Solidarité et signe une convention de partenariat avec l'ANLCI, qui s'est concrétisée par le lancement d'une action expérimentale en direction des parents en situation d'illettrisme.
Il y a de cela tout juste deux ans, en avril 2013, au regard des actions exceptionnelles menées par l'APFEE, ses salariés et ses bénévoles, l'association a reçu l'Agrément National au titre des associations éducatives complémentaires de l'enseignement public. Désormais, ce sont plus de dix mille enfants qui sont accueillis en « Coup de Pouce Clé », et ce dans plus de deux cent cinquante villes de France, plus de soixante dix départements et plus de vingt régions. Plus de 30.000 personnes, qu'ils soient enfants, parents, mais également animateurs, enseignants ou employés municipaux sont engagés dans cette action.
L'APFEE mène une action décisive pour que l'égalité des chances devienne une réalité à l'école. En construisant des ponts entre le monde scolaire et les parents les plus éloignés de l'institution, l'APFEE contribue à ce que chaque enfant ait droit à un parcours scolaire de réussite, quels que soient son environnement familial et son contexte social. Les résultats sont là : plus de 90% des enfants en situation de fragilité en lecture-écriture passés par le « Coup de Pouce Clé » ont évité l'échec précoce en lecture, et plus de 75% d'entre eux sont devenus de bons ou moyens lecteurs dès la fin de leur cours. Sauver ces enfants de l'échec précoce dans les apprentissages fondamentaux est une cause morale, l'exercice de notre responsabilité de citoyen et une condition indispensable pour bâtir l'avenir des jeunes générations.
En instaurant le dialogue entre les parents et l'école, en rétablissant la confiance des parents en leurs capacités d'éducateurs et celle des enfants dans leur aptitude à réussir, l'APFEE apporte une aide décisive aux enseignants, à l'Éducation nationale, comme aux familles. La réussite de tous les élèves, et l'élévation morale des générations futures nécessitent non seulement la mise en commun de tous les acteurs, mais également la mise en œuvre de nouvelles approches. Faire place à l'innovation, c'est ne pas avoir la crainte de l'inhabituel, mais au contraire faire confiance aux acteurs de terrains qui connaissent les difficultés et savent mieux que quiconque les besoins et les attentes des enfants. Il est important de s'en remettre à leur esprit d'initiative avec confiance et sérénité. La créativité des acteurs de terrain et l'émergence locales de nouvelles approches sont indispensables pour refonder notre école républicaine.
Je ne peux que renouveler une nouvelle fois le plaisir qui est le mien de voir la Fondation du GODF rendre hommage à l'APFEE et dire notre dette à l'égard du remarquable travail qu'accomplissent par et, à travers elle, tous ses membres. Je souhaite que cette reconnaissance soit aussi un encouragement à poursuivre le chemin en cours.
Merci à vous, et félicitations.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 29 mai 2015