Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur l'accord européen relatif à la Grèce, suivie d'un débat et d'un vote, en application de l'article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les députés, l'Union européenne vient de vivre des moments difficiles, historiques mêmes.
Il y a toujours les esprits résignés qui pensent que l'on n'écrit plus l'histoire, que nos vieilles nations, comme fatiguées par le fardeau des siècles, devraient renoncer, que nos destins se décident ailleurs, loin des urnes, indépendamment de nos volontés. Il y a bien sûr, toujours, ceux qui souhaitent voir l'Europe décliner, se disloquer. Nos compatriotes, qui ont suivi les évolutions de cette crise jour après jour, ont bien senti que quelque chose de fondamental se jouait, que notre destin pouvait basculer, car c'est bien sûr l'avenir de la Grèce, mais aussi l'avenir de la construction européenne, qui était en cause. L'Europe a su surmonter une crise qui aurait pu être fatale. Sans un accord, nous aurions laissé un pays, et abandonné un peuple, à un sort terrible. Nous connaissions les conséquences : dévaluation, inflation, effondrement des salaires, faillite des banques, des entreprises, risques de divisions, de déstabilisation, avec des conséquences géopolitiques et géostratégiques que personne ne peut vraiment mesurer. Sans un accord, nous aurions donné une image inquiétante de nous-mêmes au monde, à nos partenaires des grandes nations, des grands continents, les États-Unis, la Chine, inquiets eux-mêmes des conséquences de cette crise sur la croissance mondiale. Nous aurions, enfin et surtout, tiré un trait catégorique sur une conception de la solidarité européenne.
La France ne pouvait l'accepter ! Je l'avais dit ici même. Avec le Président de la République, notre pays a su faire entendre sa voix, peser de tout son poids. On ne fait pas sortir un pays de l'Union comme cela, au gré des aléas ! Le fatalisme, les égoïsmes, le chacun pour soi, cela ne peut pas être le langage de l'Europe !
La semaine dernière, j'ai souhaité que nous débattions, dans cet hémicycle, pour que la parole de la représentation nationale se fasse entendre. L'Europe doit toujours se construire avec le peuple et avec ses représentants. Et c'est dans cette même logique que le Président de la République a souhaité que le Parlement se prononce, par un vote, sur le contenu de l'accord.
M. Jean-Christophe Cambadélis. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Quel est cet accord ? C'est d'abord la réaffirmation que la place de la Grèce est dans la zone euro, et pleinement dans l'Union européenne.
M. Jacques Myard. Pour l'instant !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Il n'y a pas de « Grexit », ni de « Grexit temporaire », idée absurde et dangereuse qui reviendrait au même. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
J'entends parler d'humiliation, mais l'humiliation aurait été avant tout, pour ce pays, pour ce peuple, d'être chassé de la monnaie unique certains le voulaient peut-être alors que l'immense majorité des Grecs souhaitent la conserver, souhaitent rester dans la zone euro, parce que les Grecs savent que, pour eux, rester dans la zone euro, c'est rester dans l'Europe, et que sortir de la zone euro, c'est commencer à sortir de l'Europe. Et cela, les Grecs, comme les Français, ne le veulent pas ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Cet accord, c'est également la réaffirmation de la volonté de dix-neuf États souverains de préserver la stabilité et l'intégrité de la zone euro.
L'accord, et c'est l'objet de votre vote, ce sont trois mesures principales.
Première mesure, la Grèce pourra disposer de financements importants, en contrepartie d'engagements sur des réformes précises.
M. Guy Geoffroy. Les engagements de Tsipras
M. Manuel Valls, Premier ministre. Un nouveau programme d'aide financière, sur trois ans, dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité, comprendra entre 82 et 86 milliards d'euros il vient après deux précédents programmes, respectivement de 110 et 130 milliards.
Mme Claude Greff. C'est énorme !
M. Manuel Valls, Premier ministre. C'est indispensable au regard de la situation financière et économique du pays qui ne peut aujourd'hui se financer sur les marchés. La négociation de ce programme prendra nécessairement quelques semaines. Il y a donc urgence à mettre en place un financement relais dans les tout prochains jours.
M. Hervé Mariton. On paie d'abord ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. La Grèce a devant elle d'importantes échéances de remboursement, notamment vis-à-vis de la Banque centrale européenne, qui joue un rôle majeur pour apporter des liquidités.
C'est pour cette raison que la France est pleinement mobilisée pour définir avec ses partenaires les modalités de ce financement. Le nouveau programme d'aide financière sur trois ans exige, et c'est normal, le respect de conditions strictes. En liant leurs destins, les pays de l'Union se sont donné des règles qui valent pour tous. Dès ce soir, la Grèce devrait voter des réformes importantes :
M. Jean-François Lamour. Ce n'est pas sûr !
M. Manuel Valls, Premier ministre. sur la TVA, pour plus de recettes ; sur le système des retraites, pour en garantir la viabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Claude Goasguen. Et en France ?
M. le président. S'il vous plaît ! Chaque groupe aura la parole !
M. Manuel Valls, Premier ministre. La semaine prochaine, la Grèce doit faire adopter le code de procédure civile car il est indispensable d'accélérer les procédures judiciaires et de réduire les coûts. Elle devra ensuite mener d'importantes réformes pour améliorer le fonctionnement de son économie : marché des biens de consommation, marché de l'énergie ou encore marché du travail.
M. Pierre Lellouche. Cela nous rappelle quelque chose !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Un nouveau programme de privatisations est également prévu. Un fonds indépendant c'est un sujet important , localisé en Grèce et placé sous l'autorité du gouvernement grec la France y tenait pour que la souveraineté de la Grèce soit respectée gérera la vente des actifs. Les produits générés permettront à la Grèce de disposer progressivement d'une somme d'un montant total de 50 milliards d'euros, pour rembourser la recapitalisation des banques, diminuer la dette et soutenir l'investissement, donc la croissance. Enfin, la Grèce s'engage à moderniser enfin en profondeur son administration publique et créera notamment une agence des statistiques indépendante.
Les choix faits par le gouvernement d'Alexis Tsipras ne sont certainement pas des choix faciles. Les Grecs, alors qu'ils ont déjà subi les effets d'une crise économique et sociale sans précédent, devront faire des efforts supplémentaires ; supplémentaires, mais indispensables et, je veux le rappeler, sans commune mesure avec l'appauvrissement de la population grecque qu'aurait provoqué une sortie de la zone euro, un Grexit. Je veux saluer le courage du Premier ministre grec qui prend, ici, les bonnes décisions, dans l'intérêt supérieur de son pays. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Bruno Le Maire. Il n'a aucun courage !
M. le président. S'il vous plaît ! Chaque groupe pourra s'exprimer !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Quand on veut soutenir la Grèce et Alexis Tsipras, on ne fait pas le jeu de ceux qui veulent sa sortie de la zone euro. Ceux qui, par tactique ou essentiellement par idéologie, militent aujourd'hui, après avoir donné leur accord, pour un refus de l'accord pourraient faire, en réalité, le malheur des Grecs malgré eux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Quand, par cet accord, la Grèce fait le choix de rester dans la zone euro, quand le Premier ministre grec engage des réformes, la cohérence intellectuelle et politique, c'est de soutenir l'accord ici, au Parlement français. (Mêmes mouvements.)
M. Hervé Mariton. Vous avez tort, monsieur le Premier ministre !
M. Pierre Lellouche. Tsipras, c'est Mélenchon et Le Pen regroupés !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le chemin choisi est celui de la vérité et de la responsabilité. Le gouvernement grec doit aussi rétablir la confiance avec les partenaires européens car beaucoup de temps a été perdu, non seulement depuis février, mais depuis bien des années. Mais c'est ce seul chemin qui sortira durablement le pays de la crise
M. Pierre Lellouche. Pas du tout !
M. Manuel Valls, Premier ministre. car réformer son pays, moderniser son économie, rebâtir un État moderne qui fonctionne vraiment, mettre en place une véritable fiscalité sont des nécessités pour un pays qui, comme la Grèce, veut renouer avec la compétitivité la Grèce et les Grecs le savent bien. Ne l'oubliez pas, mesdames, messieurs les députés, la plupart des réformes figurant dans le texte de l'accord sont directement reprises des propositions du gouvernement d'Alexis Tsipras, approuvées par le Parlement grec dans la nuit du 10 au 11 juillet dernier.
Deuxième mesure de cet accord : le traitement équilibré de la dette. C'est vital pour la Grèce, pour qu'elle puisse enfin commencer à envisager un avenir qui ne se limite pas au seul remboursement. L'Eurogroupe réfléchit à des mesures permettant à la Grèce de retrouver de l'oxygène et de garantir la soutenabilité de sa dette, qui s'élève aujourd'hui à 180 % de sa richesse. Ce point était capital pour les autorités grecques, essentiel pour le Premier ministre grec. Et il l'a obtenu. Le FMI a répété, ces dernières heures, qu'il fallait alléger la dette grecque. C'est bien ce que nous allons faire en reprofilant la dette, ce qui pourrait passer par un allongement de la durée de remboursement ou encore une réduction des taux d'intérêt. Ceux qui votent contre l'accord, qui souhaitent la sortie de la Grèce de la zone euro, doivent dire aux Français, les yeux dans les yeux car c'est un langage de vérité , que cela leur coûterait bien plus cher car les Grecs ne pourraient plus rembourser la dette. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Hervé Mariton. Enfin !
M. Jacques Myard. C'est de la cavalerie !
M. le président. S'il vous plaît !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Enfin, troisième mesure : les Grecs disposeront d'un programme d'investissement de 35 milliards au service de la croissance et les autorités européennes y travaillent. Cette somme viendra d'une meilleure utilisation des fonds structurels et des différents programmes de l'Union européenne, mais aussi du plan présenté par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Ce que la France défend à l'échelle européenne, s'agissant de la stratégie économique à mener, vaut aussi pour la Grèce : il ne peut pas y avoir de réformes efficaces sans investissements et sans croissance.
Nous avons ici un accord, difficile bien sûr, mais responsable et global,
Mme Jacqueline Fraysse. Pas global !
M. Manuel Valls, Premier ministre. et qui doit surtout s'inscrire dans la durée. Je veux saluer à nouveau devant vous l'implication du ministre des finances, Michel Sapin, qui a uvré sans relâche pour rapprocher les points de vue. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Bien sûr, nous n'ignorons pas les difficultés et il y aura encore des rendez-vous compliqués pour la Grèce et pour l'Europe Michel Sapin, Laurent Fabius, Harlem Désir et moi-même le savons bien.
Mme Jacqueline Fraysse. C'est sûr !
M. Manuel Valls, Premier ministre. La Grèce va recevoir je viens de le détailler plus de 80 milliards d'euros d'aide financière, 35 milliards d'euros au service de la croissance et sa dette sera rééchelonnée. Bien sûr, il y a des réformes à mener. Mais, sans cela, les difficultés réapparaîtront. Si les réformes sont exigeantes, c'est aussi il faut le dire parce qu'elles n'ont jamais été menées. D'ailleurs, mettre en cause les autorités actuelles, alors qu'il y a eu des majorités dont chacun ici peut se réclamer, est injuste.
M. Guy Geoffroy. Tsipras n'a pas fait grand-chose d'autre qu'embaucher !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Des engagements pris par le Gouvernement grec actuel ont été et seront à nouveau soumis au vote. Faisons un peu confiance au Gouvernement d'un pays ami, avant de porter des jugements aussi rapides ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Claude Goasguen. On verra plus tard !
M. Hervé Mariton. Tsipras n'a pas fait grand-chose !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Cet accord, monsieur Mariton, ce n'est pas un chèque en blanc. C'est le peuple grec qui a décidé d'élire ce Gouvernement et les raisons de l'élection de M. Tsipras et de sa majorité n'appartiennent ni à vous, ni à nous, mais qu'au seul peuple grec ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Furst. Qui paie ?
M. Philippe Meunier. C'est nous qui payons !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Qui paie, monsieur le député ? Encore une fois, dites clairement à vos électeurs en Alsace que, puisque vous souhaitez la sortie de la Grèce de la zone euro, c'est à cause de vous que la dette ne leur sera jamais remboursée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Furst. C'est à cause de vous ! Arrêtez les manipulations !
M. Yves Fromion. C'est à cause des Grecs !
M. Laurent Furst. Ce sont des méthodes d'un autre temps !
M. le président. S'il vous plaît !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Cet accord n'est pas un chèque en blanc, justement parce que nous demandons beaucoup à la Grèce, non pas pour la punir, mais pour l'accompagner dans un redressement économique indispensable. C'est cela, la solidarité. À l'inverse, je le répète devant vous, l'absence d'accord, que certains d'entre vous auraient semble-t-il préféré, aurait abouti avec certitude à ce que les 40 milliards de prêts que les contribuables français ont octroyés aux Grecs, sur une décision de la majorité précédente, disparaissent à jamais.
M. Philippe Meunier. Ils ne seront jamais remboursés !
M. Bernard Accoyer. Ce sont, non pas 40 milliards d'euros, mais 70 milliards !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ceux qui ont tout fait pour le Grexit, qui ont appelé à punir les Grecs, appelaient en fait à nous punir nous-mêmes.
Grâce à l'action de la France et à cet accord, ce sont aussi les intérêts des contribuables français qui ont été protégés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Hervé Mariton. Vous y croyez ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Président de la République s'est battu pour cet accord, ne ménageant aucun effort. C'était son rôle, ce que l'on attendait de la France. Nous avions là une immense responsabilité : privilégier l'intérêt général, celui de l'Europe. C'est le rôle historique de la France que de privilégier l'intérêt général, quand l'intérêt de la France et celui de l'Europe se confondent.
M. Pierre Lellouche. C'est complètement creux !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avions aussi une responsabilité envers la Grèce et le peuple grec. Comme en témoigne la tapisserie se trouvant derrière moi, des liens singuliers historiques, culturels, intellectuels nous unissent à ce pays, peut-être parce que nous sommes des nations-surs qui partageons une même ambition universelle.
M. Hervé Mariton. Cela ne peut pas tout justifier !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Chacune à notre tour, la Grèce puis la France, nous avons voulu que notre voix porte au-delà de nos frontières, qu'elle porte une vision de l'humanité. Quand on est la France, mesdames, messieurs les députés, on n'abandonne pas la Grèce et le peuple grec ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Yves Fromion. Ce n'est pas la question !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Abandonner la Grèce, abandonner Athènes, c'est nous abandonner nous-mêmes. Si notre voix a pesé, c'est parce qu'elle a eu la force de la constance. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Une grande nation ne change pas d'avis sur la scène internationale. Elle ne se laisse pas voguer au gré des petits calculs d'appareil, des atermoiements ou des contre-pieds tactiques du moment. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Assumer les responsabilités, c'est avoir une ligne et s'y tenir, dès lors qu'on la sait juste et bonne. Assumer les responsabilités, c'est avoir une colonne vertébrale.
M. Pierre Lellouche. Ce n'est pas une colonne vertébrale, c'est de la bêtise !
M. le président. Monsieur Lellouche, s'il vous plaît !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce n'est pas zigzaguer en fonction des humeurs et des moments.
M. Hervé Mariton. Vous êtes le seul à y croire !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Mesdames, messieurs les députés, si la France est au rendez-vous de l'histoire parce que c'est l'histoire qui est en cause , si elle a été ce repère dans la tempête, c'est parce que, précisément, elle n'a pas dévié. La force d'une vision, la constance, la cohérence d'une grande nation, voilà ce que nous avons démontré ! Voilà ce que le Président de la République a porté, jusqu'au bout ! Chacun devrait ici s'en réjouir et le remercier d'avoir ainsi incarné la parole et l'action de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Comme vous le demandiez la semaine dernière, mesdames, messieurs les députés, la France a pu compter sur la solidité du couple franco-allemand, en allant puiser à la source de ce qui fait cette relation si particulière. La France et l'Allemagne, c'est le dépassement des haines, la réconciliation au-delà des ressentiments et des souffrances. C'est ce courage inédit celui de nos pères de se tendre la main, un courage qui a valeur d'exemple. La France et l'Allemagne, le Président de la République et la Chancelière ont agi avec le sens de l'histoire, conscients d'en être les héritiers et les acteurs. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Je condamne avec la plus grande force l'indignité des propos, l'indignité des relents nationalistes, de ces phrases qui, en cherchant à atteindre l'Allemagne, font aussi du mal à la France et à l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Former un couple, un partenariat, ce n'est pas être d'accord sur tout,
Mme Claude Greff. On l'a constaté !
M. Manuel Valls, Premier ministre. mais c'est savoir toujours se retrouver sur l'essentiel. Il peut y avoir des divergences, des désaccords, des sensibilités différentes, qui sont aussi celles des peuples.
Mme Claude Greff. De très petites différences !
M. le président. Madame Greff !
M. Manuel Valls, Premier ministre. C'est normal. L'Allemagne a sa voix, la France a la sienne : c'est celle d'une Europe solidaire et responsable qui n'exclut personne et sait rassembler. Nous avons notre vision de l'Europe, de l'Est à la Méditerranée, de l'Atlantique au Sud. Chaque pays membre de l'Union européenne, et aujourd'hui membre de la zone euro, qu'il se situe à l'est ou au sud, qu'il ait subi le joug des dictatures communistes et soviétiques ou celui des dictatures du sud, a sa place au sein de l'Europe. Au nom même de cette histoire, nous n'avons pas le droit d'exclure un pays, un peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) La place de la Grèce est plus que jamais dans l'Europe !
M. Yves Fromion. N'importe quoi ! On est au Guignol !
M. Manuel Valls, Premier ministre. La France a toujours défendu cette position. La convergence n'est pas l'alignement que certains réclament. La France a sa vision propre et elle agit au nom des intérêts de la France et de l'Europe. Elle agira toujours de manière indépendante. Mais la solidité d'une amitié s'éprouve aussi dans l'adversité. Et nous avons fait la preuve de cette unité. Au fond, nous savions que nous devions agir de concert. Le couple franco-allemand doit être équilibré, pour être décidé et ambitieux.
M. Jacques Myard. Il y a un cocu dans le couple !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Il ne peut pas tout il ne dirige pas à lui tout seul l'Europe mais sans lui, l'Europe ne peut rien. Certains d'entre vous, à l'occasion de cette négociation et de ces débats, espéraient la dislocation du couple franco-allemand, pour des raisons de politique intérieure. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. Huées sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Nous avons prouvé le contraire, mesdames, messieurs les députés ! La France ne conçoit son destin qu'au cur de l'Europe. L'Europe, c'est la fierté, la vocation de la France. Elle la défendra toujours !
Un député du groupe Les Républicains. L'Europe, on l'aime !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous voulons, plus que jamais, une Europe forte, volontaire, généreuse. L'époque le réclame. Notre monde est fait de bouleversements, d'instabilité, de menaces. Et la France est à l'initiative.
Elle joue tout son rôle ici, pour l'Europe, et partout où il le faut : au Sahel et en Irak contre le terrorisme, au Moyen-Orient avec la question du nucléaire iranien je salue à cet égard l'action déterminée et le talent de négociateur de Laurent Fabius. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Elle joue encore son rôle pour répondre à l'ultimatum climatique. Partout, ses armées et sa diplomatie s'engagent pleinement : soyons-en fiers, surmontons un instant nos divisions pour le constater.
M. André Schneider. De quoi est-il question ? De la Grèce ?
M. Laurent Furst. Non, de la France qui sauve le monde !
M. Hervé Mariton. Revenez au sujet, monsieur le Premier ministre !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le monde de demain se dessine aujourd'hui, et l'Europe doit choisir : être unie pour compter, ou se désunir et donc s'effacer. Mesdames et messieurs les députés, un travail important reste à accomplir pour mettre concrètement en uvre l'accord.
M. Hervé Mariton. Pour le moins !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Parlement grec se prononcera ce soir ; d'autres doivent le faire dans les prochains jours je pense, bien sûr, au Bundestag. Mais nous devrons aller au-delà : nous devrons avoir le courage, le courage politique, de tirer toutes les leçons de cette crise, pour en faire une opportunité.
M. Pierre Lellouche. Dites-nous plutôt combien tout cela coûtera !
M. Manuel Valls, Premier ministre. J'ai tracé quelques lignes, dégagé quelques pistes la semaine dernière. Le Président de la République a formulé, hier, des propositions en ce sens. Nous avons d'abord besoin d'un véritable gouvernement économique de la zone euro c'est d'ailleurs la position constante de la France au service de la croissance et de l'emploi.
M. Hervé Mariton. Alors au travail !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avons progressé avec l'union bancaire, avec ce qu'on appelle le semestre européen, mais ce n'est pas assez. Il nous faut une coordination accrue de nos politiques économiques, un véritable policy-mix équilibré qui donne toute sa place à une analyse globale de la zone euro : ses forces, ses faiblesses, ses besoins.
Il faut aussi plus de convergence.
M. Hervé Mariton. C'est une chose de le dire, une autre de le faire !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Regardons les choses en face : une même monnaie n'a pas permis à nos économies de converger spontanément.
M. Bernard Accoyer. La fiscalité !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le contraire s'est même produit : ce n'est pas bon, ce n'est pas sain. Nous devons donc avancer dans tous les domaines, économique, fiscal et social, en utilisant tous les instruments à notre disposition : politique de cohésion, pour accélérer le rattrapage économique et social entre États ; plan Juncker ; rapprochement dans le domaine social avec les pays qui y sont prêts je pense en particulier à la question des salaires ; harmonisation et lutte contre les stratégies d'optimisation fiscale.
M. Hervé Mariton. Et les impôts européens ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce sont des sujets difficiles politiquement, mais les différences qui existent abîment l'unité et la stabilité de la zone euro. Nous avons besoin également de nous doter de moyens budgétaires.
Nous avons réussi à mettre en place le plan Juncker en moins de six mois ! Mais nous devrons aller plus loin en mettant en place, dans un second temps, un véritable budget de la zone euro, permettant de financer les investissements spécifiques en matière d'infrastructures, d'innovation, ou encore de capital humain, avec les ressources nécessaires.
M. Hervé Mariton. Voilà votre philosophie : taxer pour dépenser !
M. le président. Monsieur Mariton, laissez M. le Premier ministre s'exprimer !
M. Manuel Valls, Premier ministre. On ne réalisera pas ces avancées, on ne pourra pas engager de nouvelles étapes en matière d'intégration, sans les peuples et leurs représentants. C'est pourquoi il faut impérativement renforcer la légitimité démocratique de la zone euro. Cela concerne l'Europe, bien sûr, car aujourd'hui le Parlement européen n'est pas suffisamment associé aux travaux du semestre européen.
Très concrètement, la recommandation zone euro élaborée chaque année pourrait être transmise au Parlement européen et faire l'objet d'un débat démocratique. En outre, nous devons l'inviter à s'organiser pour que les sujets propres à la zone euro soient davantage pris en considération en tant que tels. Ce n'est pas le cas, et c'est le sens de l'appel, hier, du Président de la République à mettre en place un Parlement de la zone euro. Il faudra aussi associer les Parlements nationaux.
Si nous prenons encore plus de hauteur, cette crise montre combien nous devons reprendre le chantier du projet européen dans sa globalité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Il faudra avoir de l'audace ! Affirmons donc notre vision, notre ambition, car si la défiance, si les populismes prospèrent, c'est aussi parce que l'Europe, depuis près de vingt ans, a perdu de son élan
Mme Nicole Ameline. À qui la faute ? Non mais vraiment !
M. Manuel Valls, Premier ministre. et parce que souvent, l'Europe ne dit pas clairement vers où elle va. Elle a oublié que nous sommes d'abord une culture, une civilisation ; elle a oublié ce que dit Habermas aujourd'hui à propos de la réalité de l'identité européenne. L'Europe a donc besoin de plus d'intégration et de plus de solidarité, pour la protection et la prospérité des peuples. C'est vrai, bien sûr, sur les questions économiques et monétaires ; c'est vrai aussi pour d'autres enjeux je pense aux questions migratoires, où seule une politique commune nous permettra d'avancer, notamment en Méditerranée, et notamment avec l'Afrique, qui doit être plus que jamais la grande priorité de l'Union européenne.
L'Europe, c'est plus que notre continent, c'est plus que la somme des intérêts de nos nations : c'est un message, ce sont des valeurs qui résonnent dans le monde entier. Mais les Européens ne le savent pas toujours, et ne savent pas toujours non plus défendre au mieux leurs intérêts. Nous devons donc nous appuyer sur nos forces, nos talents pour peser davantage sur l'ordre du monde, que ce soit dans le domaine commercial, où l'Union européenne fait figure de géant, mais doit défendre ses intérêts, que ce soit dans le domaine de la culture, où nos industries sont puissantes, mais où nous devons défendre notre exception, ou que ce soit dans le domaine environnemental, où nous faisons la course en tête depuis déjà plusieurs décennies c'est un atout pour la COP 21.
L'Europe ne doit pas avoir peur d'être pleinement elle-même. Elle doit assumer ce qu'elle est, ce qu'elle fait, et l'assumer fièrement. Mesdames et messieurs les députés, vous êtes je crois les premiers en Europe à voter. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Accoyer. Avant même les Grecs !
M. Claude Goasguen. Quelle supercherie !
M. Pierre Lellouche. Sait-on seulement ce que nous allons voter ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Votre responsabilité, c'est d'indiquer le chemin. Et vous serez pleinement associés, si vous en êtes d'accord, monsieur le président, aux prochaines étapes de mise en uvre de l'accord. Face à une crise, le dépit n'est pas une option, seule le mouvement, seul le rebond est la solution. Un poète allemand, Hölderlin, rendant hommage à l'île grecque de Patmos, eut de mots très justes : « là où est le péril, là aussi croît ce qui sauve. » La crise que nous venons de connaître nous permet, si nous le voulons, de faire preuve d'ambition pour l'Europe : alors avançons, continuons d'écrire l'histoire de l'Europe, c'est-à-dire l'histoire de nos peuples. C'est aujourd'hui votre responsabilité.
Mesdames et messieurs les députés, j'ai déjà eu l'occasion d'affirmer, ici, la conviction que même si l'Europe traverse des crises, même si sa situation est difficile, et même s'il y aura encore de nombreux obstacles à franchir, non seulement en Grèce, mais partout, la France continuera à assurer pleinement sa mission dans l'Europe. Nous sommes un grand pays, par notre économie, notre industrie, notre agriculture ; nous sommes un grand pays par notre langue et notre culture ; nous sommes un grand pays, mesdames et messieurs les députés, par nos armées et par notre diplomatie.
Avec le chef de l'État, nous avons démontré au cours des derniers jours que nous sommes un grand pays, parce que nous avons tenu à la fois les deux bouts de la chaîne : conserver la Grèce dans la zone euro, et préserver le couple franco-allemand. Chacun, aujourd'hui, doit faire face à ses responsabilités, et saluer l'action du Président de la République, l'action de la France tout entière, qui a permis de sortir de cette crise. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen, écologiste et radical, républicain, démocrate et progressiste.)
Abandonnons les débats de politique intérieure ! Soyons capables de nous élever au-dessus de ces contingences ! Reconnaissons que la France continue à agir, et que nous sommes plus que jamais un grand pays ! (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste se lèvent et applaudissent vivement. Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)
(...)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, deux d'entre vous au moins m'ont très directement interrogé sur l'association du Parlement à cet accord. Je vais leur répondre brièvement, avant le vote, et réagir sur quatre ou cinq points. Un débat existe, des bancs de M. Chassaigne jusqu'à ceux de M. Jacob, sur la situation politique en Grèce ou, plus exactement, sur la manière de qualifier Alexis Tsipras et sa majorité.
M. Thierry Mariani. Ce n'est pas notre problème !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire tout à l'heure, c'est le choix du peuple grec qui a élu, au mois de janvier dernier, une nouvelle majorité et une nouvelle coalition. Si ce choix a été fait, c'est, sans doute, pour des raisons objectives liées à ce que les Grecs vivaient et, sans doute, à cause de l'absence, depuis très longtemps, de réformes structurelles indispensables au pays.
Et si beaucoup d'entre vous et moi-même venons d'évoquer le courage d'Alexis Tsipras, je pense notamment à Bruno Le Roux, à André Chassaigne et à François de Rugy il y a un instant, c'est en raison de ce moment-là, au nom même d'une éthique de responsabilité qui s'imposait et qui s'est imposée. Je constate que quelques jours après le référendum et un premier Conseil de la zone euro, il est allé dans la nuit de vendredi à samedi dernier, c'est-à-dire avant même le sommet européen, devant le Parlement européen présenter des mesures, annonçant même, et pas parce qu'il avait un pistolet sur la tempe, qu'il soumettrait la semaine suivante nous y sommes ces mesures à son Parlement pour qu'elles entrent en vigueur. Je tenais à le rappeler. Chacun peut ici, au nom de ses sentiments et des ses appartenances politiques, au niveau national ou européen, porter un jugement définitif sur les uns et sur les autres, mais j'essaie de m'interdire, sauf quand évidemment les valeurs fondamentales sont en cause, un jugement sur ceux qui dirigent aujourd'hui le destin du peuple grec. Nous devons, et c'est en tout cas la responsabilité de ceux qui gouvernent la France, à commencer par le Président de la République, dialoguer avec tous ceux qui représentent les peuples de l'Europe, c'est-à-dire au niveau du Conseil.
M. Pascal Popelin. Une attitude d'homme d'État !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Et puis, même si je ne l'ai pas entendu ici, à la vue des propos de certains dirigeants européens, mais aussi de responsables politiques français sur la Grèce comme sur l'Allemagne, propos relayés dans la presse bien sûr, je dis que nous devons faire attention : ce qui devrait nous rassembler, c'est de ne pas accepter une Europe qui se divise ainsi entre le Nord et le Sud. Au nom même de l'idée que nous nous faisons de l'Europe, il n'est pas possible d'accepter une telle désunion. À entendre certains propos tenus (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)
M. Hervé Mariton. Ce n'est pas clair ! Soyez-le !
M. Manuel Valls, Premier ministre. tout en regardant de façon objective la situation, je m'inquiète de la vision qu'ont certains de la France alors que la position de notre pays a pourtant toujours été constante : la France, vous l'avez dit très bien, monsieur Vigier, a précisément une certaine idée de l'Europe, qui vise à rassembler les fondateurs de la Communauté européenne, devenue plus tard l'Union européenne, permettant d'accueillir et les pays du Sud, et les pays de l'Est. C'est toute la difficulté,
Un député du groupe Les Républicains. C'est mal parti !
M. Manuel Valls, Premier ministre. tout le pari de l'Europe aujourd'hui, avec des niveaux de vie évidemment très différents, avec des histoires nationales qui ne sont pas les mêmes. Mais les choses sont ainsi.
Le meilleur exemple, et ce sera le deuxième point que je veux aborder, c'est le rapport entre l'Allemagne et la France. J'avais déjà eu l'occasion de le dire la semaine dernière et je l'ai répété il y a un instant : je ne comprends pas, et je vous le dis avec la plus grande sincérité, cet acharnement d'un certain nombre d'entre vous à tenter d'expliquer que le couple franco-allemand n'a pas fonctionné en cette occasion et à chercher en permanence à aligner la France exclusivement sur la position allemande. Si la Chancelière Merkel est venue la semaine dernière à l'Élysée et s'il y a eu un accord,
M. Claude Goasguen. C'est elle qui a dirigé la manuvre !
M. Manuel Valls, Premier ministre. c'est parce que, nous le savons tous, l'Europe, au-delà de ses différences, je pense notamment à la presse, aux opinions et aux formations politiques des différents pays, doit avancer avec la France. La Chancelière le sait parfaitement, tout comme le Président de la République. Au-delà des débats, des prises de position des uns et des autres, chacun sait que c'était ainsi qu'il fallait avancer. L'accord de lundi matin a été obtenu parce que la France et l'Allemagne ont travaillé ensemble. Certains peuvent le regretter, mettre en cause cette alliance, mettre en cause la Chancelière, mais reconnaissons aussi que du fait de l'histoire de chaque pays, y compris de la nôtre, il y a des choses qui pèsent parfois plus que d'autres, ce qui explique, certains d'entre vous l'ont rappelé, que les socio-démocrates allemands, lesquels participent au gouvernement actuel, peuvent avoir des positions différentes de celles des socialistes français.
M. Patrice Verchère. C'est sûr, ce ne sont pas les mêmes socialistes !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais je sais que la coalition au pouvoir en Allemagne, incarnée à la fois par la Chancelière Merkel et par le Vice-Chancelier Sigmar Gabriel, était sur une position claire : la Grèce ne pouvait pas sortir de l'euro et il fallait trouver un accord entre la France et l'Allemagne pour qu'elle y reste.
Au lieu d'essayer de critiquer de manière absurde l'action du Président de la République, ceux qui s'opposent à cet accord devraient saluer ce qu'ils demandaient eux-mêmes : la réussite du travail mené en commun par la France et par l'Allemagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) En effet, et cela nous est parfois aussi arrivé, l'opposition à tout prix, l'opposition aveugle qui consiste à critiquer par principe (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains), conduit aujourd'hui votre groupe, monsieur Jacob, à n'avoir pas de position claire et cohérente sur ce qu'il fallait faire. Après vous avoir écouté, je ne comprends toujours pas la position qui est la vôtre sur l'Europe.
Pour ce qui est de l'association du Parlement, Michel Sapin le rappelait ce matin, auditionné notamment par votre commission des finances : comme cela a été fait par le passé, sur la base de la proposition de Nicolas Sarkozy il y a quelques années, oui, le Gouvernement partagera pleinement les informations dont il dispose avec le Parlement et votre commission des finances.
S'agissant du vote sur une déclaration du Gouvernement, vous savez que je suis extrêmement attaché aux institutions de la Ve République. (« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.) Je me permets de vous le rappeler. Par conséquent, nous procédons aujourd'hui à un vote, à l'Assemblée et au Sénat parce que chacun a bien conscience de ce qui est en train de se jouer et du message, comme le disait François de Rugy il y a quelques instants, que la France, et dans deux jours l'Allemagne, doivent envoyer, pas seulement à leur opinion mais à l'Europe entière. À chaque étape, quand le Gouvernement le jugera utile et nécessaire, le Parlement sera informé, consulté et éventuellement appelé à voter. Mais il n'y a pas de mandat impératif. C'est la raison pour laquelle il ne pouvait pas y avoir de vote la semaine dernière.
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur Jacob, que la position du Président de la République a toujours été claire sur le fait que la Grèce ne pouvait pas sortir de la zone euro. Je ne sais pas si c'était la position majoritaire au sein du Conseil européen au vu de la position de plusieurs pays, mais le résultat est là : grâce à l'action de la France, grâce à l'action du Président de la République, la Grèce reste dans la zone euro. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. François de Rugy. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Deuxièmement, monsieur Jacob, le Président de la République a toujours été très clair sur le fait que l'Europe doit fonctionner sur la base du couple franco-allemand et, je vous l'ai déjà dit, de manière équilibrée sur le plan économique d'où les réformes que nous devons mener et sur bien d'autres sujets : je pense par exemple à la question des migrants, qui a fait l'objet d'un texte commun des deux ministres de l'intérieur, et également à l'Ukraine, avec les initiatives prises par le Président de la République et par la Chancelière Merkel, ainsi évidemment qu'à la préparation de la COP21 et aux dossiers qui lient nos deux économies dans le texte signé entre Emmanuel Macron et Sigmar Gabriel. C'est ensemble que nous avancerons. Et les initiatives annoncées hier par le Président de la République, qui concernent l'ensemble des pays de l'Union européenne, partiront aussi forcément d'un dialogue franco-allemand. J'aime l'Europe comme vous car je ne mets évidemment pas en question vos convictions européennes , mais je sais qu'elle doit se construire sur une position équilibrée, pas derrière l'Allemagne, pas en s'alignant derrière la Chancelière Merkel.
M. Claude Goasguen. Personne n'a dit le contraire !
M. Manuel Valls, Premier ministre. À cet égard, je trouve que vous et certains de vos collègues allez parfois bien au-delà des positions mêmes des membres de la CDU-CSU parce que beaucoup d'entre eux, à commencer par leur Chancelière, au nom même de l'histoire qu'a rappelée Roger-Gérard Schwartzenberg, savent que cela passe par un accord entre l'Allemagne et la France. La position de la France exprimée par le chef de l'État a été cohérente, et les résultats ont été obtenus, alors que, permettez-moi de vous le dire, je ne sais pas encore quelle est la position de la droite française.
M. Christian Jacob. C'est plus franc de ne pas nous faire connaître la vôtre !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Faut-il organiser dans le calme la sortie de la Grèce de la zone euro ? L'un d'entre vous l'a dit. Je ne sais pas si Mario Draghi répondait directement à Alain Juppé, mais il a dit, à juste titre, qu'on n'organise jamais le chaos dans le calme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.) Je ne sais pas, monsieur Jacob, si votre position est celle de Nicolas Sarkozy, qui a considéré que le Grèce était de fait sortie de la zone euro, mais je constate aujourd'hui qu'elle n'en est pas sortie, comme d'ailleurs beaucoup d'entre vous le souhaitaient. Je ne sais pas quelle est votre position. Mais aujourd'hui, au nom même de l'éthique de responsabilité que j'évoquais tout à l'heure, je sais que le Gouvernement et une majorité ici claire et nette savent ce que l'on doit à l'action du Président de la République et de la France, avec deux convictions : la Grèce doit être l'objet de notre solidarité tout en assumant ses responsabilités, et l'Europe avance grâce au couple franco-allemand. Voilà ce qui nous différencie, monsieur Jacob : la cohérence, la constance, celle qui est la nôtre, notamment celle du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, ainsi que sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et plusieurs bancs du groupe écologiste.)
M. le président. Le débat est clos.source http://www.assemblee-nationale.fr, le 16 juillet 2015
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les députés, l'Union européenne vient de vivre des moments difficiles, historiques mêmes.
Il y a toujours les esprits résignés qui pensent que l'on n'écrit plus l'histoire, que nos vieilles nations, comme fatiguées par le fardeau des siècles, devraient renoncer, que nos destins se décident ailleurs, loin des urnes, indépendamment de nos volontés. Il y a bien sûr, toujours, ceux qui souhaitent voir l'Europe décliner, se disloquer. Nos compatriotes, qui ont suivi les évolutions de cette crise jour après jour, ont bien senti que quelque chose de fondamental se jouait, que notre destin pouvait basculer, car c'est bien sûr l'avenir de la Grèce, mais aussi l'avenir de la construction européenne, qui était en cause. L'Europe a su surmonter une crise qui aurait pu être fatale. Sans un accord, nous aurions laissé un pays, et abandonné un peuple, à un sort terrible. Nous connaissions les conséquences : dévaluation, inflation, effondrement des salaires, faillite des banques, des entreprises, risques de divisions, de déstabilisation, avec des conséquences géopolitiques et géostratégiques que personne ne peut vraiment mesurer. Sans un accord, nous aurions donné une image inquiétante de nous-mêmes au monde, à nos partenaires des grandes nations, des grands continents, les États-Unis, la Chine, inquiets eux-mêmes des conséquences de cette crise sur la croissance mondiale. Nous aurions, enfin et surtout, tiré un trait catégorique sur une conception de la solidarité européenne.
La France ne pouvait l'accepter ! Je l'avais dit ici même. Avec le Président de la République, notre pays a su faire entendre sa voix, peser de tout son poids. On ne fait pas sortir un pays de l'Union comme cela, au gré des aléas ! Le fatalisme, les égoïsmes, le chacun pour soi, cela ne peut pas être le langage de l'Europe !
La semaine dernière, j'ai souhaité que nous débattions, dans cet hémicycle, pour que la parole de la représentation nationale se fasse entendre. L'Europe doit toujours se construire avec le peuple et avec ses représentants. Et c'est dans cette même logique que le Président de la République a souhaité que le Parlement se prononce, par un vote, sur le contenu de l'accord.
M. Jean-Christophe Cambadélis. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Quel est cet accord ? C'est d'abord la réaffirmation que la place de la Grèce est dans la zone euro, et pleinement dans l'Union européenne.
M. Jacques Myard. Pour l'instant !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Il n'y a pas de « Grexit », ni de « Grexit temporaire », idée absurde et dangereuse qui reviendrait au même. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
J'entends parler d'humiliation, mais l'humiliation aurait été avant tout, pour ce pays, pour ce peuple, d'être chassé de la monnaie unique certains le voulaient peut-être alors que l'immense majorité des Grecs souhaitent la conserver, souhaitent rester dans la zone euro, parce que les Grecs savent que, pour eux, rester dans la zone euro, c'est rester dans l'Europe, et que sortir de la zone euro, c'est commencer à sortir de l'Europe. Et cela, les Grecs, comme les Français, ne le veulent pas ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Cet accord, c'est également la réaffirmation de la volonté de dix-neuf États souverains de préserver la stabilité et l'intégrité de la zone euro.
L'accord, et c'est l'objet de votre vote, ce sont trois mesures principales.
Première mesure, la Grèce pourra disposer de financements importants, en contrepartie d'engagements sur des réformes précises.
M. Guy Geoffroy. Les engagements de Tsipras
M. Manuel Valls, Premier ministre. Un nouveau programme d'aide financière, sur trois ans, dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité, comprendra entre 82 et 86 milliards d'euros il vient après deux précédents programmes, respectivement de 110 et 130 milliards.
Mme Claude Greff. C'est énorme !
M. Manuel Valls, Premier ministre. C'est indispensable au regard de la situation financière et économique du pays qui ne peut aujourd'hui se financer sur les marchés. La négociation de ce programme prendra nécessairement quelques semaines. Il y a donc urgence à mettre en place un financement relais dans les tout prochains jours.
M. Hervé Mariton. On paie d'abord ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. La Grèce a devant elle d'importantes échéances de remboursement, notamment vis-à-vis de la Banque centrale européenne, qui joue un rôle majeur pour apporter des liquidités.
C'est pour cette raison que la France est pleinement mobilisée pour définir avec ses partenaires les modalités de ce financement. Le nouveau programme d'aide financière sur trois ans exige, et c'est normal, le respect de conditions strictes. En liant leurs destins, les pays de l'Union se sont donné des règles qui valent pour tous. Dès ce soir, la Grèce devrait voter des réformes importantes :
M. Jean-François Lamour. Ce n'est pas sûr !
M. Manuel Valls, Premier ministre. sur la TVA, pour plus de recettes ; sur le système des retraites, pour en garantir la viabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Claude Goasguen. Et en France ?
M. le président. S'il vous plaît ! Chaque groupe aura la parole !
M. Manuel Valls, Premier ministre. La semaine prochaine, la Grèce doit faire adopter le code de procédure civile car il est indispensable d'accélérer les procédures judiciaires et de réduire les coûts. Elle devra ensuite mener d'importantes réformes pour améliorer le fonctionnement de son économie : marché des biens de consommation, marché de l'énergie ou encore marché du travail.
M. Pierre Lellouche. Cela nous rappelle quelque chose !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Un nouveau programme de privatisations est également prévu. Un fonds indépendant c'est un sujet important , localisé en Grèce et placé sous l'autorité du gouvernement grec la France y tenait pour que la souveraineté de la Grèce soit respectée gérera la vente des actifs. Les produits générés permettront à la Grèce de disposer progressivement d'une somme d'un montant total de 50 milliards d'euros, pour rembourser la recapitalisation des banques, diminuer la dette et soutenir l'investissement, donc la croissance. Enfin, la Grèce s'engage à moderniser enfin en profondeur son administration publique et créera notamment une agence des statistiques indépendante.
Les choix faits par le gouvernement d'Alexis Tsipras ne sont certainement pas des choix faciles. Les Grecs, alors qu'ils ont déjà subi les effets d'une crise économique et sociale sans précédent, devront faire des efforts supplémentaires ; supplémentaires, mais indispensables et, je veux le rappeler, sans commune mesure avec l'appauvrissement de la population grecque qu'aurait provoqué une sortie de la zone euro, un Grexit. Je veux saluer le courage du Premier ministre grec qui prend, ici, les bonnes décisions, dans l'intérêt supérieur de son pays. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Bruno Le Maire. Il n'a aucun courage !
M. le président. S'il vous plaît ! Chaque groupe pourra s'exprimer !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Quand on veut soutenir la Grèce et Alexis Tsipras, on ne fait pas le jeu de ceux qui veulent sa sortie de la zone euro. Ceux qui, par tactique ou essentiellement par idéologie, militent aujourd'hui, après avoir donné leur accord, pour un refus de l'accord pourraient faire, en réalité, le malheur des Grecs malgré eux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Quand, par cet accord, la Grèce fait le choix de rester dans la zone euro, quand le Premier ministre grec engage des réformes, la cohérence intellectuelle et politique, c'est de soutenir l'accord ici, au Parlement français. (Mêmes mouvements.)
M. Hervé Mariton. Vous avez tort, monsieur le Premier ministre !
M. Pierre Lellouche. Tsipras, c'est Mélenchon et Le Pen regroupés !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le chemin choisi est celui de la vérité et de la responsabilité. Le gouvernement grec doit aussi rétablir la confiance avec les partenaires européens car beaucoup de temps a été perdu, non seulement depuis février, mais depuis bien des années. Mais c'est ce seul chemin qui sortira durablement le pays de la crise
M. Pierre Lellouche. Pas du tout !
M. Manuel Valls, Premier ministre. car réformer son pays, moderniser son économie, rebâtir un État moderne qui fonctionne vraiment, mettre en place une véritable fiscalité sont des nécessités pour un pays qui, comme la Grèce, veut renouer avec la compétitivité la Grèce et les Grecs le savent bien. Ne l'oubliez pas, mesdames, messieurs les députés, la plupart des réformes figurant dans le texte de l'accord sont directement reprises des propositions du gouvernement d'Alexis Tsipras, approuvées par le Parlement grec dans la nuit du 10 au 11 juillet dernier.
Deuxième mesure de cet accord : le traitement équilibré de la dette. C'est vital pour la Grèce, pour qu'elle puisse enfin commencer à envisager un avenir qui ne se limite pas au seul remboursement. L'Eurogroupe réfléchit à des mesures permettant à la Grèce de retrouver de l'oxygène et de garantir la soutenabilité de sa dette, qui s'élève aujourd'hui à 180 % de sa richesse. Ce point était capital pour les autorités grecques, essentiel pour le Premier ministre grec. Et il l'a obtenu. Le FMI a répété, ces dernières heures, qu'il fallait alléger la dette grecque. C'est bien ce que nous allons faire en reprofilant la dette, ce qui pourrait passer par un allongement de la durée de remboursement ou encore une réduction des taux d'intérêt. Ceux qui votent contre l'accord, qui souhaitent la sortie de la Grèce de la zone euro, doivent dire aux Français, les yeux dans les yeux car c'est un langage de vérité , que cela leur coûterait bien plus cher car les Grecs ne pourraient plus rembourser la dette. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Hervé Mariton. Enfin !
M. Jacques Myard. C'est de la cavalerie !
M. le président. S'il vous plaît !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Enfin, troisième mesure : les Grecs disposeront d'un programme d'investissement de 35 milliards au service de la croissance et les autorités européennes y travaillent. Cette somme viendra d'une meilleure utilisation des fonds structurels et des différents programmes de l'Union européenne, mais aussi du plan présenté par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Ce que la France défend à l'échelle européenne, s'agissant de la stratégie économique à mener, vaut aussi pour la Grèce : il ne peut pas y avoir de réformes efficaces sans investissements et sans croissance.
Nous avons ici un accord, difficile bien sûr, mais responsable et global,
Mme Jacqueline Fraysse. Pas global !
M. Manuel Valls, Premier ministre. et qui doit surtout s'inscrire dans la durée. Je veux saluer à nouveau devant vous l'implication du ministre des finances, Michel Sapin, qui a uvré sans relâche pour rapprocher les points de vue. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Bien sûr, nous n'ignorons pas les difficultés et il y aura encore des rendez-vous compliqués pour la Grèce et pour l'Europe Michel Sapin, Laurent Fabius, Harlem Désir et moi-même le savons bien.
Mme Jacqueline Fraysse. C'est sûr !
M. Manuel Valls, Premier ministre. La Grèce va recevoir je viens de le détailler plus de 80 milliards d'euros d'aide financière, 35 milliards d'euros au service de la croissance et sa dette sera rééchelonnée. Bien sûr, il y a des réformes à mener. Mais, sans cela, les difficultés réapparaîtront. Si les réformes sont exigeantes, c'est aussi il faut le dire parce qu'elles n'ont jamais été menées. D'ailleurs, mettre en cause les autorités actuelles, alors qu'il y a eu des majorités dont chacun ici peut se réclamer, est injuste.
M. Guy Geoffroy. Tsipras n'a pas fait grand-chose d'autre qu'embaucher !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Des engagements pris par le Gouvernement grec actuel ont été et seront à nouveau soumis au vote. Faisons un peu confiance au Gouvernement d'un pays ami, avant de porter des jugements aussi rapides ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Claude Goasguen. On verra plus tard !
M. Hervé Mariton. Tsipras n'a pas fait grand-chose !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Cet accord, monsieur Mariton, ce n'est pas un chèque en blanc. C'est le peuple grec qui a décidé d'élire ce Gouvernement et les raisons de l'élection de M. Tsipras et de sa majorité n'appartiennent ni à vous, ni à nous, mais qu'au seul peuple grec ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Furst. Qui paie ?
M. Philippe Meunier. C'est nous qui payons !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Qui paie, monsieur le député ? Encore une fois, dites clairement à vos électeurs en Alsace que, puisque vous souhaitez la sortie de la Grèce de la zone euro, c'est à cause de vous que la dette ne leur sera jamais remboursée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Furst. C'est à cause de vous ! Arrêtez les manipulations !
M. Yves Fromion. C'est à cause des Grecs !
M. Laurent Furst. Ce sont des méthodes d'un autre temps !
M. le président. S'il vous plaît !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Cet accord n'est pas un chèque en blanc, justement parce que nous demandons beaucoup à la Grèce, non pas pour la punir, mais pour l'accompagner dans un redressement économique indispensable. C'est cela, la solidarité. À l'inverse, je le répète devant vous, l'absence d'accord, que certains d'entre vous auraient semble-t-il préféré, aurait abouti avec certitude à ce que les 40 milliards de prêts que les contribuables français ont octroyés aux Grecs, sur une décision de la majorité précédente, disparaissent à jamais.
M. Philippe Meunier. Ils ne seront jamais remboursés !
M. Bernard Accoyer. Ce sont, non pas 40 milliards d'euros, mais 70 milliards !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ceux qui ont tout fait pour le Grexit, qui ont appelé à punir les Grecs, appelaient en fait à nous punir nous-mêmes.
Grâce à l'action de la France et à cet accord, ce sont aussi les intérêts des contribuables français qui ont été protégés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Hervé Mariton. Vous y croyez ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Président de la République s'est battu pour cet accord, ne ménageant aucun effort. C'était son rôle, ce que l'on attendait de la France. Nous avions là une immense responsabilité : privilégier l'intérêt général, celui de l'Europe. C'est le rôle historique de la France que de privilégier l'intérêt général, quand l'intérêt de la France et celui de l'Europe se confondent.
M. Pierre Lellouche. C'est complètement creux !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avions aussi une responsabilité envers la Grèce et le peuple grec. Comme en témoigne la tapisserie se trouvant derrière moi, des liens singuliers historiques, culturels, intellectuels nous unissent à ce pays, peut-être parce que nous sommes des nations-surs qui partageons une même ambition universelle.
M. Hervé Mariton. Cela ne peut pas tout justifier !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Chacune à notre tour, la Grèce puis la France, nous avons voulu que notre voix porte au-delà de nos frontières, qu'elle porte une vision de l'humanité. Quand on est la France, mesdames, messieurs les députés, on n'abandonne pas la Grèce et le peuple grec ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Yves Fromion. Ce n'est pas la question !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Abandonner la Grèce, abandonner Athènes, c'est nous abandonner nous-mêmes. Si notre voix a pesé, c'est parce qu'elle a eu la force de la constance. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Une grande nation ne change pas d'avis sur la scène internationale. Elle ne se laisse pas voguer au gré des petits calculs d'appareil, des atermoiements ou des contre-pieds tactiques du moment. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Assumer les responsabilités, c'est avoir une ligne et s'y tenir, dès lors qu'on la sait juste et bonne. Assumer les responsabilités, c'est avoir une colonne vertébrale.
M. Pierre Lellouche. Ce n'est pas une colonne vertébrale, c'est de la bêtise !
M. le président. Monsieur Lellouche, s'il vous plaît !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce n'est pas zigzaguer en fonction des humeurs et des moments.
M. Hervé Mariton. Vous êtes le seul à y croire !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Mesdames, messieurs les députés, si la France est au rendez-vous de l'histoire parce que c'est l'histoire qui est en cause , si elle a été ce repère dans la tempête, c'est parce que, précisément, elle n'a pas dévié. La force d'une vision, la constance, la cohérence d'une grande nation, voilà ce que nous avons démontré ! Voilà ce que le Président de la République a porté, jusqu'au bout ! Chacun devrait ici s'en réjouir et le remercier d'avoir ainsi incarné la parole et l'action de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Comme vous le demandiez la semaine dernière, mesdames, messieurs les députés, la France a pu compter sur la solidité du couple franco-allemand, en allant puiser à la source de ce qui fait cette relation si particulière. La France et l'Allemagne, c'est le dépassement des haines, la réconciliation au-delà des ressentiments et des souffrances. C'est ce courage inédit celui de nos pères de se tendre la main, un courage qui a valeur d'exemple. La France et l'Allemagne, le Président de la République et la Chancelière ont agi avec le sens de l'histoire, conscients d'en être les héritiers et les acteurs. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Je condamne avec la plus grande force l'indignité des propos, l'indignité des relents nationalistes, de ces phrases qui, en cherchant à atteindre l'Allemagne, font aussi du mal à la France et à l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Former un couple, un partenariat, ce n'est pas être d'accord sur tout,
Mme Claude Greff. On l'a constaté !
M. Manuel Valls, Premier ministre. mais c'est savoir toujours se retrouver sur l'essentiel. Il peut y avoir des divergences, des désaccords, des sensibilités différentes, qui sont aussi celles des peuples.
Mme Claude Greff. De très petites différences !
M. le président. Madame Greff !
M. Manuel Valls, Premier ministre. C'est normal. L'Allemagne a sa voix, la France a la sienne : c'est celle d'une Europe solidaire et responsable qui n'exclut personne et sait rassembler. Nous avons notre vision de l'Europe, de l'Est à la Méditerranée, de l'Atlantique au Sud. Chaque pays membre de l'Union européenne, et aujourd'hui membre de la zone euro, qu'il se situe à l'est ou au sud, qu'il ait subi le joug des dictatures communistes et soviétiques ou celui des dictatures du sud, a sa place au sein de l'Europe. Au nom même de cette histoire, nous n'avons pas le droit d'exclure un pays, un peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) La place de la Grèce est plus que jamais dans l'Europe !
M. Yves Fromion. N'importe quoi ! On est au Guignol !
M. Manuel Valls, Premier ministre. La France a toujours défendu cette position. La convergence n'est pas l'alignement que certains réclament. La France a sa vision propre et elle agit au nom des intérêts de la France et de l'Europe. Elle agira toujours de manière indépendante. Mais la solidité d'une amitié s'éprouve aussi dans l'adversité. Et nous avons fait la preuve de cette unité. Au fond, nous savions que nous devions agir de concert. Le couple franco-allemand doit être équilibré, pour être décidé et ambitieux.
M. Jacques Myard. Il y a un cocu dans le couple !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Il ne peut pas tout il ne dirige pas à lui tout seul l'Europe mais sans lui, l'Europe ne peut rien. Certains d'entre vous, à l'occasion de cette négociation et de ces débats, espéraient la dislocation du couple franco-allemand, pour des raisons de politique intérieure. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. Huées sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Nous avons prouvé le contraire, mesdames, messieurs les députés ! La France ne conçoit son destin qu'au cur de l'Europe. L'Europe, c'est la fierté, la vocation de la France. Elle la défendra toujours !
Un député du groupe Les Républicains. L'Europe, on l'aime !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous voulons, plus que jamais, une Europe forte, volontaire, généreuse. L'époque le réclame. Notre monde est fait de bouleversements, d'instabilité, de menaces. Et la France est à l'initiative.
Elle joue tout son rôle ici, pour l'Europe, et partout où il le faut : au Sahel et en Irak contre le terrorisme, au Moyen-Orient avec la question du nucléaire iranien je salue à cet égard l'action déterminée et le talent de négociateur de Laurent Fabius. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Elle joue encore son rôle pour répondre à l'ultimatum climatique. Partout, ses armées et sa diplomatie s'engagent pleinement : soyons-en fiers, surmontons un instant nos divisions pour le constater.
M. André Schneider. De quoi est-il question ? De la Grèce ?
M. Laurent Furst. Non, de la France qui sauve le monde !
M. Hervé Mariton. Revenez au sujet, monsieur le Premier ministre !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le monde de demain se dessine aujourd'hui, et l'Europe doit choisir : être unie pour compter, ou se désunir et donc s'effacer. Mesdames et messieurs les députés, un travail important reste à accomplir pour mettre concrètement en uvre l'accord.
M. Hervé Mariton. Pour le moins !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Parlement grec se prononcera ce soir ; d'autres doivent le faire dans les prochains jours je pense, bien sûr, au Bundestag. Mais nous devrons aller au-delà : nous devrons avoir le courage, le courage politique, de tirer toutes les leçons de cette crise, pour en faire une opportunité.
M. Pierre Lellouche. Dites-nous plutôt combien tout cela coûtera !
M. Manuel Valls, Premier ministre. J'ai tracé quelques lignes, dégagé quelques pistes la semaine dernière. Le Président de la République a formulé, hier, des propositions en ce sens. Nous avons d'abord besoin d'un véritable gouvernement économique de la zone euro c'est d'ailleurs la position constante de la France au service de la croissance et de l'emploi.
M. Hervé Mariton. Alors au travail !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avons progressé avec l'union bancaire, avec ce qu'on appelle le semestre européen, mais ce n'est pas assez. Il nous faut une coordination accrue de nos politiques économiques, un véritable policy-mix équilibré qui donne toute sa place à une analyse globale de la zone euro : ses forces, ses faiblesses, ses besoins.
Il faut aussi plus de convergence.
M. Hervé Mariton. C'est une chose de le dire, une autre de le faire !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Regardons les choses en face : une même monnaie n'a pas permis à nos économies de converger spontanément.
M. Bernard Accoyer. La fiscalité !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le contraire s'est même produit : ce n'est pas bon, ce n'est pas sain. Nous devons donc avancer dans tous les domaines, économique, fiscal et social, en utilisant tous les instruments à notre disposition : politique de cohésion, pour accélérer le rattrapage économique et social entre États ; plan Juncker ; rapprochement dans le domaine social avec les pays qui y sont prêts je pense en particulier à la question des salaires ; harmonisation et lutte contre les stratégies d'optimisation fiscale.
M. Hervé Mariton. Et les impôts européens ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce sont des sujets difficiles politiquement, mais les différences qui existent abîment l'unité et la stabilité de la zone euro. Nous avons besoin également de nous doter de moyens budgétaires.
Nous avons réussi à mettre en place le plan Juncker en moins de six mois ! Mais nous devrons aller plus loin en mettant en place, dans un second temps, un véritable budget de la zone euro, permettant de financer les investissements spécifiques en matière d'infrastructures, d'innovation, ou encore de capital humain, avec les ressources nécessaires.
M. Hervé Mariton. Voilà votre philosophie : taxer pour dépenser !
M. le président. Monsieur Mariton, laissez M. le Premier ministre s'exprimer !
M. Manuel Valls, Premier ministre. On ne réalisera pas ces avancées, on ne pourra pas engager de nouvelles étapes en matière d'intégration, sans les peuples et leurs représentants. C'est pourquoi il faut impérativement renforcer la légitimité démocratique de la zone euro. Cela concerne l'Europe, bien sûr, car aujourd'hui le Parlement européen n'est pas suffisamment associé aux travaux du semestre européen.
Très concrètement, la recommandation zone euro élaborée chaque année pourrait être transmise au Parlement européen et faire l'objet d'un débat démocratique. En outre, nous devons l'inviter à s'organiser pour que les sujets propres à la zone euro soient davantage pris en considération en tant que tels. Ce n'est pas le cas, et c'est le sens de l'appel, hier, du Président de la République à mettre en place un Parlement de la zone euro. Il faudra aussi associer les Parlements nationaux.
Si nous prenons encore plus de hauteur, cette crise montre combien nous devons reprendre le chantier du projet européen dans sa globalité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Il faudra avoir de l'audace ! Affirmons donc notre vision, notre ambition, car si la défiance, si les populismes prospèrent, c'est aussi parce que l'Europe, depuis près de vingt ans, a perdu de son élan
Mme Nicole Ameline. À qui la faute ? Non mais vraiment !
M. Manuel Valls, Premier ministre. et parce que souvent, l'Europe ne dit pas clairement vers où elle va. Elle a oublié que nous sommes d'abord une culture, une civilisation ; elle a oublié ce que dit Habermas aujourd'hui à propos de la réalité de l'identité européenne. L'Europe a donc besoin de plus d'intégration et de plus de solidarité, pour la protection et la prospérité des peuples. C'est vrai, bien sûr, sur les questions économiques et monétaires ; c'est vrai aussi pour d'autres enjeux je pense aux questions migratoires, où seule une politique commune nous permettra d'avancer, notamment en Méditerranée, et notamment avec l'Afrique, qui doit être plus que jamais la grande priorité de l'Union européenne.
L'Europe, c'est plus que notre continent, c'est plus que la somme des intérêts de nos nations : c'est un message, ce sont des valeurs qui résonnent dans le monde entier. Mais les Européens ne le savent pas toujours, et ne savent pas toujours non plus défendre au mieux leurs intérêts. Nous devons donc nous appuyer sur nos forces, nos talents pour peser davantage sur l'ordre du monde, que ce soit dans le domaine commercial, où l'Union européenne fait figure de géant, mais doit défendre ses intérêts, que ce soit dans le domaine de la culture, où nos industries sont puissantes, mais où nous devons défendre notre exception, ou que ce soit dans le domaine environnemental, où nous faisons la course en tête depuis déjà plusieurs décennies c'est un atout pour la COP 21.
L'Europe ne doit pas avoir peur d'être pleinement elle-même. Elle doit assumer ce qu'elle est, ce qu'elle fait, et l'assumer fièrement. Mesdames et messieurs les députés, vous êtes je crois les premiers en Europe à voter. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Accoyer. Avant même les Grecs !
M. Claude Goasguen. Quelle supercherie !
M. Pierre Lellouche. Sait-on seulement ce que nous allons voter ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Votre responsabilité, c'est d'indiquer le chemin. Et vous serez pleinement associés, si vous en êtes d'accord, monsieur le président, aux prochaines étapes de mise en uvre de l'accord. Face à une crise, le dépit n'est pas une option, seule le mouvement, seul le rebond est la solution. Un poète allemand, Hölderlin, rendant hommage à l'île grecque de Patmos, eut de mots très justes : « là où est le péril, là aussi croît ce qui sauve. » La crise que nous venons de connaître nous permet, si nous le voulons, de faire preuve d'ambition pour l'Europe : alors avançons, continuons d'écrire l'histoire de l'Europe, c'est-à-dire l'histoire de nos peuples. C'est aujourd'hui votre responsabilité.
Mesdames et messieurs les députés, j'ai déjà eu l'occasion d'affirmer, ici, la conviction que même si l'Europe traverse des crises, même si sa situation est difficile, et même s'il y aura encore de nombreux obstacles à franchir, non seulement en Grèce, mais partout, la France continuera à assurer pleinement sa mission dans l'Europe. Nous sommes un grand pays, par notre économie, notre industrie, notre agriculture ; nous sommes un grand pays par notre langue et notre culture ; nous sommes un grand pays, mesdames et messieurs les députés, par nos armées et par notre diplomatie.
Avec le chef de l'État, nous avons démontré au cours des derniers jours que nous sommes un grand pays, parce que nous avons tenu à la fois les deux bouts de la chaîne : conserver la Grèce dans la zone euro, et préserver le couple franco-allemand. Chacun, aujourd'hui, doit faire face à ses responsabilités, et saluer l'action du Président de la République, l'action de la France tout entière, qui a permis de sortir de cette crise. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen, écologiste et radical, républicain, démocrate et progressiste.)
Abandonnons les débats de politique intérieure ! Soyons capables de nous élever au-dessus de ces contingences ! Reconnaissons que la France continue à agir, et que nous sommes plus que jamais un grand pays ! (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste se lèvent et applaudissent vivement. Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)
(...)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, deux d'entre vous au moins m'ont très directement interrogé sur l'association du Parlement à cet accord. Je vais leur répondre brièvement, avant le vote, et réagir sur quatre ou cinq points. Un débat existe, des bancs de M. Chassaigne jusqu'à ceux de M. Jacob, sur la situation politique en Grèce ou, plus exactement, sur la manière de qualifier Alexis Tsipras et sa majorité.
M. Thierry Mariani. Ce n'est pas notre problème !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire tout à l'heure, c'est le choix du peuple grec qui a élu, au mois de janvier dernier, une nouvelle majorité et une nouvelle coalition. Si ce choix a été fait, c'est, sans doute, pour des raisons objectives liées à ce que les Grecs vivaient et, sans doute, à cause de l'absence, depuis très longtemps, de réformes structurelles indispensables au pays.
Et si beaucoup d'entre vous et moi-même venons d'évoquer le courage d'Alexis Tsipras, je pense notamment à Bruno Le Roux, à André Chassaigne et à François de Rugy il y a un instant, c'est en raison de ce moment-là, au nom même d'une éthique de responsabilité qui s'imposait et qui s'est imposée. Je constate que quelques jours après le référendum et un premier Conseil de la zone euro, il est allé dans la nuit de vendredi à samedi dernier, c'est-à-dire avant même le sommet européen, devant le Parlement européen présenter des mesures, annonçant même, et pas parce qu'il avait un pistolet sur la tempe, qu'il soumettrait la semaine suivante nous y sommes ces mesures à son Parlement pour qu'elles entrent en vigueur. Je tenais à le rappeler. Chacun peut ici, au nom de ses sentiments et des ses appartenances politiques, au niveau national ou européen, porter un jugement définitif sur les uns et sur les autres, mais j'essaie de m'interdire, sauf quand évidemment les valeurs fondamentales sont en cause, un jugement sur ceux qui dirigent aujourd'hui le destin du peuple grec. Nous devons, et c'est en tout cas la responsabilité de ceux qui gouvernent la France, à commencer par le Président de la République, dialoguer avec tous ceux qui représentent les peuples de l'Europe, c'est-à-dire au niveau du Conseil.
M. Pascal Popelin. Une attitude d'homme d'État !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Et puis, même si je ne l'ai pas entendu ici, à la vue des propos de certains dirigeants européens, mais aussi de responsables politiques français sur la Grèce comme sur l'Allemagne, propos relayés dans la presse bien sûr, je dis que nous devons faire attention : ce qui devrait nous rassembler, c'est de ne pas accepter une Europe qui se divise ainsi entre le Nord et le Sud. Au nom même de l'idée que nous nous faisons de l'Europe, il n'est pas possible d'accepter une telle désunion. À entendre certains propos tenus (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.)
M. Hervé Mariton. Ce n'est pas clair ! Soyez-le !
M. Manuel Valls, Premier ministre. tout en regardant de façon objective la situation, je m'inquiète de la vision qu'ont certains de la France alors que la position de notre pays a pourtant toujours été constante : la France, vous l'avez dit très bien, monsieur Vigier, a précisément une certaine idée de l'Europe, qui vise à rassembler les fondateurs de la Communauté européenne, devenue plus tard l'Union européenne, permettant d'accueillir et les pays du Sud, et les pays de l'Est. C'est toute la difficulté,
Un député du groupe Les Républicains. C'est mal parti !
M. Manuel Valls, Premier ministre. tout le pari de l'Europe aujourd'hui, avec des niveaux de vie évidemment très différents, avec des histoires nationales qui ne sont pas les mêmes. Mais les choses sont ainsi.
Le meilleur exemple, et ce sera le deuxième point que je veux aborder, c'est le rapport entre l'Allemagne et la France. J'avais déjà eu l'occasion de le dire la semaine dernière et je l'ai répété il y a un instant : je ne comprends pas, et je vous le dis avec la plus grande sincérité, cet acharnement d'un certain nombre d'entre vous à tenter d'expliquer que le couple franco-allemand n'a pas fonctionné en cette occasion et à chercher en permanence à aligner la France exclusivement sur la position allemande. Si la Chancelière Merkel est venue la semaine dernière à l'Élysée et s'il y a eu un accord,
M. Claude Goasguen. C'est elle qui a dirigé la manuvre !
M. Manuel Valls, Premier ministre. c'est parce que, nous le savons tous, l'Europe, au-delà de ses différences, je pense notamment à la presse, aux opinions et aux formations politiques des différents pays, doit avancer avec la France. La Chancelière le sait parfaitement, tout comme le Président de la République. Au-delà des débats, des prises de position des uns et des autres, chacun sait que c'était ainsi qu'il fallait avancer. L'accord de lundi matin a été obtenu parce que la France et l'Allemagne ont travaillé ensemble. Certains peuvent le regretter, mettre en cause cette alliance, mettre en cause la Chancelière, mais reconnaissons aussi que du fait de l'histoire de chaque pays, y compris de la nôtre, il y a des choses qui pèsent parfois plus que d'autres, ce qui explique, certains d'entre vous l'ont rappelé, que les socio-démocrates allemands, lesquels participent au gouvernement actuel, peuvent avoir des positions différentes de celles des socialistes français.
M. Patrice Verchère. C'est sûr, ce ne sont pas les mêmes socialistes !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais je sais que la coalition au pouvoir en Allemagne, incarnée à la fois par la Chancelière Merkel et par le Vice-Chancelier Sigmar Gabriel, était sur une position claire : la Grèce ne pouvait pas sortir de l'euro et il fallait trouver un accord entre la France et l'Allemagne pour qu'elle y reste.
Au lieu d'essayer de critiquer de manière absurde l'action du Président de la République, ceux qui s'opposent à cet accord devraient saluer ce qu'ils demandaient eux-mêmes : la réussite du travail mené en commun par la France et par l'Allemagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) En effet, et cela nous est parfois aussi arrivé, l'opposition à tout prix, l'opposition aveugle qui consiste à critiquer par principe (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains), conduit aujourd'hui votre groupe, monsieur Jacob, à n'avoir pas de position claire et cohérente sur ce qu'il fallait faire. Après vous avoir écouté, je ne comprends toujours pas la position qui est la vôtre sur l'Europe.
Pour ce qui est de l'association du Parlement, Michel Sapin le rappelait ce matin, auditionné notamment par votre commission des finances : comme cela a été fait par le passé, sur la base de la proposition de Nicolas Sarkozy il y a quelques années, oui, le Gouvernement partagera pleinement les informations dont il dispose avec le Parlement et votre commission des finances.
S'agissant du vote sur une déclaration du Gouvernement, vous savez que je suis extrêmement attaché aux institutions de la Ve République. (« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.) Je me permets de vous le rappeler. Par conséquent, nous procédons aujourd'hui à un vote, à l'Assemblée et au Sénat parce que chacun a bien conscience de ce qui est en train de se jouer et du message, comme le disait François de Rugy il y a quelques instants, que la France, et dans deux jours l'Allemagne, doivent envoyer, pas seulement à leur opinion mais à l'Europe entière. À chaque étape, quand le Gouvernement le jugera utile et nécessaire, le Parlement sera informé, consulté et éventuellement appelé à voter. Mais il n'y a pas de mandat impératif. C'est la raison pour laquelle il ne pouvait pas y avoir de vote la semaine dernière.
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur Jacob, que la position du Président de la République a toujours été claire sur le fait que la Grèce ne pouvait pas sortir de la zone euro. Je ne sais pas si c'était la position majoritaire au sein du Conseil européen au vu de la position de plusieurs pays, mais le résultat est là : grâce à l'action de la France, grâce à l'action du Président de la République, la Grèce reste dans la zone euro. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. François de Rugy. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Deuxièmement, monsieur Jacob, le Président de la République a toujours été très clair sur le fait que l'Europe doit fonctionner sur la base du couple franco-allemand et, je vous l'ai déjà dit, de manière équilibrée sur le plan économique d'où les réformes que nous devons mener et sur bien d'autres sujets : je pense par exemple à la question des migrants, qui a fait l'objet d'un texte commun des deux ministres de l'intérieur, et également à l'Ukraine, avec les initiatives prises par le Président de la République et par la Chancelière Merkel, ainsi évidemment qu'à la préparation de la COP21 et aux dossiers qui lient nos deux économies dans le texte signé entre Emmanuel Macron et Sigmar Gabriel. C'est ensemble que nous avancerons. Et les initiatives annoncées hier par le Président de la République, qui concernent l'ensemble des pays de l'Union européenne, partiront aussi forcément d'un dialogue franco-allemand. J'aime l'Europe comme vous car je ne mets évidemment pas en question vos convictions européennes , mais je sais qu'elle doit se construire sur une position équilibrée, pas derrière l'Allemagne, pas en s'alignant derrière la Chancelière Merkel.
M. Claude Goasguen. Personne n'a dit le contraire !
M. Manuel Valls, Premier ministre. À cet égard, je trouve que vous et certains de vos collègues allez parfois bien au-delà des positions mêmes des membres de la CDU-CSU parce que beaucoup d'entre eux, à commencer par leur Chancelière, au nom même de l'histoire qu'a rappelée Roger-Gérard Schwartzenberg, savent que cela passe par un accord entre l'Allemagne et la France. La position de la France exprimée par le chef de l'État a été cohérente, et les résultats ont été obtenus, alors que, permettez-moi de vous le dire, je ne sais pas encore quelle est la position de la droite française.
M. Christian Jacob. C'est plus franc de ne pas nous faire connaître la vôtre !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Faut-il organiser dans le calme la sortie de la Grèce de la zone euro ? L'un d'entre vous l'a dit. Je ne sais pas si Mario Draghi répondait directement à Alain Juppé, mais il a dit, à juste titre, qu'on n'organise jamais le chaos dans le calme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.) Je ne sais pas, monsieur Jacob, si votre position est celle de Nicolas Sarkozy, qui a considéré que le Grèce était de fait sortie de la zone euro, mais je constate aujourd'hui qu'elle n'en est pas sortie, comme d'ailleurs beaucoup d'entre vous le souhaitaient. Je ne sais pas quelle est votre position. Mais aujourd'hui, au nom même de l'éthique de responsabilité que j'évoquais tout à l'heure, je sais que le Gouvernement et une majorité ici claire et nette savent ce que l'on doit à l'action du Président de la République et de la France, avec deux convictions : la Grèce doit être l'objet de notre solidarité tout en assumant ses responsabilités, et l'Europe avance grâce au couple franco-allemand. Voilà ce qui nous différencie, monsieur Jacob : la cohérence, la constance, celle qui est la nôtre, notamment celle du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, ainsi que sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et plusieurs bancs du groupe écologiste.)
M. le président. Le débat est clos.source http://www.assemblee-nationale.fr, le 16 juillet 2015