Texte intégral
NICOLAS HERBEAUX
Jusque tard dans la nuit les sénateurs se sont penchés sur l'accessibilité des personnes handicapées aux bâtiments publics, en tout cas ces bâtiments qui accueillent du public. La France est très en retard sur cette question. La dernière loi, de 2005, devait rendre l'ensemble de ces établissements privés accessibles aux personnes qui ont un handicap, mais on est très très loin du compte. Bonjour Ségolène NEUVILLE.
SEGOLENE NEUVILLE
Bonjour.
NICOLAS HERBEAUX
Vous êtes la secrétaire d'Etat en charge des personnes handicapées et en charge de la lutte contre l'exclusion, on va y revenir aussi. Ça concerne 12 millions de personnes en France, la loi n'a pas été efficace puisqu'on est très en retard. Qu'est-ce qui l'explique ce retard ?
SEGOLENE NEUVILLE
Il y a plusieurs choses. Le premier élément c'est que probablement les normes étaient trop exigeantes, les normes d'accessibilité, notamment pour les petits commerces, pour toute une série de petites structures, et donc ça a été un long travail de simplification qui a été engagé, entre les associations de personnes handicapées, les professionnels et les associations d'élus locaux. Donc, il y a une série de normes qui viennent d'être, finalement, modifiées, dans différents textes réglementaires depuis la fin 2014. Un exemple simple, jusqu'à présent une rampe, si vous deviez installer une rampe pour rentrer dans votre établissement, il fallait forcément qu'elle soit en dur, désormais vous pourrez mettre une rampe amovible, si ça permet aux personnes d'entrer. Un autre exemple simple. Un restaurant, par exemple, avec un étage, jusqu'à présent vous étiez vraiment obligé de mettre un ascenseur, désormais si cet étage ne correspond qu'à moins de 25 % de l'activité du restaurant, et s'il y a le même service au rez-de-chaussée, vous ne sera pas obligé de mettre un ascenseur, c'est quand même beaucoup plus réaliste. Deuxième élément qui a fait que la loi n'a pas été forcément appliquée, c'est que tout le monde a été mis dans le même sac, c'est-à-dire que la petite boulangerie à côté de chez vous, ou le Conseil Régional qui a des dizaines de lycées, ou tous les bâtiments des préfectures, finalement c'était la même chose, c'était, on dit en 2005, que tout doit être accessible au 1er janvier 2015.
HELENE LECOMTE
On peut comprendre que ce soit compliqué, effectivement, pour un petit commerçant qui a une très haute marche, par exemple, devant son commerce, mais même dans les bâtiments publics, qui eux ont, a priori plus de moyens, pour qui c'est plus facile. Quand on va au Palais de justice de Paris, par exemple, avec une personne handicapée, ce qu'on fait nous, franchir la porte, monter les marches, pour arriver dans la salle des Pas perdus, on le fait en 5 minutes, cette personne-là il lui faut au moins 20 minutes, et encore, il faut qu'elle soit accompagnée, donc ça ne marche pas partout non plus, ce n'est pas que les petits commerçants qui sont concernés.
SEGOLENE NEUVILLE
Vous avez complètement raison, bien sûr que les bâtiments publics sont concernés aussi, et notamment les établissements d'enseignement d'ailleurs, parce qu'aussi bien les écoles, les collèges, les lycées, les universités, mais c'est la raison pour laquelle, je vous dis, qu'il y a manifestement eu des manquements dans cette loi, d'abord les normes qui étaient trop contraignantes, et pas réalistes en fait. Deuxième élément, tout le monde était considéré à la même enseigne, et puis surtout, en 10 ans, finalement, la loi ne prévoyait rien, elle disait au 1er janvier 2015 tout le monde doit être en accessibilité, mais il n'y avait pas d'accompagnement, il n'y avait pas de contrôle, il n'y avait pas de vérification, il n'y avait rien que faisait que finalement les gens se sont engagés dans la démarche.
NICOLAS HERBEAUX
Justement, vous avez repris le dossier en main, et vous, vous appelez à un engagement que vous appelez l'AD'AP, ce qui signifie Agendas d'Accessibilité Programmée. Ça consiste en quoi ? Il faut s'engager sur un délai de 3 ans ?
SEGOLENE NEUVILLE
Oui, alors je voudrais simplement dire que ce n'est pas moi qui m'engage toute seule et qui ait décidé de faire des Agendas d'Accessibilité Programmée, c'est un long travail de concertation, tout le monde a été vraiment consulté dans cette affaire, et c'est un travail parlementaire qui a été fait là-dessus. C'est quoi les Agendas d'Accessibilité Programmée ? Ce sont simplement des documents programmatiques, donc, en gros, c'est une fiche Cerfa que vous devez rendre en préfecture ou en mairie, d'ici le 27 septembre 2015, donc le texte était déjà paru depuis septembre 2014, expliquant de quoi il retourne. Le document, vous le trouvez en ligne sur le site accessibilite.gouv, et donc dans ce document vous devez mettre quoi ? Vous devez mettre, finalement, les travaux que vous allez devoir effectuer pour vous mettre en accessibilité, le calendrier, et comment vous
NICOLAS HERBEAUX
Mais alors ça c'est une promesse, est-ce qu'il y a des moyens, des choses concrètes qui vont être apportées à ces propriétaires, ces gestionnaires d'établissement qui doivent faire ces travaux ?
SEGOLENE NEUVILLE
Vous savez que c'est extrêmement concret, déjà, de devoir remplir sur un papier ce que vous allez faire, quand, comment. Le premier élément concret c'est que jusqu'à présent, pour savoir ce que vous deviez faire comme travaux, vous deviez demander à des experts, soit vous aviez des services et vous leur demandiez, soit vous preniez un cabinet extérieur. Il y a un outil d'autodiagnostic en ligne, toujours sur le site accessibilite.gouv, qui permet à toutes les petites structures, mais y compris les petites mairies quand vous avez un petit village de 500 ou 1000 habitants, ce n'est pas simple non plus, vous n'avez pas de service et donc, sur cet outil d'autodiagnostic, très simple, vous répondez à quelques questions en 10 minutes/ 15 minutes
HELENE LECOMTE
Et on vous propose des solutions ?
SEGOLENE NEUVILLE
On vous dit, votre établissement est comme-ci, est comme ça, vous devez réaliser telle chose et telle chose. Parce qu'on pense toujours à l'accessibilité fauteuil ou aux rampes, mais il y a tous les autres types d'accessibilité, pour les personnes malvoyantes, pour les personnes malentendantes, etc. premier élément. Deuxième élément, il y a des solutions de financement, avec une convention, qui a été signée maintenant il y a plusieurs mois, avec la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, pour avoir des prêts bonifiés pour les structures publiques, et avec la Banque Publique d'Investissement, pour avoir des prêts bonifiés aussi, pour les structures privées. Et puis il y a aussi des subventions possibles, notamment pour toutes les petites communes en territoire rural, c'est ce qu'on appelle la DETR, la Dotation d'Equipement des Territoires Ruraux, qui existait déjà auparavant, mais qui là est clairement fléchée sur les travaux d'accessibilité. Et pour le privé, il y a ce qu'on appelle les fonds Fisac, qui, pareil, sont des fonds qui existent et qui sont des subventions, pour les artisans, pour les commerçants, et ces fonds peuvent être attribués pour des travaux d'accessibilité.
HELENE LECOMTE
Il y avait une autre actualité cette semaine, c'est cette vague de simplifications, et elle concerne aussi les personnes handicapées, avec une carte unique « mobilité inclusion » qui va remplacer la carte de stationnement, une carte de priorité dans les files d'attente. Les démarches, jusqu'à présent, là aussi c'était un parcours du combattant ?
SEGOLENE NEUVILLE
C'est toujours un parcours du combattant, parce qu'effectivement, pour l'accès aux droits il y a souvent beaucoup de papiers à remplir, beaucoup de structures, d'institutions, à aller voir, et finalement les informations ne se transmettent pas forcément d'une institution à l'autre. La priorité c'est déjà de dématérialiser tout par exemple, entre les maisons départementales du handicap et les Caisses d'Allocations Familiales, pour que les personnes ne soient pas obligées d'aller deux fois apporter les mêmes pièces, etc. Et puis nous sommes en train de mettre en place ce qu'on appelle un simulateur des droits, parce que bien souvent, quand les gens n'ont pas recours à quelque chose auquel ils ont droit, c'est parce qu'ils ne le savent même pas. Et donc on va mettre en ligne, dans les semaines qui viennent, un outil qui permettra à tout le monde, avec, en rentrant sa situation, tout simplement, j'ai quel âge, est-ce que je suis marié, combien j'ai de revenus, eh bien à quoi cette personne a droit, l'aide à la complémentaire santé, ou la CMU, ou le RSA, ou l'allocation pour le logement. Et ça permettra à la fois au grand public de savoir à quoi il a droit, mais aussi aux travailleurs sociaux d'avoir en quelques clics, finalement, toute la situation d'une personne qu'on a en face de soi.
NICOLAS HERBEAUX
Merci beaucoup Ségolène NEUVILLE. On a bien compris qu'une partie de votre travail c'était de simplifier tout ça, et il y en a du travail. Vous êtes secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l'exclusion. Bonne journée à vous et merci d'être venue ce matin sur LCI.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 juin 2015