Point de presse de M.Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, sur l'Agenda 2000 et les aspects financiers de l'élargissement de l'Union européenne, Paris le 8 septembre 1997.

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Circonstance : Entretien avec le commissaire européen M. Erkki Liikanen à Paris le 8 septembre 1997

Texte intégral

Je viens de m'entretenir avec M. Liikanen, commissaire européen, qui rencontrera cet après-midi M. Strauss-Kahn et M. Sautter à Bercy.

Il est chargé d'un dossier particulièrement important, même si ce n'est pas le plus connu du public, c'est celui de l'Agenda 2000 et des perspectives financières pour l'Union européenne entre les années 2000 et 2006.

Nous avons procédé à un petit tour d'horizon au cours duquel j'ai eu l'occasion de lui dire que nous considérions que le travail de la Commission était un travail tout à fait sérieux, solide, approfondi, et qui constituait une base de travail par rapport à laquelle, en même temps, chacun était encore libre de se déterminer, d'émettre son avis. C'est le Conseil qui se prononcera et je pense que la France fera connaître son sentiment.

Mais la Commission a eu le mérite de se prononcer et de poser les problèmes de façon à seulement être objectif. Maintenant il revient à M. Liikanen de conduire les discussions qui vont sans doute être très difficiles, tant les intérêts dans cette affaire ne sont pas forcément opposés mais en tout cas confrontés.

Nous sommes aussi très conscients du calendrier de cette affaire-là. Ensuite, nous souhaitons que les choses aillent le plus vite possible, en sachant que la probabilité est que ce soit tout de même dans l'année 1999 que ces aspects financiers se concluent.

Nous allons parler des aspects financiers pendant le déjeuner. M. Liikanen en reparlera avec M. Strauss-Kahn et M. Sautter, mais nous avons ce matin évoqué les scénarios possibles de l'élargissement. Cet élargissement est une occasion de dire à M. Liikanen que, là aussi, le travail de la Commission était un travail solide, qui offrait une base de discussion.
La position de la France était un petit peu différente, un peu plus nuancée. Ce que nous souhaitions pour l'élargissement, c'est que tous les pays soient sur la même ligne de départ. D'où le projet de conférence européenne auquel nous tenons particulièrement, qui regrouperait les pays candidats, tous les pays candidats, plus la Turquie qui a un rôle à jouer, une vocation européenne à confirmer, et nous souhaitons que ce soit une instance qui ait une vraie compétence.

Je note d'ailleurs que le rapport de la Commission n'exclut pas une telle conférence européenne mais dans les mois qui viennent, je pense que ce ne sera pas le cas.

Le deuxième principe auquel nous sommes attachés, à partir de ce moment là, c'est le pragmatisme. Nous savons qu'il faudra discuter avec certains pays avant d'autres. De ce point de vue-là, la Commission a fait un travail de déblayage tout à fait utile.

Le troisième principe, c'est la flexibilité, à savoir qu'il fallait un processus qui ne soit pas rigide. A mon avis, il y a certains pays qui sont considérés comme assez proches en termes économiques les uns des autres. Il fallait bien faire un choix sur le plan politique de tel ou tel pays qui pourrait sur le plan économique avoir des difficultés : donc il faut pouvoir adapter le processus en cours de route. Cela nous paraît tout à fait important.

Un dernier mot en ce qui nous concerne. J'ai pu rappeler à M. Liikanen que sur l'élargissement, sur Amsterdam, nous avions un point qui nous tenait très à coeur, c'est le préalable institutionnel, préalable à la conclusion de l'élargissement et non à l'ouverture des négociations. Mais il faut que les pays candidats à l'élargissement puissent adhérer à une Europe qui fonctionne. C'est pour cela que nous pensons que le point bien circonscrit de la réforme institutionnelle, de la Commission, du Conseil, de la pondération des voix notamment et du vote à la majorité qualifiée soit repris dans un délai le plus rapide possible, pour permettre le déblocage de la situation, encore qu'il n'y ait pas de blocage, mais qui permette une avance rapide et fructueuse des dossiers.

J'ai aussi dit ce matin, que nonobstant cette question, qui doit être posée, le Parlement devrait ratifier le Traité d'Amsterdam..
Q - Sur le préalable institutionnel, est-ce que cela veut dire que faute de réforme institutionnelle souhaitée par la France, il n'y aura pas d'élargissement ?

R - Ne dramatisons pas l'affaire. Il s'agit simplement de dire pour ce qui concerne la France, que nous sommes conscients qu'à Amsterdam, nous n'avons pas avancé en matière institutionnelle, et que chacun doit être conscient que c'est un point très important. En même temps des voies de solutions existent ; il ne s'agit pas de refaire une deuxième CIG massive dans laquelle on traite tous les sujets ; il s'agit d'avancer sur ces questions qui sont bien circonscrites et qui, j'en suis persuadé, avec un peu de temps, auraient pu faire l'objet d'un accord à Amsterdam. Donc nous nous plaçons dans l'hypothèse d'une réussite et non pas dans celle d'un échec. Le préalable n'est pas d'annoncer un échec futur. C'est un rappel des conditions pour avancer.

Je crois qu'il est tout à fait possible que des initiatives soient prises dans ce sens-là, qu'elles soient gouvernementales, parlementaires, ou européennes. Pour nous, encore une fois, nous sommes favorables à l'élargissement. Mais je le dis sans ambiguïté, nous voulons que l'élargissement se fasse dans des conditions telles que des pays adhérents trouvent une Union qui fonctionne et non pas une Union paralysée par ses mécanismes de décision.

Q - M. Liikanen, au sujet les perspectives financières, comment est-ce que vous les envisagez ? Déjà deux pays membres ont plus ou moins annoncé froidement qu'ils voulaient voir leur contribution diminuer. Il s'agit des Allemands et des Britanniques. Comment est-ce vous allez procéder ?

(...)
Nous n'avons pas encore eu l'occasion d'en parler, nous allons le faire pendant le déjeuner. Mais nous pensons que l'effort financier qui s'impose, doit s'imposer autant à l'Union. Donc les propositions de la Commission nous paraissent à nous davantage un plafond qu'un plancher. Et la deuxième chose, c'est que par rapport à la Commission, nous sommes en train de travailler à l'Agenda 2000. Je rappelle que la position n'est pas diplomatique. C'est vraiment de dire qu'il y a un travail très sérieux par la Commission qui a énormément peiné pour pouvoir publier tout cela, les détails sur les fonds structurels, l'impact sur la PAC. Nous souhaitons qu'il y ait une réforme structurelle et en même temps qu'elle demeure très forte parce que l'Union ne doit pas se déliter. L'Union, ce n'est pas une zone de libre échange. C'est une Union politique avec des politiques communes. Nous sommes très attachés à ces politiques.

Pour l'élargissement, on a le temps d'en parler, ce n'est pas pour demain. La France est prête à faire des efforts comme tout le monde, mais ne souhaite pas être le pays sur lequel repose tous les efforts d'ajustement de l'élargissement.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 octobre 2001)