Interview de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à RTL le 2 juin 2015, sur les chiffres du chômage et la situation économique.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


YVES CALVI
Jean-Michel APHATIE vous recevez le ministre du Travail, François REBSAMEN.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour François REBSAMEN.
FRANÇOIS REBSAMEN
Bonjour Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
26.000 demandeurs d'emploi supplémentaires en avril, c'est chaque mois pareil, c'est déprimant, qu'est-ce qui se passe ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A à Pôle Emploi a augmenté encore ce mois-ci de manière sensible ! Alors j'aurais pu, ce que j'ai déjà fait ou ce qu'ont fait mes prédécesseurs, j'aurais pu essayer de trouver dans ces chiffres des choses encourageantes quand même, par exemple la moyenne mensuelle de progression cette année est différente de celle de l'année… inférieure à celle de l'année précédente. Mais je crois qu'il faut dire les choses comme elles sont, la situation économique s'améliore, la croissance était là au premier trimestre : 0,6 - plus que nos voisins Européens - le pouvoir d'achat en 2014 a augmenté, les offres d'emploi sont plus nombreuses, mais pour autant il y a un décalage, je veux dire les choses clairement, il y a un décalage entre l'activité économique et la création d'emplois, les entreprises…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ne créent pas d'emplois !
FRANÇOIS REBSAMEN
Reconstituent d'abord leurs marges, elles reconstituent leurs marges qui ont été c'est vrai détruites pendant une dizaine d'années et elles ne créent pas tout de suite l'emploi.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est une critique ou c'est un constat ?
FRANÇOIS REBSAMEN
C'est un constat ! C'est un constat et c'est en même temps un appel que je lance à la création d'emplois, à la confiance, c'est d'ailleurs pour cela qu'avec le Premier ministre nous préparons un certain nombre - avec le président de la République - un certain nombre de mesures qui concerneront la confiance à redonner à celles et à ceux qui peuvent créer ces emplois, c'est les petites et les moyennes entreprises, c'est d'elles dont on attend cette confiance retrouvée et cette création d'emplois.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous comprenez qu'elles n'aient pas confiance ? Vous pensez qu'elles ne jouent pas le jeu ou vous comprenez qu'elles hésitent à embaucher ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non ! Non, je ne dirais pas qu'elles ne jouent pas le jeu, ce n'est pas vrai, je dis simplement il y a un décalage réel entre la reprise économique, il faut qu'elle soit confirmée entre 1,2 et 1,5 %, on nous dit qu'on sera sur cette pente-là à la fin de l'année 2015, les économistes nous disent cela. C'est vrai que 0,6 c'était bien, mais, 0,6 au premier trimestre, ça ne fait pas des embauches tout de suite. Il y a des embauches, il ne faut pas faire comme s'il n'y avait pas des embauches, mais il n'y en a pas assez, parce que chaque année en France il y a plus de jeunes qui arrivent sur le marché du travail que dans d'autres pays, on a une démographie qui est bonne – c'est un espoir pour l'avenir - simplement… et puis on a des jeunes qui ne sont pas formés qui arrivent sur le marché du travail, 140.000 jeunes qui sortent sans rien de l'Education nationale…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais il y a aussi beaucoup de destructions d'emploi, beaucoup de plans sociaux ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Il y a aussi, dans l'industrie notamment, il y a eu des plans sociaux, il y a eu des destructions d'emploi, la mondialisation des rachats d'entreprises qui se traduisent par des suppressions d'un certain nombre de fonctions supports bien souvent, mais tout ça c'est de l'emploi.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas près de s'améliorer, hein ?
FRANÇOIS REBSAMEN
J'espère bien ! Je suis venu donner une note d'espoir aussi.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais les experts disent que l'année 2015 sera une année blanche, que le chômage va continuer à augmenter durant toute l‘année 2015 ?
FRANÇOIS REBSAMEN
J'ai regardé à peu près tout, c'est normal vous me direz, j'ai lu à peu près tout ce que disaient les experts, ils disent que le dernier trimestre de cette année sera meilleur et qu'on devrait à la fin de l'année 2015 retrouver les chiffres du début de l'année, donc on voit bien qu'il y aura pour le coup une diminution du nombre de chômeurs à la fin de l'année. Mais ce n'est pas ce qu'on attend, on attend une reprise plus forte et on attend de la création d'emplois. Ca passe par les entreprises bien évidemment, ça passe notamment par les petites et moyennes entreprises - c'est à elles qu'il faut envoyer ce message de confiance – et bien souvent les organisations patronales, je dis bien souvent les organisations patronales, ne donnent pas ce sentiment de la confiance retrouvée.
JEAN-MICHEL APHATIE
Elles représentent mal les petites entreprises ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non ! Non, je parle des organisations patronales…
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui ! Les organisations patronales représentent mal les entreprises ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Des postures nationales !
JEAN-MICHEL APHATIE
De Pierre GATTAZ ! D'accord. Dans ce contexte difficile quand même, parce qu'on va reparler des partenaires sociaux, le Premier ministre a reçu hier – et vous y participiez bien sûr – des représentants syndicats, le patronat sera reçu ce matin, pour évoquer la création d'emplois dans les petites et moyennes entreprises et, dès les premières rencontres, le Premier ministre a dit : « Ah ! Contrat du travail, on ne touchera à rien » et les chefs d'entreprises - notamment ceux des petites entreprises - vous demandent précisément d'y toucher. Vous n'avez pas envoyé, hier, un signal vis-à-vis des employeurs des petites entreprises ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Jean-Michel APHATIE, vous verrez d'abord les mesures qui seront annoncées le 9 juin, puisqu'elles seront annoncées le 9 juin…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous pouvez toucher au contrat du travail ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Sur le contrat de travail le Premier ministre a été clair – et hier on a…
JEAN-MICHEL APHATIE
On n'y touche pas ! Il a été très clair.
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais pourquoi on y toucherait ? Est-ce que vous croyez qu'en changeant le contrat de travail on va créer de l'emploi ? Non ! Ce qu'il faut…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais c'est ce que demandent les chefs d'entreprise !
FRANÇOIS REBSAMEN
Non ! Ce n'est pas vrai.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous dites : « il faut leur envoyer un signal de confiance »…
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui ! Oui. Mais vous verrez…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils vous demandent quelque chose et vous dites : « on ne changera pas ».
FRANÇOIS REBSAMEN
Non ! Vous verrez les mesures. D'ailleurs la CGPME, que nous avons reçue hier, nous a fait un certain nombre de propositions et parmi ces propositions il y avait bien d'autres choses que de changer le contrat de travail, ce n'est pas parce qu'on change le contrat de travail qu'on crée de l'emploi pour autant et d'ailleurs les pays qui l'ont fait… nous en France on a à peu près tous les contrats de travail qu'on veut…
JEAN-MICHEL APHATIE
Les pays qui l'ont fait ! Oui.
FRANÇOIS REBSAMEN
Ils n'ont pas forcément créé de l'emploi avec cela ! Alors que…
JEAN-MICHEL APHATIE
L'Allemagne, la Grande Bretagne, l'Espagne…
FRANÇOIS REBSAMEN
L'Allemagne c'est différent, permettez-moi de le dire quand même, ils ont une démographie à l'inverse de la nôtre, c'est-à-dire qu'il y a moins de jeunes qui arrivent que d'emplois qui sont créés. Nous on a plus de jeunes qui arrivent, 800.000 personnes arrivent chaque année sur le marché du travail et il y a 600.000 départs à la retraite - donc il faut créer à peu près 150.000 emplois chaque année si l'on veut faire baisser le nombre de chômeurs, de demandeurs d'emploi - et donc on voit bien que la machine économique aujourd'hui ne les crée pas. Donc c'est vrai que la balle est dans le camp des entreprises, à nous de leur redonner cette confiance, à nous par les mesures que nous allons prendre, annoncer le 9 juin et puis par les deux lois quand même qui sont en cours de débat, la croissance et activité et puis la loi sur le dialogue social que je défends à l'Assemblée nationale.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le 9 juin vous allez annoncer des mesures importantes ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Il y aura des mesures importantes qui seront annoncées le 9 juin ! Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bon ! Eh bien on va attendre, on va patienter. Mais si vous mettez la barre en haut, vous risquez de descendre de haut…
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais le message que j'envoie, c'est : « nous voulons recréer cette confiance, donner cette confiance aux petites et moyennes entreprises qui sont celles qui sont porteuses d'emplois demain.
JEAN-MICHEL APHATIE
Deux questions d'actualité, si vous l'acceptez François REBSAMEN…
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui !
JEAN-MICHEL APHATIE
La CROIX ROUGE 11 millions de redressement à la suite de… 11 millions d'euros de redressement à la suite de 3.800 infractions au Code du travail constatées par vos services, hier la déléguée générale de la CROIX ROUGE a dit : « on ne pourra pas payer et il faudra que le gouvernement nous aide ». Donc c'est un dossier qui revient chez vous, François REBSAMEN, allez-vous aider la CROIX ROUGE ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais je vais d'abord les recevoir pour voir quelle est la situation exacte ! Parce que même une entreprise qui est comme la CROIX ROUGE, qui est devenue une vraie entreprise et qui gère beaucoup de personnels, doit respecter le Code du travail et ne doit pas mettre ses propres salariés en insécurité, dans des situations pathogènes, et, donc, il faut que je regarde ça avec eux et je vais les recevoir bien évidemment.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc, vous ne dites pas ce matin : « Oui ! On les aidera à payer les amendes » parce qu'ils disent : « On n'a pas de sou » ?
FRANÇOIS REBSAMEN
On va voir ! On va voir.
JEAN-MICHEL APHATIE
Déjà, quand on dit : « On n'a pas de sou » c'est qu'on n'en a pas ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui ! Oui, mais… moi je…
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas suffisamment.
FRANÇOIS REBSAMEN
Quand il y a des amendes, normalement, on paie les amendes et puis je vais regarder avec eux quelles sont les conditions dans lesquelles ils ont été pénalisés.
JEAN-MICHEL APHATIE
Thomas THEVENOU a été secrétaire d'Etat dans un gouvernement dans lequel vous figuriez vous-même François REBSAMEN, il est toujours député d'ailleurs, Bercy a porté plainte contre lui pour non déclaration de ses impôts, Thomas THEVENOU dit : « C'est de l'acharnement ! Parce que, quand il y a des exilés fiscaux, ils paient avec les pénalités et puis on les laisse tranquilles, moi on me traduit devant la justice ». Qu'est-ce que vous lui répondez, François REBSAMEN ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Procédure traditionnelle, c'est l'administration, c'est Bercy, après avoir consulté une autorité indépendante qui décide de porter plainte…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais il a payé lui, il a payé une pénalité, il a tout payé.
FRANÇOIS REBSAMEN
Mais oui ! Mais il y a sûrement des milliers de contribuables qui régularisent leur situation a posteriori dans l'année et qui se retrouvent avec des plaintes, c'est Bercy, c'est l'administration, elle fait son travail et il n'y a pas d'acharnement envers monsieur THEVENOU.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous n'essayez pas de vous racheter une virginité à bon compte ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Ah ! Sûrement pas, non.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est sûr ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non ! Non, bien sûr, bien sûr, et je vous dis c'est une autorité indépendante qui donne l'autorisation à Bercy de porter plainte et l'administration fiscale elle porte plainte de très nombreuses fois et chacun d''ailleurs… il y a eu visiblement une fuite puisque, normalement, cette procédure elle est secrète ou discrète.
JEAN-MICHEL APHATIE
Là, elle ne l'a pas été.
FRANÇOIS REBSAMEN
Oui ! Mais les journalistes des fois ont des informations.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et on ne cherchera sûrement pas du côté du gouvernement l'auteur de la fuite.
FRANÇOIS REBSAMEN
Sûrement pas ! Non.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non ! Non. François REBSAMEN, ministre du Travail, était l'invité de RTL ce matin.
FRANÇOIS REBSAMEN
Merci.
YVES CALVI
Il y a un décalage entre la situation économique et la création d'emplois, je suis venu donner une note d'espoir. Peut-être une dernière question, François REBSAMEN, beaucoup de Français, puisque vous annoncez quand même ces 100.000 emplois aidés, ne comprennent pas que vous financiez ces emplois avec leurs impôts parce que nous sommes en crise et qu'on ne cesse de nous dire qu'il va falloir faire des efforts, que leur répondez-vous ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Que c'est très important ces emplois, les emplois d'avenir. J'entendais François LENGLET qui brocardait un peu la mesure…
YVES CALVI
Oui !
FRANÇOIS REBSAMEN
Vous savez en même temps on donne une formation, j'expliquais il y a 140.000 jeunes qui arrivent chaque année sans formation sur le marché du travail.
YVES CALVI
Mais ça ne peut pas être la seule réponse, Monsieur le Ministre ?
FRANÇOIS REBSAMEN
Non ! Ce n'est pas la seule réponse, la réponse c'est la création d'emplois par les entreprises vous avez raison, mais ça cela permet de former des jeunes qui demain trouveront un emploi.
YVES CALVI
L'entretien est à réécouter et à retrouver sur le site rtl.fr. Merci à tous les deux !
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 juin 2015