Interview de M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat au budget, à "RTL" le 18 juin 2015, sur le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

STEPHANE CARPENTIER
7 h 48 sur RTL, Jean-Michel APHATIE vous recevez le secrétaire d'Etat au Budget.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Christian ECKERT.
CHRISTIAN ECKERT
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Commençons par le début - c'est toujours mieux que de commencer par la fin - quelle est exactement la volonté du gouvernement dans la réforme de l'impôt sur le revenu, est-ce qu‘il s'agit pour vous d'étudier la possibilité de retenir l'impôt à la source avec la possibilité d'y renoncer si c'est trop compliqué ou bien, peu importe les difficultés, vous vous engagez à le faire vraiment à partir de 2018 ?
CHRISTIAN ECKERT
Non ! C'est la deuxième option, l'engagement est clair…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est net ?
CHRISTIAN ECKERT
C'est net ! Le 1er janvier 2018…
JEAN-MICHEL APHATIE
Rien ne vous détournera de ça ?
CHRISTIAN ECKERT
Nous aurons mis en place les dispositifs pour passer à la retenue à la source, ce qui ne veut pas dire qu'aujourd'hui tout est figé - on sait qu'il y a un certain nombre de difficultés – mais, avec la volonté, les difficultés peuvent se surmonter.
JEAN-MICHEL APHATIE
Parfois oui ! Quelle est la plus grande difficulté ?
CHRISTIAN ECKERT
Probablement les revenus exceptionnels qui seront perçus au cours de l‘année de transition ! Pour les revenus des salariés qui sont des revenus réguliers, qui ne varient pas significativement, je pense qu'il y aura peu de difficultés, par contre c'est vrai qu'il faudra gérer l'année de transition avec les revenus dits exceptionnels, ça peut être des plus-values immobilières, ça peut être des rentes qui sont perçues une année…
JEAN-MICHEL APHATIE
On en reparlera un petit peu…
CHRISTIAN ECKERT
Il faudra le gérer.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord ! La plus grande difficulté mettons que ce soit ça, c'est les entreprises qui prélèveront l'impôt par les banques, on sait que c'est les entreprises qui le feront ?
CHRISTIAN ECKERT
Non ! Non, vous êtes affirmatif.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord !
CHRISTIAN ECKERT
Il y aura un travail qui sera fait sur ce point, le président de la République l'a d'ailleurs clairement évoqué hier après-midi, toutes les options restent sur la table.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça peut être les banques ?
CHRISTIAN ECKERT
Ça peut être les banques !
JEAN-MICHEL APHATIE
De votre point de vue ce n'est pas plus facile les entreprises ?
CHRISTIAN ECKERT
Non ! Enfin les entreprises…
JEAN-MICHEL APHATIE¨
Partout, partout où l'impôt est retenu à la source, ce sont les entreprises qui le font dans les pays de l'OCDE.
CHRISTIAN ECKERT
Oui ! Mais des entreprises, comme les banques, sont déjà - si j'ose dire -des collecteurs d'impôt puisque les entreprises collectent les contributions sociales, elles collectent la CSG, les banques elles-mêmes sur les revenus du capital collectent les impôts qui sont payés sur les intérêts sur les dividendes, elles sont déjà outillées si j'ose dire pour faire un certain nombre d'opérations.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il faut le dire, les particuliers devront continuer à faire des déclarations, c'est-à-dire simplification zéro quand même ?
CHRISTIAN ECKERT
Déjà la simplification sur les déclarations c'est largement entamée…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah bon !
CHRISTIAN ECKERT
La télé-déclaration, les déclarations pré-remplies ça marche aujourd'hui très, très bien.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais il faudra continuer à faire des déclarations ?
CHRISTIAN ECKERT
Il faudra continuer à faire des déclarations parce que les principes de l'impôt, à savoir sa familialisation le calcul par foyer fiscal, la prise en compte de l'ensemble des revenus, ce sont des principes sur lesquels nous n'avons pas l'intention de revenir et donc - comme d'ailleurs la plupart des pays – il faut continuer à faire une déclaration annuelle pour régulariser ce qui a été payé au cours de l'année en ajustant les dispositifs par rapport à ce que j'évoquais : crédit d'impôt, revenu de l'ensemble de la famille.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous en avez parlé, mais précisons. Si vous accomplissez la réforme, on peut dire qu'en 2017 les Français paieront leur impôt sur les revenus de l'année 2016 et en 2018 ils paieront l'impôt sur le revenu de l'année 2018 puisqu'il sera immédiatement prélevé sur leur salaire, ceci veut dire que ce qui ne sera pas imposé a priori ce sont les revenus de 2017. Alors, il y a deux options : soit vous passez l'éponge, les revenus 2017 ne seront pas du tout imposés, soit vous faites une rectification en cours d'année 2018 : « Ah ! Là vous avez perçu des plus-values, donc vous paierez un impôt », quelle est l'hypothèse que vous retiendrez ?
CHRISTIAN ECKERT
Ca dépend de la nature des revenus, ça dépend aussi du travail que nous allons entamer dès la rentrée avec l'ensemble des acteurs, il faudra respecter aussi les principes constitutionnels – ça, ça sera un point de vigilance en termes d'égalité devant l'impôt – mais, concernant les revenus salariés, qui sont des revenus j'allais dire réguliers…
JEAN-MICHEL APHATIE
Stables ! Pas de problème.
CHRISTIAN ECKERT
A partir du moment où le contribuable paiera tous les ans, vous l'avez parfaitement décrit et à partir du moment où l'Etat percevra une année d'impôt tous les ans, concernant ces revenus je pense qu'il n'y a pas de difficulté ; Concernant les revenus dits ponctuels ou exceptionnels, qui de toute façon dans les tous cas dans le système actuel donnaient lieu à un pic d'imposition, ce pic pourra être soit être décalé d'un an, soit étalé sur quelques années, c'est toujours le but du travail que nous commençons.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et si les cadres perçoivent des bonus en 2017, vous leur direz : « vous nous devez de l'impôt sur ces revenus 2017 » ?
CHRISTIAN ECKERT
Oui ! Quand il y aura des variations sensibles, je pense que nous devrons prendre des dispositions pour éviter ces questions, notamment qui pourraient donner lieu pour certains à des effets d'aubaine ou à la recherche d'une optimisation que personne ne souhaite.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc on peut le dire, Christian ECKERT, il n'y aura pas d'année blanche ?
CHRISTIAN ECKERT
L'année blanche, tous les contribuables…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il n'y en aura pas ?
CHRISTIAN ECKERT
Nous l'avons toujours dit, tous les contribuables paieront une année d'impôt aussi bien en 2017 qu'en 2018 et l'Etat percevra une année d'impôt sur l'assiette fiscale si vous voulez, on aura effectivement un traitement particulier pour cette année 2017.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pourquoi vous vous engagez dans cette réforme, parce que vous l'avez promis ?
CHRISTIAN ECKERT
C'est une des raisons ! M ais c'est surtout le fait qu'on avait d'autres priorités en termes d'impôt sur le revenu et en terme de réduction des déficits, ça ne vous a pas échappé on a fait quand même quelques dispositions fondamentales sur l'impôt sur le revenu…
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui ! Mais…
CHRISTIAN ECKERT
Et puis, aujourd'hui, nous entamons la baisse de l'impôt sur le revenu et neuf millions de foyers le verront au mois de septembre et quand on fait…
JEAN-MICHEL APHATIE
Aucun rapport avec la retenue à la source !
CHRISTIAN ECKERT
Si ! Parce qu'il est plus facile de faire une réforme lorsque l'impôt baisse que lorsque l'impôt augmente.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui ! Mais enfin pourquoi vous vous engagez sur la retenue à la source, c'est parce que vous l'avez promis, vous avez dit : « on le fera, donc on le fait ».
CHRISTIAN ECKERT
Non ! C'est une des raisons. Il s'agit… en plus il ne faut pas oublier tous les autres avantages, l'avantage c'est de rapprocher le moment où l‘on paie l'impôt du moment où l'on perçoit le revenu. Prenons l'exemple traditionnel, celui qui voit ses revenus baisser, par exemple celui qui part en retraite ou celui qui perd son emploi, quand on voit ses revenus baisser on est encore taxer pendant… au moment où ces revenus baissent, on est taxé d'un impôt sur le moment où ces revenus étaient élevés, ça cela disparaitra avec la retenue à la source.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous connaissez la proposition 14 du candidat François HOLLANDE ?
CHRISTIAN ECKERT
Oui !
JEAN-MICHEL APHATIE
Je vais la dire ! Parce que…
CHRISTIAN ECKERT
Non ! Et je la connais…
JEAN-MICHEL APHATIE
Peut-être que nos auditeurs ne la connaissent pas.
CHRISTIAN ECKERT
Vous pensez à la fusion de l'impôt sur le revenu…
JEAN-MICHEL APHATIE
« La contribution de chacun sera rendu plus équitable par une grande réforme permettant la fusion entre l'impôt sur le revenu et la CSG », puisque vous l'avez promis, il faut le faire, ah oui.
CHRISTIAN ECKERT
Il y a sur ce point une position qui est également très claire, nous voulons éviter les transferts, les transferts massifs qui pourraient avoir lieu trop brutalement avec ce type de réforme, et donc ce n'est pas à l'ordre du jour. La retenue à la source c'est déjà un grand chantier, vous en avez souligné les difficultés, j'en ai moi-même souligné les avantages.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le candidat HOLLANDE n'avait peut-être pas assez réfléchi avant de faire cette proposition 14 ?
CHRISTIAN ECKERT
Ecoutez, le candidat HOLLANDE a déjà coché la plupart des cases de son programme.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a eu un temps de ligne au gouvernement, beaucoup disait : « les impôts n'augmenteront plus » et une seule personne – c‘était le 13 novembre 2014 – à la question…
CHRISTIAN ECKERT
Je crois la connaître !
JEAN-MICHEL APHATIE
A la question : les impôts n'augmenteront plus ? C'était vous Christian ECKERT, vous répondiez ceci, c'était sur RTL.
CHRISTIAN ECKERT, LE 13 NOVEMBRE 2014 SUR RTL
Ecoutez, on ne peut pas graver dans le marbre une situation qui dépend d'un contexte international que nous ne maîtrisons pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah ! C'est gravé dans le marbre maintenant, nos impôts n'augmenteront pas ?
CHRISTIAN ECKERT
Ecoutez, le contexte français en tout cas c'est nettement amélioré, j'avais évoqué cette question parce que nous étions à la veille d'une loi de finance et que cette loi de finance n'était pas complètement arrêtée, aujourd'hui – tout le monde a pu le constater – il n'y a pas eu de création de nouvel impôt, il y a même une diminution de l'impôt sur le revenu, c'est notre objectif, et cet objectif : la diminution de l'impôt sur le revenu, il est gravé dans le marbre en termes d'objectif.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est gravé dans le marbre ! C'est fait. Une question personnelle, si vous permettez ?
CHRISTIAN ECKERT
Mais je vous en prie !
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous mangez du NUTELLA ?
CHRISTIAN ECKERT
Non ! Je n'aime pas beaucoup le sucré, moi je suis Lorrain et je préfère le salé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais ça n'est pas une injonction de Ségolène ROYAL qui fait que vous vous détournez du NUTELLA ?
CHRISTIAN ECKERT
Non ! Mes enfants en ont beaucoup mangé, je le confesse.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il vous sera beaucoup pardonné ! Christian ECKERT, secrétaire d'Etat au Budget, était l'invité de RTL ce matin.
STEPHANE CARPENTIER
Merci à tous les deux ! Vous m'offrez l‘occasion de préciser que le NUTELLA est italien mais qu'il est fabriqué en France dans une usine en Seine-Maritime, parce que nous avons dit tout à l'heure que c'était du made in Italie, c'est du made in France, même s'il y a de l'huile de palme.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais les Italiens sont tout de même vigilants !
STEPHANE CARPENTIER
Oui ! Oui, absolument, absolument. Merci beaucoup à tous les deux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 juin 2015